Aller au contenu

Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome III/Séance du 17 juin 1833

La bibliothèque libre.


Séance du 17 juin 1833.


Présidence de M. Michelin, trésorier.


NOUVEAUX MEMBRES.


M. le président proclame :

MM.

Victor Lanjuinais, à Paris ; présenté par MM. Clemson et Boué ;

Vincent Maitland Heuberger, à Washington (États-Unis) ; présenté par MM. Warden et Clemson.


DONS FAITS À LA SOCIÉTÉ.

La Société reçoit les ouvrages suivans :

1o De la part de MM. Virlet et Boblaye, le prospectus historique des travaux de la section des sciences physiques de l’expédition de Morée, et la seconde livraison de leur travail sur la géologie de cette contrée, composée des feuilles 7 et 8, et de la première planche des coupes dans laquelle on remarque un très bel exemple des soulèvemens qu’ils ont appelés circulaires, celui de Ziria (le Cyllène de l’antiquité, l’une des plus hautes montagnes de l’Arcadie).

2o De la part de M. Boubée :

A. La quatrième livraison de ses Bulletins de nouveaux gisemens en France, divisés en huit sections : 1o animaux vertébrés ; 2o invertébrés, articulés ; 3o mollusques, zoophytes ; 4o botanique ; 5o palœontologie ; 6o minéralogie ; 7o géognosie et géologie ; 8o économie industrielle. In-18, ensemble 60 p.

B. Promenade de Lyon à Grenay pour l’étude du terrain d’alluvion à blocs erratique », et du creusement des vallées. In-18, 20 p., 1 pl.

3o De la part de M. Juvenal Vegezzi, Nécrologie de M. Étienne Borson, professeur de minéralogie à Turin. In-8o, 4 p.

4o La trentième livraison de la Description des coquilles fossiles des environs de Paris, par M. Deshayes.

5o Recueil de la Société libre d’agriculture, sciences, arts et belles-lettres du département de l’Eure, n" 13 ; janvier 1823. In-8o, 120 p. Évreux.

6o Le no 5 de l’Institut, Journal des Académies et Sociétés scientifiques de la France et de l’étranger.

M. Warden fait hommage à la Société de 50 échantillons de minéraux des États-Unis.

M. T. d’Abbadie fait hommage à la Société de 27 échantillons offrant la suite des roches traversées, en pratiquant un puits pour la recherche de la houille près Quimper, dans la commune de Kerfunden. Dans ce travail, entrepris par les soins de M. Godefroy de Nantes, on a coupé dix veines de houille jusqu’à la profondeur de 86 pieds qu’on avait atteinte au commencement du mois de mai. L’épaisseur de ces lits varie de 2 à 7 pouces ; la qualité de la houille est en général bonne. L’inclinaison des couches est de 15 degrés jusqu’à la profondeur de 16 pieds ; ensuite de 45 degrés jusqu’à celle de 78 pieds ; plus bas, la stratification est horizontale. Les roches traversées sont successivement du grès houiller avec ou sans impressions de plantes, du schiste, des psammites et de la houille. La direction générale des filons est de l’est à l’ouest magnétique, la déclinaison de l’aiguille aimantée étant de 25 degrés.

M. Godefroy avait percé, à la même époque, un autre puits dans le voisinage du précédent jusqu’à la profondeur de 32 pieds ; on y a plusieurs fois traversé la houille qui, dans un lit, offre 1 mètre d’épaisseur.

M. Traullé met à la disposition de la Société la collection complète des séries de roches de l’Auvergne, publiée par M. Lecoq. Cette collection sera déposée, pour quelques mois, dans le local de la Société, où elle pourra être étudiée avant et après les courses extraordinaires que la Société va faire en Auvergne.

M. Boué communique un ouvrage intitulé Géographie naturelle du Wurtemberg (Reine naturalisch Geographie von Wurtemberg), par M. Schwarz. In-8" 272 pag., avec une coupe coloriée. Stuttgard, 1832.


COMMUNICATIONS VERBALES. — MÉMOIRES.


M. Virlet ajoute les observations suivantes en réponse à l’objection qui a été soulevée par M. Boblaye, et appuyée par MM. Dufrénoy et Elle de Beaumont, à la fin de la dernière séance, savoir : « que dans les cratères de soulèvement l’on ne devait pas considérer la force soulevante, comme si elle avait été appliquée en un point mathématique ; mais qu’elle avait agi, au contraire, suivant un prisme ou un cylindre d’une certaine étendue, et qu’alors le calcul ne pouvait plus être applicable. Suivant M. Virlet, cette manière d’envisager les choses ne peut en rien changer les conditions du problème.

