Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome II/Séance du 19 mars 1832
M. Brongniart occupe le fauteuil.
Après la lecture et l’adoption du procès-verbal de la dernière séance, le président proclame membres de la société :
M. le chevalier Perrève, ancien sous-préfet, présenté par
MM. Cartier et Boué.
M. Pissis, membre de la société du département de la Haute-Loire, présenté par MM. Delcros et Rozet.
M. Hœninghaus annonce à la société qu’il lui envoie pour ses collections une suite de pétrifications choisies du calcaire de transition des environs de Gerolstein (Eiffel).
M. Teissier donne quelques nouveaux détails sur la caverne de Miallet ; il confirme de plus en plus son opinion sur la non-contemporanéité des ossemens humains et des ossemens de mammifères d’espèces perdues, s’accordant avec M. Desnoyers sur les circonstances qui peuvent avoir occasioné cette réunion dans les mêmes cavernes. M. Teissier annonce que les objets d’art et une partie des ossemens de cette caverne ont été achetés par la ville de Nimes.
M. Verger écrit pour engager la société à ne pas oublier Nantes dans la désignation qu’elle fera des lieux où elle pourrait tenir des séances extraordinaires.
M. Bertrand-Geslin adresse à la société 164 échantillons
de roches et 130 échantillons de fossiles, savoir : en roches,
20 échantillons des terrains secondaires jurassiques de l’Angleterre,
y compris le Purbeckstone ; 21 échantillons de la
vallée de Predazzo en Tyrol, 9 échantillons d’Agordo,
11 échantillons des Apennins de la Ligurie, 4 échantillons
de Rome, 6 de Naples, et 2 de l’Istrie ; 17 échantillons du
sol intermédiaire de la Bretagne, 11 échantillons du sol secondaire
de la Basse-Vendée, 21 échantillons des environs
de La Rochelle et de l’île d’Aix, 9 échantillons des dépôts
quaternaires de la Loire-Inférieure, 10 échantillons du sol
ancien des Pyrénées, 13 échantillons de la Provence
Aix, etc.), 2 échantillons de Moutiers, et 5 d’Entrevernes ;
en fossiles, 14 échantillons de Castelgomberto, 17 de Ronca,
62 des collines subapennines, 1 poisson de Sinigaglis, 2 échinidées
et une ammonite de la craie du Vicentin, 2 gryphées
colombes de Castellane et de La Flèche, 1 gryphée de Barbezieux,
une douzaine de fossiles jurassiques de la Basse-Vendée,
1 ammonite du lias de Digne, et 1 autre de Lyme
Regis, 3 fossiles jurassiques d’Angleterre, 1 nummulite du
lac du Bourget, 2 nummulites de Menton en Ligurie, enfin
8 fossiles intermédiaires de Bretagne.
La société reçoit les ouvrages suivans :
1° De la part de M. Vander Maelen, le premier volume du Dictionnaire géographique de la province de Liège, précédé d’une fragment du mémorial de l’établissement géographique que ce savant a fondé à Bruxelles. 1831, in-8o avec 8 pl.
2° De la part de M. Michelin :
A. Une lithographie contenant plusieurs espèces nouvelles de coquilles fossiles des terrains des environs de Paris, provenant de sa collection.
B. Le Rapport fait à la société d’encouragement pour l’industrie nationale, au nom d’une commission spéciale, par M. Mallet, sur le ciment découvert à Pouilly en Auxois (département de Saône-et-Loire.) Paris, 1829, in-8o de 22 pages, avec 1 planche.
3° De la part de M. Defrance, sa Coupe générale des environs de Paris, d’après la géographie minéralogique, de MM. Brongniart et Cuvier. Paris, 1813.
4° Le No 15 du Mémorial encyclopédique et progressif des connaissances humaines.
5° Le No 9 (septembre 1831) du Bulletin des sciences naturelles et de géologie.
6° Le No 40 des Mémoires de la société d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Aube.
7° La première livraison du tome 5 des Actes de la société linnéenne de Bordeaux.
8° Les No 15 et 16 de l’Européen.
M, Boué fait hommage à la société des 44 premiers N° et du No 176 du Journal des mines.
M. Boué donne aussi le prospectus des Mémoires géologiques et paléontologiques qu’il publie en ce moment, et dont le premier volume a déjà paru.
