Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome I/Séance du 7 mars 1831
N° 5. ─ MARS 1831
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M. de Blainville occupe le fauteuil.
Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, le président proclame membre de la Société M. le docteur Truman à Londres, présenté par MM. le docteur Roberton et A. Boué.
On passe à la correspondance.
M. Girardin, professeur de chimie industrielle, à Rouen, écrit pour faire rectifier l’orthographe de son nom dans le Bulletin.
M. Zuber-Karth, président de la Société industrielle de Mulhausen, annonce que cette Société accepte l’échange de son Bulletin contre celui de la Société géologique, et il envoie en même temps le N° 8 de ce Bulletin. Ce cahier contient un intéressant mémoire sur la géologie des environs de Mulhouse, et les sondages qu’on y a entrepris et qui ont fait connaître la disposition du sol alluvial. Ce travail est dû à M. Édouard Kœchlin.
La même Société adresse le prospectus d’une Statistique générale du département du Haut-Rhin publiée par la Société industrielle de Mulhausen ; 1 vol. in-4o. avec une carte géologique.
Il est présenté à la Société les N° 6 et 7 du Journal de géologie, contenant les mémoires suivans : Réfleions sur les eaux minérale, par M. Ch. Daubeny ; sur les chaînes et les volcans de l’Asie, par M. de Humboldt ; sur quelques points géologiques ; près de Meissein et de Hohnstein, par M. Weiss ; sur les ossemens humains découverts dans certaines cavernes du midi de la France, par M. Marcel de Serres ; Notice sur Fuchsel et ses ouvrages, par M. Christian Keferstein ; Description des environs d’Oravitza, par un ingénieur autrichien ; Esquisse du milieu de la Pologne, par M. Pusch ; sur le mischio de Serrovezsa, etc. ; par M. Savy ; Description de quelques mines de la Transylvanie occidentale ; Description des mines de Dentsch-Gladna, par M. J. Huber.
M. Boué met sous les yeux de la Société les trois espèces que M. le docteur Bronn a distinguées dans les fossiles confondus par M. de Schlotheim, sous le nom de pecten salinarius, et provenant du calcaire alpin ammonitifère des dépôts salifères de Hallein, en Salzbourg, et de Hallstadt et d’Aussée, en Autriche :
Ce sont : 1o le monotis salinaria, espèce la plus commune ; et proprement le pecten salinarius des auteurs ; 2o le monotis inœquivalvis, espèce la plus rare ; et 3o l’halobia salinarium.
M. Boué, conformément à l’art. 15 du chapitre II du Réglement, remet au président les propositions suivantes :
1o Que la cotisation de 500 fr. envoyée par M. ’Sedgwick soit placée en bons sur le Trésor royal ; que cette mesure soit étendue aux cotisations semblables qui seraient remises à la Société jusqu’en 1837, et que jusqu’à cette époque le trésorier ne puisse diminuer annuellement chacun de ces placemens isolés que de la somme de 50 fr.
2o Que le Conseil soit consulté sur la fixation des conditions à remplir par des ex-membres de la Société qui désireraient rentrer dans son sein, après avoir cessé d’être portés sur la liste des membres.
2o Que, conformément à l’article 12 du chapitre II du Réglement, le Conseil soit appelé à s’occuper des questions de géologie dont la discussion en séance publique serait jugée utile par la société.
4o Qu’on utilise la présence de M. Reboul à Paris pour discuter à fond la question si intéressante de la succession véritable des dépôts tertiaires dans les départements de l’Hérault et de l’Aude.
Les trois propositions sont renvoyées au Conseil.
Sur la quatrième, on décide qu’il serait plus convenable d’engager M. Reboul à présenter sa la Société ses idées dans un mémoire.
M. le docteur Roberton présente à la Société quelques coquilles qu’il a recueillies dans le terrain prés du temple de Sérapis, dans la direction du temple de Neptune, et au niveau des traces de coquillages perforans qui existent sur les colonnes du premier temple. Ces coquillages sont sub-fossiles et n’appartiennent qu’à des mollusques existant encore dans la méditerranée : ce sont le spondylus gœderopus, la cythœra decussata une arca taragona (Pos.) et une chama gryphoïdes (L.). Ils sont rapprochés par M. de Blainville des coquillages du cap de Saint-Hospice, près Nice.
