Bodin - Le Roman de l’avenir/Une discussion

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Lecointe et Pougin (p. 305-330).

XV


UNE DISCUSSION.
Le monde est livré à la dispute.
Écriture sainte.

XV



Une Discussion.

D’après ce qu’on sait de l’association anti-prosaïque universelle, on conçoit aisément que ce n’est point dans des endroits vulgaires, dans des bâtimens modernes et dépourvus de souvenirs, que ses comités tiennent leurs séances. C’est dans des abbayes, des cathédrales, des palais, des châteaux en ruines ou dans de larges cavernes. En Angleterre, par exemple, il y a eu des assemblées dans la caverne, près de Lancaster, dite Dunald mill hole, et au lieu où est ce vaste et pittoresque Cromlech, dit la grande meg et ses filles, monument druidique du Northumberland, formé par d’énormes blocs de grès rangés en cercle, autour d’un bloc de la plus grande dimension.

Cette fois-ci une convocation générale du comité central, composé des délégués de toutes les sections de l’Europe, les appelle à la fameuse caverne connue dans le Derbyshire, sous le nom d’Elden hole ou Poole’s hole à cause d’un brigand nommé Poole qui en avait fait son repaire.

Cette curiosité minéralogique a été adaptée avec un goût merveilleux à la destination qu’on lui a donnée ; tout ce que la nature y étale de beautés pittoresques, d’effets bizarres, y a été non-seulement conservé, mais rehaussé par des accessoires qui le rendent plus saillant. L’entrée n’en est plus basse, étroite et incommode, sans avoir toutefois perdu son ancien caractère sombre, mystérieux et terrible. La petite rivière qui la traversait a été un peu détournée pour n’être pas gênante ; mais elle tombe toujours dans l’abîme qu’on ne peut considérer sans horreur. J’ai presque regret que cette cascade se trouve là, parce qu’on a déjà précédemment vu quelque chose de semblable ; ce qui fait répétition. Mais enfin elle y est, et à l’heure où je parle, elle mugit encore ; il m’est absolument impossible de l’ôter. Au surplus, la pensée des décorateurs a été, dit-on, de laisser une image du gouffre où s’engloutit tout ce qui a été en honneur sur la terre. La riche tapisserie naturelle des brillantes stalactites qui ornent les parois se montre toujours aussi, et l’on a entouré d’une grille de vermeil le pilier qu’elles ont formé comme une gerbe cristallisée, et qui est devenu historique[1] depuis que l’infortunée Marie d’Ecosse, jadis détenue si long-temps dans le village de Buxton, s’est plu à s’y appuyer, pour se livrer à ses mélancoliques rêveries.

Le sol a été recouvert d’un parquet où sont étendus de riches tapis ; des milliers de bougies, se reflétant et dans les stalactites et dans des glaces habilement ménagées, donnent aux assistans la satisfaction de n’être pas éclairés par le vulgaire gaz. Le costume de ceux-ci n’est pas ce qu’il y a de moins remarquable et de moins brillant dans cette singulière assemblée. C’est là que se retrouvent les riches et élégans habits du moyen-âge et de la renaissance, et les amples vêtemens orientaux abandonnés au dix-neuvième siècle, tout resplendissans du luxe des diamans, des pierres précieuses et des broderies. Les femmes qui, suivant l’ancien usage, ne sont admises là que comme spectatrices, y étalent les beaux costumes qui ornaient encore les cours d’Europe, il y a cent ans, et qui se maintiennent toujours dans la plus grande partie de l’Asie.

Le personnel du comité central est, comme on le suppose, formé d’élémens assez disparates ; mais les rangs y sont soigneusement distingués. Des princes souverains s’y trouvent en assez grand nombre, non au même titre que ceux qui figurent au congrès universel. Ils n’y sont pas les délégués des peuples ; mais ils siègent ou par le choix des forts souscripteurs de leurs états, ou en raison des énormes cotisations qu’ils prennent sur leur revenu personnel. Ils occupent les places d’honneur, ainsi que d’illustres chefs militaires condamnés depuis long-temps à une complète inaction.

Après eux siègent des supérieurs d’ordres monastiques avec l’habit de leur règle. Ensuite viennent des poètes, des artistes célèbres et même quelques philosophes.