M. le professeur Jameson annonce que le numéro d’avril de son Journal philosophique contiendra un nouveau système de minéralogie proposé par M. L. Necker, et voisin de celui qu’il a adopté depuis quelque temps. On a découvert, en pratiquant une route sur la crête du château d’Édimbourg, que la butte trappéenne supportant le fort s’élève en culot circulaire du milieu des grès secondaires anciens, et que ces derniers sont contournés dans le voisinage de la roche ignée. Les couches arénacées semblent plonger en général sous le trap qui les coupe.
M. Daubeny annonce une seconde édition de la Carte géologique d’Angleterre de M. Greenough.
M. Reboul envoie un Mémoire sur le synchronisme des terrains tertiaires inférieurs ; il compte le faire suivre d’un autre sur la chronologie des soulèvemens, et promet l’envoi d’échantillons du terrain tertiaire des côtes du Languedoc.
Il annonce en même temps qu’on a trouvé récemment un tibia du Paleotherium magnum dans le calcaire marin inférieur de Pézenas (département de l’Hérault), ce qui serait, suivant lui, une nouvelle preuve de la relation d’âge de ce dépôt avec le calcaire grossier de Nanterre.
M. Keferstein écrit à la société qu’il lui adresse, par voie de librairie, les ouvrages suivans : 1° les 21 cahiers de son Journal (Teuschland, etc.) ; 2° ses tableaux de géognosie (Tabellen der geognosie), in-4o, 1824 ; 3° ses observations sur les basaltes ; 4° plusieurs petites brochures et revues d’ouvrages.
Il témoigne le vif intérêt qu’il prend aux travaux de la société, et lui offre ses services.
Le premier cahier du huitième volume de son Journal contiendra une géognosie systématique de l’Allemagne et des pays environnans, pour servir de base à une géologie générale, dans laquelle il s’attachera surtout à la morphologie des couches et à la détermination de la formation et de l’époque d’origine des roches plutoniques.
M. Boué présente à la société les ouvrages suivans :
1° Un coup-d’œil géologique sur la partie sud de la Forêt-Noire (Geognostiche Uebersicht der sudlich. Schwarzwaldes), par M. P. Merian ; in-8o de 270 pages, avec une carte géologique. Bâle, 1832.
2° Le second volume des résultats des voyages entrepris
pour l’histoire naturelle et l’économie agricole (Ergebnissen
meiner natur histor. ─ Okonomisch. Reisen), par M. le
docteur H.-G. Bronn, in-8o de 686 pages, avec 4 planches.
Heidelberg, 1832.
3° Les formations tertiaires d’Italie et leurs fossiles (Italiens tertiar-Gebilde, etc.), par le docteur Bronn, in-8o de 176 pages, avec 4 planches. Heidelberg, 1831.
Ce ne sont que les six derniers chapitres de l’ouvrage précédent ; il est fâcheux qu’il n’y ait pas ajouté celui qui traite de la géologie générale de l’Italie, car ou aurait eu ainsi l’ensemble de la partie géologique de ses voyages.
4° Les cinq numéros du Journal périodique irrégulier publié depuis 1819, en Suède, par M. W. Hisinger, sous le titre de : Remarques sur la physique et la géognosie de la Suède et de la Norwége (Anteckningar i physik och geogonosi under resor uti Sverige och Norrige).
Le premier cahier (in-8° de 112 pag., publié en 1819) contient : 1° la description géologique générale de la Daléçarlie ; 2° celle du Jemtland, avec quatre profils et une table de hauteurs. Le second cahier (in-8° de 90 pages, publié en 1820) est rempli par la description du Hergedalen en Norwége ; avec un profil et trois tables de hauteurs barométriques. Le troisième cahier (in-8° de 103 pages, qui a paru en 1823) contient un voyage à travers le Westmanland et Wermeland en Norwége, des détails sur la géologie et la végétation des environs de Christiania et de Holmestrand, un voyage à Vang et Mjosen depuis Christiania, et un autre de Vang aux montagnes Dovrefjeld et de Sneehatten. Ce volume est accompagné d’une carte, d’un profil des montagnes de Dovrefjeld et du Sneehatten, d’une coupe des couches près de Dramsfjord, d’une figure d’un fossile et de trois vues du mont Sneehatten,
Le quatrième cahier (in-8° de 258 pages, qui a paru en 1828) renferme sept mémoires, savoir : sur le Westmanland, le Nerike et le Sudermanland ; sur le bassin du lac Weren ; sur les montagnes de Skara et de Elsfborg en Wermelan (avec une carte géologique et une coupe coloriée) ; sur l’Ostrogothie ; sur les montagnes du Smaland ; sur la Scanie (avec un profil et cinq figures coloriées), et des figures de graptolites ; sur Oeland (avec une planche de fossiles, tels que des térébratules ? et encrines ; sur Gothland avec une carte géologique et trois planches de fossiles, tels que : Leptœna (L. rugosa et euglypha), Gypidia (G. conchydium), Delthyris (D. crispa et cardiospermiformis) Mytilites, Atrypa (A. Prunum), Terebratula (T. bidentata et cuneata), Ammonites, Orthoceratites (O. cendulatus), Helicites (S. centrifugus), Turbinites, Turritelles, Sphœronites (S. Pomum et granatum), Phacites (P. Gotlhlandicus).
