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Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome I/Séance du 20 décembre 1830

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Séance du 20 décembre 1830.


M. Prévost occupe le fauteuil.

Il est fait hommage à la société des ouvrages suivans :

1° Les deux parties du 1er volume des mémoires de la société d’histoire naturelle de Gorlitz (Abhandlungen der naturforschanden Gesellschaft zu Gorlitz in-8o 1827) envoyés par cette société.

2° Description de quelques lieux de sépulture payenne, près de Zilmsdorf dans la Lusace Supérieure ; par Jean Traugott Schneider (Beschreibung der heidnischen Begrabniss-Plaze zu Zilmsdorf, in-8o, Gorlitz, 1830.

Il est présenté à la Société les ouvrages suivans : 1° Coup d’œil géologique d’une partie de l’Auvergne et en particulier des environs de Clermont par M. C. Th.-Kleinschrod, extrait du 14° vol. de la Hertha, et accompagné d’un profil et de coupes.

2° La fondation du bain de l’empereur Charles, comédie par Henri Cuno, suivie d’une hypothèse sur l’origine des eaux minérales de Carlsbad, de Teplitz et de Marienbad par un baigneur. (Die Grundung Kaiser-Karlsbads) petit in-8o. Karlsbad 1830.

3° Un tableau synoptique des fossiles de la Grande Bretagne, dans lequel toutes les pétrifications reconnues jusqu’ici en Angleterre sont arrangées systématiquement et stratagaphicalement d’après les idées des géologues actuels, et avec l’indication de leur localité, de leur gisement et des figures qu’on en a publiées ; tableau accompagné de la lithographie de la tortue fossile du Musée de Norfolk et Norwich, par Samuel Woodward. (A synoptical table ofbritish organic Remaims) in-8o, Londres, 1830.

On fait remarquer que, dans cette compilation bien faite, l’auteur a oublié de citer les didelphis du schiste calcaire du Stonesfield.

4° Le Bulletin de la société impériale des naturalistes de Moscou pour la moitié de l’année 1830, publication qui a commencé en 1829q. — Cette livraison contient trois mémoires géologiques, savoir : 1" Des observations géologiques sur la Lithuanie, la Volhynie et la Podolie par M. le Professeur Eichwald, esquisse intéressante par les détails que l’auteur donne sur les terrains tertiaires de ces contrées. 2° Une notice sur les bœufs fossiles de Sibérie par M. Fischer qui les divisent en deux espèces nouvelles sous les noms de bos latifrons et bos canaliculatus. 3° Une notice sur quelques coquilles fossiles de Volhymie et de Podolie, etc., par M. Andrzejowski, dans laquelle l’auteur figure et décrit 13 fossiles tertiaires nouveaux M. Deshayes observe qu’il connaît à Bordeaux quelques-uns de ces fossiles, tandis que ceux recueillies en Lithuanie par MM. F. Dubois et Eichwald ont été déterminés par M. De Buch comme offrant la plupart des espèces subapennines (Voyez Archiv. fur Mineralogie, Géognosîe, etc., par le Docteur Karsten, 2° vol. 1er cahier, Berlin, 1830).

4° Les élémens de Géologie et de Géognosie (Grutndzuge der Geologie und Geognosie) de M. Charles César de Leonhard, in-8o, avec 6 planches, 2e édition, Heidelberg, 1831.

L’auteur parle successivement des hypothèses géologique, des rapports généraux de la surface terrestre, des causes et des effets produisant encore des changemens sur le globe, des roches, de leur stratification, de leur position, des filons et des bancs, des fossiles, des roches classées minéralogiquement et divisées en roches composées, simples, arénacées, désaggregées ; de la série géologique des dépôts, et, enfin des terrains divisés en masses normales et anormales.

On signale à l’attention de la Société la coupe des Alpes Bernoises qui a été communiquée par M. Studer à l’auteur du précédent ouvrage.

M. de Beaumont lit un Mémoire sur la direction et l’âge relatif des montagnes serpentineuses de la Ligurie, en réponse à une note de M. Laurent Pareto.

« Dans mes recherches sur quelques-unes des révolutions de la surface du globe (insérées dans les Annales des Sciences naturelles, T. 18 et 19) j’ai essayé de prouver que la révolution qui a établi une ligne de démarcation entre la craie et les terrains tertiaires a été marquée par le redressement des couches d’un système de montagnes qui comprend à la fois les Pyrénées et les principaux chaînons des Apennins dirigés de l’O. N. O. À l’E. S. E.