Personne n’a besoin qu’on insiste ici sur la haute importance de ce comité central, qui est l’une des deux grandes puissances actives de l’univers ; le comité central de l’association civilisatrice, son antagoniste, rassemblé dans ce moment à Vienne, la capitale même de l’Autriche, est l’autre puissance. Le premier des deux a quelque analogie, mais sur une plus grande échelle et sauf une différence radicale dans l’organisation, avec la fameuse sainte alliance qui combattit l’esprit d’innovation politique au commencement du dix-neuvième siècle : le second a la même analogie avec la grande alliance des gouvernemens constitutionnels, qui protégea si efficacement les progrès des peuples.

Si, après avoir traversé d’épaisses haies de gardes à pied et à cheval formés par plusieurs centaines de domestiques en magnifiques habits brodés, nous pénétrons dans l’enceinte mystérieuse des délibérations, nous entendrons plusieurs des orateurs en vogue : en effet, la demande de secours faite par Aëtos, l’empereur des airs, est à l’ordre du jour. La discussion est on ne peut plus animée.

Un beau jeune homme à longue chevelure blonde, dont les boucles se jouent sur son front large et presque radieux, se lève ; à son costume on voit que c’est un prince souverain ; il gouverne, dit-on, un des plus beaux états de l’unité allemande.

« Sires et messieurs, dit-il, toutes les questions soumises à mon examen sont subordonnées pour moi à la grande question philosophique et religieuse. Que d’autres se guident comme bon leur semble ; là est mon pôle : la raison et la foi sont l’aimant à l’aide duquel je chercherai toujours ma voie. Aussi convaincu qu’aucun de ceux qui m’écoutent, de l’action déplorable du progrès matériel de la civilisation, il m’est toutefois impossible de m’associer aux haines aveugles qui enveloppent dans le même anathème ses progrès intellectuels et moraux, ou qui, ne reculant devant aucun moyen de combattre l’industrialisme et l’étroitesse démocratique, accueillent sans scrupule tous les alliés qui se présentent à eux, fût-ce le despotisme, le brigandage ou l’impiété. (Violens murmures au côté droit de l’assemblée.)

» Les murmures qui me répondent de cette partie du comité, prouvent que j’ai touché juste. Oui, messieurs, les alliés qu’on vous propose, ceux qui vous demandent des subsides, sont des despotes, des brigands, des impies. (Bravos au côté gauche.) Et qu’attendez-vous de cette monstrueuse alliance ? Le triomphe de hordes stupides de Tartares, ou de ces femmes sans pudeur qui sous le nom d’Amazones ont organisé pour elles la polyandrie (Chuchottemens de curiosité à la tribune des dames) ; ou de ces despotes asiatiques qui veulent rétablir l’esclavage des deux sexes avec l’ancien islamisme enchaîné au texte du Koran ? Moi, messieurs, je veux sur la terre le triomphe des sentimens généreux, mais non le triomphe de l’injustice ; et je ne suis pas de ceux qui prennent la barbarie pour de la poésie. Que penseraient les ombres de tant de preux chevaliers qui, pendant une longue suite de siècles, versèrent leur sang pour la défense de la foi, des opprimés et du sexe le plus délicat, s’ils voyaient des hommes se prétendant animés de leur esprit, et dont quelques-uns peuvent avec raison se dire leurs descendans, contracter alliance avec les ennemis de la foi chrétienne, de la dignité humaine, de la liberté et de la pudeur des femmes ! Non, messieurs, ce n’est pas là que j’irai, moi, chercher de la poésie et de nobles émotions. Mille fois plutôt la civilisation tout entière avec ses intérêts, ses calculs, sa mécanique monotonie et sa triste uniformité, que de susciter contre elle de pareils ennemis ! Pour moi, messieurs, la vraie civilisation, c’est le complet développement de la plus sublime, de la plus philantropique, de la plus universelle, de la plus morale des vérités, du christianisme. Aidons à ce développement ; combattons sans relâche l’égoïsme et l’amour effréné de jouissances matérielles qui lui font obstacle, et alors nous pourrons faire triompher la civilisation toute religieuse et toute poétique que la providence, je le crois fermement, réserve à ce monde de douleurs et d’épreuve pour que l’humanité passe plus doucement à un monde meilleur. »