Le cinquième cahier (in-8° de 174 pages, 1831) est consacré à des articles additionnels sur les divers pays de la Suède et de la Norwége décrits dans les cahiers précédens. Parmi ces dix-sept articles, on remarque une description nouvelle du sol intermédiaire de la Dalécarlie et de ses fossiles, un tableau de la végétation du Dovreljeld et du Sneehaetten, une notice sur la géologie du Gestrikland, sur la botanique du Westmanland, sur le grès intermédiaire du Nerique, sur les fossiles de l’Ostrogothie et de la Westrogothie, sur les roches trappéennes de cette dernière province, sur la géologie du Smaland, un article sur les environs de Goteborg et de Bohuslan, dans lequel on trouve une liste des coquilles alluviales fossiles d’Uddevalla, de Skallerod, de Trollhattan et de Tisselskoy, ainsi que des détails sur des enchevêtremens du granite et du gneiss, entre Skallerod et Ejsts, un article sur les coquilles alluviales fossiles de Dalsland, des notes diverses sur les roches porphyriques et crayeuses de la Scanie, l’indication de quelques fossiles intermédiaires dans l’ile d’Oland, une liste de ceux de l’île de Gothland, arrangées d’après leur gisement géologique ; une énumération des roches de Gothland, le tableau de quelques hauteurs barométriques mesurées en Suède et en Norwége ; enfin, une table générale des matières des cinq cahiers par noms de localités. M. Hisinger y a joint un tableau général des formations de la Scandinavie, dans lequel les dépôts sont partagés en neptuniens et plutoniques, mis en regard les uns avec les autres, et il a ajouté des noms de localités à chacune des divisions des formations.
Il ne faut pas confondre ce recueil avec celui que M. Hisinger a fait paraître sous le titre de Mémoires sur la physique, la chimie et la minéralogie (Afhandl. i Phisik, kemioeh Mineralog.)
5° Le premier volume de l’ouvrage de M. Léonhard sur les
d’une douzaine de planches (voyez Bull., t. 1, p. 45).
M. Boué rend compte à la société de la seconde édit. du Manuel de géologie de M. de la Bèche, et il fait observer que l’auteur s’occupe encore un peu trop exclusivement de l’Angleterre ; ainsi, dans son article sur le sol tertiaire, il est à regretter qu’il ne donne pas une idée de la constitution géologique de chaque bassin européen, et qu’il s’arrête sur certains dépôts, tel que le crag, ou sur certaines localités, comme sur Londres et Paris, tandis que le grand terrain subapennin inférieur est indiqué trop succinctement.
Malgré les améliorations qu’ont éprouvées ses listes de fossiles distribués géologiquement, on doit regretter qu’il ait admis trop facilement les déterminations de M. Marcel de Serres pour le sol tertiaire, et celles de M. Ziéten pour le lias et les oolites inférieures.
La partie qui traite des roches anciennes lui paraît aussi laisser quelque chose à désirer.
Enfin, en terminant son article sur les soulèvemens du globe tels que les conçoit M. de Beaumont, l’auteur a ajouté l’observation curieuse qu’en Angleterre il y a trois directions de soulèvemens arrivés à des époques très différentes, et néanmoins parallèles entre elles, et courant de l’est à l’ouest. Ce sont : 1° le soulèvement qui a redressé les couches de l’île de Wight, après le dépôt de l’argile de Londres ; 2° le soulèvement d’une portion de grauwacke du Devonshire et des roches carbonifères des Mendip et de la partie sud et du pays de Galles, qui a eu lieu avant la formation du grès bigarré ; 3° enfin, le soulèvement de la grauwacke du midi de l’Irlande antérieur au dépôt du grès pourpré intermédiaire.
