Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome II/Séance du 5 décembre 1831
M. Cordier occupe le fauteuil. Le procès-verbal de la dernière séance est lu et adopté.
Il est fait hommage à la Société :
1° Par M. Alexandre Brongniart, d’un Mémoire intitulé Essai sur les Orbicules siliceux et sur les formes à surfaces courbes qu’affectent les Agates et les autres silex. Paris, 1831. Un cahier in-8o de 40 pages, avec 4 planches, extrait des Annales des Sciences naturelles.
2° Par M. Studer, de sa Monographie de la Molasse (Monographie der Molasse). Un vol. in-8o de 427 pages, avec une carte et une coupe. Berne, 1831.
3° Par M. Walferdin, du Tableau général du commerce de la France avec ses colonies et les puissances étrangères, pendant l’année 1830, publié par l’Administration des Douanes. Un vol. grand in-4o de 71 pages.
4° Par M. Boué, des trois premiers volumes du Journal de Géologie. In-8°, 18350 à 1831. Chez Levrault, libraire, à Paris.
Les quatre derniers cahiers contiennent outre les petites notices 16 mémoires, savoir : Des observations faites dans la Steppe des Kirghis ; un Mémoire sur les Alpes, par MM. Sedgwick et Murchison ; un Travail sur les terrains tertiaires inférieurs, par M. Reboul ; un Mémoire sur l’île de Sylt en Danemark, par M. Forkhammer ; une Description des mines de Dognasca dans le Bannat, par M. Scherubel ; une Lettre de M. Savi sur les fossiles secondaires des montagnes de la Spezzia ; une Notice sur de nouvelles cavernes à ossemens, par MM. Marcel de Serres et Pitorre ; un Mémoire sur les brèches osseuses à coquilles marines et sur des dépôts très-récens de Sardaigne, par M. de la Marmora ; la Description des bassins tertiaires de Baza et d’Alhama dans le royaume de Grenade, par M. Silvertop ; une Description du sol tertiaire au pied des Alpes Allemandes, par M. Boué ; une Note sur les idées de M. de Beaumont relativement aux soulèvemens, par M. Boué ; un Tableau des nouvelles sociétés savantes et des publications qui s’occupent de géologie, par M. Boué ; une Notice sur les altérations des roches calcaires du littoral de la Grèce, par M. Boblaye ; enfin, les deux Mémoires sur le petit Atlas et la Barbarie, par M. Rozet. M. Saigey envoie 27 numéros du Lycée, à partir du 1er décembre 1831, et accepte l’échange de ce journal contre le Bulletin de la Société.
M. de Férussac, comme directeur de la Société du Bulletin universel, adresse en échange du Bulletin de la Société, les quatre premiers cahiers du Bulletin des Sciences naturelles et de Géologie pour 1831.
Il est présenté par M. Boué :
1° Des observations sur les végétaux fossiles avec des figures de leur structure intérieure vue au microscope (Observations on fossil vegetables, etc.), par M. H. Witham. In-4° de 40 pages, avec 6 planches. Londres, 1831.
2° La Flore fossile de la Grande-Bretagne, ou des figures et des descriptions des végétaux fossiles de ce pays (The fossil Flora of great Britain, etc.), par MM. Lindley et Hutton. In-8°, par cahiers de 20 pl. et de 60 p. de texte. Numéros I et II. Londres, 1831. Prix du cahier : 4 sch. 6 p.
3° Esquisse de l’histoire naturelle de la Lithuanie, de la Volhynie et de la Podolie, sous les rapports géognostique, minéralogique, botanique et zoologique (Naturhistorische Skizze von Lithauen, Volhynien u Podolien, etc.), par Ed. Eichwald. In-4° de 256 pages, avec 3 pl. Wilna, 1830.
4° Le premier cahier du troisième volume des Archives de minéralogie, de géognosie, etc., du docteur Karsten. Berlin, 1831.
Ce cahier contient une description géologique d’une partie de la Silésie inférieure et des montagnes de la Bohême, avec une carte géologique, par MM. Zobel et Carnall ; la Description des rochers appelés Bruchhauser-Steine sur l’Issenberg, dans le district d’Arusberg, par M. Noggerath ; un Voyage aux mines de Ramos, de Catorze et de Chareas dans l’état de San Luis Potosi au Mexique, par M. Burkart, et un Mémoire sur le sol tertiaire parisien avec une coupe, par M. de Strombeck.
5° Le troisième cahier des Annales de minéralogie, de géologie et de paléontologie, de MM. de Léonhard et Brown. Heidelberg, 1831.
On y trouve un Mémoire de M. Rengger sur les cols et les passages praticables pour les voitures dans les Alpes, et une dissertation de M. Studer sur la place de la géologie parmi les sciences naturelles et sur les subdivisions qu’on peut y établir.
6° La description géognostique du duché de Nassau, surtout par rapport aux sources minérales de ce pays (Geognostische Beschreibung des Herzogthums Nassau, etc.) In-8° de 606 p., avec une carte géologique en 4 feuilles. Wiesbaden, 1831.
7° Tableau des rapports orographiques et géognostiques du N. O. de l’Allemagne (Ubersicht der orographischen und geognotischen Verhaltnisse etc.), par M. F. Hoffmann. 2 vol. in-8o, avec une carte et deux planches de coupes. Leipzig, 1830.