Cette tirade accueillie par les murmures d’une partie de l’assemblée qui paraît être en majorité, est saluée par les acclamations de l’opposition, et par les applaudissemens de la tribune des dames. Cette portion de l’auditoire, était, il est vrai, favorablement prévenue pour l’orateur par sa bonne mine, son organe sonore, et l’action pleine de noblesse avec laquelle il s’exprimait ; mais en se prononçant aussi fortement contre la polygamie, il ne pouvait manquer d’enlever les suffrages féminins. C’est ainsi qu’un orateur espagnol a été vivement applaudi pour ce passage. « Au temps où la vérité chrétienne apparut au monde romain, une voix dit : les dieux s’en vont ; plus tard on en dit autant des rois, quand tomba leur pouvoir absolu ; si aujourd’hui l’élite de l’Europe chrétienne s’allie aux tyrans de la plus belle moitié du genre humain, à ceux qui refusant de livrer à sa foi leur honneur et la sécurité de leur amour, la tiennent ignoblement captive sous la garde de hideux geôliers victimes de soupçons atroces, qui ne la jugent capable que d’éprouver et de satisfaire les plaisirs des sens, et non contens de l’opprimer dans cette vie ne lui accordent pas même une âme[2] pour la consoler par l’espérance de la vie à venir ; alors messieurs, on pourra dire : l’amour, ce fils du christianisme et de la féodalité, l’amour s’en va.

L’orateur de la majorité qui a succédé au prince philosophe chrétien, n’était rien moins que le czar de la Russie méridionale. Il s’est bien gardé de s’adresser comme le préopinant à la raison de ses auditeurs. Il ne s’est attaché qu’à soulever leurs passions en les caressant. Il a présenté le tableau le plus sombre de l’état social au point où la civilisation actuelle l’a conduit ; il a fait habilement ressortir l’importance toujours croissante dans le monde, des riches industriels, des savans, physiciens, chimistes, mécaniciens ; il a montré sous l’aspect le plus défavorable, le prodigieux morcellement de la propriété foncière, et l’égale médiocrité des fortunes non industrielles, et l’absorption presque complète de tout le numéraire, au moyen des caisses d’épargne, par la classe laborieuse, et les fruits du grand développement de l’instruction primaire et des salles d’asile, l’idée qu’une si excellente éducation a donnée aux plus pauvres de leur dignité et de leur capacité, le manque de fermiers ou journaliers, laboureurs et vignerons, dans plusieurs parties de l’Europe, l’excessive cherté des domestiques, ou même l’impossibilité d’en trouver dans certaines contrées. Enfin par d’adroites transitions il en est venu à rechercher les remèdes d’une si horrible situation ; il n’en a point vu d’autres pour le moment que l’alliance proposée. Sans approuver tous les actes des auxiliaires qui se présentent contre la civilisation ; il peint de couleurs brillantes leur énergie, leur courage, leurs connaissances dans un art qui, dans d’autres temps, était la plus haute source où les hommes pussent aller puiser la gloire, art qui dépérit aujourd’hui et tombe dans le discrédit et l’oubli, au point, dit-il, que personne n’oserait paraître en public avec un uniforme par crainte du ridicule, et qu’on n’en revoit plus guère que sur les théâtres et dans cette auguste assemblée, ainsi que dans un musée on voit figurer d’antiques armures. (Vifs applaudissemens au banc des militaires.)

» Enfin, sires et messieurs, sera-t-il dit que le temps est à jamais passé des héros, des conquérans, de ces glorieuses et puissantes centralités vivantes des races humaines, que la terre, d’un commun accord, saluait du titre de grands hommes ? Napoléon aura-t-il fermé la liste de ces gigantesques noms qui absorbaient toutes les gloires de ce monde, et verrons-nous désormais l’humanité marcher comme une multitude sans nom ?