« Si l’on suppose d’abord que le soulèvement est dû à quelque roche plutonique comme les porphyres, les granites, les basaltes ou autres, et qu’elle ait emporté dans son ascension une certaine portion de l’écorce du globe, comme le ferait un emporte-pièce, il n’y a point alors de cratère possible, et l’on pourrait, en quelque sorte, assimiler cette opération à ce qui se passe quand un bouchon est chassé d’une bouteille, par la compression des gaz produits par la Fermentation du liquide qu’elle renferme. Si au contraire l’effet de ce soulèvement a pour résultat une fracture centrale (c’est ici le cas de tenir compte de l’épaisseur de la croûte terrestre), le résultat à la surface, dit M. Virlet, d’une force appliquée à une grande profondeur, sera absolument le même, soit qu’on considère cette force soulevante comme agissant suivant un cylindre d’un certain diamètre (2, 3 ou 4 lieues), soit qu’on la suppose appliquée en un seul point. Car, dans le premier cas, l’un des points du bord du cylindre de soulèvement après le brisement central de la surface, agira sur un des secteurs de cette surface, comme un point qui, étant appliqué vers l’extrémité d’un rayon, tendrait à le relever d’une certaine quantité ; les autres points du cylindre agissant sur autant de points des différens secteurs de la surface étoilée, tendraient également à les élever vers leur extrémité centrale ; il y aurait donc également dans ce cas, comme dans la supposition d’une force appliquée au seul point central, formation d’un cône surbaissé.

« Si l’on ne tenait pas compte de l’épaisseur, une force appliquée en un seul point d’une surface n’aurait d’action que jusqu’au moment de son brisement, car il ne faudrait qu’une ouverture suffisante pour répondre au point mathématique qu’il a supposé dans ses calculs appliqué, au centre du soulèvement, pour que la force soulevante fût neutralisée. Enfin, si l’on allait jusqu’à admettre qu’il y a eu à la fois soulèvement cylindrique et formation de cratère, il y aurait alors complication dans le problème, et pour calculer la véritable hauteur du soulèvement, il faudrait d’abord tenir compte de la quantité d’élévation, dont l’inclinaison et l’escarpement des couches à la surface exprimerait la hauteur, et ensuite de celle qui serait le résultat de l’élévation verticale du cylindre, quantité qui serait tout-à-fait indépendante de la première. »

M. Boubée entre dans de nouveaux détails sur l’importance qu’il attache, dans cette question, à la puissance des érosions diluviennes.

M. Virlet fait observer à M. Boubée qu’il ne s’agit pas ici de soulèvemens de chaînes de montagnes, mais du soulèvement central d’un cône ou d’un prisme.

M. Boblaye fait une communication verbale relative aux difficultés que présente l’application du calcul aux phénomènes géognostiques à raison des conditions très variées dont on est obligé de tenir compte de l’ignorance où l’on est encore des lois auxquelles elles sont soumises, et de la difficulté de leur expression.

Il pense qu’il n’est permis, pour simplifier les recherches, de faire abstraction de certaines conditions secondaires que lorsqu’on a apprécié les limites de l’erreur produite, et que l’on a reconnu que ces conditions n’exercent qu’une faible influence sur les résultats cherchés ; mais qu’un problème n’est résolu de manière à être susceptible d’applications, que lorsque l’on a tenu compte de toutes les données essentielles. Qu’ainsi, dans la question des soulèvemens de montagnes, et en particulier des soulèvemens coniques, d’où résulteraient des ouvertures cratériformes que l’on a désignées sous le nom de cratère de soulèvement, l’épaisseur de la croûte terrestre, au moment du phénomène, était une donnée essentielle dont l’introduction modifie les formules obtenues, en supposant cette épaisseur réduite à zéro, et change par conséquent les résultats déduits de l’application de ces formules aux phénomènes naturels.

Il reconnaît que, dans certains cas, comme dans les soulèvemens coniques au milieu des terrains volcaniques, s’il en existe de tels, les modifications apportées dans les résultats du calcul peuvent être faibles à raison de la moindre épaisseur des couches soulevées, mais sans être jamais à négliger.

Il suppose l’action des forces s’exerçant de l’intérieur à l’extérieur, et se manifestant aux points de moindre résistance, soit sur une portion d’arc de grand cercle, ce qui doit être le cas le plus général, soit en un point, et produisant solution de continuité et redressement des parties latérales ou vers un faîte ou vers un point par un mouvement de rotation autour des points d’appui inférieurs ; il considère l’écorce terrestre comme compressible et flexible, conditions sans lesquelles il n’y aurait pas d’effets produits, mais sans tenir compte des lois auxquelles sont soumises sa compressibilité et sa flexibilité.

Supposant le redressement d’une portion de la croûte terrestre, ou sur un prisme triangulaire isocèle ou sur un cône droit, dont la section serait la même[1], il cherche les relations qui doivent exister entre E l’épaisseur de la croûte terrestre, Θ l’angle du soulèvement, R le demi-diamètre de la chaîne ou du cône soulevé, pris sur la surface du globe, D le demi-diamètre de l’écartement des couches supérieures, et H la hauteur du soulèvement, c’est-à-dire du prisme ou du cône tronqué.