On lit la lettre suivante de M. le comte Munster :
« Les Nummulites citées par M. D’Alberti dans le Muschelkalk du Wurtemberg, ne m’ont offert aucune chambre et ne peuvent donc pas appartenir à ce genre. En général, je n’ai encore vu nulle part en Allemagne, soit dans la craie, soit dans le sol tertiaire de véritables nummulites, mais il y en a dans les couches entre la craie et le terrain tertiaire des Alpes, Bavaroises. D’un autre côté, les autres dépôts tertiaires de l’Allemagne m’ont offert quelques centaines d’espèces de Céphalopodes foraminifères. Les fossiles qu’on a pris pour des Nummulites au Mont-Saint-Pierre près de Maëstricht appartiennent sans exception aux Orbitolites. Dans les formations plus anciennes il y a, comme l’on sait, quelques espèces de la même classe des Céphalopodes foraminifères.
J’ai visité les Alpes du Salzbourg et du Tyrol, j’ai eu le plaisir de rassembler dans ce dernier pays près de Saint-Cassian, dans le baillage d’Enneberg (au nord de la vallée de Fassa), plus de 130 espèces de coquilles avec leur test ; il y en a près de 100 qui sont nouvelles et je suis occupé à les décrire.
La détermination des formations dans les Alpes au moyen de la zoologie, parait être une chose difficile, puisque le même dépôt y paraîtrait recéler des fossiles qu’on croyait jusqu’ici appartenir à plusieurs formations.
Je n’ai trouvé dans le calcaire compacte rouge à Orthocères du Salzbourg, ni Bélemnites, ni véritables Ammonites, mais deux espèces d’Orthocères et des fragmens de Goniatites, tandis que le calcaire marneux brun rouge à Bélemnites, m’a offert 15 espèces d’Ammonites, d’un pouce à un pied de diamètre, dont deux sont nouvelles et les autres caractéristiques du lias. Les Bélemnites, les Trigonellites et les Térébratules de ces mêmes couches, sont à l’ordinaire dans la même classe de dépôt qui règne des deux côtés de la Salza et qui est moins élevé que les roches à Orthocères. »
On lit la lettre suivante de M. le professeur Studer de Berne :
Les pétrifications, en particulier les Ammonites du pied nord du Stockhorn ou du Fallbach près de Blumenstein, ont été reconnues par M. Voltz pour des fossiles du lias, tandis qu’il classe d’après les caractères paléontologiques le calcaire de Chatel Saint-Denis, des Voirons et de toute la chaîne du Stockhorn dans l’étage jurassique moyen. Quant aux roches calcaires et charbonneuses de Boltigen, leurs fossiles les font ranger par M. Voltz dans l’argile de Kimmeridge et le dépôt Portlandien. Pour quiconque avait visité les lieux, il était impossible d’adopter le classement de M. Brongniart, qui aurait voulu retrouver des roches tertiaires à Boltigen. Au contraire les classifications que M. Voltz a faites d’après l’inspection seule des fossiles, se trouvent conformes aux observations de gisement de ces divers dépôts. En effet, les roches de Boltigen sont superposées distinctement au calcaire ammonitifère du Stockhorn et les oolites foncées de cette chaîne sont bien à leur place dans la nature. En se prolongeant dans le pays de Fribourg, la chaîne du Stockorn change petit à petit sa direction de l’E. À l’O., pour celle du N. E. au S. O. ; or, d’après la théorie de M. de Beaumont le point où un pareil changement a lieu devrait offrir des dislocations et des entrecroisemens de directions ou de systèmes divers, ce qui n’a pas lieu, puisque ce changement se fait au moyen d’une courbure peu forte. M. de Beaumont se fiant au tracé défectueux des cartes, a cru retrouver un indice de son système Pyrénéo-Apennin dans l’extrémité orientale de cette chaîne ; néanmoins il s’est laissé induire en erreur, car la direction y est encore celle de l’E. à l’O., et son extrémité vient toucher à Reutigen. D’un autre côté, une portion de la chaîne calcaire qui, accompagne le versant nord de la chaîne du Niesen, s’étend à travers le Simmenthal, et vient se juxtaposer à l’extrémité sus-mentionnée du Stockhorn. Dans le défilé de Wimmis, on coupe une portion de cette chaîne au sud du Stockhorn, et sur un aperçu superficiel on pourrait croire qu’elle fait encore partiel de cette dernière chaîne. J’avoue que je ne vois pas non plus ce qui peut porter M. de Beaumont à prolonger la ligne de son système des Alpes occidentales à travers les Alpes Suisses ; je n’en connais pas d’indices même à Martigny, où les cartes pourraient en faire présumer. Dans l’extrémité orientale des Alpes, cette chaîne subit une courbure pour se prolonger dans les Carpathes par Wimpassing et Thében. La carte géologique de M. Partsch et les mémoires de M. Boué ont suffisamment détaillé ce fait. Or, il en résulte que M. de Beaumont se serait aussi trompé en classant le Sommering dans le système Apennin, tandis que la forme du contour extérieur lui a suffi pour placer dans son système nord-sud l’Istrie, qui appartient probablement au système Apennin. »
La Société approuve les décisions suivantes du conseil :
MM. Cartier, de Roissy et Clément Mullet sont nommés pour vérifier les comptes du Trésorier ; MM. Héricat Ferrand, Vémard et Puillon-Boblaye pour examiner la gestion de l’Archiviste.