M. Puzos offre à la société le modèle en plâtre d’un scaphite remarquable dont le dessin lithographié est joint au Bulletin, et au sujet duquel il lit la note suivante :
« Ce fossile a été trouvé près de Senez, département des Basses-alpes,
par M. Melchior Yvan, naturaliste zélé, qui a bien voulu
me l’envoyer en communication. J’en dépose aujourd’hui pour la
collection de la Société un modèle en plâtre.
« Je ne connais aucune description, aucune figure, qui présente réunies les singularités du fossile de M. Yvan. M. Phillips, dans ses Illustrations of the geology of Yorskshire, donne la figure (pl. I, fig. 30) d’une coquille enroulée d’abord sur elle-même, et puis projetée en avant, mais sans courbure à son extrémité. Ce fossile est dans la collection de M. Bean, qui, dans un manuscrit cité par M. Phillips, lui donne le nom de hamites Philipsii.
« Le Hamites Philhpssï a été trouvé sur la côte du Speeton, dans une couche d’argile qui supporte immédiatement la craie ; cette couche est regardée par M. Phillips comme appartenant au Gault. Suivant M. Élie de Beaumont, il y a des terrains crétacés inférieurs aux environs de Senez, et il est probable que le fossile de M. Yvan en provient.
« Les figures des espèces nouvelles publiées par M. Phillips n’étant accompagnées d’aucune description, j’ignore les motifs qui ont déterminé M. Bean à placer parmi les hamites le fossile de l’argile de Speeton. Celui des environs de Senez me paraît réunir les principaux caractères assignés par M. Sowerby au genre Scaphite, et je propose de lui donner le nom de scaphites Yvanii. (Voyez planche II du 2e volume du Bulletin, où il est représenté de grandeur naturelle.)
« Les tours de spire ont une coupe ovale, un peu aplatie latéralement ; la branche montante à la même forme, seulement elle est sensiblement plus renflée du côté qui correspond à la suture que du côté de la carène, disposition particulière qu’indique la coupe jointe à la figure. Toutes les côtes sont simples, et passent sans interruption d’un côté à l’autre à travers la carène. On remarque sur la branche montante deux cavités en gouttière, l’une au point où elle se sépare de l’avant-dernier tour, et l’autre dessous la crosse qui termine cette branche montante, caractères qui se retrouvent également dans les autres espèces de scaphites. »
M. Defrance présente le catalogue de ses collections, que la société reçoit avec reconnaissance et conservera dans ses archives.
M. Virlet communique à la société quelques échantillons d’obsidienne, provenant d’un agglomérat d’obsidienne à ciment de calcaire tufacé, dans lequel on trouve des huîtres, des peignes (pecten salcare) et autres fossiles. Cet agglomérat vient de l’ile de Milo dans l’Archipel grec ; sur la surface des échantillons, on remarque des espèces d’orbicules semblables à quelques uns de ceux si bien décrits par M. Brongniart. Il faut observer que ces orbicules ne se montrent que dans les parties qui paraissent avoir subi un refroidissement instantané qui a formé à la surface une légère croûte blanche ponceuse.
M. Virlet lit quelques observations sur un gisement de trachytes alunifères dans l’île d’Égine, dont il présente à la Société une suite d’échantillons :
« Il existe à Égine un gisement d’alunite assez remarquable, que M. Boblaye, dans un excellent mémoire sur cette île, a déjà signalé.
« Il est situé dans la partie orientale de l’île, près de l’extrémité d’une grande vallée très remarquable, dirigée de l’E. à l’O. N.-O. ; elle traverse toute l’ile, en la divisant en deux parties à peu près égales ; ce lieu s’appelle Peninda ta vrakia (c’est-à-dire cinquante brasses), nom qui vient de ce que dans cet endroit, la côte étant très abrupte, présente un escarpement ou mur vertical d’au moins cinquante brasses.
