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Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome II/Séances extraordinaire à Beauvais du 6 au 11 septembre 1831

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Bulletin de la société géologique de France1re série - 2 - 1831-1832 (p. 5-23).


BULLETIN


DE LA


SOCIÉTÉ GÉOLOGIQUE


DE FRANCE



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SÉANCES EXTRAORDINAIRES À BEAUVAIS.


(DÉPARTEMENT DE L’OISE.)


du 6 au 11 septembre 1831.


Les membres de la Société, dont voici les noms, ont assisté aux réunions de Beauvais, savoir :

MM. de Blainville, Bineau, Boué, Cartier, Cordier, Daudin, Diaz, Duperrey, Graves, Héricart de Thury, Héricart Ferrand, Huot, Michelin, de Montalembert, Regley, Eugène Robert, et Roberton.

Parmi les personnes étrangères à la Société, se trouvaient MM. Cramaille, Husson, Langlois, Leclerc, André Mouffle, Pierre Mouffle, propriétaires à Beauvais, Mutel-Delisle, avocat à la Cour royale de Paris, Pinault, professeur de mathématiques de la même ville, et Donati, de Naples.

La Société, ayant employé les cinq jours qu’elle a passés à Beauvais à faire des courses géologiques assez longues, n’a pu tenir que deux séances, le 6 et le 10 septembre, dans une salle de l’hôtel de la Préfecture, local qui avait été disposé par les soins de M. Graves, secrétaire-général de la Préfecture, avec l’autorisation de M. le Préfet de l’Oise.

La discussion des observations faites dans la journée a surtout animé la conversation pendant les diners que les membres de la Société ont toujours pris ensemble.

Le 6 septembre, la Société, guidée par MM. Graves et Bineau, visite la localité de Saint-Martin-le-Nœud, et revient après un détour, par le même chemin.

Saint-Martin-le-Nœud est séparé de Beauvais par un plateau crayeux d’environ une demi-lieue de large. La craie étant employée dans ce pays comme pierre de bâtisse, les auteurs de la carte géologique des environs de Paris ont été amenés a l’erreur de croire que les hauteurs, à l’ouest de Beauvais, étaient composées de calcaire tertiaire. Sur leur pente orientale près du couvent de Saint-Symphorien, à Beauvais, la Société voit, avec intérêt, deux ou trois filons distincts de silex pyromaque au milieu des bancs horizontaux de craie. D’après M. Graves, ces fentes remplies de silex se retrouvent dans beaucoup d’escarpements crayeux, a dix lieues autour de Beauvais. Un dépôt alluvial ancien d’argile limoneuse jaune couvre cette roche, et son épaisseur est assez considérable au-dessus de Beauvais. Le versant opposé du plateau offre, à Flambermont, sur un pente assez forte, de grandes carrières qui laissent apercevoir distinctement le relèvement des couches de craie. Elles inclinent au N. E. sous sa 22 1/2°. Cette craie, assez dure et fendillée, contient des silex, des rognons de pyrite en partie cristallisée, et de nombreux fossiles, tels que des Spatangues (S. coranguinum), des Belemnites, le Dianchora striata, Sow., le Pachytos spinosa, le Podopsis striata, le Catillus Lamarckiii, les Terebratula carnea, octoplicata, intermedia et semiglobosa, le Stromatopora concentrica Golf. ? M.Graves fait remarquer que les Ananchites sont rares dans ces assises moyennes de la craie, tandis qu’ils abondent dans la craie tendre, où au contraire il n’y a que très-peu de Spatangues.

En s’avançant plus au sud-ouest, on voit, dans un petit chemin creux, près du château de Senefoutaine, des affleuremens des couches inférieures à la craie, savoir : de la craie endurcie, fine et blanche, de la craie grisâtres blocs de calcaire gris ou jaune très-dure, et renfermant des ammonites, des peignes, enfin de la craie marneuse à particules vertes, en partie sableuse, de peu d’épaisseur et contenant en grande abondance des pétrifications, telles que des Turrilites (T. costatus ou une espèce voisine), des Hamites, diverses Ammonites (A. varians, Deluci, inflatus, subspinosus Lam., Beudanti, Coupei, Woolgars, Sow.) des Nautiles, la Cassis avellana Brong., l’Ostrea carinata, la Chama haliotoïdea, Sow., le Pecten asper, des Belemnites, des Térébratules (T. gallina Brong. et Lyra, Sow.) le Spatangus suborbiculatus Brong., des dents de Squale, etc.

Au-dessous, on aperçoit encore quelques lits de marne argileuse noirâtre, puis de la craie grise, et après un espace couvert, on arrive à des sables jaunâtres, avec des rognons de minerai de fer. Un épais dépôt d’argile limoneuse diluviale couvre ces couches, qui paraissent former le sol de la forêt voisine de Belloy.

Les couches inférieures à la craie ont toutes la même inclinaison au N. E., mais l’angle d’inclinaison est très-faible. Il est donc évident que, dans ces lieux, les couches sont placées sur une pente, fait qui devient surtout intéressant par l’inclinaison opposée au S.-O. que les mêmes assises présentent, d’après MM. Graves et Bineau, à une demi-lieue plus à l’ouest près de la Houssaye, ainsi qu’à Villotran, Marché-Godard, Lalandelle, St-Aubin et St-Germer.

La Société, à défaut de temps et comptant voir ce fait ailleurs, s’en est rapportée sur ce dernier point avec pleine confiance aux géologues de Beauvais. D’après ces messieurs, l’inclinaison opposée des couches de craie règne sur tous les côteaux qui bordent à droite et à gauche e pays de Bray ; elle est plus ou moins marquée selon qu’on se place au milieu ou vers les points de terminaison de ce pays. Près de Saint-Léger, on rencontre les argiles bigarrées de grès vert. La falaise crayeuse septentrionale du pays de Bray est moins élevée que celle du sud, et, au lieu d’être continue comme cette dernière, elle est divisée en mamelons.

Dans la séance du soir, la Société élit pour président de la réunion, M. de Blainville ; pour vice-président, M. Graves, et pour secrétaire, M. Michelin.