L’ensemble de montagnes que comprend la dénomination d’Apennins est loin d’être une chaîne d’un seul jet comme les Pyrénées ; on y remarque plusieurs changemens de direction qui, dans mes idées, devaient correspondre à des différences dans les dates des soulèvemens. D’après cela j’ai dû avoir soin d’indiquer ; que je faisais dans les montagnes appelées Apennins, des distinctions et des exceptions, et j’ai dit par exemple, dans une note (p. 299 du T. 18) que, « d’après les observations de plusieurs géologues, et particulièrement de M. de la Béche ; il paraît que, dans les parties qui avoisinent la Spezia et la marche d’Ancône, l’apparition des serpentines est venue déranger les couches depuis le dépôt des terrains tertiaires ; mais que ces faits isolés sont des exceptions à l’état normal des choses dans les Apennins. » Le passage de M. de la Béche sur lequel je m’appuyais était des plus explicites. En parlant des roches serpentineuses de la Ligurie et des dislocations et altérations qu’elles produisent dans les couches secondaires, M. de la Béche ajoute en note (Annales des Sciences naturelles, T. 17, p. 442). « Les couches tertiaires perpendiculaires accompagnées de lignite à Caniparola, qui semblent marquer l’époque où les montagnes de Massa-Carrara se sont élevées, peuvent aussi correspondre avec l’apparition des serpentines et es euphotides. » En lisant ce passage, et en écrivant celui que j’ai rappelé en premier lieu, je pensais que les roches serpentineuses de la Ligurie ayant cela de commun avec celles des Alpes occidentales que leurs dernières convulsions ont disloqué les couches tertiaires, elles devaient leur être exactement contemporaines ; comme leur voisinage seul aurait pu porter à le croire ; conformément à l’esprit dans lequel l’ensemble de mon mémoire est rédigé, j’imaginais, d’après cela, que s’éloignant sous le rapport des phénomènes de direction, comme sous celui de leur date, de ce que j’appelais l’état normal des choses dans les Apennins, les masses serpentineuses de la Ligurie s’aligneraient à peu près du N. N. E. au S. S. O ; comme j’ai indiqué que cela arrive pour les masses serpentineuses des Alpes occidentales (Annales des Sciences naturelles, T. 18, p. 400.)

Ce dernier point de vue vient de m’être confirmé d’une manière aussi heureuse qu’inattendue par l’extrait d’une lettre de M. Laurent Pareto, de Gênes, à M. Boué, qui est inséré dans le 4e cahier du Journal de Géologie, p. 378, avec une carte et une coupe géologique.

Il résulte en effet des observations de M. Pareto, qu’en général, surtout d’Alassio à la rivière du Ponent jusque plus à l’E. de Gênes, on trouve que cette direction de la stratification va du S. S. O. au N. N. E., et qu’elle est en conséquence presque perpendiculaire à la direction de la chaîne des Apennins et à celle d’une partie des collines subapennines. Il paraît probable, ajoute cet habile géologue, que les dépôts fracturés l’ont été dans le sens du S. S. O. au N. N. E. et que ce n’est qu’une réunion ou une suite de soulèvemens partiels qui a concouru à former la chaîne de l’Apennin qui se trouve dans le pays de Gênes. L’inclinaison de couches secondaires est souvent très-considérable, et le terrain à fucoïdes surtout présente les contournemens les plus bizarres. Au nombre des dépôts inclinés se trouvent quelques lambeaux d’un nagelfue ou poudingue tertiaire. M Pareto ajoute encore que. la plus grande partie des terrains tertiaires est en couches horizontales, ce qui confirme que cette horizontalité n’est pas sans exceptions.

La serpentine qui est la roche massive à l’apparition de laquelle on peut principalement attribuer la dislocation des couches, est disposée en énormes masses (surtout à l’O. de Gênes) qui, s’étendant dans le sens du S. S. O. au N. N. E., coupent presque à angle droit la ligne générale du partage des eaux et constituent parfois dans les diverses sinuosités que fait cette ligne, une partie de cette même chaîne centrale.