On accepte l’échange du Bulletin de la Société contre le Mémorial encyclopédique de M. Bailly de Merlieux.
Chaque membre de la Société n’a droit qu’à un seul exemplaire du Bulletin, lors même qu’il offrirait d’en payer le prix.
On nomme une commission composée de MM. Deshayes, Walferdin et Dufrénoy, pour s’entendre avec un libraire, sur l’impression des Mémoires de la Société, en sien tenant, autant que possible, aux termes du règlement pour ce genre de publication.
Le local de la Société sera désormais ouvert, pour tous les Membres, les dimanches, de 10 heures à 4, et tous les lundis, autres que ceux des séances ordinaires, de 7 à 10 heures du soir.
M. Dufrénoy lit une Note sur la position géologique des principales mines de fer de la partie orientale des Pyrénées.
« Les mines de fer sont répandues à l’extrémité orientale des Pyrénées
avec une grande profusion ; elles y forment ordinairement
des masses plus ou moins considérables, disséminées d’une manière
très-irrégulière dans un calcaire saccharin, gris clair, que l’on a
regardé pendant long-temps comme de transition, et que nous
rapportons à des formations différentes malgré ses caractères presque
uniformes. Cette constance dans les caractères du calcaire,
quel que soit son âge, parait due, ainsi que nous allons l’indiquer,
à la même cause que la formation des minerais de fer, c’est-à-dire,
au contact du terrain calcaire et de granite.
Les nombreuses mines de fer qui sont exploitées sur les pentes du Canigou fournissent un exemple très-remarquable de cette position ; elles forment par leur ensemble une espèce de zône circulaire d’environ huit mille toises de diamètre qui enveloppe le Canigou de tous côtés presqu’à la même hauteur, et dont les principaux points sont : Py, Fillolas, Saint-Étienne-de-Pomers, Valmague et Battere.
Les minerais sont un mélange de fer spathique, de fer hématite brun, de fer oxidé rouge et de fer oligiste écailleux. Les deux premiers sont beaucoup plus abondans et forment seuls la base des exploitations. Ils sont inégalement répartis dans les mines ; quelques-unes fournissent presque exclusivement du fer spathique, et d’autres de l’hématite brune. Le minerai existe également dans le calcaire et dans le granite ; cependant il est plus pur et plus abondant dans la première de ces roches ; aussi les puits d’extraction sont-ils ordinairement ouverts du côté du calcaire.
Les gîtes métallifères se présentent tantôt sous forme de filons, de veines parallèles aux couches, ou d’amas, intercalés indifféremment, ainsi que nous venons de le dire, dans le granite et dans le calcaire. Ces gites ne se prolongent pas très avant dans ces deux roches ; elles constituent par leur réunion une espèce de bande placée au contact du granite et du calcaire, de sorte que, malgré la grande irrégularité du gisement de chacune de ces mines de fer, cependant leur ensemble affecte une certaine régularité. Le calcaire qui accompagne les mines de fer du Canigou est constamment saccharoïde, et presque toujours blanc ; il présente alors (à Py, Fillols, Valmagne, etc.) les caractères du marbre de Carrare. On ne rencontre pas de fossiles dans. ce calcaire, on pourrait donc le supposer primitif. Mais d’après des observations nombreuses que nous avons été à même de renouveler cette année, les, calcaires saccharoïdes de la chaîne des Pyrénées, ne sont que des exceptions locales, et ils dépendent des terrains qui les environnent. Les calcaires saccharoïdes du Canigou feraient donc partie des terrains de transition de Villefranche et de Livia situés au pied de ce massif de montagnes. Ils en auraient été séparés à l’époque où la montagne qui les supporte s’est élevée, et c’est à la même cause qui a fait surgir cette montagne que sont dûs la texture cristalline du calcaire et les nombreux dépôts de minerais de fer de cette contrée. Plusieurs années s’étant écoulées depuis que j’ai visité les mines de fer du Canigou, je ne saurais donner des détails plus circonstanciés sur leur manière d’être, mais j’ai été à même d’étudier il y a peu de temps un gisement analogue dans la vallée de la Gly ; je vais le décrire pour donner une idée plus complète de la position remarquable de ces minerais de fer.
Ce gisement est situé à une petite distance de Saint-Paul de Fenouillet, à une demi-heure du pont de la Fou, où la Gly entre dans une gorge étroite et profonde ouverte dans un calcaire cristallin en couches presque verticales. Les caractères extérieurs de ce calcaire ne sauraient, nous donner aucune idée de son âge ; il a constamment été rangé avec les terrains de transition des, Pyrénées, et ce n’est que dans le voyage que je fis l’année dernière dans cette contrée, avec M. Élie de Beaumont, que nous reconnûmes qu’il appartient au terrain de craie inférieure. Ce calcaire est en effet associé à des marnes noires renfermant des fossiles de cette formation ; il présente en outre quelques indices d’Hippurites et de Dicérates. Ces fossiles disséminés dans le calcaire saccharoïde sont à l’état lamelleux ; ils se dessinent presque toujours en noir sur la pâte du calcaire qui est d’un gris bleuàtre, analogue à la couleur du marbre bleu turquie. Il faut avoir vu un grand nombre de ces fossiles pour pouvoir les reconnaître ; ils paraissent avoir été comprimés dans tous les sens, et de plus ils sont tellement adhérens au calcaire, qu’il est difficile d’en détacher des fragmens caractérisés. Au pont de la Fou, les couches sont redressées très-brusquement, circonstance en rapport avec la présence du granite qui se trouve à une petite distance de la surface du sol, et se montre au jour de tous côtés. Les minerais de fer, dont je veux parler, sont précisément au contact même du calcaire et d’une pointe de granite qui sort au milieu du terrain. secondaire.