« Cet escarpement très remarquable est formé par de beaux trachytes gris-blanchâtres très durs, affectant les formes prismatiques des basaltes. Les trachytes alunifères constituent une colline assez élevée qui s’avance dans la mer à l’extrémité de cet escarpement, et y forme une espèce de cap. Ils sont d’un jaune d’ocre souvent très foncé et quelquefois assez pâles et ferrugineux ; leur présence se manifeste de loin, par une forte odeur sulfureuse, produite par la décomposition des pyrites qu’ils contiennent. La partie supérieure de la colline est formée par une roche siliceuse très dure, à éclats gras, avec des cavités quelquefois marquées par un cercle brun ferrugineux, renfermant des noyaux siliceux ou trachytiques ; cette roche paraît avoir appartenu primitivement à l’agglomérat trachytique qui la recouvre, et semblerait n’avoir été silicifiés que postérieurement à son dépôt, soit par infiltration, soit plutôt par une espèce de fusion pâteuse ; elle affecte, aussi bien que l’agglomérat à ciment de calcaire tufacé qui lui est superficiel en quelques points, les mêmes couleurs que les trachytes qu’elle recouvre, et dont il n’est pas facile parfois de la distinguer.
Ces trachytes, qui ont évidemment été altérés, ont paru à M. Virlet n’être devenus alunifères que par une transmutation des trachytes gris-blanchâtres du voisinage, opérée par des dégagemens de vapeurs sulfureuses, comme l’a fort bien annoncé, des 1819, M. Cordier, en décrivant l’alunite du Mont-D’or, que le premier il a fait connaître.
En effet, si l’on suit les traces de l’altération, on la voit diminuer graduellement, jusqu’à ce qu’enfin elle disparaisse au milieu de cette grande masse trachytique, à laquelle elle passe par les nuances les plus insensibles. De plus, les élémens, à la couleur près, sont absolument les mêmes dans les trachytes altérés et ceux qui ne le sont pas ; seulement la division prismatique de ceux-ci a disparu, et a été remplacée par une division irrégulière, en boules imparfaites, au milieu desquelles se sont formés des filons d’alunite fibreuse d’un blanc nacré et soyeux, presque toujours accompagnés de petits rognons mamelonnés de fer pyriteux, qui, en se décomposant, devient noir et dégage cette forte odeur sulfureuse qu’on sent de loin. Les trachytes, en devenant plus ou moins lumières, sont aussi devenus plus tendres et se désagrègent facilement, ce qui en rend l’exploitation plus facile ; mais la présence des pyrites empêchera qu’on puisse en retirer de bons produits.
La partie supérieure de ces trachytes alunifères, jusqu’à une certaine profondeur, forme une masse réticulée en grand, enveloppée par un réseau de gypse rayonnant, qui a dû s’y former à la manière des gypses des solfatares.
Cette formation alunifère présente un autre intérêt, en ce qu’elle se lie à un autre gisement de gypse qui se trouve au milieu du terrain tertiaire, et au phénomène du mont Fendu, dont a parlé aussi M. Boblaye, comme annonçant un soulèvement au milieu des roches trachytiques, passées à un état voisin de la domite, phénomène qui doit avoir eu lieu à une époque très récente et postérieure au terrain tertiaire supérieur.
Le mont Fendu, situé vers la partie centrale de l’île, près de la vieille Égine, se trouve aussi près du point de séparation des eaux de la grande vallée que l’auteur a signalé en commençant, et que M. Boblaye a très bien fait sentir dans sa carte géognostique de l’île d’Égine.
Cette vallée, dont l’ouverture paraît se rattacher à la formation de l’alunite, est formée, d’un côté, par des montagnes entièrement trachytiques, de l’autre, par des trachytes et un chaîne de calcaire compacte, recouverte sur plusieurs points par des lambeaux du terrain tertiaire.
L’altération des trachytes, tout le long de cette vallée, est très remarquable ; elle se fait sentir depuis le gisement de l’alunite, jusqu’au-delà du mont Fendu, dans tout le fond de la vallée et sur quelques collines qui en dépendent ; toute la masse trachytique y est devenue friable, blanchâtre, jaunâtre ou verdâtre, couleurs qui se rencontrent habituellement dans le voisinages du terrain d’alunite. Chauffés fortement, ces trachytes deviennent bruns-rougeâtres. Dans quelques points, ils sont si décomposés qu’on a de la peine à les reconnaître ; aux environs de Palœo Kastro (vieille Égine), et du mont Fendu, ils ressemblent à une brèche trachytique ; les parties qui ont mieux résisté y paraissant comme agglomérées par les parties les plus altérées.
En teinturier de l’île, qui s’est beaucoup occupé de ces trachytes, et qui cherche à en tirer parti, dans l’intérêt de son art, a assuré en avoir essayé beaucoup de différens points ; et il a trouvé dans tous une plus ou moins grande quantité d’alun.