Le Président proclame membres de la Société, MM.

Bineau, ingénieur des mines à Beauvais, présenté par MM. de Blainville et Graves.

Colson (Alexandre), docteur médecin, à Noyon, département de l’Oise, présenté par MM. Graves et Michelin.

Daudin (Hyacinthe), propriétaire à Pouilly, département de l’Oise, présenté par MM. Graves et Michelin.

Rancon, propriétaire à Beauvais, présenté par MM. Héricart de Thury et Héricart-Ferrand.

Le comte de Montlosier à Clermont-Ferrand, présenté par MM. Cordier et Boué.

On détermine les tournées qu’on fera successivement, d’après les renseignemens fournis par M. Graves, qui met sous les yeux de la Société une carte géologique fort détaillée de tout le département de l’Oise, et qui y joint celles de plusieurs arrondissemens du même département. Son but est d’enluminer géologiquement et successivement les cartes de tous les arrondissemens.

On lit une lettre de M. le major Peterson relativement à un affaissement de terrain arrivé près de Ratisbonne.

« Dans le calcaire jurassique de Ratisbonne, la régularité des couches est souvent interrompue par des fendillemens, et cette roche est assez caverneuse. Au mois de mars dernier, un éboulement assez curieux a eu lieu à deux lieues et demie au-dessus de Ratisbonne, un quart de lieue au-dessus des carrières de Kapfenberg, sur la rive gauche, du Danube. Environ quatre-vingts arpens de terre, moitié champs, moitié bois, se sont enfoncés, au milieu de la nuit, avec un fracas épouvantable, de seize à vingt pieds de profondeur. Peu de jours après l’événement, j’ai été sur les lieux. Le coup-d’œil était vraiment remarquable, surtout dans la partie couverte de pins, les arbres se croisant dans tous les sens. Quoique personne. n’ait connu de caverne dans cet endroit, il était manifeste qu’une voûte avait cédé et entraîné tout le terrain. Dans la partie supérieure, c’est-à-dire la plus éloignée du Danube et la plus étroite de l’éboulement, le terrain était élevé au-dessus du niveau du sol, qui présentait comme une crevasse. C’est sans doute par là que l’air, subitement comprimé dans la caverne, s’était fait jour. Des personnes qui se sont trouvées sur la grande route à l’heure de l’événement, prétendent avoir vu du feu ; ce qui n’a rien d’étonnant, puisque un pareil phénomène ne peut guère avoir lieu sans dégagement de calorique et de lumière. Cette circonstance avait fait croire d’abord qu’il s’y était formé un petit volcan ; mais il m’a été même impossible de découvrir la moindre trace de lave. »

On communique, de la part de M. Zuber-Karth, deux brochures lithographiées : l’une, de lui, est un rapport sur une question industrielle ; dans l’autre, M. Weber traite de la canalisation de l’Alsace.

M. Boué présente, 1° une feuille in-folio, offrant les gravures de deux poissons presque parfaits, extraits de la craie par Mantell de Lewis. 2° le premier volume des Transactions de la Société littéraire et historique de Quebec. (Transact of the litterary and historical Society of Quebec.) Un vol in-8o de 343 pages, avec six petites et cinq grandes planches de coupes, Quebec, 1829.

On y remarque un mémoire sur la géologie du lac supérieur, par le commandeur Bayfield ; des notessur la contrée de Saguenay, par M. A. Stuart ; des observations sur quelques roches et minéraux du Canada supérieur, par le capitaine Bonnycastle ; sur la géologie d’une portion de la côte du Labrador, par le lieutenant Baddeley ; sur la géognosie d’une partie du pays de Saguenay ; des notes sur les environs de la chute de Montmorency, par M. W. Green ; le catalogue des collections de la Société, ainsi que neuf autres mémoires : l’un sur les coquilles vivantes, par madame Sheppard, trois de botanique, et les autres de géographie et d’histoire.

Le deuxième volume, de cet intéressant recueil, était sous presse à Quebec, il y a trois mois.

On entend la lecture d’un mémoire de M. Héricart-Ferrand, intitulé : Coupe géognostique du département de l’Oise, entre Chezy en Orceois (département de l’Aisne) et Gournay sur Epte, accompagné d’un profil, sur une longueur de 122,500 mètres.

« Un grand nombre d’observations qui me sont étrangères[1], et d’autres qui me sont personnelles, m’ont suggéré un essai de coupe géognostique du département de l’Oise. C’est un profil qui coupe ce département de l’est à l’ouest, et traverse plusieurs vallées qui, à raison de leur profondeur au-dessous des plateaux voisins, permettent de bien juger la superposition des divers terrains, depuis le point le plus élevé jusqu’au point le plus bas. Sur toute la ligne de cette coupe on reconnaît ainsi les formations du bassin de Paris, sur un fond de craie, qui se relève tellement vers l’est, que les dépôts antérieurs sont, à jour dans la vallée de l’Epte, et se prolongent vers le nord jusqu’à Aumale et Forges.

La formation qui leur est postérieure, la craie, forme un plateau très-élevé dans la partie occidentale du département entre l’Epte et l’Oise. Le village de Coudray Saint-Germer qui est sur le plateau, est le point le plus élevé de tout le département, sa hauteur indiquée par M. Graves, est de 263 mètres au-dessus du niveau de l’Océan.

Le point le plus bas de tout le département est celui du niveau moyen de l’Oise, près Chambly ; il n’est que de 27 mètres au-dessus de l’Océan, de 236, par conséquent au-dessous, de Coudray Saint-Germer.

Chambly est en avant de la ligne d’intersection de ma coupe. Mais en remontant l’Oise, on arrive à Creil, point le plus bas de cette coupe, et qui d’après la pente connue de l’Oise, peut être fixé à 31 mètres au-dessus de l’océan ou 232 mètres au-dessous de Coudray Saint-Germer.

Du côté de l’Est, il faudrait traverser tout le département de l’Aisne, et entrer dans celui de la Marne, pour trouver la craie, du côté d’Epernai, à la limite occidentale du département de l’Aisne ; la formation gypseuse existe sous le plateau, et le gypse y est exploité par puits, sans se montrer au jour dans la vallée de Chezy, ni dans celle de l’Ourcq à Mareuil.