Le mouvement de soulèvement par rotation ne pourra avoir lieu sans une compression latérale, dont l’expression dans une section du prisme sera proportionnelle à , et qui par conséquent sera d’autant plus faible que la valeur angulaire du soulèvement et l’épaisseur terrestre seront moindres. L’effet de cette compression latérale se réduira à diminuer la quantité du mouvement angulaire, et se manifestera au pied de la plupart des grandes chaînes par les ondulations décroissantes du sol et de la stratification, phénomène bien connu,

L’auteur, sans entrer dans les détails du calcul, donne les formules suivantes auxquelles il est arrivé :

(1)

(2)

Et

conditions exprimées implicitement dans les équations (1) et (2). En faisant dans ces formules E l’épaisseur terrestre égale à zéro, on a

qui sont les formules auxquelles ont été appliquées les données de Santorin et d’autres localités. Il est à remarquer que dans la formule n° 1 on ne peut se dispenser d’avoir égard au second terme, quelque petit que soit Θ ou l’angle d’inclinaison, parce que le carré de la moitié de son sinus fait partie des deux termes ; mais il n’en est pas de même dans la seconde formule, où peut, quelquefois être négligé par rapport à R, surtout si l’on regarde l’épaisseur E de la surface terrestre soulevée comme peu considérable, ee qu’il est peut-être permis de faire pour les soulèvemens qui ont eu lieu dans un ancien foyer de phénomènes volcaniques.

On doit reconnaître, d’après cela, que M. de Beaumont ayant appliqué à ces formules les phénomènes de Palma, Ténériffe et autres montagnes volcaniques, ses résultats pourraient n’être pas très éloignés de concorder avec ceux que donneraient les formules de M. Boblaye, s’il connaissait la valeur, probablement très faible, de E au moment du phénomène.

M. Boblaye fait voir ensuite comment, au moyen des mêmes équations, on peut avoir la valeur de E ou de l’épaisseur de la croûte terrestre au moyen des données de la forme extérieure.

Si dans la nature on trouvait une de ces chaînes bien prononcées, et à peu près régulières, résultat d’un phénomène unique, et dans laquelle on pût déterminer avec précision H la hauteur, R le demi-diamètre de la chaîne entière et Θ l’inclinaison, on pourrait se dispenser de chercher le demi-diamètre de l’écartement qui se trouve implicitement dans R et que l’on ne peut avoir avec exactitude, attendu qu’il a été altéré par le soulèvement même et par les dégradations qui l’ont suivi.

Les formules (1) et (2) donneraient alors

et

et on aurait l’épaisseur de l’écorce terrestre au moment du soulèvement en fonctions de R, H et Θ ; ou, en supposant qu’on eût pu apprécier l’écartement des parties brisées, en fonctions de D, H, et Θ ; mais on devra préférer la première formule, attendu que dans la seconde on déduirait une quantité assez grande de quantités beaucoup plus petites.

« Nous ne prétendons pas, ajoute M. Boblaye, que ces formules soient susceptibles d’une application rigoureuse, moins encore par la difficulté d’évaluer les élémens du calcul que par l’absence de deux considérations essentielles, la flexibilité et la compressibilité de l’écorce terrestre, mais il est curieux de voir que les applications en petit nombre que nous en avons faites, pour déterminer l’épaisseur de l’écorce terrestre (et chacun à l’aide de bons documens topographiques et d’une table de logarithmes sera à même d’en faire de nouvelles) rentrent dans les limites d’appréciation auxquelles on était arrivé par d’autres voies.

Si, dans notre hypothèse, on voulait calculer la somme des vides que devrait présenter un cône tronqué, qu’on supposerait résulter d’un soulèvement conique, le produit dont la hauteur serait H, l’inclinaison de la surface Θ, E étant l’épaisseur de l’écorce terrestre, on y arriverait en cherchant la différence entre la surface courbe du cône tronque, qui a pour le rayon de ses bases inférieures et supérieures R et D, et pour côté , qui est égal à et la surface du cercle qui a pour rayon . L’expression la plus simple que nous ayons pu trouver est celle-ci, en nommant Σ la somme des parties vides à la surface du cône tronqué.

Telle est la formule à laquelle devraient satisfaire, abstraction faite de toute cause accessoire, les diverses données d’un cône qui serait réellement le produit d’un soulèvement conique, et non de l’accumulation de matières rejetées par une bouche centrale.

On voit, d’après cette formule, que l’épaisseur de la croûte terrestre, quelque faible qu’on puisse la supposer, n’est jamais à négliger, puisqu’on la supposant seulement égale à la hauteur du soulèvement, elle quintuple la somme des vides que l’on aurait obtenue en négligeant d’en tenir compte. »

M. Walferdin présente les observations suivantes sur la perte des eaux superficielles par le moyen des puits artésiens.

« Le percement des puits artésiens dans le bassin de Paris n’a pas seulement donné lieu au jaillissement des eaux souterraines ; on vient d’en tirer un nouvel avantage qu’il m’a paru utile de signaler à la Société.

« On avait remarqué que dans un certain nombre de forages la sonde était tombée quelquefois de plusieurs pieds, et avait ainsi annoncé la présence de cavités assez étendues. On avait aussi remarqué qu’il arrivait souvent qu’à de grandes profondeurs on rencontrait des courants d’eaux souterraines qui ne remontaient point jusqu’à la surface du sol.