Cette direction S. S. O. N. au N. E. diffère à peine d’une manière appréciable de la direction S. 26° O. au N. 26° E. que j’ai indiquée comme étant celle de l’alignement général des masses serpentineuses qu’on observe dans les montagnes dont les eaux coulent vers les hautes vallées du Pô, de la Doire de Suze, et de la Doire Baltée par exemple, autour du mont Viso, au mont Genèvre, aux environs de Suze, de Cogne, du mont Cervin (Annales des Sciences naturelles, T. 18, p. 400.)

La comparaison de la carte de M. Pareto, avec la petite esquisse que j’ai jointe au mémoire que je viens de citer rendra l’analogie encore plus frappante. Il me semble difficile de se refuser à voir, dans la sortie de toutes ces masses si semblables et si semblablement disposées un seul et même phénomène.

Relativement à l’époque de la dernière convulsion des montagnes de la Ligurie, M. Pareto ajoute, au fait déjà connu et cité plus haut, de la verticalité des couches tertiaires de Caniparola, celui de l’inclinaison des couches tertiaires de Portofino, et de la vallée de la Serivia.

Il annonce en même temps, il est vrai, que des fragmens de serpentine se trouvent dans les couches mêmes les plus anciennes des dépôts tertiaires, et il en conclut que la serpentine était formée et se montrait à la surface de la terre avant que les terrains tertiaires fussent déposés ; toutefois il n’affirme pas que depuis cette époque les serpentines de la Ligurie n’aient produit dans le sol de cette contrée aucune nouvelle convulsion. Pourquoi en effet n’en aurait-il pas été des roches serpentineuses comme des roches granitiques, trapéennes et volcaniques qui, souvent dans un même lieu, ont souvent éprouvé des convulsions et fait éruption à la surface à diverses époques successives très-éloignées les unes des autres. Les galets serpentineux trouvés dans les couches tertiaires ne détruisent donc pas les raisons directes qu’on pourrait avoir pour croire que la principale et la dernière convulsion des masses serpentineuses de la Ligurie est postérieure aux dépôts des lignites de Caniparola et de Cadibona, et à celui des couches tertiaires de Portofino et de la vallée de la Scrivia. Or ces raisons ne se réduisent pas aux dislocations que présentent ces couches et qui seraient déjà un fait assez embarrassant dans l’hypothèse de l’antériorité absolue des serpentines. Je suis d’abord conduit à supposer une date plus récente aux dernières convulsions des serpentines de ces contrées par la seule considération de la direction suivant laquelle les masses serpentineuses s’alignent entre elles ; et cette présomption devient pour moi très-forte lorsque je remarque sur les cartes de Raimond que depuis la Superga, près Turin, où les couches tertiaires sont redressées dans une direction voisine de celle des serpentines, jusqu’à la rivière du Ponent, la surface fortement accidentée du terrain tertiaire présente une série de grandes ondulations dirigées du S. S. O. au N. N. E., et c’est-à-dire dans un sens parallèle aux accidens de stratification qui, sur le littoral, caractérisent le voisinage immédiat des masses de serpentine, et auxquels participent les petits lambeaux tertiaires qui subsistent encore dans le voisinage. Cette direction générale des crêtes tertiaires de l’Astesan est d’autant plus remarquable qu’elle est exactement perpendiculaire à celle qu’ont tendu à produire les eaux qui sont descendues de la chaîne du Ponent pour couler vers le Pô.

La grande hauteur qu’atteignent les dépôts tertiaires sur le flanc N. O. des montagnes de la rivière du Ponent, tandis qu’ils manquent presque complètement sur le flanc opposé qui est baigné par les eaux du golfe de Gênes est aussi un fait très-remarquable. Si l’enfoncement demi-circulaire du golfe de Gènes avait existé à l’époque du dépôt des terrains tertiaires de l’Astesan, il en aurait été rempli et il présenterait aujourd’hui des plateaux tertiaires de niveau avec ceux de l’Astesan. Il devrait tout au moins offrir comme le golfe de Lyon, et comme la mer Adriatique une ceinture de dépôts tertiaires faiblement tourmentés et bien différens des très-petits lambeaux argilo-sableux qui remplissent quelques dépressions très-peu élevées au-dessus de la mer, à Gênes, à Sestridi-Ponente, à Arenzano, à Savone, à Finale, à Albenga. Cette répartition si différente, et cette inégalité de hauteur des dépôts tertiaires sur les deux flancs de la chaîne du Ponent me semble prouver à elle seule que depuis le dépôt de ces mêmes terrains le relief de ces contrées a subi d’énormes changemens.