Le plateau entre la vallée de Chezy et la vallée de l’Ourcq, reconnu de plusieurs côtés, présente de haut en bas, les formations suivantes : 1° le terrain d’eau douce supérieur, 2° les grès marins supérieurs, 3° les sables et les grès (de Fontainebleau, d’Ermenonville, de Mortefontaine), 4° le calcaire grossier marin.

La prise d’eau du canal de l’Ourcq à Mareuil est élevée de 85 mètres, 43 décimètres au-dessus du niveau de l’Océan. La vallée y est assez profonde pour entamer entièrement les bancs solides de la formation du calcaire grossier marin, et mettre à jour des sables et des argiles. Ces derniers, d’après M. Bineau, appartiendraient encore à la formation du calcaire grossier marin, et non à l’argile figuline et à l’argile plastique de M. Brongniart.

Remontant de Mareuil à la plaine de Thury, élevée de 155 mètres, on reconnaît au-dessus des sables et des argiles précédents, et particulièrement à la pointe de Houillou sur la grande route de Paris, la glauconie grossière, les bancs calcaires avec nummulites, toute la masse du calcaire grossier marin, et entrant en plaine, les marnes silicéo-calcaires rapportées au calcaire siliceux, et des indices de la formation gypseuse représentée par des marnes contenant quelques quartz lenticulaires. Montant toujours, on atteint et on dépasse la grande formation des sables et des grès (de Fontainebleau), et on arrive au plateau du terrain d’eau douce supérieur.

Les fouilles des puits constatent pour la composition de ce terrain d’eau douce supérieur et de haut en bas : 1° Terre végétale, humus, limon argilo-calcaire, 0 m. 16 cent. ; 2° terre rouge, terre franche argileuse, 6 m. 50 cent. ; 3° terre brune, argileuse avec silex zonés en masse, ou rognons applatis, entiers ou fracturés, contenant des lymnées et des gyrogonites, 5 m. 50 cent. ; 4° marne et calcaire d’eau douce contenant des lymnées et des gyrogonites, 4 m. 90 cent. ; 5° marne graveleuse (nappe d’eau des puits) 0 m. 65 cent. ; 6° marne argileuse verdâtre, 0 m. 32 cent. ; total 18 m. 03 cent. Plus bas on a trouvé les sables et les grès.

Les pentes du plateau de Thury montrent successivement toutes ces nuances du terrain d’eau douce supérieur.

Sur la pente du midi on trouve, sous ce terrain d’eau douce, les grès marins supérieurs qui reposent sur la grande masse des sables et des grès (de Fontainebleau).

Les coquilles des grès marins supérieurs sont toujours intactes et bien conservées ; celles de la grande masse de sable sont usées et semblent avoir été roulées. La zone de sable dans laquelle elles se trouvent contient ordinairement une quantité immense de discorbites.

C’est à Acy, un myriamètre au plus au midi, que se trouve le trou Saint-Pierre, ce gisement de fossiles, connu depuis peu d’années seulement, et qui appartient aussi à la grande masse des sables et des grès (de Fontainebleau).

Revenant à la ligne de ma coupe, et descendant, du plateau de Thury, vers l’ouest, dans le vallon de la Clergis, on retrouve les sables et les grès marins supérieurs, et au-dessous la grande masse des sables et des grès. Dans la longueur de ce vallon, et dans des endroits où tout est en place. on voit dans la partie supérieure de la grande masse de sable, une zone de sable noir de trois à quatre mètres d’épaisseur. Cette zône se retrouve dans une foule d’endroits avec une très-grande régularité, soit dans les escarpements, soit sur les pentes et les plateaux sableux. C’est elle qui fournit particulièrement le sable de bruyère.

Le plateau de Levignan, élevé de 140 mètres au-dessus de l’Océan, offre la même formation de terrain d’eau douce supérieur que le plateau de Thury. Elle y est moins épaisse et finit promptement à la sortie de ce village du côté du midi. Aussi trouve-t-on à peu de distance et notamment sur la grande route de Paris à Soissons, entre la 29e et la 31e borne milliaire, des roches arénacées, classées par M. Brongniart dans les grès marins supérieurs, tandis que M. Robert les place parmi les grès coquillers marins du calcaire grossier.

Les sables forment le sol de toute la plaine autour de Bouville et d’Ormoy-Emy-les-Champs, à l’ouest de Levignan. On y rencontre quelques gisemens de coquilles, qui appartiennent à la même formation que les grès marins supérieurs de Levignan.

Le plateau de Rosières du mont Luats est élevé de 159 mètres, Il est de sable surmonté par la formation d’eau douce supérieure, encore semblable à celle de la plaine de Thury.

La butte de Montepilloy, qui n’est qu’un démembrement du plateau précédent, n’a plus que 130 mètres de hauteur, et porte encore sur son sommet un terrain d’eau douce, qui ne me paraît être que la partie inférieure du terrain d’eau douce des plateaux de Rosières, de Levignan et de Thury ; mais M. Eugène Robert le rapporte au terrain d’eau douce moyen.

La butte d’Aumont n’est que de sable, et n’est élevée que de 121 mètres. Elle a été fortement entamée du côté du midi, ayant fourni depuis environ cent cinquante ans la matière première à la manufacture des glaces de Saint-Gobain.

La partie supérieure de la formation du calcaire grossier marin est exploitée dans la petite vallée d’Aunette, qui sépare la butte de Montepilloy de celle d’Aumont.

La vallée de l’Oise à Creil est creusée dans le calcaire grossier marin et les argiles figuline et plastique. La rivière coule dans la craie. Sur le chemin de Creil à Verneuil on trouve les coquilles marines et fluviatiles des argiles figulines du Soissonnais. Au delà de l’Oise, sur la rive droite, les collines de Montataire, élevées de 74 mètres et de Mello de 98, font partie l’une et l’autre d’un même plateau de calcaire grossier marin, dont la base observée dans la vallée du Therrain, présente encore les coquilles marines et fluviatiles des argiles du Soissonnais.