« On a eu l’heureuse idée de faire servir ces cavités et ces courans d’eaux souterraines à l’épuisement des eaux superficielles dont il est aussi important de débarrasser le sol dans certaines localités, qu’il l’est dans d’autres d’obtenir des eaux jaillissantes.

« Déjà plusieurs tentatives de ce genre ont été faites avec succès par M. Mulot, mécanicien à Saint-Denis.

« À Villetaneuse, des eaux abondantes, provenant d’une féculerie, ont été ainsi dérivées. À Saint-Denis, on a obtenu le même résultat, et l’on pratique actuellement dans la forêt de Bondi un forage déjà parvenu à 71 mètres pour servir à l’épuisement des lacs infects qui avoisinent l’établissement où se fabrique la poudrette.

« Dans le moment où l’une des Chambres législatives s’occupe d’un projet de loi sur le dessèchement des marais, il est à propos d’appeler l’attention publique sur des procédés dont l’application peut devenir du plus haut intérêt. »

M. d’Omalius d’Halloy communique un Mémoire de M. Cauchy, ingénieur des mines et professeur de minéralogie à Namur, sur les gîtes métallifères des Antennes, c’est-à-dire d’une région formée de terrain ardoisier qui s’étend sur les territoires français, belge et prussien.

L’auteur y décrit successivement les gîtes de minerais de cuivre, de fer, d’antimoine et de plomb.

« Le cuivre pyriteux et le cuivre carbonate, vert et bleu, se montrent assez fréquemment, mais toujours en petite quantité, dans le quarz compacte gras qui remplit les nombreuses fissures du schiste exploité dans les ardoisières de Viel-Salin. M. Levy y a également reconnu le cuivre phosphaté cristallisé, semblable à celui de Libethen en Hongrie. Mais le filon de Stolzenbourg, près de Viauden, paraît être le seul gîte important, et encore l’exploitation en a été abandonnée vers l’année 1769. La pyrite de cuivre, à laquelle s’associe fréquemment la pyrite de fer, y a pour gangue la chaux carbonatée ferrifère spathique, le fer carbonate spathique, le quarz hyalin et la baryte sulfatée.

« D’autres filons cuprifères ont donné lieu à quelques travaux de recherches à Bivels et à Valstorff, aussi près de Vianden, le cuivre pyriteux auquel s’associe assez souvent la malachite a pour gangue la chaux carbonatée ferrifère, le fer carbonate spathique lenticulaire, qui est quelquefois changé en fer hydraté, le fer carbonate lithoïde et la baryte sulfatée ; mais ces gites paraissent peu importans sous le rapport industriel.

« Le fer oxidulé se trouve disséminé en grains alongés, quelquefois en octaèdres bien prononcés, disposés en lignes plus ou moins continues, et plus ou moins parallèles au long grain du schiste gris verdâtre, que l’on exploite pour en tirer les ardoises dites grenues, depuis Rimogne jusqu’à Monthermé. On l’a aussi reconnu à Jehanville et à Maissin près de Saint-Hubert. La continuité de ce système de couches, sur une longueur de plus de 9 lieues, est un fait très intéressant, dit l’auteur, non seulement sous le rapport industriel, mais encore parce qu’il pourra servir à faire connaître les diverses zones, peut-être les différens bassins, dont se compose le terrain ardoisier.

« Le fer oxidulé se trouve en cristaux, et plus souvent en petites masses à structure ordinairement laminaire, quelquefois grenue dans plusieurs des nombreux filons de quarz qui composent le terrain ardoisier, principalement depuis Viel-Salm jusqu’à Bihain. Il n’est pas exploité.

« Le fer oxidé rouge se trouve disséminé en grains ovoïdes, lenticulaires, amygdalaires, etc., dans plusieurs couches du terrain ardoisier, notamment à l’ardoisière de Sainte-Barbe près de Couvin.

« Le fer hydraté est le minerai de fer le plus abondant en Ardenne. On voit notamment, près de Champlon, des restes d’anciennes exploitations qui s’étendent sur une longueur d’environ une demi-lieue, dans une direction parallèle à celle des couches de schistes, c’est-à-dire du sud-ouest au nord-ouest, ce qui porte l’auteur à croire que ce minerai forme une véritable couche. Ces exploitations ont alimenté de nombreux fourneaux, dont on aperçoit encore les traces dans le voisinage de la route de Marche en Famenne à Arlon.

« L’auteur rappelle ensuite l’observation faite par M. Rozet d’une couche de fer hydraté de près d’un demi-mètre de puissance, que l’on exploite à Naux sur la Semois, pour l’usage des forges de Linchant. Il a aussi observé dans plusieurs localités, notamment aux environs de Bastogne, de Wiltz, de Bouillon, des blocs de fer hydraté, soit épars sur le sol, soit intercalés dans le schiste, avec lequel il se lie intimement. D’un autre côté, le fer hydraté se présente en filons parfaitement caractérisés, notamment près de Deville au nord de Mézières, où l’on voit un filon d’environ 25 centimètres de puissance, dont la direction est perpendiculaire à celle des couches de schiste. Le minerai n’est séparé du schiste par aucune salbande, sa texture est compacte, et sa couleur varie du noir luisant au brun terne.