M. R. expose ensuite la manière dont il s’explique les accidens de cette ruine. Comme MM. de Jorio, Forbes et Lyell, il suppose que le temple a été détruit, rempli de matières volcaniques, abaissé sous le niveau de la mer, et postérieurement rehaussé ; il cite à l’appui de son opinion les portions d’édifices qui sont encore sous l’eau, et il reproduit l’objection que la temple n’a jamais pu être construit dans la position où il est actuellement, c’est-à-dire si près de la mer, et à un pied sous le niveau des hautes eaux.
M. Underwood ne croit pas devoir adopter cette explication, et il trouve surtout une difficulté insurmontable dans les perforations de coquilles lithophages qu’on remarque sur un tronçon de colonne gisant horizontalement sur le plancher du temple : or, ces derniers trous forment non seulement une ligne horizontale sur la surface extérieure, mais se prolongent encore à travers les deux bouts de ce tronçon. Il montre à la Société des coquilles lithophages recueillies dans ces dernières cavités.
M. de Blainville reconnait aisément que ce sont de véritables modioles lithophages (mytilus lithopagus. L.)
M. Roberton rapporte que les guides placent des coquilles dans les trous pour tromper les voyageurs. M. Boué fait observer que ce tronçon de colonne n’est pas dans sa situation originaire, et qu’il n’occupe cette place que depuis le déblaiement du temple ; ainsi, en supposant qu’il gisait autrefois au niveau des perforations des colonnes qui sont encore debout, le fait n’aurait rien d’extraordinaire.
M. de Blainville appuie sur la nécessité de ne pas confondre les trous faits par des lithodomes avec ceux des pholades, animaux assez rares dans la Méditerrannée, chaque genre d’animaux lithophages ayant une forme particulière de loge. Il ajoute qu’on lui a montré comme des perforations de coquillages lithodomes dans le calcaire qui constitue les Basses-Alpes, le long de la corniche, et aux environs de Nice des trous qui lui paraissent dus à la décomposition de la roche.
Sur la proposition de M. de Blainville, la continuation de la discussion est remise à la prochaine séance, et M. Prévost est chargé de faire des recherches à cet égard.
M. Boué lit un mémoire intitulé Description de divers gisemens intéressans de fossiles dans les Alpes autrichiennes.
Le dépôt coquillier à Gosau avait, depuis les observations de MM. Keferstein et Lill, piqué d’autant plus vivement ma curiosité que ses fossiles semblaient promettre un point de départ pour le classement du système du calcaire alpin. De plus, MM. Partsch et Keferstein, ainsi que moi, nous avions observé des roches semblables dans plusieurs autres points des Alpes d’Autriche et du Salzbourg. Je résolus donc, en 1829, de visiter soigneusement toutes les localités connues de ce dépôt, et de voir s’il était lié au système salifère des Alpes, et s’il appartenait au sol tertiaire ou secondaire. Ce projet a été complètement exécuté, à l’exception du point de Lunz, que je n’ai pas revu. Par un hasard heureux, MM. Murchisson et Sedgwick ont traversé, vers la fin du même été ; le Salzbourg, et, avertis par M. Lill, ils ont porté leur attention sur la vallée de Gosau, ce qui a donné lieu non seulement à une controverse entre ces messieurs et moi, mais encore à un second voyage de M. Murchison, en 1830.
Ayant discuté dernièrement la valeur zoologique des roches en question, je ne m’occuperai dans les notes suivantes que de leur position, de la description de leur nature, de leurs accidens et de
leur étendue géographique.Hallein est situé au pied de la montagne salifère le Durrenberg, et sur la rive occidentale de la Salza. En montant aux mines de sel par le chemin des piétons et en entrant dans les galeries inférieures, l’on voit clairement se succéder de bas en haut et avec une inclinaison assez forte au S. E. : 1° des assises marneuses alternant avec des grès marneux gris contenant des impressions du fucoïdes (F. intricatus et furcatus), et quelquefois à stratification ondulée ; 2° une grande masse de calcaire gris jaunâtre, blanchâtre, qui devient çà et là siliceux ou contenant des nodules de silex corné, forme de grands escarpemens et qu’on a traversés en partie dans la galerie la plus inférieure ; 3° des marnes grises et rougeâtres avec du gypse compacte et fibreux et du sel le plus souvent disséminé ; 4° des masses de calcaires compactes magnésiens non stratifiés et non coquilliers en partie et en masses verticales. Comme tous ces dépôts paraissent reposer sur une surface fort inégale, il n’est pas