La vallée du Therrain, en face de l’église de Mello, est élevée de 39 mètres. La craie paraît à peu de distance sur son côté droit, en abordant la base du grand plateau de craie, qui porte Sainte-Geneviève-le-Vauroux, le Coudray-Saint-Germer et Saint-Germer.

Toutes les observations précédentes constatent, sur la ligne de ma coupe géognostique du département de l’Oise, la présence des diverses formations du bassin des environs de Paris, on au moins les indices de celles qui n’existent point. Mais il reste à reconnaître si au passage des argiles plastiques à la craie, dans les vallées du Therrain et de l’Oise, on trouverait ces poudingues siliceux de la vallée du Loing, si abondans entre Nemours et Château-Landon, et appelés terrain clastique par M. Brongniart. Les trois localités déjà connues de ce dépôt sont à la limite du bassin de Paris, Nemours et Moret, dans la vallée du Loing ; et à peu de distance de Creil, La Morlaye, à l’ouverture de la vallée de la Thève dans celle de l’Oise.

Ces mêmes poudingues supérieurs à la craie se trouvent dans la vallée du Loir, de Bonneval à Châteaudun, et dans la vallée de la Couie qui descend du plateau entre Chartres et Orléans, et vient s’ouvrir dans celle du Loir. Ces deux localités appartiennent au département de l’Eure. À une grande distance, au Nord, dans le département de l’Aisne, près de Saint-Gobain, on retrouve encore ces mêmes poudingues.

Sous la terre végétale du plateau de Thury, j’ai indiqué par les noms vulgaires de terre rouge, terre franche argileuse, un limon de six à sept mètres d’épaisseur. Cette couche limoneuse ne ressemble en rien à celle qui lui est inférieure. Elle ne contient point de silex. Appartient-elle bien au terrain lacustre supérieur, au groupe des terrains épilymniques, ou au terrain diluvien, au groupe des terrains clysmiens ?

La terre végétale du haut plateau crayeux de Coudray-Saint-Germer contient en grande abondance des galets siliceux qu’on retrouve sur tous les plateaux de craie du nord-est du département. Ils me semblent appartenir au terrain diluvien, mais aux galets du groupe des terrains clysmiens détritiques ; le gravier et les galets de la vallée de l’Oise ne peuvent se rapporter qu’aux terrains alluvions caillouteux.

Enfin, les exploitations des tourbes herbacées des vallées de l’Ourcq et du Therrain constatent l’existence des terrains alluvions phytogènes. »

La journée du 7 est occupée par l’inspection des points de Bresle et de Laversine.

La Société visite près de Rochecondé, les sables argilo-marneux à grains verts, et coquillera qui forment, dans les environs de Beauvais, la base du calcaire tertiaire reposant sans autre intermédiaire sur la craie. Elle y trouve des débris de Cucullées, et dans une marne brune supérieurs à ces sables, des traces de lignite, et un mélange de coquilles marines et d’eau douce, accident qui rappelle les argiles à lignites du Soissonnais.

La Société se rend à une éminence appelée le Mont-César (à l’est du bois de Quesnoy), qui domine la contrée, et est formée des mêmes sables tertiaires, coquillers et à glauconie, sur lesquels est placé un lambeau de calcaire grossier.

Elle observe, au milieu des marais de Bresles, un petit mamelon des mêmes sables qui offrent une très-grande quantité de fragmens brisés de Cucullées, de Pectoncles, de Corbules, de Limes, etc. La grande tourbière de Bresles lui offre la coupe suivante de haut en bas : 1o du limon calcaire pétri de coquilles terrestres, 2o de la tourbe blanchâtre mêlée de sable, 3o de la tourbe grise à coquilles fluviatiles et lacustres, 4° de la tourbe noire ou brune à racines, 5° de la tourbe compacte bitumineuse sans débris de végétaux et à fer phosphate ; 6° de la tourbe brune à restes d’arbres, tels que des feuilles et des fruits de noisetiers, des branches et des troncs de coudrier, de bouleau, d’aulne. D’après la collection de M. Graves, il y a aussi des bois de cerf, de chevreuil, de cheval, de castor et d’aurochs, 7° de la tourbe sableuse, 8° de l’argile brune ou grise ;

Le village de Laversine offre, au-dessus de la craie, un lambeau très-petit d’un dépôt calcaire coquiller qui occupe, d’une manière fort intéressante, les momens de la Société.

Ce calcaire est compacte, poreux ou friable, blanchâtre ou jaunâtre et plein de fossiles, la plupart en moules, tels qu’une espèce de Lime voisine de la Lima plicara de la Tourraine, une Arche voisine de l’Arca clathrata du même pays, des Lucines, des Cerithes, des Trochus, des Turbos, des Pleurotomaires, des Cranies, des Cidarites, des Polypiers, des Spiropores, etc. Il forme un escarpement de vingt à trente pieds de hauteur, et a environ cent mètres de long sur vingt de largeur. Il est divisé en bancs peu distincts ; néanmoins lorsqu’on peut y apercevoir les joints de stratification, l’inclinaison est au S. O. sous 15°, tandis que la craie, qui ressort à vingt pas de là, incline distinctement au S.

La masse inférieure du dépôt est plus compacte et renferme quelquefois des petits nodules irréguliers d’un silex corné grossier et se fondant avec la masse du calcaire, tandis que supérieurement elle est plus tendre, plus jaunâtre et pétrie de Limes.

Ce dépôt repose positivement sur la-craie à Bélemnites, puisqu’on la découvre dans le fond d’une des excavations faites dans ce calcaire, dont elle est séparée par un petit lit d’un pouce environ de marne calcaire. De plus, la craie se montre clairement jusqu’à la surface du sol, dans un puits creusé à cinq pas du pied de l’escarpement du calcaire problématique. Enfin la craie se montre au jour à vingt pas à l’ouest ; tous les caveaux d’une grande partie du village sont creusés dans cette roche, et la plus petite portion du hameau est bâtie sur le calcaire coquiller, qui a été aussi miné pour des celliers. Il paraît donc clair qu’on a là, sur le bord d’un vallon très-évasé, un petit lambeau d’un dépôt placé en stratification discordante sur la craie, et adossé contre une pente du vallon, ou pour parler géologiquement, dans une petite anfractuosité d’un rivage crayeux. Il s’agissait maintenant de déterminer l’âge de ce dépôt ; les fossiles et la nature minéralogique de la roche pouvaient être les seuls guides. Tout le monde avoue que ce n’est pas du calcaire tertiaire parisien, puisque la roche n’en présente ni les fossiles, ni la texture ; mais plusieurs personnes sont d’accord pour y reconnaître des analogies de fossiles et de contexture, soit avec certaines roches de Valognes et de Maëstricht, soit avec le calcaire tertiaire de Bordeaux et les faluns en général.