« On trouve encore d’autres dépôts de fer hydraté sur les limites géographiques du terrain ardoisier, mais ils appartiennent à des dépôts postérieurs, notamment au grès de Luxembourg et au lias.

« Le fer sulfuré accompagne les minerais de cuivre et de plomb, et il est assez abondamment répandu dans les roches schisteuses de l’Ardenne, surtout dans celles qui sont propres à faire des ardoises. On l’y trouve en cristaux cubiques, en veines, en grains, qui ne sont jamais volumineux, et qui souvent sont tellement petits qu’on ne peut les apercevoir qu’en les faisant miroiter au soleil. Ces pyrites, qui sont jaunes, ne se laissent pas, en général, attaquer par les influences météoriques ; il y en a cependant qui se convertissent à la longue en fer hydraté, du moins à la surface des cubes. L’auteur annonce, à cette occasion, un travail tendant à faire voir que la différence d’action de l’air sur les pyrites blanches et sur les pyrites jaunes doivent être uniquement attribuées à la différence de cohésion des molécules.

« Le minerai de manganèse a été découvert, il y a quelques années, près de Bihain ; il paraît être composé d’oxide et d’hydrate de ce métal ; il est en feuillets épais, à grains fins, d’un aspect terne de couleur noirâtre. Les travaux d’exploitation ont fait reconnaître qu’il forme plusieurs petites couches parallèles aux couches de schiste, mais qui n’ont pas une grande continuité, de sorte qu’on peut les considérer comme des couches de schistes dans lesquelles le minerai de manganèse se substitue peu à peu à la matière schisteuse dans certaines parties de leur étendue.

« Des gîtes absolument semblables se trouvent aux environs de Lierneux, à une lieue de Bihain. Mais on en a observé un autre près d’Arbre-Fontaine, où le minerai a un aspect et un gisement bien différens. Il s’y présente communément en plaques, souvent couvertes de gros tubercules, composés de feuillets parallèles au plan des plaques, ou de petites proéminences ramifiées qui donnent aux morceaux l’apparence de certaines stalactites calcaires, et qui sont réellement composées, comme celles-ci, de couches concentriques. Ce minerai se montre aussi en rognons assez volumineux, qui ne sont point aussi clairement stratifiés que les plaques. Tous ces morceaux sont disséminés, péle-méle, dans une terre violâtre qui paraît être de même nature que le schiste de la même couleur qui accompagne le minerai de manganèse dans les autres localités citées ci-dessus. Une fosse de 22 mètres n’a point atteint le fond de ce dépôt, qui parait appartenir à la même époque que ceux nettement stratifiés dans le schiste.

« On trouve encore près de Viel-Salm un petit filon dirigé du nord au sud, et renfermant des rognons et des plaques de minerai de manganèse, remarquable par sa compacité, et qui parait être aussi un mélange d’oxide et d’hydrate de ce métal.

« Une mine d’antimoine avait été ouverte il y a, dit-on, plus de deux siècles, à Goesdorf près de Wilz ; abandonnée depuis long-temps, les travaux ont été repris dans ces derniers temps. Ils ont fait reconnaître un gite d’antimoine sulfuré, laminaire, formant une suite de petits amas et de veines contenus dans une couche de schiste bleu très voisin de celui que constitue le schiste ardoisé proprement dit. La liaison la plus intime existe entre les veines de minerai et le schiste. Les feuillets de celui-ci se contournent en tous sens autour du sulfure, comme les lames de ce dernier embrassent des noyaux de quarz compacte. On ne peut donc se refuser à admettre que le sulfure d’antimoine s’est formé par voie de séparation et de cristallisation au milieu de la pâte terreuse au sein de laquelle il s’est déposé à l’état moléculaire.

« Le gîte de minerai de plomb le plus important de l’Ardenne est celui de Longwilly, dont la description a été précédemment communiquée à la Société. (Voir le Bulletin, p. 272.) On trouve aussi des indices de gîtes analogues près d’Ortheuville et prés de Bihain ; mais il parait, ainsi que l’a déjà fait remarquer M. Steininger, qu’en général les gîtes métallifères de l’Ardenne, de même que ceux de l’Eifel et Hundsruck, ne sont pas assez riches pour donner lieu à des exploitations très avantageuses. »


────────


M. Boué donne les détails suivans sur les environs de Narbonne, de Pézenas, de la Corniche entre Nice et Gênes, et sur quelques localités du Vicentin.


Environs de Narbonne.


« Le bassin tertiaire de Narbonne parait séparé de celui de la Garonne par le petit défilé occupé par l’Aude entre Argens et Homps ; telle est au moins l’idée de M. Tournal, qui a remarqué dans cette cavité des grès et des marnes.