étonnant de retrouver les assises fucoïdes au N. du mont salifère et sur le chemin de voiture qui conduit de Hallein au Durrenberg. Les impressions y sont abondantes, et les couches inclinent assez fortement. Ces mêmes masses marneuses occupent une grande épaisseur dans les hauteurs au N. de Hallein, et les rochers calcaires de Bernstein, maintenant isolés et d’une forme bizarre, semblent n’y former que des amas. Le calcaire interposé entre ces roches et le dépôt salifère ne paraît pas avoir offert jusqu’ici de fossiles distincts dans la mine, ni à côté de la galerie inférieure ; mais il en contient beaucoup au S. E. et N. O. du sol argilo-salifère, savoir dans les hauteurs appelées Wallbrunn et Madlkopf d’un côté, et Egelskopf, Rasmerhohe et Ramsaukopfel, de l’autre. Le mont Wallbrunn est connu depuis long-temps par ses amas de bivalves de plusieurs genres (Monotis et Halobia), et confondus ensemble par M. Schlotheim, sous le nom de Pecten salinarius. Il y a aussi des térébratules qui sont, d’après M. Lill, plutôt dans le calcaire grisâtre, tandis que le fossile précédent est dans une roche blanchâtre. Au Ramsaukopfel, le calcaire rougeâtre est rempli çà et là des fossiles suivans : de petites orthocères, des ammonites, des encrinites, des térébratules et d’autres bivalves ; une univalve voisine des cérithes ou des turritelles ; différens polypiers et, d’après M. Lill, des avicules et des bélemnites. Auprès de l’église de Durrenberg, il y a aussi une masse de ce calcaire rouge ammonitifère. M. Boué entre ensuite dans des détails sur les observations qu’il a pu faire dans l’intérieur des mines de sel de Hallein, dont les galeries inférieures montrent évidemment la superposition du dépôt salifère sur le calcaire. Il passe après cela à la description de la distribution des dépôts énumérés dans les environs de cette localité. Il parle de la composition des montagnes sur le côté opposé de la vallée de Salza. Il raconte les observations qu’il a pu faire dans la vallée de la Lamm, située entre celle de la Salza et Gosau, et en extrait la coupe suivante qui montre que le dépôt récent de Gosau se prolonge dans la première vallée.
Très près de Tauzberg, sur le côté sud de Lamm et dans le petit ravin appelé Taubensulzengraben, des marnes gypsifères grises et rougeâtres sont couvertes de couches faiblement inclinées et composées de marne rouge et noirâtre alternant avec des grès impressionnés à calamites et fucoïdes palmés. Ces roches renferment des lits de marne noire assez bitumineuse pour être appelée brandschiefer, et contenant des bivalves et des univalves turriculées, calcinées. La partie supérieure de ce dépôt est occupée par des marnes calcaires fétides brunâtres, à parties végétales et à coquillages, et enfin par des agglomérats à fragmens de calcaire alpin et à débris de polypiers. Sur les lieux, je n’ai pas vu la possibilité de séparer les roches coquillières d’avec les gypses que d’autres circonstances pourraient néanmoins rattacher à des dépôts plus anciens.
Le bassin elliptique de Gosau est environné de montagnes élevées de
calcaire alpin ; au-dessus, s’élèvent les crêtes sauvages du
Steingebirge, qui font suite au Tannengebirge ; au nord, sont le
Brettkopf, le Nieder-Callenberg et le gros Rossenkogl ; à l’est, le
Hohe-alpen-berg, le Modereck et les montagnes à l’ouest des mines
salifères de Hallstadt ; enfin, le côté occidental de notre vallée est
le seul qui soit bordé de montagnes moins élevées et moins escarpées.
Les montagnes d’Aslau Winkel, de Zwiselberg et de Hennerberg,
lient cette dernière crête avec le Steingebirge, sans s’élever
à la hauteur de cette dernière chaîne qui se présente le plus près
qu’on en puisse approcher comme une immense muraille surmontant
les sommités précédentes. Au nord de Hennerberg, la crête
occidentale de Gosau s’abaisse jusqu’au col de Gschitt, où elle se
réunit au Russberg.
Les eaux de la vallée de Gosau n’ont d’issue que par la profonde crevasse, le Rettengraben, qui va du village inférieur de Gosau au lac de Hallstadt ; mais il y a lieu de croire que jadis elles s’écoulaient par le col de Gschitt, et qu’un vaste lac occupait le bassin de Gosau et communiquait avec celui de la vallée de Lamm. Les raisons pour cette opinion sont tirées de la formation en apparence récente de la lente actuelle d’écoulement des deux lacs dans la partie supérieure de la vallée, des traces de la hauteur ancienne du niveau de ces derniers, enfin du prolongement des dépôts récens de Gosau dans la vallée de Lamm par le col de Gschitt.