Ce serait donc un dépôt tertiaire très-récent qui n’aurait pas été découvert jusqu’ici, quoique très-près de Paris. D’un autre côté quelques personnes, en admettant cette classification, voyaient s’élever dans leur esprit des doutes sur le classement véritable de certains calcaires de Valognes et surtout de Maëstricht. Malgré l’absence des Baculites et des Bélemnites, on se demandait si les assises coquillères des souterrains de Maëstricht placées, d’après tous les observateurs, entre la craie à silex et un certain calcaire évidemment tertiaire, ne pourraient pas être une dépendance du sol tertiaire supérieur, et non pas de la craie. La présence seule des Bélemnites ne paraissait, même pas tout-à-fait contraire à cette idée, puisque cette espèce de fossiles de. la pierre de Maëstricht à l’air souvent d’avoir été roulée, et que M. le comte de Munster et d’autres personnes en ont observé, ainsi que des fossiles secondaires, dans le sol tertiaire supérieur de la Westphalie. De plus, les roches particulières de Maëstricht ont toujours offert, à quelques membres de la société, un air de parenté, avec les grands dépôts de calcaire tertiaire supérieur ou calcaire à coraux de l’Autriche, de la Hongrie, de la Gallicie, etc.

Le temps ne permet pas à la Société d’aller voir, en revenant de Laversine, au nord de Bracheux, une petite butte composée de sables verts tertiaires inférieurs et riches en coquilles. M. Graves y cite en particulier les fossiles suivans : Voluta depressa Lam. Cucullœa crassatina, Venericardia pectuncularis et multicostata, Melania plicatula Desh. Ostrea bellovacina, Cardium hybridum Desh., Cytherea obliqua et bellovacina, Lucina uncinata, scalaris et grata, Crassatella sulcata, Corbula longirostris Desh., Nucula fragilis Desh., Larvaria fragilis Def., Cerithium lacrymabundum Def. Aucune de ces coquilles ne se rencontre, d’après M. Graves, dans les couches ordinaires du calcaire grossier, et il connait déjà plus de dix gisemens semblables celui de Bracheux. Dans quelques uns, le sable est agglutiné en grès dur, qui sert de pavé, alors il n’y a plus que des moules de coquilles.

La Société se rend à Savignies, Saint-Germain-la-Poterie et Saint-Paul.

En montant de Savignies à l’O. N. O. au Mont-Benard (228 mèt. de hauteur absolue), elle voit successivement resortir les couches principales des assises supérieures du grès vert, savoir : des assises assez puissantes de grès jaunâtre, blanchâtre et rougeâtre avec des traces de minerai de fer, des marnes argileuses ; enfin, sur le plateau des couches d’une excellente argile plastique ou a potier, surtout grisâtre et à pyrites : on y observe dans certains lits des petites bivalves (Corbules et Nucules), et des traces végétales. L’inclinaison de toutes ces couches est au N. E. sous 22°.

D’après M. Graves, les couches composant le Mont Benard, ne sont pas continues dans toute la butte et n’y ont pas non plus une épaisseur semblable. Malgré cette irrégularité il pense pouvoir en dresser la coupe suivante de haut en bas :

Sable jaunâtre ferrugineux mêlé d’argile marbrée rousse et blanche, sable gris micacé à argile jaunâtre et grès en fragmens, ce banc contient un niveau d’eau, argile rougeâtre ou grès ferrugineux à mica, argile bleue dite terre à grès contenant des pyrites ou lignites, l’Ammonites splendens, Deluci, Lamberti, Lewensiensis, Mantelli, dentatus, tuberculatus, hippocastanum, Hamites intermedius et compressus, Nucula pectinata et producta, Inoceramus concentricus, Pecten quinque-costatus et Squalus, Rostellaria carinata Mantell. etc., banc qui serait le Gault, argile grise, plus douce sans fossiles, grès ferrugineux avec bois fossile, sable gris, argile grise dite la terre a plombeur, banc qui serait d’après M. Graves fluviatile comme le précédent, enfin du grès vert.

De ce lieu la Société se rend à Courcelles dans une localité où le chemin creux laisse voir de nouveau les couches jaunâtres et arénacées du grès vert ; tandis que plus loin dans un champ près de Ville en Bray, l’on peut voir des couches coquillières qui occupent dans le grès vert, une place plus inférieure sous la marne bleue. Ce sont des grès verts calcaires en partie à ciment de spath calcaire (Grit des Anglais) avec des impressions ressemblant un peu à de grands Fucoides branchus ? et des lumachelles arénacée sa grains verts et à petites Huîtres, Anomies, Polypiers, etc.

M. Graves place entre ces deux dernières roches une argile verdâtre et il cite dans le grès vert spathisé la Trigonia scabra et rugosa, la Mya mandibulata, des Cucullées et des Huîtres. Ce banc forme ailleurs des assises puissantes.

La Société revoit à Lafresnoy de grandes carrières de grès vert supérieur, offrant du grès jaunâtre à traces de végétaux en partie changés en fer hydraté et à impressions ; et inclinant au N-E. Cette masse paraît être intercalée entre deux assises d’argile dont l’inférieure ressort non loin de là.