D’une autre part, les dépôts tertiaires recouvert d’alluvions, se prolongent entre des proéminences de calcaire secondaire à l’ouest et au sud de Narbonne, et sont surtout faciles à étudier à une lieue et demie, à l’est de Narbonne, dans le Pas-de-Loup et au sud de Nissan.

Les alluvions de la plaine de Narbonne sont composés d’assez gros cailloux de divers calcaires secondaires et de quarz ; ces débris, quelquefois empâtés dans de l’argile, ont çà et là 15 à 20 pieds d’épaisseur.

À la sortie de Narbonne, du côté de l’est, on exploitait, lors de notre séjour dans cette ville, une carrière de ces graviers, dans lesquels on a trouvé une défense d’éléphant, et sur lesquels M. Tournal me fit remarquer un banc de subfossiles consistant en peignes et huîtres de la taille des huîtres qu’on mange à Paris. Ces coquillages reposaient le long de la route sur un lit de marne jaune-grisâtre et de sable.

Au pied des collines du Pas-de-Loup, nous observâmes, M. Tournal et moi, une argile marneuse jaune-rouge, qui avait quelques uns des caractères d’un dépôt d’eau douce. Au-dessus, il y avait une argile marneuse endurcie de la même couleur avec des nids calcaires et un lit de poudingue calcaire.

En traversant les collines du Pas-de-Loup de l’ouest à l’est, et nous rendant à Vernède, nous vîmes ressortir successivement sous ces couches, inclinant légèrement au nord, les masses suivantes : marne rouge à concrétions marno-calcaires, un banc de grosses huîtres (O. virginica ?) grès calcaires à coquilles marines, marne gris-jaune, grès en amas dans un poudingue, argile marneuse à banc d’huîtres (O. crassissima Lam., et une autre espèce plissée) et de peignes (P. terebratulœ formis Marcel de Serres), agglomérat avec peignes et fragmens de quarz, de calcaire secondaire et de lave, calcaire d’eau douce sans coquilles et à tubulures, calcaire d’eau douce noirâtre à Planorbes, et inclinant au sud-ouest, et calcaire d’eau douce concrétionné ou pisolitique blanchâtre.

Dans un petit ravin, ce calcaire vient se joindre, par suite d’une petite faille, bout à bout avec des masses d’argile marneuse bleue couverte de sables.

Dans un endroit, non loin de là, on voit au contraire un banc de calcaire d’eau douce, recouvert distinctement d’une argile marneuse bleue à huîtres, et de grès calcaire à coquilles marines.

Dans les escarpemens des collines de Vernède on voit se succéder des marnes bleues, des sables et des grès, des marnes à huîtres et anomies, des marnes sableuses, des grès et des marnes. Un peu plus loin à l’est, il y a, outre des grès et des sables, une belle couche d’argile marneuse bleue, et ailleurs deux alternats de la dernière roche avec du grès calcaire, ou calcaire arénacé à huîtres et autres fossiles ; les huîtres y forment même un banc continu.

Ces dernières couches paraissent être les plus inférieures, et reposer sur un vaste dépôt d’argile marneuse bleuâtre dans lequel M. Tournal nous a dit qu’on a fuit des forages.

Le côté oriental de la haute colline de Nissan achève de faire connaître l’ordre des couches tertiaires du bassin de Narbonne Les bancs y inclinent au sud ou sud-ouest sous 20 à 25 degrés, et présentent de haut en bas les roches suivantes : Calcaire d’eau douce, grès, argile marneuse rouge, calcaire siliceux, en apparence d’eau douce, argile marneuse à sélénite, calcaire siliceux blanchâtre à partie de silex calcédonieux, roche en apparence d’eau douce, argile marneuse bleue, grès, marne jaune, calcaire marin sablonneux, grès calcaire, argile marneuse bleue, grès calcaire et argile marneuse bleue.

Vis-à-vis de Nissan, à l’ouest, les collines sont aussi tertiaires, et M. Tournal soupçonne que les couches y ont une inclinaison opposée à celle des masses de Nissan.


Course à l’abbaye de Fontfroide au sud-ouest de Narbonne.

« La route passe d’abord entre des petites montagnes de calcaire compacte gris et de corgneule ou calcaire cellulaire. Avant Saint-Martin, l’on rencontre des grès marneux micacés gris qui ressemblent aux grès carpatiques, et courent de l’est-nord-est à l’ouest-sud-ouest. Après cela, l’on trouve du calcaire compacte gris, courant est-sud-est à l’ouest-nord-ouest, inclinant de 35 à 45 degré au nord-est. Cette masse repose sur du calcaire un peu plus cristallin, et n’offrant pas les Térébratules lisses du précédent. Les deux calcaires recouvrent des alternats d’argile marneuse grises de calcaire argileux ferrifère, et de grès marneux à impressions végétales. Ces couches inclinant au sud-est, avaient l’air de former un dos d’âne, car, de l’autre côté de la vallée, leur inclinaison est opposée, et le calcaire formait aussi la sommité de la montage.