On pourrait encore mentionner ici la circonstance que les eaux minérales d’Acqui, comme celle d’Aix en Provence, sortent du terrain tertiaire, ce qui semble indiquer qu’a Acqui, comme in Aix, le terrain tertiaire a été accidenté postérieurement à son dépôt.

D’après cet ensemble de considérations, il me semble difficile de ne pas admettre que le terrain tertiaire de l’Astesan existait au moment où le système des Alpes occidentales, dans lequel les serpentines jouent un rôle si important, a pris son relief actuel, et que c’est alors que ce dépôt a reçu en grande partie l’élévation inégale et souvent très-grande qu’il présente au-dessus des mers de la période actuelle. Les derniers mouvemens des masses serpentineuses des Alpes et de la Ligurie entre lesquelles les ondulations du sol tertiaire de l’Astesan établissent une sorte de lien, auraient ainsi été postérieurs au dépôt de la mollasse coquillière de la Provence et de la Suisse, mais antérieurs cependant au dépôt de transport ancien des départemens de l’Isère et des Basses-Alpes auxquels correspondent probablement certains dépôts marins très-récens de la Sicile, et même de quelques parties des collines subapennines.

Je ne puis terminer cet article sans m’excuser, en quelque sorte de m’avancer avec tant de chances défavorables sur un terrain dont M. Pareto s’occupe depuis long-temps avec autant de succès, que de zèle ; mais cet habile géologue ayant fait, pour la combattre ensuite, une application locale de mes idées contre laquelle j’avais protesté d’avance dans la note que j’ai transcrite en commençant, je me-suis trouvé heureux de rencontrer dans les intéressantes observations qu’il vient de publier, la plupart des matériaux nécessaires pour cette explication. »

M. Constant Prévost lit des observations sur un mémoire de MM. Buckland et de La Bêche, sur la géologie de la baie de Weymouth, esquisse lue le 16 avril 1830 à la société géologique de Londres.

Ces savans ont trouvé entre les couches de Purbeck et de Portland un lit de terre noire à cailloux du calcaire portlandien, et à troncs silicifiés de conifères et de types de cycadoïdes. Ces végétaux gisent là, suivant ces messieurs, comme dans une tourbière, plusieurs sont encore droits, d’autres ont crû, et leurs troncs sont placés dans le calcaire supérieur.

M. Prévost proteste contre l’induction tirée de la position des troncs d’arbres d’après laquelle les racines de ces derniers sont encore dans leur sol végétal. Il admet volontiers qu’une terre découverte peut être plongée dans la mer, en sortir de nouveau, et y être replongée pour devenir enfin un continent ; mais il ne croit pas que cette explication soit appliquable au cas précédent. D’abord cette prétendue terre végétale peut avoir été entraînée par les eaux. Parmi les troncs d’arbres observés, un seul est bifurqué à son extrémité inférieure, où il a été usé de manière qu’il est privé de véritables racines. D’un autre côté, si les troncs d’arbres droits sont dans cet argile noirâtre bitumineuse, ils reposent sur le calcaire inférieure, et d’autres traversent le lit précédent dans une position couchée ; M. Prévost pense que cette argile a été formée par sédiment et peut-être de la terre végétale transportée : si cette dernière supposition était véritable ou aurait là un exemple d’une terre végétale antérieure au grès vert, ce qui ne doit nullement étonner, la terre végétale pouvant appartenir à toutes les époques.

M. de Beaumont oppose à l’idée de M. Prévost que ce lit argileux contient des cailloux angulaires qui n’ont pas l’air d’avoir été roulés et appuie sur la position verticale des troncs.

M. Prévost donne pour preuve que c’est un sédiment par la structure feuilletée de cette argile, son peu d’épaisseur et l’étendue de ce banc qui s’étend jusque dans le Sussex et même le Boulonnais.

M. de Beaumont ajoute qu’une partie de cette terre végétale peut avoir été enlevée, et que le reste ayant éprouvé une grande pression n’occupe maintenant qu’un petit volume. Il rappelle à cette occasion le cas des arkoses, dépôt arénacé de plusieurs âges qui n’a eu lieu que dans des endroits où des surfaces granitiques découvertes ont été décomposées et recouvertes ensuite de différens dépôts ; de manière qu’il s’est établi un passage apparent des granites aux arkoses. »

Le reste de la séance est occupé par la fin de la discussion du règlement administratif.