Après une promenade au milieu du bois de Ville en Bray, la Société monte sur les hauteurs pelées et couvertes de bruyères près de St-Germain-la-Poterie (164 met. de hauteur), pour y observer un vaste dépôt de minerai de fer oolithique exploité et appartenant au grès vert supérieur. Elle voit ce fait avec d’autant plus de satisfaction qu’on ne peut pas en désirer d’exemple plus distinct ; D’après M. Graves, ce minerai entouré de sable rubanné jaune se trouve à Rainvillers, repose sur une argile à potier pétrie de coquilles marines, et renferme des morceaux de fer hydraté ocreux il fossiles marins.

Le retour à Beauvais, offre encore à la Société l’occasion de voir entre Goincourt et Saint Paul, à la Sablonnière de Saint-Paul, une autre dépendance curieuse du grès vert, telle que les couches qui représentent en grande partie à Beauvais les couches fluviatiles de la forêt de Tilgate en Angleterre. La Société y remarque des escarpemens assez grands d’un grès fin, blanchâtre ou jaunâtre à impressions végétales monocotylédones et même à fougères (Pecopteris reticculata Mantell. ou Lonchopteris, Ad. Brong.)et au-dessus des couches marneuses avec des lits d’une marne ferrugineuse jaune, brune à petits grains de fer oolithique et à coquilles marines, soit bivalves, soit univalves, telles que la Trigonia alœformis Sow., des Nucules, ’ des Thethis Sow. et des iuouleszintérieurs difficiles à classer.

Le 9, la Société se rend à Gournay, par Savignies, Hanvoile et Hecourt.

M, Graves lui fait observer, près de Glatigny, que la craie repose sans l’intermédiaire de la craie chlorité sur le grès vert supérieur ou ferrugineux. Ce fait se répète sur toute la lisière nord-est du pays de Bray.

Dans le village d’Heraulle près d’Hanvoile, la Société observe des argiles grises à potier et smectiques, qui renferment les mêmes empreintes de fougères que le grès de la sablonnière de Saint-Paul, ainsi que des Ammonites et divers moules de petites bivalves ; telles que des Nucules et des Corbules. Ce sont encore des dépendances du grès vert se trouvant sur le même horizon géologique que l’argile de Savignies.

Au dessus d’Hanvoile, la société observe, dans une carrière, du grès vert calcaire, et des calcaires arénacés jaunâtres, à petites Anomies, Peignes, Modioles etc., appartenant aussi au grès vert inférieur. On y trouve des masses non en place de lumachelles bleues à petites Gryphées, et à Vembé prà de Gerberoy, des lumachelles à Anomies. Un membre remarque des blocs d’une lumachelle à Paludines semblable au marbre de Sussex. M. Graves n’a encore trouvé cette roche qu’en blocs et généralement aux points de contact des sables ferrugineux et du grès vert inférieur, soit au-dessus d’Hanvoile, soit à Hannaches, mais il ne doute pas qu’on ne la découvre un jour en place, dans le pays, comme c’est le cas pour les blocs d’autres lumachelles.

En montant au plateau du moulin de Bois-Aubert ou de Senantes, quelques membres voient des affleuremens de marnes grises et bleuâtres inclinant au N. E., tandis que les blocs couvrant les champs et les carrières, indiquent que le plateau est formé de calcaire compacte blanc à aspect lithographique, mais non feuilleté et couvert d’une lumachelle rosâtre pétrie d’une espèce de petite Gryphée très-voisine, si ce n’est l’identique de celle appelée Gryhea virgula. L’inclinaison très faible des couches y est au contraire au N. O. et reste ainsi jusque vers Gournay.

En se rendant au village de Hecourt, la Société a occasion encore de voir des affleuremens d’alternats d’argile bleuâtre ou noirâtre et de lumachelle bleuâtre à petites Gryphées. Elle rencontre aussi beaucoup de blocs de ces lumachelles et y observe des grandes Huîtres, des Ammonites, des Térébratules etc.

M. Graves a déterminé dans les lumachelles les fossiles suivans : Gryphea virgula Defr. ou angusta Lam., l’Ostrea gregarea Sow., Trigonia nodulosa Lam., Perna aviculoïdes Lam., Ammonites contractus Blainville et coronatus Schloth, Gryphea latissima et Cidarites crenularis Lam. Les deux premiers fossiles forment la grande masse de la roche.

Sous la conduite de M. Langlois de Beauvais, la Société va voir dans sa propriété, au N. O.de ce village un puits percé à travers les lumachelles et le calcaire compacte jusqu’à la profondeur de quarante pieds. D’après le rapport de ce propriétaire, espérant trouver de la houille, les ouvriers se seraient arrêtés dans une roche bleuâtre très dure, dont M. Graves conserve des échantillons rapportés par les ouvriers, et ramassés par lui dans les déblais du puits.

La Société n’en peut malheureusement trouver aucune trace, mais elle reconnaît bien positivement dans la collection de M. Graves que cette roche est un calcaire intermédiaire à encrines identique avec ceux de la Belgique et de Marquise en Picardie.

Quoi qu’on puisse élever des doutes sur ce rapport d’ouvriers, et que les échantillons n’aient pas été détachés par M. Graves lui-même, il n’en serait pas moins important de vérifier, s’il est possible, cette curieuse observation. Si elle était vraie, des crêtes ou des proéminences de terrain ancien perçant à travers les dépôts secondaires les plus modernes ou s’étant trouvées assez élevées, pour n’être pas recouvertes par eux, seraient peut-être les causes de ces dos d’âne que forment, soit dans cette contrée, soit dans le sud-est de-l’Angleterre, les couches du grès vert, de la craie et même des dernières assises jurassiques. D’autres personnes y voient plutôt des motifs suffisans pour la supposition de son lève mens. Tel est l’objet des discussions de la Société pendant le reste de cette soirée ; mais un autre fait assez problématique appelle son attention.

