Brèves apologies de nos auteurs féminins/Lady Jetté

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LADY JETTÉ[1]



Femme de bien par excellence, consacrant sa vie aux œuvres de piété et de charité, et d’une modestie admirable chez une personne élevée comme elle au faîte des honneurs et de la société, lady Jetté était loin de penser qu’elle serait appelée un jour à prendre une place distinguée dans le monde des lettres et à faire une œuvre historique importante. Les circonstances furent plus fortes que son inclination naturelle à vivre dans l’ombre et à fuir la vaine notoriété. À la demande pressante de Monseigneur Bruchési, archevêque de Montréal, elle consentit à compléter les notes qu’elle avait recueillies pour rendre témoignage dans la cause de béatification et de canonisation de la vénérable Mère d’Youville, et à publier, en 1900, sous le titre de Vie de la vénérable Mère d’Youville, le bel ouvrage qui ajoute un éclat particulier à son nom déjà si respecté et si honoré.

Pour écrire la vie d’une sainte femme comme la Mère d’Youville, il convenait de choisir une personne douée d’une âme pieuse, éprise des plus belles vertus chrétiennes telles que pratiquées par la Mère d’Youville, et désireuse de les glorifier dignement. Madame Jetté, dont, la vie d’épouse, de mère et de femme de société fut toujours digne d’admiration, était toute désignée au choix de Monseigneur Bruchési. Il sut si bien insister auprès d’elle qu’il eut le bonheur de voir s’accomplir son désir et celui de son prédécesseur, Monseigneur Fabre.

L’œuvre que Lady Jetté publia fut ce qu’il en avait espéré et il lui en témoigna sa satisfaction dans une belle lettre dont nous détachons le passage suivant :

« J’ai lu ce travail avec soin ; j’en ai été édifié et charmé. C’est une belle et bonne œuvre que vous avez faite, à la gloire de la religion, de la charité et des lettres canadiennes.

« Commencée à Montréal, elle s’est achevée à Spencer-Wood, et il me parait beau de voir sortir de la maison de nos gouverneurs un tel éloge de l’humble Sœur Grise, servante des pauvres, des malades et des orphelins.

« L’éloge est digne de l’héroïne, et tous les cœurs canadiens y feront écho. Mais les filles de la Mère d’Youville surtout, répandus aujourd’hui jusqu’au Nord-Ouest et à l’Athabaska-Mackenzie, vous seront reconnaissantes d’avoir mis dans une parfaite lumière les héroïques vertus de leur fondatrice.

« C’est un chapitre important de l’histoire de l’Église du Canada que vous avez écrit, et qui, mieux que vous, était préparée pour cette honorable tâche ? »

L’éloge qu’en a fait sir A.-B. Routhier dans la préface mérite aussi d’être cité :

« Le récit que Lady Jetté nous fait de la vie de la Mère d’Youville est aussi complet qu’il peut être. Il est suffisamment documenté, bien ordonné, et scrupuleusement fidèle. J’ajoute que l’ouvrage possède de remarquables qualités littéraires. Le style est sans recherche, mais il ne manque pas d’élégance et d’élévation. La phrase est sobre, correcte et d’une clarté irréprochable.

« Les faits sont bien groupés, développés avec méthode et exposés avec la précision qui convient. Pas de rhétorique et surtout pas de déclamation. La narration est simple, sans broderie, parsemée de réflexions justes et d’observations profondes, qui ont pour objet d’instruire, d’édifier et de montrer l’action de la Providence dans la trame des événements.

« La physionomie des personnages et de l’époque est bien dessinée, et les lieux où s’accomplissent les événements sont convenablement décrits. Mais la principale figure du tableau y est toujours en relief, et mise en pleine lumière. Le peintre l’aime et l’admire, et il nous la fait admirer et aimer. »

Madame Jetté a fait suivre la biographie de la Mère d’Youville de l’historique de son institut depuis sa mort, et elle nous en trace le développement prodigieux. Cet historique est aussi des plus intéressants, et nous démontre la merveilleuse fécondité de l’Institut des Sœurs de la Charité, qui à son origine fut si modeste comme toutes les grandes œuvres.

Ainsi donc Madame Jetté, en écrivant ces pages, a associé son nom à ses illustres devancières qui ont successivement écrit l’histoire de nos maisons d’éducation et de charité les plus importantes et à qui la religion et la patrie doivent la plus vive reconnaissance pour avoir mis en pleine lumière les éminentes qualités de dévouement et de charité de notre race dans la personne des fondatrices de ces institutions et de leurs co-servantes de Dieu, et pour nous avoir fait connaître les services inappréciables que ces institutions ont rendu à notre province et à notre pays.




  1. Épouse de sir L.-A. Jetté, ancien lieutenant-gouverneur de la province de Québec, et sœur de l’honorable Laflamme, ancien ministre du Canada.