Toutes les montagnes énumérées comme enclavant notre bassin, sont composées de calcaire alpin inférieur, à l’exception des montagnes surmontant les mines de sel de Hallstadt. Ce calcaire est généralement. compacte, blanc grisâtre ou blanchâtre, gris foncé dans le Steingebirge et çà et là rougeâtre. Les fossiles y sont surtout apparens dans le voisinage du sel.
Le voisinage de ce dernier et des dépôts récens et coquilliers de Gosau avait fait attribuer à ces derniers un âge beaucoup trop ancien. C’est le doute à cet égard dans l’esprit de MM. Partsch, Keferstein et Lill qui m’engagea à examiner en 1829 soigneusement cette contrée.
Le terrain problématique occupe des deux côtés de la vallée une suite de montagnes ou seulement de crêtes, et se voit même dans le fond de la vallée, soit dans les torrens, soit dans une petite éminence près du village supérieur de Gosau. Sur le côté oriental, il occupe principalement le mont Ressenberg, tandis qu’il forme la plus grande partie des montagnes à l’ouest de la vallée, et le pied des crêtes calcaires qui bordent son côté septentrionnal. L’examen de ce dernier me parut l’étude la plus propre a m’assurer de la position des roches à Gosau à l’égard du calcaire alpin. Ces pentes des montagnes sont sillonnées de l’est, à l’ouest, par sept ravins.
Au haut du grand ravin appelé Kreutzgraben, l’on voit distinctement le calcaire alpin compacte gris brunâtre, recouvert par un agglomérat grossier rougeâtre, à fragmens de calcaire alpin et inclinant au sud sous 25 à 30°. Dans un point, la dernière roche paraît avoir rempli une fente presque verticale à parties spathisées. On peut suivre cet agglomérat sur les bords de ce profond ravin, et vers le milieu de son cours, qui a peut-être une demi-lieue. On remarque dans cette roche plus ou moins grossière des couches de 20 à 30 pieds de grès marneux compacte gris, à parties argileuses grises noirâtres, et à impressions de plantes qui me semblèrent terrestres et monocotylédones, ainsi que des grès gris clairs à débris de coquilles. Supérieurement à ces assises, il y a dans ces agglomérats des grès rougeâtres à fragmens calcaires et des marnes ; et l’on y remarque ça et là des fragmens de polypiers, et peut-être même des nummulites et des débris de coquillages. Toutes ces couches plongent évidemment au-dessous des assises puissantes de marne argileuse grise et coquillière qui sont à la sortie de ce ravin. Cette dernière à une apparence tout-à-fait tertiaire, et ses escarpemens rappelleraient ceux de la marne subapennine, si les roches de Gosau étaient un peu plus tendres, et si l’on n’y voyait pas des nodules et des bancs de calcaire marneux endurci, ou même de marne arénacée. Les fossiles y sont indistinctement dans les parties dures ou tendres. Les uns sont simplement calcinés : dans ce cas, sont les nombreuses bivalves et univalves, tandis que les polypiers et les hippurites sont pétrifiés.
Les polypiers comprennent les genres suivans : Cariophyllia, Cyclolites (Fungia discoïdea, radiata et unduluta Goldfuss), Fungîa, Astrea (A. formosa, agaricites, concinna, striata et reticulata Goldfuss), Meandrina (M. Agaricites Goldf.), Agaritia, Litbodendron (L. granulosum Goldf.), Diploctenium (D. cordatum Goldf.), ï Ceriopora, Anthophyllnm Goldf., Turbinolia (B. cuneata et lineata Goldfuss).
Les mollusques sont des genres suivans, d’après les collections du comte Munster, et de MM. Sedgwick et Murchison, Deshayes ( et la mienne : Dentalium, Serpula, Teredo, Solen, Mya, Anatina, Crassatella, Corbula, Lucina, Cytherea, Venus, Astarte, Venericardia, Cardium, Isocardium, Pectunculus, Nucula, Trigonia (T. scabra Lam.), Pecten (espèce très-voisine du P. quinque costatus), Plicatula, Gryphæa (G. columba, d’après M. le comte Munster), Ostrea, Catillus, Exogyra, Terebratula, Cucullæa, Calyptræa, Melania, Melanopsis ?, Auricula, Natica, Nerita, Trochus, Cirrus, Turritella, Nerinea, Fusus, Cerithium, Rostelleria, Pleurotoma, Nassa, Mitra, Voluta, Volvaria, Hippurites.