Non loin de ce puits de M. Langlois, ce propriétaire conduit la Société dans une prairie où, pour établir un étang, il avait fait faire une tranchée assez profonde dans le sol. Il avait coupé des alternats d’une marne noire bleuâtre à pyrites et à huîtres qui paraissent en partie, à quelques personnes, malgré la médiocrité des échantillons, voisines de l’ostrea deltoïdea. Mais M. Graves ne partage pas cette opinion. Certains membres de la Société veulent reconnaître en conséquence l’argile de Dives ou de Kimmeridge, dans ce dépôt, placé en effet sur un niveau plus élevé que les lumachelles du puits. Ce classement pourrait bien être le véritable ; car on retrouve aussi en Angleterre, sous et dans l’argile de Kimmeridge des lumachelles à Gryphées virgules ; ce gisement serait alors analogue à celui d’Oxford, où les couches de Portland sont simplement représentées par certaines couches arénacées coquillières qu’on n’a pu séparer du grès vert que par suite du soin minutieux, avec lequel les Anglais ont examiné le détail des couches secondaires récentes. Mais le temps pressait et la Société aurait été obligée de retourner fort loin sur ses pas pour voir si elle pouvait adopter cette idée en pleine conviction, ou si ces argiles n’étaient encore que des dépendances inférieures du grès vert. Elle regrette de n’avoir pu donner assez d’attention, à cause du mauvais temps, aux affleuremens sur le versant sud-est du plateau de calcaire lithographique.

Le 10, la Société retourne de Gournay à Beauvais par la grande route.

Elle voit en chemin, à Epaubourg, la belle exploitation d’argile plastique grise, jaune et rouge : dépôt évidemment dépendant du grès vert comme le prouvent les affleuremens qui paraissent çà et là sur la route, et l’absence totale de l’argile plastique tertiaire près de Beauvais.

à Saint-Germer, la Société observe des grès ferrugineux en plaquettes ; et au lieu dit le Becquet, près de Saint-Germer, elle examine un dépôt pyriteux très-récent, et exploité pour une fabrique de couperose. Sous la tourbe ordinaire et le limon formant ensemble une épaisseur de quinze pieds, on rencontre des bois en général très-faiblement bituminisés et appartenant évidemment à des espèces croissant dans le pays tels que le bouleau, le saule, le coudrier et le noisetier. L’écorce de ces troncs est souvent intacte ; et on y voit même des noisettes. Plus bas au dessus de ces bois, empâtés dans un gravier noirâtre et incrusté de fer sulfuré, il y a, d’après MM. Graves et Bineau, une couche de lignite friable à lumière, ayant 3 pieds d’épaisseur ; enfin, un lit de galets siliceux noirâtre de 3 pieds. Malheureusement l’eau remplissait les excavations. Quelques membres vont visiter plus loin un autre amas tout-à-fait semblable, près de Goincourt, et sont assez heureux pour y trouver une coupe présentant 20 pieds de lignite pyriteux, 3 pieds de galets noirs et 3 pieds de lignite pyriteux. D’après M.Graves, on y distinguerait une couche d’arbres renversés (2 mèt.), de la tourbe noire compacte (25 centim.), du gravier vitriolique fin (2 mèt.), du gravier semblable grossier avec des silex de la craie (60 centim.), des galets siliceux à pyrites avec des oursins silicifiés, et de l’argile. Des ossemens de chevaux, de bœuf et de chevreuil se trouvent dans ces deux dépôts.

L’opinion la plus générale, dans la Société, est que c’est un sédiment alluvial ou lacustre, sur lequel s’est formée postérieurement de la tourbe, mais ce sédiment doit être fort ancien, puisqu’il participe à la coupure de la vallée.

L’après-midi est employé à visiter en détail la belle collection de M. Graves, où la Société voit avec le plus grand intérêt, outre’toutes les roches de l’Oise, groupées géologiquement, une nombreuse et superbe suite de fossiles très-bien classés. Parmi ces derniers on remarque beaucoup d’ossements de ruminans (bœufs, cerfs) trouvés dans les tourbières. M.Graves a des doubles en assez grande quantité pour qu’il veuille bien en promettre à la Société un envoi considérable. Il fait la proposition d’adresser une circulaire générale aux membres pour les engager à enrichir les collections de la Société, et de leur indiquer en général les objets qui pourraient être utiles.

M. Graves montre en particulier, à la Société, une craie jaune de Hedencourt (canton de Froissy) qui, par son aspect et sa nature cristalline avait l’air magnésienne, ce qui une se trouve pas vérifié à cause de l’effervescence vive qu’elle fait avec les acides.

Quant aux dents de cheval que M. Graves a recueillies dans un bloc de craie près de Beauvais, il reconnaît lui-même combien ce fait est douteux, et il regrette qu’on en ait fait mention publiquement. La Société s’assure que la craie entourant les dents est moins fortement aggrégée qu’à l’ordinaire, de manière qu’elle a plutôt l’air d’un limon crayeux, qui aurait enveloppé ces dents, qui seraient tombées accidentellement dans une petite fente ou empâtées dans la surface délayée d’un bloc de craie. D’ailleurs elles ne sont nullement fossilisées.

Après l’examen de la collection de M. Graves, la séance est ouverte par la présentation, au nom de M. Buckland, d’une suite nombreuse de divers Coprolites, tant en moules qu’en nature, et d’un mémoire extrait du volume, sous presse, de la Société géologique de Londres intitulé : « Sur les restes d’élphans et d’autres quadrupèdes trouvés dans le limon gelé de la baie d’Eschscholtz dans le détroit de Bering, et sur d’autres rivages des mers arctiques.

Il est fait lecture d’une lettre de M. de Montlosier, qui témoigne tout l’intérêt qu’il porte encore à la science.

On lit le mémoire suivant de M. Teissier d’Anduze, intitulé : Note sur une grotte à ossemens près d’Anduze, département du Gard, mémoire accompagné d’un envoi d’ossements fossiles.

« Il y a quelques jours qu’on a découvert, à deux lieues au nord-est d’Anduze, dans la commune de Mialet, une grotte à ossemens dans le calcaire jurassique caverneux. Cette caverne s’appelle la Grotte du Fort ; elle est célèbre dans le pays, parce que, pendant les guerres des Camisards, elle servit souvent de lieu de refuge ou d’assemblée aux pasteurs et aux habitans persécutés.