Le gypse se trouve aussi dans cette vallée, en un lieu appelé Mesagros tou Traboucou, entre le mont Fendu et le gisement des trachytes alunifères, sur une colline tertiaire ; cette colline est formée, d’abord à la partie supérieure, par un agglomérat trachytique à énormes fragmens, cimentés par un tuf blanchâtre, au-dessous duquel on trouve des assises d’un tuf calcaire jaunâtre, et quelquefois verdâtre, renfermant encore des fragmens de trachytes ; au-dessous viennent des marnes schisteuses blanches et jaunâtres très feuilletées, très friables, même pulvérulentes et douces au toucher, au milieu desquelles se trouvent des bandes d’un silex tantôt gris-bleuâtre, tantôt brunâtre, semblable alors à celui de Ménil-Montant : ces silex résinâtes qui dégagent, quand on les brise, une odeur très fétide, sont en bandes ou continues, ou simplement formées par une suite de rognons. Ce terrain de marnes et de silex, où il n’a pu rencontrer aucun fossile, lui paraît devoir être rapporté à une formation d’eau douce ; enfin au-dessous vient un dépôt de calcaire sableux à coquilles mariness recouvrant les argiles bleues qui forment partout la partie inférieur de ce terrain tertiaire.
C’est au milieu de ce calcaire sableux que se trouve très inégalement disséminé le gypse, soit en cristaux détachés où groupés, soit sous forme un peu fibreuse ; il est parfois très rare dans la masse, et parfois très abondant ; il semble indiquer alors des lignes de fissures, par où se seraient échappées les vapeurs sulfureuses, auxquelles il pense qu’il doit son origine, et l’on pourrait, en quelque sorte, le suivre comme on le ferait d’un filon. Il eût été très curieux de pouvoir vérifier si les trachytes qui sentit la partie inférieure sont aussi alunifères, il ne pourrait rester, dans ce cas, aucun doute sur l’origine ignée de gypses.
Le terrain d’alunite d’Égine diffère donc essentiellement, quant à la nature de ses roches, de celui du Mont-D’or, décrit avec ant de détails par M. Cordier, et de ceux que M. Beudant nous a fait connaître en Hongrie par son grand ouvrage sur cette contrée ; puisque dans les diverses localités décrites par ces deux savans géologues, l’alunite paraît n’appartenir qu’aux conglomérats trachytiques et aux trass ; mais il n’en est pas de même quant à l’origine, car il est facile de reconnaître dans les circonstances de ces divers gisemens, des rapports qui paraissent établir, entre eux et celui d’Égine une identité parfaite dans leur mode de formation.
M. Boué a observé en Transylvanie un gisement de trachytes, au milieu duquel on observe une grande fente, par laquelle s’échappent des vapeurs sulfureuses très chaudes, qui altèrent les trachytes et les transforment en alunite ou en trachytes alunifères, et au pied de la montagne, ou observe une grande quantité de sources froides, très fortement acidulées et ferrugineuses. Il en a donné une description dans l’ouvrage de M. Daubeny, sur les volcans. Cela confirmerait e mode de formation reconnu par M. Virlet dans l’alunite d’Égine qui n’est au reste que celle déjà émise en 1819 par M. Cordier.
On lit un Mémoire de M. Razoumowsky sur un nouveau genre de polypites, provenant des monts Weldai, auquel il donne le nom de tubulipore. Ce genre paraît avoir été déjà figuré par M. Goldfuss sous le nom de Sériopore ; il offre aussi de grandes ressemblances avec les fibrillites de M. Rafinesque, et les chaetites de Fischer.
Les polypiers décrits par M. Razoumowsky, accompagnés de dessins très soignés, sont classés par lui en deux espèces principales, les Tub. pleins et les Tub. creux, qu’il sous-divise en plusieurs variétés, auxquelles il donne les noms de T. panache, T. presque amorphe, T. multiple, T. jonc marin, T. éventail, T. gâteau, T. irrégulièrement sphérique, T. carrié, pour la première espèce ; et T. en boule, T. en demi-boule oblongue en éventail bombé, pour la seconde.
Ces corps, tous silicifiés, ont été découverts dans les graviers d’alluvion de la Russie ; et le gisement, connu des espèces décrites par MM. Goldfuss et Rafinesque, comme provenant des terrains de transition, doit faire présumer que celles des alluvions de la Russie ont la même origine, et proviennent, ainsi que les blocs de ces alluvions, d’anciennes formations détruites ou existant plus au nord.