M. Boué rend compte de la suite des couches dans les autres ravins, et de celles qui surmontent les marnes argileuses coquillières, et qui forment les montagnes sur le côté ouest de la vallée de Gosau.
Des marnes noirâtres à petits filons spathiques succèdent aux marnes coquillières, et l’inclinaison générale au sud dévie très-faiblement. Plus haut, viennent des alternats de marne grise et rouge, de grès marneux et de calcaire marneux compacte gris de fumée. Quelques-uns de ces grès offrent des traces de gros fucoïdes. À une plus grande hauteur, succèdent des calcaires marneux gris-clair presque horizontaux, ressemblant au planer kalk, offrant des catillus et des débris de poissons, et alternant avec des grès marneux fins, servant de pierre à aiguiser. Le pied de la sommité du Brunnkopf offre des alternats horizontaux de marne grise et de grès compacte gris et assez grossier, et la cime est composée de marnes calcaires rosâtres, rouges et grisâtres. Par leur inclinaison au sud, ces roches passent sous celles de la partie tout-à-fait supérieure du mont Hennerkogl, où l’on remarque des marnes grises, des grès fins et des agglomérats calcaires fins. Plus au sud, s’élèvent tout à coup de hautes montagnes de calcaire alpin contre les couches inclinées duquel les dépôts pendans viennent se terminer. Le contact immédiat est caché ; mais à peu de distance des murailles du calcaire alpin, un ravin effroyable et à pic montre à découvert toutes les couches supérieures des roches plus récentes, et au pied du mont Zwiselberg, qui est composé de calcaire alpin, l’on trouve, à quelques pas de ce dernier, des alternats de grès marneux et d’agglomérats calcaires, en partie à débris de polypiers et à nummulites.
M. Boué passe à la description des montagnes sur la côte orientale de la vallée de Gosau. Il dit quelques mots sur les très-petits amas d’une espèce de craie alluviale ou de limon calcaire, exploité dans la montagne de calcaire alpin, appelée Ebenkogl ; enfin, il donne la coupe suivante très-claire du mont Bessenberg.
Le mont Ressenberg est entièrement arénacé ; en y montant
par le ravin du Frauhofgraben, l’on remarque, à l’entrée de la
gorge, des alternats de marne rouge et grise, et plus haut un grand
système de marnes grises ou grises-bleuâtres, inclinant faiblement
au sud et renfermant des bancs de grès marneux. C’est, en un mot,
les mêmes roches que dans l’Igelbach, ravin près du Kreutzgraben,
et les fossiles y sont tout aussi abondans. Les catilles, les inocérames,
les gryphées, les huîtres, les trigonies, les cucullées, les panopées,
ont surtout été trouvées dans ce lieu. Il y a au milieu de ces roches
de faibles tracés de lignite, et M. Partsch y cite une résine fossile.
Vis-à-vis de l’escarpement coquillier situé sur le côté sud de la gorge, l’on trouve au-dessus de ces roches des couches de grès, gris plus ou moins calcaires et endurcies. Elles sont appliquées contre le calcaire de la montagne brisée du Leitkopfkogl, et elles paraissent en être séparées comme ailleurs par des agglomérats rougeâtres qu’on trouve dans le ravin du Sattelgraben.
Un peu plus haut et au sud, exactement au-dessus des roches coquillières, sont des carrières très-considérables où l’on fabrique des pierres à aiguiser. Les exploitations offrent de bas en haut des alternats de grès marno-calcaire gris avec de la marne grise brunâtre ; ce sont les pierres à bâtir, tandis que les pierres à aiguiser sont prises dans une vingtaine de couches de grès marneux gris à grains plus ou moins fins, et alternant avec de la marne calcaire compacte et grise. Chacun de ces lits de grès a 1 à 1 1/2 ou même 5 pieds de puissance, et ils renferment des débris nombreux de végétaux peu reconnaissables ; je n’ai pas cru y observer des fucoïdes, mais des plantes terrestres.
La gorge du Brillgraben se divise en deux branches ; en remontant celle qui est à l’ouest, l’on arrive au pied d’une haute muraille de calcaire alpin, escarpement appartenant au Leitkopfkogl et appelé Brillwand. Dans ce lieu on voit, de la manière la plus évidente, la partie supérieure du dépôt arénacé du Ressenberg reposer en couches horizontales sur le calcaire alpin incliné. Ce lieu n’est pas loin des carrières et surtout d’un chalet (le Schemetzcepelhutte) au haut du ravin de Sattelgraben, mais des précipices à pic empêchent d’examiner les points du contact.