Au sud-ouest de l’abbaye de Fontfroide, vers Saint-Martin de Thoques, les hauteurs sont composées des couches suivantes, de bas en haut : argile marneuse rouge, grès marneux gris, argile marneuse grise, alternat de cette dernière roche avec des agglomérats ou brèches dont le ciment est un grès grossier, composé de quarz, et les fragmens du calcaire compacte secondaire et du quarz, grès marneux, grès jaunâtre ferrugineux et à rognons ferrugineux, calcaire argileux à grosses hippurites de diverses espèces et à cyclolites, marne et grès marneux gris clair ferrugineux, calcaire gris, et la même brèche alternant avec les argiles marneuses grises.

Ces couches sont un peu arquées, ce qui fait que la succession n’est pas tout-à-fait la même à chaque point de la pente de la montagne.

À l’abbaye de Fontfroide, les roches bordant cette vallée étroite permettent de voir cinq ou six alternatives de grès marneux gris à fucoïdes et de calcaire à Hippurites, Sphérulites, Radiolires, Caprines, Dicérates, Cyclolites et Isocardes.

Les couches y courent de l’est-sud-ouest à l’ouest-nord-ouest, et inclinent au sud-est sous 45 à 60 degrés. Parmi les Hippurites, j’ai reconnu la grande espèce du Salzbourg, appelée par M. Bronn, H. cornu-vaccinum, et celle en tuyau d’orgue, fortement striée, qui se trouve aussi dans le système crayeux du Salzbourg et de la Provence.

Sur ce système de couches, on peut observer, à l’est de l’abbaye, du calcaire gris foncé, des alternats de marne à gros fucoïdes, de calcaire arénacé et de calcaire nodulaire noirâtre, puis des alternations de calcaire gris, de calcaire arénacé ; enfin, d’autres de calcaire gris et de grès calcaire à points verts. Ces dernières couches inclinent au sud-est.

On sait que les bains de Reine présentent un dépôt analogue sur une plus grande échelle. Il y a, outre les mêmes fossiles, des Spatangues, des Rostellaires, des Natices, diverses Térébratules, des Polypiers, etc.

Ces diverses roches me parurent appartenir décidément au système crayeux inférieur ; mais je ne puis que donner nos observations sur les couches du Pech de Pastouret, à trois quarts de lieue au sud de Narbonne.

Les montagnes, de ce côté, présentent une bordure assez épaisse de calcaire d’eau douce blanc ou rougeâtres et à tubulures, Lymnées et Hélices. Ce calcaire repose sur un poudingue à cailloux calcaires, comme cela se voit bien au Rec de las Tinos, et il renferme des petites masses d’un calcaire grenu ou sub-lamellaire rougeâtre.

Sous ce dépôt tertiaire, qui occupe un niveau, plus élevé que la plaine alluviale de Narbonne, on trouve des alternats de marne micacée grise, de calcaire gris noirâtre, et de grès micacé à fucoïdes, au milieu desquels il y a des lits pétris d’une Gryphée. (Esp. non décrite et associée avec des Peignes.)

Dans les marnes supérieures, il y a de gros peignes, des petites espèces de Trochus et de Cérithes, trois ou quatre espèces d’Ammonites ferrugineuses, de la famille des A. Beliers (de Buch) et des Encrines. Dans certaines couches on trouve de la sélénite.

Dans un autre point voisin, l’on voit des marnes entre deux masses de calcaire compacte fétide noir, à petites lamelles brillantes et en partie cellulaire. Ces couches courent aussi de l’est-sud-est à l’ouest-nord-ouest. La montagne de la Clape entre Narbonne et la mer, paraîtrait présenter encore d’autres roches que les précédentes. Cet îlot a offert à M. Tournal des calcaires et des grès, et dans sa collection j’en ai vu les fossiles suivans : une grande Gryphée (espèce voisine du G. secunda ? de Saleve, mais plus grande, non décrite), des Nautiles, des Huîtres crétées, des Nérinées, des Trochus, des Térébratules, des Astrées et des Échinidées.


Coupe du sol tertiaire à Béziers.


« La colline sur laquelle est bâtie Béziers présente de bas en haut les couches suivantes : marne jaune à Huîtres, argile marneuse bleue, grès calcaire coquillier et sable micacé jaunâtre à bancs de calcaire coquillier, Huîtres ; et à l’est de Béziers on retrouve des affleuremens d’argile marneuse bleue, recouverte de sable et de grès coquillier.


Environs de Pézenas.


« Dans le bassin tertiaire de Pézenas, j’ai fait avec M. Reboul quatre excursions. La première a eu pour objet d’examiner la structure de la butte de Saint-Siméon, située à l’ouest de Pézenas sur la Peine. On y voit de bas en haut les couches suivantes : argile marneuse bleue, banc de 12 pieds d’épaisseur, composé d’un calcaire coquillier avec beaucoup de débris de coquilles en particulier, des genres Turritelle, Dentale, Cardium, Huître, Cythérée, Moule, Crassatelle et Pétoncle ; sable jaune ; argile marneuse bleue avec tubulures remplies de sable ; plus haut, après un intervalle couvert, des marnes blanches-jaunâtres qui peuvent bien être un dépôt d’eau douce ou fluviatile ; du calcaire compacte d’eau douce, et enfin du grès grossier à pâte silicéo-calcaire, et à fragmens de bivalves marines.