On lit un Mémoire de M. Tournal fils sur les roches volcaniques des Corbières ; en voici un extrait :
Les montagnes des Corbières forment un petit groupe qui est séparé des Pyrénées par la vallée de la Gly. La composition générale de ces montagnes est du calcaire compacte appartenant au terrain de craie. Cependant on y voit aussi une petite bande de terrain de transition et des indices de terrain houiller. La stratification du terrain calcaire est extrêmement irrégulière, surtout quand on l’étudie sur une petite échelle ; néanmoins, la direction générale est la même que celle de la chaîne des Pyrénées. D’après les observations de M. Tournal, les accidens nombreux et bizarres que présente le groupe qui nous occupe, sont dus à la présence de roches singulières, que l’auteur regarde comme volcaniques, et qu’il considère cependant comme analogues des ophites par leur position et par plusieurs autres caractères. Ces roches ont un aspect mat, se divisent facilement en fragmens polyédriques, renfermant des globules ou amandes de différente nature, et paraissent formées en général par du pyroxène, du feldspath altéré, de l’argile et de l’oxide de fer. Elles contiennent accidentellement du quartz cristallisé, de la chaux carbonatée, du fer oligiste, du mica et de l’épidote. Ces roches se présentent presque toujours sous la forme de petites buttes coniques, ou bien de petits mamelons liés entre eux ; on les voit sortir de dessous le terrain calcaire, qui montrent presque toujours à leur contact des caractères particuliers. Ces roches volcaniques n’offrent aucune stratification ; elles ne renferment jamais de fossiles et sont accompagnées presque constamment de masses rougeâtres et de grands amas de gypse fibreux, renfermant des cristaux de quartz prismé.
« L’éruption de ces roches ignées nous semble, dit l’auteur
avoir eu lieu au commencement de la période tertiaire, et avoir
suivi immédiatement la dislocation du sol secondaire ; or,
comme les forces qui ont soulevé ce terrain ne paraissent pas
avoir suivi une direction constante, puisque les crêtes des montagnes
environnantes se coupent sous différens angles, il est
probable qu’elles ont agi à différentes époques, et pendant une
période de temps assez longue. »
L’auteur, après cet aperçu général, entre dans quelque détails sur plusieurs localités voisines de Narbonne ; les principales sont : Sainte-Eugénie, Prat-de-Cost, et les environs de Gléon et de Vibesèque.
M. Boubée fait observer, à l’occasion de çe Mémoire, qu’il serait difficile aux personnes qui n’ont vu que les véritables ophites des Pyrénées, d’admettre au premier aspect comme idée de rapprochement, et surtout de synchronisme entre les roches amphiboliques de Palasson et les produits volcanisés envoyés par M. Tournal ; que néanmoins il pense que l’on ne devra pas refuser de les admettre, parce que dans le Béarn, aux environs d’Oleron, il existe plusieurs ophiteux, dont M. Forest conserve une riche série d’échantillons, qui présentent très bien le passage des véritables ophites dont l’aspect est le moins plutonique, à des roches conglomérées, et d’aspect tout-à-fait volcanique, parfaitement semblables à celles qu’envoie M. Tournal.
M. Boubée a reconnu de la mésotype radiée bien categorisée dans les échantillons d’ophite basaltique de M. Forest, et des nodules de talc dans diverses ophites proprement dites des environs de Saint-Girons. Reconnaissant aussi dans les nodules noirâtres que présentent les roches de Narbonne des globules de talc compacte, il signale ces circonstances minéralogiques comme venant à l’appui du rapprochement proposé par M. Tournal.
D’ailleurs, à Oleron comme à Narbonne, ces différentes roches sont également accompagnées des mêmes gypses quarzifères, des mêmes argiles, et paraissent bien dater de la même époque. Enfin, M. Boubée a observé les mêmes différences orictognostiques et les mêmes relations géognostiques dans plusieurs dépôts ophiteux du département des Landes, où l’on trouve même de l’analcime rouge de brique en cristaux concrétionnés.