En allant des carrières à pierre à aiguiser à Vorgruben ou au pied du Modereck, on se trouve bientôt sur une espèce de plateau mamelonnée et assez boisé. Près du lieu appelé Vorgruben, à environ une demi-lieue des carrières, on trouve des rochers considérables d’une brèche calcaire très-compacte et à pâte blanchâtre ou rosâtre. Les fragmens sont du calcaire alpin, et ils sont si fortement cimentés, qu’on croirait ; au premier abord, que ce n’est pas une brèche. Ces roches ressemblent, au reste, aux brèches à hippurites de l’Untersberg, et elles forment des couches inclinées au sud-est sous 15 à 20° et dans un endroit au sud-ouest. D’après ses rapports de position avec un agglomérat calcaire rouge et un grès grisâtre et rougeâtre, la brèche à l’air de surmonter ces dernières roches ; puis en allant à l’est on la trouve recouverte, dans la partie de montagne appelée Schwarzkogl, des couches suivantes presque horizontales, savoir : du calcaire marneux gris, du calcaire arénacé rougeâtre, du grès marneux gris à impression, du grès marneux gris jaunâtre, de la brèche calcaire compacte et rougeâtre, d’un agglomérat calcaire plus grossier, d’un calcaire arénacé gris, de la brèche calcaire gris clair, de l’agglomérat à fragment de calcaire alpin rouge et à calcaires nummulites, et du grès marneux à particules ou traces de lignite ; cette dernière roche s’étend jusqu’au ruisseau de Kaunbrundle et incline faiblement au sud-est. En deçà du ruisseau, au nord et à l’est, on ne voit plus que du calcaire alpin compacte gris blanchâtre ou rougeâtre, et il paraîtrait même que cette roche ressort au milieu des couches horizontales précédentes ; le calcaire rouge et gris à silex et à polypiers forme ainsi au nord-ouest le haut escarpement rougeâtre appelé Hohe Kamm ou Rothe Wand ; et la pente orientale du vallon de Brillgraben.
Les rapports de position des brèches calcaires et des grès exploités sont difficiles à établir ; néanmoins d’autres localités des Alpes montrent que ces roches occupent la base du système ; or, dans la vallée de Gosau il y en a au fond de la cavité à Ober-Gosau. Doit-on donc superposer les brèches en question aux pierres à aiguiser, ou supposer que le pied des monts Modereck ont offert aux débris du calcaire alpin une pente si douce ou même un plateau, où ils ont pu s’accumuler en partie, tandis que d’autres fragmens ont été roulés jusqu’au fond de l’espèce de mer de ce temps-là. On pourrait encore se demander si les soulèvemens doivent avoir contribué à cette position des brèches.
Si les Alpes de Gosau ont été soulevées postérieurement à la formation du dépôt récent, ce mouvement n’aurait guère dérangé les couches de ce dernier, si ce n’est sur un point entre le pied des monts Henner-Kogl et Ebenkogl, où il y a des couches presque verticales, mais il est possible que ce soit un accident local. Partout ailleurs les couches seraient encore dans leur position primitive, à moins qu’on ne veuille regarder l’inclinaison de 25° des agglomérats du bord nord de la vallée comme incompatible avec la présomption qu’il n’y a pas eu de dérangement.
La vallée de Gosau étant séparée des mines de sel de Hallstadt par de hautes montagnes calcaires, on a lieu de s’étonner qu’on ait jusqu’ici confondu deux dépôts aussi différens que nos roches coquillières et celles qui près du sel offrent des ammonites, des nautiles, des encrines en morceaux, des orthocères, des halobies (Bronn), des térébratules, des bélemnites, des échinites, etc. Cette erreur paraît être provenue de ce que tous les géologues peu nombreux qui ont visité la vallée de Gosaul y sont descendus des mines de Hallstadt, et ont conclu que les roches coquillières de Gosau appartenaient au calcaire salifère et alpin, parce qu’elles paraissaient à un niveau inférieur au calcaire alpin supérieur au sel, et qu’elles semblent de ce côté faire corps avec la masse de ce calcaire. L’étude des Alpes est si difficile et si fatigante, qu’on doit bien excuser de pareilles erreurs. D’un autre côté, les environs des mines de sel d’Aussée et d’Isohel ont été citées comme offrant quelques-uns des fossiles caractéristiques des roches de Gosau, tels que les cyclolites et plusieurs polypiers et même des coquillages calcinés. Pour vérifier cette idée, j’ai étudié, aussi soigneusement que je l’ai pu, les localités en question, et je me suis assuré que le dépôt de Gosau n’était pas présent sur le côté occidental de la vallée qui va du lac de Hallstsdt à Ischel ; mais il se retrouve au S. E. d’Alt Aussée.