Depuis les pont de la Fou jusqu’à l’endroit où l’on voit les minerais de fer, le calcaire présente les caractères généraux que je viens d’indiquer ; cependant on peut dire qu’il est de plus en plus cristallin à mesure que l’on s’approche des masses granitiques. Au pont de la Fou, le calcaire était encore un peu esquilleux ; à trois cents mètres du granite, il est tout-à-fait saccharoïde, et ne contient plus de traces de fossiles.
Voici la disposition que l’on observe. Les couches plongent vers l’Est 25° Sud sous un angle de 75°, de manière à s’appuyer sur le granite qui forme les collines de St.-Martin. On marche sur le calcaire saccharoïde gris clair jusqu’à cent mètres environ de la masse principale de granite, et seulement à trente-trois mètres d’une ramification de granite dont je vais bientôt parler. On trouve alors :
1° Un calcaire rougeâtre saccharoïde, ferrugineux, formant des couches régulières dont la puissance est de quinze mètres environ, On n’observe pas de passage de ce calcaire au calcaire saccharoïde gris clair qui le recouvre. La ligne qui le sépare est très-tranchée ; il n’en est pas de même de sa surface de contact avec la roche sur laquelle il est superposé.
2o C’est une dolomie assez solide quoique composée de la réunion de petits rhomboëdres isolés. Cette roche, non stratifiée, forme une masse carriée dans tous les sens, qui peut avoir dix-huit mètres de puissance. Elle se décomposé d’une manière très-irrégulière ; sa surface est fortement colorée, tandis que dans une cassure fraîche cette dolomie est d’un jaune terne très-clair. Elle contient quelques veines fort irrégulières de fer spathique à très-petits grains, et des taches de fer spéculaire. Le fer spathique se distingue avec difficulté au premier abord de la dolomie ; mais on remarque bientôt qu’il est plutôt en lames qu’en cristaux. La couleur foncée des surfaces extérieures des masses de dolomie, est dûe à l’altération du fer spathique.
3o La dolomie recouvre immédiatement une roche feldspathique très-quartzeuse qui forme une espèce de filon couché de vingt-deux mètres de puissance. Il est difficile de donner une idée exacte de cette roche ; elle est le résultat de la pénétration du granite dans le terrain, et formé par conséquent d’un mélange d’élémens très-différens. Cette masse ne présente aucune stratification. Elle est pénétrée dans tous les sens de fer spathique lamellaire qui est disséminé sous forme de réseau. Il est accompagné de pyrites et d’un peu de fer oligiste. Ce dernier minéral est plus abondant dans une couche plus rapprochée du granite que celle-ci.
4o Le mélange de dolomie et de fer spathique qui recouvre la roche quartzeuse dent nous venons de donner la description, forme de nouveau une masse de 2 mètres de puissance. Elle s’appuie sur
5o Une roche granitoïde non stratifié, formant cependant une masse disposée parallèlement aux couches, et dont la puissance est de 37 mètres. Cette roche est composée de feldspath à très-grandes lames, de mica vert, et de quarz très peu visible. Elle est mélangée de fer spathique et de fer oligiste écailleux, distribués sous forme de petits nids. Les parties qui contiennent les minerais métalliques paraissent altérées, le feldspath qui est alors verdâtre se laisse entamer par une pointe d’acier ;
6o À cette roche granitoïde succède de nouveau de la dolomie, qui forme comme une salbande épaisse à l’espèce de filon feldspathique dont nous venons de parler. Cette troisième masse de dolomie, dont la puissance est de douze mètres, est beaucoup moins régulière que les deux premières. Ses surfaces de contact ne sont pas planes, la dolomie pénètre un peu dans la roche granitoïde précédente et dans le granite sur lequel elle s’appuie. Elle contient encore du fer spathique, mais elle est surtout riche en fer oligiste écailleux qui y est disséminé en nids assez abondans.
7° Enfin on trouve le granite qui forme les montagnes de St.-Martin. Il diffère essentiellement de la roche granitoïde n. 5, il est à petits grains et li mica noir. Malgré cette différence, on peut assurer que la roche granitoïde intercalée dans la dolomie est une ramification du granite. C’est très-probablement à l’action réciproque du granite sur le calcaire et aux dégagement de gaz qui ont dû se faire au contact de ces deux roches que sont dus la différence de texture du granite, les changemens que le calcaire a éprouvés et l’introduction des minerais de fer.
