Brest (Honoré Dumont)/Épître dédicatoire

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Impr. de P.-L. Tanquerey (p. v-x).

À LA PATRIE.

Mère d’un grand Peuple,

Toi, qui vois en moi un de tes enfans les moins favorisés des biens de la fortune ; mais un des plus riches en nobles sentimens, en pensées généreuses, en zèle pour ta gloire et ta prospérité ; ô Patrie ! entends ma voix ! L’influence que tu dois exercer sur la balance politique, la vaste étendue de tes côtes, ton immense population, les intérêts de tes citoyens, les besoins de ton commerce, ta position sur le globe : tout fait de toi une des premières puissances maritimes du monde.

Le sort m’a placé sur un des Départemens les plus importans de ton territoire, sur le principal point qui te sert de rempart contre les attaques de l’Océan et contre les efforts des ennemis, quand ils viennent, au sein des flots, déployer contre toi l’étendard de Bellone.

Une idée patriotique m’a porté à célébrer ce théâtre majeur de tes forces maritimes.

Le soleil était dans le signe des Gémeaux, quand je pris ma lyre, dont les accords devaient chanter ce lieu imposant qui fait l’orgueil de l’Armorique, et qui fixe les regards de la France entière.

Depuis ce temps, cet astre superbe n’est pas encore, pour la deuxième fois, de retour dans la Constellation sous laquelle fut inspiré mon noble projet. Tout imparfait que puisse être mon ouvrage, il est mis en ce moment au jour, pour céder à l’intention bienveillante des personnes qui ont paru désirer d’encourager mes travaux.

Je pense, ô Patrie ! que je ne puis donner ici une plus haute idée de l’importance de tes forces navales qu’en citant quelques lignes d’un discours de l’un de tes citoyens les plus éloquens, les plus fidèles et les plus affectionnés. Voici les paroles de cet immortel orateur. « Les Français marchent aujourd’hui à la tête de la civilisation européenne, et sont intéressés à poursuivre tout ce qui appartient aux progrès des arts et des lumières. Tout les appelle sur les mers, où, malgré nos malheurs passés, nous sommes encore les premiers, après ceux qui en ont la domination ; et à ceux-là mêmes notre armée navale est encore redoutable, parce qu’elle sert de tête de colonne aux armées navales des deux hémisphères.  »[1]

D’après de si grands intérêts, noble Patrie, quels sacrifices ne dois-tu pas être disposée à faire pour ta Marine, afin qu’elle puisse voir l’accomplissement de sa haute destinée !

DUMONT.
Mars 1833.
  1. Le Général FOY. Discussion sur le Budget de la Marine, en Juin 1821.