M. Boué entre ici dans beaucoup de détails de géographie géognostique, et résume ainsi ses idées.
En combinant nos observations faites sur les montagnes entre Aussée et Ischel, il nous semble que le calcaire alpin y forme une cavité à surface irrégulière sur laquelle se sont venus placer le grand système des marnes et des calcaires à fucoïdes avec des amas salifères, et ensuite ces dernières roches ont été couvertes par de puissantes assises de calcaire alpin qui forme maintenant des sommités pelées et blanchâtres (Sandling, Rosenkogl) dans cette espèce de bassin. Cette manière de concevoir la position des dépôts rend compte des inclinaisons opposées du système salifère à Aussée et Ischel, et des niveaux différens, et des inclinaisons variées observées entre ces deux points dans les affleuremens des roches à fucoïdes ou des masses salifères. Enfin l’examen des environs au nord d’Aussée ne m’a pas laissé de doutes que les fossiles particuliers a la vallée de Gosau et à d’autres dépôts semblables ne se trouvaient pas dans cette contrée, ou du moins n’y étaient pas dans le calcaire alpin, quoique les roches associées avec le sel, ou qui lui sont inférieures offrent, soit dans le haut du grand Zlanbach, soit dans le Lupitsch-bach, des pétrifications et surtout des polypiers qui peuvent induire, au premier abord, en erreur. Cependant ces fossiles sont la plupart de grands et beaux polypiers empâtés dans le calcaire alpin, tels que des Astrées, des Fungites, des Pavonies, des. Monticulaires, des Cariophyllées ou Lithodendron (Goldfuss), des Cnemidium (G), des Anthophyllum (G). Leurs espèces paraissent toutes ou en partie différentes de celles de Gosau, et je ne crois pas qu’il existe dans le calcaire alpin d’Aussée des Cyclolites et de Méadrines, Quant aux autres fossiles, il n’y en a pas à ma connaissance de calcinés, ils sont très-peu nombreux. Je doute même fortement qu’il y ait des placunes, et les pétrifications si caractéristiques à Gosau, ces cérithes, ces nérinées, etc., manquent complètement dans le calcaire alpin d’Aussée, où l’on peut être aisément induit en erreur par les paysans, qui vendent des fossiles du pays.
Cependant je dois ajouter qu’il y a entre les pétrifications du calcaire alpin et celles du calcaire à hippurites du grès vert et du dépôt de Gosau des ressemblances de genres ou de familles ; Ainsi je crois m’être assuré, soit entre Lofer et Saint-Johann, soit à Golling dans le Salzbourg, soit sur le bord du lac de Hallstadt vis-à-vis de Hallstadt, que des fossiles voisins des hippurites (si ce n’est identiques avec ces derniers) se rencontrent dans le calcaire alpin. Des Dicéras se voient aussi bien dans le calcaire alpin, vis-à-vis de Hallstadt, et dans celui de Rossmoos, près d’Ischel, que dans le calcaire subordonné et à échinidées au grès vert du Grundten, en Bavière ; des bivalves voisines des pinnes ou des catilles existent dans le calcaire marneux de Rosmoos, des bords du lac de Hallstadt et dans le grès sous le sel de Hallein.
Si l’on pouvait admettre dans le dépôt de Gosau l’absence des ammonites et des bélemnites, on aurait ainsi un caractère zoologique très-tranché entre ces roches et le calcaire alpin ; or en Autriche ce serait, à une exception près, le cas ; mais, d’un autre côté, la liaison des roches de Gosau avec le grès vert pourrait ailleurs détruire même cette différence zoologique.
La lecture de ce mémoire donne lieu à une discussion sur la valeur géognostique qu’on doit attribuer à la présence des orthocères, des bélemnites et des ammonites.
M. de Blainville, étonné d’entendre parler de véritables orhocères
dans le sol secondaire du calcaire alpin, demande que
ce point soit bien constaté, comme il paraît qu’on l’a fait pour
les bélemnites dans une assertion contraire ; il demande, en effet,
pourquoi les bélemnites n’auraient pas pu vivre pendant l’époque
intermédiaire ? On lui répond que les orthocères sont associés,
dans ce cas, avec des bélemnites et des ammonites, et que de
plus on observe parmi ces dernières deux espèces (Ammonites
conybeari et A. hensloii) jurassiques, et que le calcaire qui les
renferme est au-dessus de masses puissantes calcaire et arènacées
qui contiennent des bélemnites.