Ce gisement intéressant nous fournit une nouvelle preuve du peu d’ancienneté du granite des Pyrénées. Comment concevoir en effet l’intercalation de la roche granitoïde entre deux couches de dolomie, si le granite ne s’y était introduit à la manière des filons ? La position presque verticale des couches et le parallélisme de la dolomie, et des masses de granite s’oppose à la supposition que le calcaire s’est déposé dans les anfractuosités du granite, tandis que le soulèvement de cette roche postérieurement au terrain de craie, et son épanchement entre deux couches de ce terrain, expliquent d’une manière simple et naturelle le phénomène que nous venons de décrire.
Les mines de fer de Rancié dans l’Ariège alimentent à elles seules un grand nombre d’usines, nous paraissent d’après nos observations et surtout d’après celles de M. Marrot se trouver dans la même position que les minerais de fer du Canigou. En effet, le gite métallifère est placé à la proximité du granite, dont le contact avec le calcaire s’observe à une petite distance de la mine dans le ravin de Sem, et il contient de la dolomie. En outre, M. Marrot annonce, dans un Mémoire inséré dans les Annales des Mines : (Volume 4, page 314), « que les couches du terrain de transition sont quelquefois interrompues par d’énormes masses de granite, auxquelles ces roches adhèrent parfaitement, quoique le passage soit brusque de l’une à l’autre. Ces couches de transition renferme alors quelques filons contenant de la galène argentifère, du cuivre pyriteux et souvent des amas de minerai de fer analogues à ceux de la vallée de Sem. »
Ces détails nous conduisent à conclure que la plupart des mines de fer de la partie orientale des Pyrénées sont placées à la jonction des terrains de granite et de calcaire, que leur formation est en rapport intime avec le soulèvement de la chaîne granitique, enfin que la texture cristalline est également un résultat de cette action, laquelle s’est transmise au calcaire, quelle que soit la formation à laquelle il appartient.
On lit un Mémoire de M. Reboul, intitulé Précis de quelques observations sur la structure des Pyrénées.
« Les observations que j’ai eu l’honneur de soumettre à l’Académie sur la structure de la chaîne des Pyrénées m’ont paru mériter son attention, en ce qu’elles modifient et contredisent, à quelques égards, les opinions les plus accréditées sur la géographie physique de ces montagnes.
Comme on est plus occupé que jamais à chercher dans la direction des grandes chaînes, et dans leurs relations géologiques, des indices propres à déceler le mode et l’âge de leur formation ; j’ai essayé de soumettre à un nouvel examen la détermination de l’axe pyrénéen et les rapports de cet axe, soit avec la direction des strates inclinés, soit avec les principales parties dont se compose la chaîne totale.
Ces recherches m’ont conduit aux conclusions suivantes, bien peu conformes aux idées émises jusqu’à ce jour : 1° Que les Pyrénées ne sont point dirigées de l’E.-S.-E. à l’O.-N.-O., mais à 15°, au moins, plus au sud de cet alignement ; 2° Que la direction des strates y est rarement parallèle à cet axe ; 3° Qu’elles ne constituent point une chaîne simple, et qu’on puisse supposer avoir été formée d’un seul jet ; 4° Qu’on y trouve, comme dans les autres chaînes de montagnes, des indices de plusieurs évulsions souterraines dont elles sont le produit ; 5° Que ces évulsions, qui paraissent s’être succédées pendant la longue durée des anciennes périodes, se sont prolongées, comme celles des Alpes, jusque dans les temps assez avancés de la période tertiaire.
Les monts Pyrénées, dit Pline, séparent les Gaules de l’Espagne
en jetant deux promontoires dans les mers opposées[1]. Ptolomée
a indiqué la situation du promontoire occidental au golfe de Gascogne,
et l’a désigné par le nom d’OEaso, que Danville rapporte
à la punta de Figuera, près l’embouchure de la Bidassoa, et Gosselin
au cap Machicaco, sur les confins du Guipuscoa et de la
Biscaye ; mais ni ce cap, ni la punta di Figuera ne terminent la
chaîne des Pyrénées. Ils en sont de simples appendices : et, en
les laissant au nord, elle se prolonge jusqu’aux rivages de la Galice.
C’est ainsi que l’avait envisagée Strabon, le plus judicieux et le mieux informé des géographes anciens.
Cette erreur de Pline et de Ptolomée, quoique relevée par Danville, se retrouve néanmoins encore conservée textuellement dans la plupart des descriptions des géologues de notre siècle. Ceux même qui l’ont reconnue ont continué d’admettre les fausses conséquences qu’on en avait déduites. C’est ainsi que la direction de la chaîne des Pyrénées se trouve déterminée presqu’unanimement du cap Créons à la punta di Figuera, deux points extrêmes dont l’un est situé au sud, l’autre au nord du véritable alignement de l’axe pyrénéen.
Cet axe commence dans la Méditerranée, non au cap Créons en Espagne, mais à celui de Cervères dont la crête sépare le plus également les torrens dirigés au nord de ceux dirigés vers le midi. Cette crête centrale, formée par la ligne de partage des eaux, a été aussi adoptée par la politique comme limite naturelle des Gaules et de l’Espagne[2].
Le point où se termine à l’occident l’axe pyrénéen est plus difficile à déterminer, parce qu’aux approches de la mer de Galice la chaîne subit une bifurcation dont les deux branches vont se terminer, l’une au cap Ortégal, l’autre au cap Finistère.
Un alignement dirigé du cap Cervères au point où commence cette bifurcation, viendrait atteindre la mer entre les deux caps auprès de la Corogne, et à l’île Sisarga.