Croyez-vous, messieurs, que ce ne fût pas un beau spectacle, que ces immenses masses d’hommes se mouvant sous l’empire d’une seule volonté, au signal d’un seul doigt, et sacrifiant leur liberté, leur pensée, leur vie avec une si complète abnégation ? Croyez-vous que l’humanité se rappetissât, comme disent nos utilistes et nos démocrates, quand elle se livrait à ce noble enthousiasme pour ses chefs, quand elle les suivait avec une confiance si absolue, si aveugle, si fanatique, si vous voulez ? ah ! c’est plutôt l’égalité démocratique et l’égoïsme industriel qui la rappetissent tout en excitant en elle un stupide et impuissant orgueil !

» Pensez-vous que chacun des cinq cent mille soldats, cortège d’un conquérant, qui parcouraient avec lui la terre en renversant tout sous leur passage, ne sentait pas sa propre valeur doublée par l’idée qu’il avait de la valeur de son chef ? Chacun d’eux ne se croyait-il pas plus grand de deux coudées, et n’était-ce pas la cause de l’irrésistible impétuosité de ces torrens d’hommes ? Et voyez-vous de pareils exemples d’exaltation et de dévouement dans ces armées philantropiques qui se battent pour leur intérêt ou avec la prétention plus ridicule de le faire pour le bien de leur ennemi, en obéissant sans entraînement, sans passion, à quelque chef rachitique et impotent qui s’évertue à leur démontrer par qu’il les commande le plus savamment du monde et pour le plus grand bien du plus grand nombre. (Rires et applaudissemens de la majorité.)

» Vous voulez, messieurs, ramener la poésie sur la terre ! et n’en est-ce pas là de la haute et belle poésie qui s’offre à vous ? Ce qu’il y avait de poétique et de grand dans l’islamisme : le pouvoir représenté par le turban et le sabre ; ce qu’il y avait de poétique et de grand dans la guerre : un chef idole de ses soldats et doué de tout ce qui parle à l’imagination, d’un caractère d’acier, d’un génie de feu, un héros dont toute la personne peut passer pour un type de beau et de grandiose ! À ceux qui n’ont pas d’éloignement pour les nouveautés où se montre un côté poétique, je dirai que cet homme dont le nom entraîne des peuplades entières sous ses drapeaux, et lui soumet des territoires immenses, dispose des plus grandes forces qu’on ait encore rassemblées dans l’atmosphère et s’est fait proclamer empereur des airs.

» Et celui-là fait bel et bien la guerre, non cette guerre bizarrement mécanique, dont nos grandes nations industrielles ont donné l’exemple dans ces derniers temps, cette guerre où de longues armées de machines s’étendant l’une devant l’autre sans qu’on y voie figure d’homme qui les fasse mouvoir, se renversent et se détruisent méthodiquement pièce à pièce, jusqu’à ce qu’il ne reste pas morceau de l’une d’elles : après quoi il se trouve de part et d’autre une douzaine de mécaniciens tués ou blessés des éclats de leurs instrumens, tant l’homme civilisé prend de précaution pour garantir sa précieuse vie ; ridicules parodies de la guerre, où l’on croirait voir une mascarade de démons grotesques se moquant de l’espèce humaine. (Rires et applaudissemens au banc des militaires.) Mais il fait la vraie guerre ; la guerre où des centaines de mille hommes se déployant dans l’immensité des plaines, couvrent le sol comme des fourmis et livrent de ces batailles sérieuses, où des milliers de tonnerres éclatant à la fois, sèment la mort avec un fracas qui fait trembler la terre en embrâsant le ciel ; où quand tout est fini ; des escadrons rapides traversent au galop un jonché de morts et de mourans, atteignent les fuyards et, au son des fanfares triomphales achèvent la victoire. (Trépignemens d’enthousiasme.)