Ces ossemens, dont une partie m’a été donnée, me paraissent appartenir à l’ours des grottes (Ursus spelœus) ; et j’adresse à la Société une moitié gauche de maxillaire inférieure ; un fragment de maxillaire supérieur du même côté, l’un et l’autre garnis de dents ; une seconde vertèbre cervicale ; une partie inférieure d’humérus ; un fragment de fémur et de tibia ; deux rotules, un calcanéum, un os du métatarse ; plusieurs dents détachées ; une phalangette de l’extrémité de la griffe, et un cône évidé, qui paraît avoir été un ongle, ou n’est peut-être qu’un débris de dent.

La caverne où ces ossemens ont été trouvés est spacieuse et élevée. Les ossemens reposent sur le sol, empâtés dans un limon argilo-ferrugineux. Ces ossemens ont été aperçus après quelques coups de bêche donnés sans dessein ; de sorte que, quoique les recherches se soient bornées là, on peut être assuré que la grotte en contient une grande quantité.

En élevant les flambeaux vers la voûte, on aperçoit qu’un limon pareil à celui du sol est resté attaché en plusieurs endroits aux rochers du plafond, et que ce limon empâte beaucoup de fragmens osseux. On peut donc penser que la grotte, primitivement vide, a été remplie de limon mêlé d’ossements par une action violente, celle des eaux sans doute ; que, postérieurement, l’action des eaux agissant en sens contraire, a déblayé une partie de ce dépôt de la caverne ; cependant une partie de ce mélange d’ossements et de terre est restée attachée aux parois et à la voûte de la caverne comme un monument des révolutions qui s’y sont succédées. L’observation de ces ossemens attachés à la voûte, ne détruit-elle pas l’opinion de ceux qui pensent exclusivement que les animaux ont vécu dans les grottes, où l’on trouve leurs débris ?

Il est une autre remarque tout aussi curieuse : c’est que sur le limon où les ossemens sont empâtés, et sous un petit avancement de rocher on a trouvé un squelette humain. Auprès de ce squelette était une figurine en terre cuite (argile jaune fine) représentant un romain vêtu de la tunique, et drapé de son manteau qu’il relève de la main gauche : il a les bras, les jambes et la tête nus, le front découvert, et les cheveux coupés à la Titus. Cette figurine de six pouces de hauteur, évidée à l’intérieur, et pénétrée en certains endroits par le limon de la caverne, est en la possession de M. Miergue, chirurgien de cette ville ; si la Société le désire, je pourrai lui en envoyer un dessin.

Ce squelette, cette figure en terre cuite parfaitement conservée, ces ossemens et les circonstances de leur position relative, peuvent jeter quelque jour, comme la Société le sentira parfaitement, sur la question soulevée par MM. Tournal et de Christol au sujet des cavernes de Bize, de Souvignargues, dans lesquelles ils ont trouvé des ossemens d’espèces animales perdues, des ossemens humains et des débris de poterie. »

La Société, en remerciant M. Teissier, le prie d’envoyer un dessin de la figurine.

La lecture d’autres notices est renvoyée, faute de temps, aux séances ordinaires.

Le reste de la séance est employé à discuter les observations faites sur la stratification et la composition du sol secondaire de Beauvais.

M. Cordier en esquisse un profil, et fait voir le peu de raisons qui paraissent militer en faveur de la supposition que le pays de Bray est l’axe central d’un soulèvement qui aurait courbé en dos d’âne toutes les couches de la craie, du grès vert, ainsi que du calcaire jurassique tout-à-fait supérieur. Toutes ces masses n’offrent que des inclinaisons très-faibles, et paraissent être, par conséquent, dans leur position originaire.

La Société pense qu’il serait convenable de faire lithographier d’après les observations précédentes une coupe des couches entre Beauvais et Gournay (Voyez Planche I, fig. 1).

Le tableau suivant offre l’ordre approximatif que la Société croit entrevoir dans la succession des couches observées :

Étage de la craie proprement dite Craie blanche à lits et filons de silex. (Entre Beauvais et Saint-Martin-le-Nœud.)
Craie dure ou calcaire crayeux. (Flambermont.)
Étages des sables verts Craie à grains verts (Château de Sénefontaine)
Sables verts.
Étages des sables ferrugineux Argile lie de vin bigarrée. (Epaubourg) ?
Sables quartzeux, rouges, roses et jaunâtres, avec minerais de fer. (Savignies.)
Sables blancs ou roussâtres. (À l’ouest de Savignies.)
Couches de minerai de far. (Mont Benard.)
Argile de Savignies. (Mont Benard.)
Argile à coquilles marines. (Bois de Craine, près de l’Héraulle.)
Sable ferrugineux.
Minerai de fer en grains. (Saint-Germain-la-Poterie.)
Minerai de fer coquiller (Saint-Paul.)
Sable et grès blanc à fougères. (Sablonnière de St-Paul.)
Argile. (Venancourt, Ons en Bray.) ?
Sables et grès ferrugineux. (Lafresnoy.)
Argile à foulon. (Lafresnoy.)
Argile à foulon. (Hanvoille.) ?
Étages des grès verts Argile jaunâtre. (À l’ouest d’Hanvoille.)
Grès vert. (À l’ouest d’Hanvoille.)
Lumachelle grise à grosses paludines.
Marnes et argiles grises et bleuâtres, avec des lits de lumachelles à petites huitres ou anomies. (À l’ouest d’Hanvoille et Courcelles.)
Étages des marnes à petites gryphées Marnes et argiles grises, à petites huîtres ordinaires. (Hécourt.)
Argile marneuse noirâtre à huîtres. (Hécourt.)
Lumachelle grise. À petites gryphées. (Hécourt-L
Lumachelle rougeâtre, à gryphées virgules (Plateau culminant de Senantes.)
Calcaire compacte argilifère blanc jaunâtre. (Sur le même plateau.)

Avant de se séparer, la Société charge le Bureau d’être son organe auprès de M. le préfet de l’Oise, pour le remercier d’avoir mis à la disposition de la Société une salle pour tenir ses séances.


  1. Voyez la Description des Environs de Paris, par MM. Brongniart et Cuvier ; le Précis de Statistique du département de l’Oise, par M. Graves, dans l’Annuaire pour 1829 ; et un Mémoire de M. Robert, dans les Annales des Mines, vol. VIII, 1830.