Cet alignement remplit mieux qu’aucun autre les conditions prescrites pour un axe géographique, ou plutôt il est le seul qui les remplisse. C’est lui qui s’écarte le moins des sinuosités extrêmes de la crête formée par les deux versants, qui partage le plus également entre ces deux, pentes la région montueuse, et qui lie plus naturellement les extrémités avec le centre, les sommités les plus notables avec les points culminas d’où partent les principaux courants fluviatiles, tels que l’Aude, l’Arriége, la Garonne, les Gaves en France, et en Espagne la Sègre, le Douro et le Minho.
Or, l’alignement de cet axe pyrénéen, du cap Cervères à la Corogne affleure les sources de tous ces courans, bien qu’il laisse encore un peu au midi les arêtes dominantes des Maladettes et de Marboré, s’écarte seulement de 6 à 7° de la parallèle à l’équateur. Il y a loin de cette détermination à celle qui le suppose dirigé à l’O. N. O.
Si on voulait n’avoir égard qu’à la chaîne limite des deux royaumes, un alignement tiré du cap Cerveres au col d’Arrais, point culminant le plus voisin du golfe de Gascogne, ne s’éloignerait que de 10° nord de la parallèle à l’équateur. Mais outre l’inconvénient de ne point être applicable à la chaîne totale, il laisserait à une grande distance la région centrale et dominante de toutes les Pyrénées.
Quant à la ligne dirigée du cap Créons à la Punta de Figuera elle est, non seulement oblique à l’axe total, mais encore à cet axe fractionnaire ou limite des deux royaumes dont elle va toujours s’écartant vers le nord, après l’avoir coupe à peu de distance de son point de départ et de la Méditerranée.
Cet axe supposé laisserait au midi, avec tout le versant espagnol une grande partie de celui de France, et notamment toutes ses hautes régions ; au lieu de limiter au sud ce versant, il le traverserait obliquement, et le diviserait en deux parties, dont la plus considérable se trouverait jointe aux Pyrénées espagnoles déjà plus spacieuses que celles de France.
Il suffit d’exposer ces faits pour en offrir la preuve, il n’y a point de carte des contrées pyrénéennes où il ne soit facile de les vérifier.
On peut admettre dans une chaîne plusieurs axes géologiques, soit à raison de l’alignement de certaines roches spéciales, soit à cause de la direction qu’affectent les feuillets et les bancs des rochers stratifiées, mais il est évident que ces axes sont partiels à moins qu’ils ne se confondent par leur parallélisme avec l’axe central et géographique, qui est, par sa nature et par les considérations géométriques, unique et universel.
La recherche d’un axe granitique me paraît, jusqu’à ce jour, avoir été infructueuse. Les masses de cette roche forment au sein des Pyrénées comme de grandes îles qui ne s’éloignent, ni entre elles, ni avec l’axe géographique.
Dans la région occidentale des Pyrénées Françaises, M. Palassou a reconnu que les trainées de l’ophite se prolongeaient à peu près comme la chaîne de l’est à l’ouest, mais ces roches manquent presque entièrement dans la région orientale.
Tous les géologues qui ont écrit sur ces montagnes paraissent unanimes touchant la direction générale des strates vers l’O. N. 0. et leur parallélisme avec l’axe pyrénéen. Mais si cet axe ne s’écarte que de 6 à 7° vers le nord de la parallèle à l’équateur, et si les strates sont en effet dirigés vers l’O. N. O., ces deux lignes, loin I d’être parallèles se coupent sous un angle de plus de 15°.
Il existe dans les Pyrénées françaises, et notamment dans les vallées où coulent les affluens de la Garonne et de l’Adour, un grand nombre d’arêtes obliques, dirigées ainsi que leurs strates vers l’O. N. O, et même vers le N. O, Le cours des torrens y est, à divers intervalles, parallèle à ces strates et à ces arêtes qu’il interrompent ensuite en se repliant dans des coupures étroites et transversales. Cette direction fréquente des strates des Pyrénées vers l’O. N. O. ayant été d’abord reconnue par M. Palassou, puis vérifiée par d’autres observateurs, on n’a en aucun égard aux exceptions que le premier avait indiquées, ni à beaucoup d’autres non moins réelles. On s’est hâté d’ériger cette direction en loi générale et de lui assujettir la chaîne toute entière. Mais cette induction s’évanouit devant la preuve directe que des bancs dirigés vers l’O. N. O. s’écarte au moins de 15° de l’alignement de l’axe pyrénéen. M. Palassou a eu le mérite d’apercevoir le rapport qui existe entre la disposition des strates et l’axe de la chaîne, quoiqu’il eût d’abord méconnu la vraie direction de celui-ci, mais en rectifiant cette détermination comme l’a fait, en 1819, ce respectable observateur dans ses derniers travaux sur l’ophite[3]. Il suffit d’appliquer le rapport qu’il avait découvert, non à la direction locale de quelques strates, mais à la direction moyenne de tous. En effet, plusieurs arêtes des Pyrénées sont dirigées vers l’O. S. O., et leurs bancs suivent cette direction ; telle est celle du Canigou dont on voit sur les sommités les gneis et les schistes micacés dirigés comme la protubérance dont ils forment le faite.