» Quand se retrouvera-t-il rien de semblable dans le monde ? N’est-ce pas là peut-être le dernier des grands capitaines ? Je le crains. Et, en attendant, nous laisserons la civilisation poursuivre tranquillement sa marche, couvrant tout de son limon, aplatissant sous son niveau tout ce qui reste des grandeurs du passé, des hauteurs du vieil état social, ainsi qu’elle fait choir sous sa hache la tête superbe des pins et le tronc séculaire des chênes. Et nous, enfans dégénérés de nos pères, nous resterons là les bras croisés à voir s’accomplir l’œuvre de destruction, témoins impuissans et hébétés, ne protestant que par de timides murmures, et nous réservant sans doute avec un courage magnanime pour inscrire une poétique épitaphe sur le tombeau de la société ! »

Cette bombastique péroraison n’a pas manqué son effet. Le portrait d’Aëtos surtout a séduit les imaginations féminines, et des mêmes tribunes qui avaient applaudi le philosophe couronné de la Germanie, partent des applaudissemens frénétiques pour l’orateur impérial. Tant il y a d’inconséquence dans certains esprits et de penchant chez les faibles à se livrer à l’admiration des forts qui les oppriment !

Il est facile de pressentir à l’entraînement d’une grande partie de l’assemblée, quel sera le résultat de la discussion. La majorité est déjà connue. Le langage si explicite du Tzar méridional, laisse à penser qu’il a contracté une alliance sécrète avec l’entreprenant Aëtos, soit par crainte d’un voisin gênant, soit dans l’espoir d’une bonne part aux dépouilles de l’Europe ou de l’Asie. C’est en vain que le Tzar constitutionnel de Pétersbourg parle dans le sens modéré. L’influence du premier sur le comité central s’est fait sentir ; son collègue hyperboréen est éclipsé.

D’autres orateurs, un Français, un Italien, un Suédois, essaient de continuer la discussion. Mais ils ne peuvent réussir à se faire écouter d’une assemblée tumultueuse et distraite. Un Anglais, dont la position sociale est considérable, et qui prétend descendre du duc de Wellington et de la famille Bonaparte, commence en vain un parallèle pompeux entre Aëtos et Napoléon. On n’est frappé que de cette interruption faite d’une voix éclatante par le général des Jésuites : « Et si c’était l’antechrist !

Cette parole jetée ainsi à l’improviste au milieu du comité, produit un effet singulier. D’abord, elle porte dans les ames une sorte de terreur ; et un silence général de plusieurs minutes règne dans la brillante caverne. Mais quelques rires se hasardent, et bientôt la plus grande partie des assistans s’associe à cette manifestation dédaigneuse. Une voix de l’extrême droite ose même crier : Et quand ce serait ! Mais elle est étouffée par les murmures les plus improbatifs, et pendant ce temps, le général des Jésuites est félicité par ses collègues de l’opposition pour le courage de sa chrétienne apostrophe.

On sent toute la portée de cette exclamation dans la bouche de celui qui est regardé comme le chef du vieux catholicisme, et qui se donne pour le successeur des anciens papes, depuis que l’église romaine, en ouvrant son giron aux principales sectes chrétiennes, a dû nécessairement se modifier. La société conservatrice des Jésuites ayant rallié à elle une assez grande partie de la population des campagnes ou se maintient le culte sacerdotal avec tous ses rites et tous ses dogmes, est devenue une puissance spirituelle du premier ordre. L’appel fait par Aëtos, s’adressant non seulement aux passions belliqueuses de toutes les peuplades non civilisées, mais encore au fanatisme de l’islamisme littéral qui est reste fidèle au Koran, et du christianisme romain qui néglige un peu la lettre et l’esprit de l’évangile, on pouvait craindre que les Jésuites ne l’aidassent de leur influence sur leurs dociles adhérens religieux : aussi l’opinion que cette société vient de manifester par l’organe de son chef suprême est-elle d’une grande importance pour la cause de la civilisation.

Cela n’empêche pas qu’on ne vote un immense subside pour Aëtos. Mais on ne pousse pas l’audace jusqu’à lui accorder, ainsi que l’eussent voulu ses plus chauds partisans, un secours effectif en hommes et en matériel de guerre. Toutefois un résultat à peu près équivalent est atteint par la grande quantité de volontaires européens qui, stimulés par l’association poétique, partent de tous côtés pour rejoindre ses drapeaux.




  1. Scotland’s queen’s pillar.
  2. Il faut toutefois reconnaître qu’il existe dans le koran un texte d’après lequel il est promis aux femmes fidèles à leurs maris, qu’elles resteront âgées de seize ans pendant toute l’éternité, et avec cela qu’elles auront d’autres maris que ceux qu’elles avaient sur la terre.