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Bouquets et prières/Croyance Populaire

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Pour les autres éditions de ce texte, voir Croyance populaire.


CROYANCE POPULAIRE.


Prière aux Innocens.


Beaux innocens, morts à minuit,
Réveillés quand la lune luit :

Descendez sur mon front qui pleure
Et sauvez-moi d’entendre l’heure.
L’heure qui sonne fait souffrir
Quand la vie est triste à mourir ;
C’est l’espérance qui nous quitte ;
C’est le pouls du temps qui bat vite !


Petits trépassés de minuit,
Endormez mon cœur qui me nuit.

Pudiques sanglots de vos mères,
Doux fruits des voluptés amères,
Soufflez dans mon sort pâlissant,
De la foi le feu tout-puissant :
La foi ! c’est l’haleine des anges ;
C’est l’amour, sans flammes étranges !

Beaux petits anges de minuit,
Épurez mon cœur qui me nuit.

Fleurs entre le ciel et la tombe !
Portez à Dieu l’âme qui tombe.
Parlez à la Reine des cieux,
Des pleurs qui rougissent mes yeux ;
Ramassez la fleur de la terre,
Qui meurt foulée et solitaire.


Beaux petits enfans de minuit,
Relevez mon cœur qui me nuit.

La terre a sèché mon haleine ;
Je parle et je m’entends à peine.
Écoutez : j’ai perdu l’accent
Du ciel, d’où votre vol descend.
Chantez mon nom seul à ma mère,
Pour qu’il rentre dans sa prière !

Beaux innocens, morts à minuit,
Desserrez mon cœur qui me nuit.

Avant d’être ainsi consternée,
Pâle devant ma destinée,
Je fus un enfant comme vous ;
J’avais le ciel sous mon front doux.
Oh ! changez ma robe flétrie,
Et menez-moi dans ma patrie !


Enfans ! réveillés à minuit,
Déliez mon cœur qui me nuit.

Sur votre jeune aile qui vole,
Élevez ma faible parole :
Il faut que je pleure trop bas.
Puisque le ciel ne m’entend pas.
Mais quoi ? n’entend-il pas la feuille
Gémir, quand l’ouragan la cueille !

Enfans réveillés à minuit,
Apaisez mon cœur qui me nuit.

Dites-moi si dans votre monde,
La mémoire est câlme et profonde ?
Déchirez mon obscurité,
Rayons blancs de l’éternité :
Vous tous qui m’avez entendue,
Répondez-moi ; suis-je perdue !…


Beaux petits enfans de minuit ;
Éclairez mon cœur qui me nuit.

Planez sur les maisons fermées
De nos jeunes sœurs bien-aimées ;
Que les vierges n’entendent pas
Le démon soupirer tout bas :
À minuit, les maisons ouvertes,
Présagent tant de tombes vertes !

Heureux enfans morts à minuit
Éteignez mon cœur qui me nuit !