On rencontre aussi, mais assez rarement, des bancs dirigés comme la chaîne totale de l’Est à l’Ouest. Les anomalies de ces directions sont très nombreuses et souvent très rapprochées.
Les sinuosités du faîte rendent manifeste la multitude de petites arêtes, qu’il est moins facile de distinguer dans les régions moyennes. Leur obliquité relativement à l’axe central, leur incidence réciproque et leur jonction en un faîte sinueux prouvent que la chaîne des Pyrénées a été comme toutes les autres, le produit d’un grand nombre de soulèvemens partiels. Cette conséquence qui se déduit des irrégularités de détails de la crête centrale est confirmée parle rapport de ses grandes et principales divisions.
Indépendamment des chaînons qu’on peut reconnaître sur les deux versans, il y en a trois principaux et bien distincts qui concourent à former ce long faîte des Pyrénées. L’arête qui domine région orientale suit la direction de l’E. N. E. à l’O. S. O. Elle s’étend de la plaine du Roussillon à celle de la Catalogne en bordant en France la rive droite de la Tet, et en Espagne la rive gauche de la Sègre, jusqu’au-dessous de la Seu d’Urgel. Ses nombreux sommets atteignent la hauteur de 14 à 1500 toises, entre le Canigou de Roussillon et le Puigmal de Cerdagne, qui en est le point le plus élevé. La crête centrale qu’il interrompt entre Mont-Louis et Prats de Mollo lui est très inférieure.
Les vallées de la Tet et de la Ségre qui se joignent par leurs sommets, forment au pied de ce chaînon une longue coupure longitudinale, la seule de cette espèce qui se présente dans toute l’étendue de la chaîne. Le grand bassin de Cerdagne occupe le col culminant de la double vallée qui semble isoler cette région orientale du reste de la chaîne. Cette ancienne cavité lacustre, la plus grande qui se rencontre dans les Pyrénées, se trouve ainsi placée dans l’alignement du faîte à fine hauteur d’environ 600 toises au-dessous de ses sommets[4].
C’est au N. O. de ce bassin que se relève la seconde arête dirigée vers l’O. 1/4 N. Sa hauteur se rapproche de 1500 toises vers les sources de l’Ariège orientale, et dépasse ce terme dans la région de l’Ariège occidentale. Elle se prolonge dans celle de Salat, et jusqu’aux premiers rameaux de la vallée d’Aran, puis s’abaisse et se perd dans les montagnes du versant français. C’est celle-ci dont l’alignement prolongé viendrait se terminer près l’embouchure de la Bidassoa.
Le faîte des Pyrénées passe brusquement de cette arête à une autre plus méridionale. Celle-ci est en effet la principale, elle embrasse dans son alignement presque parallèle les points les plus notables de la chaîne. Plusieurs géologues ont cru que cette arête maîtresse était la continuation de la précédente et qu’elles étaient réunies par un repli ; d’autres ont considéré l’une et l’autre comme parallèles. Il est d’abord évident que l’alignement de la première se dirige vers la mer de Gascogne, et que l’autre est la seule dont le prolongement atteindrait la mer de Galice. On peut aussi se convaincre qu’aucun repli ne se fait remarquer entre les deux arêtes juxtaposées, et qu’elles se joignent seulement par leurs pentes inverses dans le bassin de Beret qui fut aussi un ancien lac dont les eaux comme celles du grand bassin de Cerdagne ont dû s’écouler à la fois vers la France et vers l’Espagne.
Ainsi, la chaîne des Pyrénées, quoiqu’elle soit l’une des plus simples, est néanmoins composée de plusieurs arêtes qui affectent des directions différentes, soit dans l’alignement de leurs masses, soit dans celui de leurs strates. Cette disposition l’assimile aux autres chaînes plus compliquées, et prouve que son exhaussement s’est pareillement opéré par le concours de plusieurs révulsions partielles, soit contemporaines, soit successives.
Cette induction ne s’accorde point avec la théorie si ingénieuse et si séduisante de M. Élie de Beaumont qui attribue à diverses époques les soulèvemens dont la direction n’est point la même, et suppose néanmoins que les Pyrénées ont été formées d’un seul jet. Que devient en effet cette théorie, si le chaînon du Canigou et du Puygmal et celui des sources de l’Ariège et du Salat qui se croisent sous un angle de plus de 30°, ont été le produit d’une même évulsion.
On trouve dans les Pyrénées les indices de roches soulevées à plusieurs époques, soit avant, soit après celle des dépôts secondaires les plus récents portés au sommet du Mont-Perdu.
Le plus ancien de ces indices est la présence des calamites dans les grauwackes de la Maladetta et dans les dépôts d’anthracite des terrains intermédiaires. L’époque du soulèvement de ces terrains anciens n’est pas bien connue, mais quand ils se sont formés, les végétaux dont ils ont enfoui les restes couronnaient les hauteurs voisines de leurs bassins, et ces hauteurs étaient déjà des montagnes.
D’autre part, on a observé dans le Roussillon les molasses tertiaires soulevées comme au voisinage des Alpes. C’est au débouché de la Tet, dans la plaine, qu’on peut vérifier ce fait important, le seul peut-être où le terrain tertiaire de sédiment, non alluvial et pareil à celui de l’Hérault ou des Apennins, se trouve en contact avec les roches pyrénéennes. Car depuis les bords de la mer de Gascogne jusqu’à l’embouchure du Tech dans la Méditerranée, la chaîne se montre partout entourée de terrains d’alluvion : mais à Nafiach, près Millas, les sables du dépôt coquiller laissent à découvert un grand lambeau de molasses et de marnes sableuses bleuâtres adossées la roche quartzeuse pyrénéenne, soulevées avec elle et plongeant au S. avec une inclinaison d’environ 30°[5].