M. Rozet lit un Mémoire sur la géognosie de quelques parties de la Barbarie.
Dans ce travail, l’auteur a rassemblé toutes les notices qu’il a envoyées à M. Cordier pendant son séjour en Afrique, et qui ont été communiquées par ce savant à l’Académie des sciences ; mais ici les différentes formations sont classées méthodiquement et décrites avec détail. Voici les faits les plus importans consignés dans ce Mémoire :
Les schistes talqueux de transition, avec des calcaires subordonnés, constituent le terrain le plus ancien de la contrée. Ces schistes forment une grande partie des Falaises depuis le cap Matifou jusqu’à Sydi-el-Ferruch, et la masse principale des monts Bou-Zaria, à l’ouest d’Alger.
Le schiste talqueux passe insensiblement au gneiss, et cette roche, qui le recouvre sur plusieurs points, prend un développement assez considérable pour qu’on puisse la considérer comme une formation indépendante.
Les schistes et le gneiss sont recouverts, à stratification contrastante, par un terrain tertiaire identique avec celui des collines subapennines, et que l’auteur nommé terrain subatlantique, parce qu’il prend un développement très considérable entre les deux chaînes de l’Atlas. Ce terrain forme, le long de la côte, une bande de collines qui s’étend depuis le cap Matifou jusqu’à plus de quinze lieues à l’ouest d’Alger.
Au sud de ces collines, se trouve la grande plaine de la Mitidja, formée par un terrain de transport ancien, dont les matériaux proviennent des montagnes qui la bordent. Cette plaine s’étend jusqu’au petit Atlas, qui s’élève brusquement à une hauteur de 1,400 mètres au-dessus d’elle, et de 1,600 mètres au-dessous du niveau de la mer. Toute la portion du petit Atlas, visitée par M. Rozet, est formée par des calcaires et des marnes schisteuses passant au phyllade, dont il regarde l’ensemble comme identique avec notre lias d’Europe.
Les fossiles qu’il cite sont : une ammonite, quelques bélemnites, des posidonies, des peignes et des fragmens d’huîtres. Au sud du col Doténio, les marnes schisteuses renferment des filons de cuivre carbonaté assez riches pour qu’on puisse les exploiter avec avantage. La gangue du minerai est de la baryte sulfatée luminaire.
Toutes les couches du lias inclinent vers le sud, sous un angle qui augmente à mesure qu’on approche des crêtes. De l’autre côté du petit Atlas, le terrain tertiaire forme une masse de collines qui parait s’étendre jusqu’à la chaîne qui borde le désert. Dans les collines, les couches plongent au nord en sens contraire de celles du lias, contre lesquelles elles viennent même buter quelquefois. Dans la falaise du cap Matifou, on voit des porphyres trachytiques qui se sont fait jour au milieu des couches tertiaires en les brisant et les rejetant vers le nord-est.
Enfin, sur tout le littoral d’Alger, il existe des agglomérats de coquilles passées à l’état spathique, qui sont identiques avec celles qui vivent encore actuellement dans la mer.
Des faits exposés dans son Mémoire, l’auteur tire les conclusions suivantes :
1° Il existe une grande similitude entre les phénomènes géognostiques sur les deux rives opposées de la Méditerranée.
2° Le terrain tertiaire subatlantique se retrouvant avec tous ses caractères sur une grande partie de la surface de l’Europe, en Asie, etc., doit être pris pour type de l’époque tertiaire ; et les bassins de Paris, de Londres, de Bordeaux, etc., ne peuvent plus être considérés que comme des cas particuliers.
3° D’après le mode de formation du terrain tertiaire par bassins, et sur les rivages des mers, son grand développement au nord et au sud du petit Atlas, et les renseignemens qui lui ont été donnés par M. René Caillié, M. Rozet annonce que c’est ce terrain qui constitue le sol du désert de Sahara, et que les calcaires et les grès se trouvent là, en couches horizontales, recouverts par des sables qui ne sont autre chose que ceux que l’on rencontre fréquemment à la partie supérieure du terrain subatlantique. À cause de la marne argileuse qui doit exister au-dessous des grès, il pense qu’on pourrait établir des puits forés dans le désert.
4° La discordance de stratification entre le lias et le terrain tertiaire démontre que la chaîne du petit Atlas a été soulevée avant le dépôt de ce dernier. C’est à l’irruption des porphyres trachytiques au milieu des couches de cette époque qu’on peut attribuer leur redressement.
5° Enfin, la composition des dépôts diluviens des environs d’Alger et de la plaine de la Mitidja confirme la théorie de la formation de ces dépôts, exposée par l’auteur dans le premier cahier du Journal de géologie.