M. de Roissy ajoute que M. de la Bèche a décrit une orthocère
dans le lias ; et on en a cité même dans la craie. Le point
principal est la détermination des espèces ; car les mêmes genres
de fossiles se trouvent souvent dans des formations très-différentes.
M. Boué observe que, si les déterminations de M. Schlotheim étaient exactes, il y aurait dans le calcaire à orthocères des Alpes deux espèces d’orthocères (O. flexuosus et O. regularis), qui existeraient aussi dans le calcaire de transition des bords de la Baltique et de l’Eifel. La réunion de ces fossiles avec les bélemnites y constituerait une anomalie aussi grande que la présence des plantes du terrain houiller ancien dans le lias des Alpes de la Savoie. Il ajoute que, d’après le même auteur, le spongites favus et l’hippurites mitratus seraient dans le même cas ; mais, d’après les citations des figures, ces indications méritent confirmation.
Quant aux bélemnites, MM. de Beaumont et Dufresnoy observent à M. de Blainville qu’on ne peut pas citer une seule localité de bélemnites, qui soit dans un terrain incontestablement de transition.
Tous les endroits où l’on croyait jadis trouver des bélemnites intermédiaires sont des points dont le classement est encore très-douteux, ou qui ont été reconnus même pour appartenir à des terrains secondaires ; tels sont, par exemple, Bex et la Tarentaise.
M. Miller limite les bélemnites entre le lias et le sol tertiaire ; mais on fait observer qu’il n’a parié que des bélemnites de l’Angleterre.
M. Boué remarque aussi que M. de Schlotheim ne cite point de bélemnites intermédiaires, et il ajoute qu’il croit avoir observé une bélemnite dans le Muschelkalk, sur le bord occidental du Thuringenwald, entre Vasungen et Hildburghausen.
La présence des ammonites dans le terrain intermédiaire est remise en question par plusieurs membres ; celles indiquées dans les Ardennes par M. Poirier de Saint-Brice sont des évomphales. M. Boué rappelle cependant l’ammonites primordialis de M. de Schlotheim, et les planulites du calcaire intermédiaire de Hof, près de Baireuth, en Bavière, dont il mettra des échantillons sous les yeux de la Société.
M. Prévost, à l’occasion des mélanges des fossiles tertiaires et secondaires de Gosau et des orthocères avec les bélemnites, insiste pour qu’on ne perde pas de vue la possibilité des mélanges de fossiles de diverses époques au moyen du charriage, il cite à l’appui de son opinion le cas du calcaire tertiaire de Valmondois. Il demande même si la plupart des fossiles tertiaires n’ont pas été portés hors de la place où les animaux ont vécu.
M. Boué ajoute à l’exemple donné par M. Prévost les suivans : savoir, les fossiles jurassiques et du lias existant dans certains minerais de fer du grès vert ; des fossiles semblables associés avec des pétrifications crayeuses ou tertiaires, et des ossemens de quadrupèdes dans quelques minerais de fer en grains déposés pendant l’époque alluviale ancienne ; les hippurites roulés au milieu des coquilles du grès de Gosau ; les fossiles crayeux et intermédiaires des bords de la Baltique dans le sol alluvial de l’Allemagne septentrionale ; enfin, les gryphées arquées, trouvées déjà à trois reprises différentes dans deux localités de l’argile subapennine de l’Italie (Pienza en Toscane et le Parmesan). Dans ce dernier cas, le charriage de ce fossile ancien est mis hors de doute par la pâte du lias qu’il renferme, et ce gisement est d’autant plus curieux, que le calcaire à gryphées arquées n’existe que dans des pays éloignés.
M. Prévost reconnait que son idée n’est pas applicable aux deux mélanges à propos desquels il a présenté son observation, parce que la pâte des roches et des fossiles est la même.
M. de Blainville appuie sur la fausse idée des points d’attache attribués trop généralement aux polypiers ; il y en a, au contraire, un grand nombre de libres, comme on l’a bien reconnu récemment : ainsi, lorsqu’on trouve des corps organisés de cette classe, il ne faut pas se hâter de supposer qu’ils ont été roulés.
La fin de la lecture du mémoire de M. Boué est renvoyée à la séance prochaine.