Non seulement il suffit de ce fait pour annuler les inductions qui ont fait considérer le soulèvement des Pyrénées comme antérieur à celui des Alpes, mais peut-être serait-on autorisé à tirer l’induction contraire de la comparaison des phénomènes des deux régions montagneuses ; car les dépôts glauconiens qui occupent aux Pyrénées le point central du Mont-Perdu, ne se rencontrent aux Alpes que sur des sommités latérales et à des hauteurs moyennes[6]. Et quant aux molasses soulevées, celles des Pyrénées reposent immédiatement sur les roches de l’arête centrale, au lieu qu’aux Alpes elles n’atteignent point cette arête, mais occupent seulement une partie de la chaîne extérieure, qui, d’après les observations de Saussure appartient plutôt au système du Jura qu’à celui des Alpes du Mont-Blanc. Ce grand observateurs fait remarquer que la vallée de Taninge et celle du Reposoir servaient de limites aux deux systèmes, et qu’à partir de cet alignement les bancs se relevaient d’un côté vers le Mont-Blanc pour former la grande arête des Alpes occidentales, de l’autre vers le cours du Rhône et le Jura[7]. Or, c’est dans celle-ci seulement que se rencontrent les molasses.
Comme la plupart des systèmes de montagnes (les volcaniques exceptées) se ressemblent beaucoup par la composition et la disposition de leurs roches, il est probable qu’ils diffèrent entre eux bien plus par les accidens locaux que par des rapports généraux, tels que les dates du temps où aurait commencé leur apparition et celui où elle se serait achevée. Cette apparition est le phénomène le plus saillant et le plus universel des anciennes périodes géologiques. Les indices du soulèvement des roches remplissent quelques époques de la primitive et toutes celles de la secondaire. Elles se reproduisent à plusieurs reprises pendant l’époque tertiaire, où les grandes révulsions terrestres qui avaient produit les grandes chaînes de montagnes ont commencé à être suppléées par les éruptions volcaniques et les tremble mens de terre dont nous sommes encore les témoins. »
Après la lecture de ce Mémoire, M. Dufrénoy annonce qu’il a reconnu avec M. de Beaumont qu’il existe quatre directions de soulèvement dans les Pyrénées. Le plus ancien a suivi immédiatement la formation des terrains intermédiaires. Le second a eu lieu entre le dépôt du grès vert, ou plutôt de la craie ancienne et l’assise supérieure des terrains crétacés. Le défilé de Pancorbo entre Vittoria et Burgos en offre un exemple très-remarquable ; sa direction est S. 25° O., la même que le système des Alpes occidentales. Le troisième est postérieur à tout le système crayeux ; il se dirige de l’ouest 16° nord à l’est 16° sud. Enfin, le quatrième, qui n donné naissance aux ophites, aux gypses et au sel gemme, est d’une époque plus récente que les terrains tertiaires ; sa direction est à peu près O. 12° S. E. 12° N., la même que la chaîne principale des Alpes. Malgré ces quatre directions, dont on observe des traces dans plusieurs vallées, il est néanmoins entièrement vrai, comme l’a annoncé M. de Beaumont, que la chaîne des Pyrénées doit son relief actuel et sa direction générale au troisième système de soulèvement, celui qui est postérieur au terrain de craie, les deux premiers ayant été modifiés par le soulèvement de la chaîne. Quant au quatrième, il ne se fait sentir que dans les endroits où l’ophite s’est fait jour.
M. Boué commence la lecture d’un Mémoire intitulé Essai pour apprécier les avantages de la paléontologie appliquée à la géognosie et à la géologie.
- ↑ Hist. nat., l. 3 ch. 3.
- ↑ Cervaria finis gallica, Pomp. Mela.
- ↑ Suite des Mémoires, p. 415.
- ↑ On a observé aussi, dans l’appendice des Pyrénées appelé Corbières, une déviation fréquente des arêtes et des strates vers l’O. S. O. ce qui les rend parallèles au chaînon du Canigou et du Puigmal. Cet appendice est lié aux Cévennes par une arête que l’Aude traverse entre les villages d’Homes et d’Argens. Cette arête pyrénéo-gébennique en se prolongeant sur le N. E. et la vallée du Rhône, borde au nord les bassins tertiaires de l’Aude, de l’Orb et de l’Hérault. L’Orb y creuse un défilé au dessous de Cassenon, l’Ergue, au-dessous de Lodère, l’Hérault entre entre Gangen et St-Guillem.
Ainsi, on peut suivre la trace des révulsions qui ont soulevé les Alpes occidentales dans les directions approchantes de l’O. S. O. à l’E. N. E., non seulement jusqu’au voisinage, mais jusqu’au centre des Pyrénées.
- ↑ Voyez la Planche n° 1.
- ↑ À la montagne de Fis près Servos, et à celle des Diablerets dans le Bas-Valois.
- ↑ Voyez la Planche n° 2.