De la cime de cette butte, on prend aisément une idée de la constitution du bassin de Pézenas, dans lequel l’on remarque au sud la coulée basaltique de Saint-Thibery, et le volcan d’Agde, au nord les laves de Nisas, d’Arcas, de Senecous et de Clermont ; enfin les buttes volcaniques de Sainte-Marthe, de Cadabèse et de Valros.

Au pied sud-ouest de la butte de Saint-Siméon, sont situés les villages d’Estang et de Tourbes, ainsi nommés, parce qu’ils sont sur la place d’un ancien étaug desséché, dont le sol actuel est tourbeux.

La pente de la butte de Saint-Siméon nous offrit de haut en bas, sous le banc d’eau douce, du sable micacé jaune, du grès calcaire à coquilles brisées, de l’argile marneuse bleue, du calcaire coquillier à Huîtres, Cythérées, Crassatelles, Pyrules et Arches. À Êstang on voit que le dernier calcaire varie beaucoup d’épaisseur, et se perd même ça et là entre le sable marneux et la marne argileuse bleue.

A Maremmes, entre Pézenas et Montagnac, est une autre localité où l’on voit bien les couches du bassin tertiaire de l’Hérault. Les collines y présentent de bas en haut les couches suivantes : argile marneuse bleue, sable marneux avec deux bancs de très grandes huîtres (O. crassissima), qui sont à la place où elles ont vécu et qui ont leurs deux valves ; grès micacé, grès calcaire à fragmens de coquilles, telles que Corbule, Cardium, Peigne, Vénus, Pétoncle, Balanes, etc. Ces hauteurs forment avec la butte de Saint-Siméon qui est vis-à-vis de l’autre côté de l’Hérault le reste de la digue qui a dû séparer la partie inférieure du bassin de Pézenas de sa portion supérieure.

Allant de Maremmes à Aumes, on a occasion de voir les couches tertiaires supérieures aux précédentes. D’abord on rencontre un poudingue à cailloux et ciment calcaires, qui repose sur une argile marneuse jaune, puis, plus loin, des bancs de calcaire d’eau douce compacte à porosités et à concrétions sphéroïdes, composées de parties prismées partant d’un centre commun. Cette roche jaunâtre est séparée par une argile marneuse jaune, d’avec le calcaire secondaire compacte gris, jurassique ou crayeux, qui forme une grande crête à l’est de Montagnac et de Pézenas. Les couches de ce dernier m’ont paru courir de l’ouest-sud-ouest à l’est-nord-est.

En retournant ensuite directement à Pézenas par le bac, l’on a occasion de voir, avant de passer l’eau, le calcaire secondaire recouvert d’une manière non conforme par du calcaire d’eau douce à Paludines.


Course à Vareilles et Alignan.


« En montant par Saint-Jean de Bibian, au plateau de lave basaltique de Nisas, on traverse d’abord des alluvions anciennes, composées d’argile rouge, empâtant des cailloux de quarz.

La lave basaltique contient de l’olivine, et se présente en massés informes, globulaires, et irrégulièrement fendillées. Au sud-est de Nisas, on observe, au milieu de ce plateau de laves très décomposées, un assez vaste enfoncement dont le pourtour est très évasé, et le fond est peut-être 10 à 15 pieds au-dessous du niveau du plateau. Cette cavité circulaire est occupée maintenant par un champ, depuis qu’on en a fait écouler l’eau par une tranchée faite dans la lave. M. Reboul regarde cette cavité comme la place de l’ancien cratère qui a vomi ces laves postérieurement aux dernières couches de calcaire d’eau douce, des sables tertiaires les plus supérieurs.

Au nord de ce plateau est un vallon profond, appelé le vallon de Vareilles. Ou y peut voir de la manière la plus distincte les couches suivantes de bas en haut : grès micacé jaunâtre, calcaire d’eau douce concrétionné à Planorbes et Helices, et empâtant supérieurement des morceaux d’Huîtres roulées, calcaire arénacé à très grosses Huîtres (O. crassissima), argile marneuse jaune, calcaire arénacé à Huîtres, poudingue, grès calcaire blanchâtre à débris de quarz, calcaire arénacé compact à Huîtres, grès endurci jaune, calcaire compact d’eau douce avec tubulures ; enfin lave basaltique dont la terre végétale cache le contact avec le calcaire précédent. Toutes ces couches sont un peu ondulées, inclinent au sud-ouest, et ont l’air de former la base du plateau basaltique ou Cos de Nisas.

Plus au nord il y a un plateau semblable appelé Cos de Arcas, qui offre aussi environ la même base, et yis-à-vis on voit la sommité basaltique de Serecous.

En allant de Caux à Alignan, l’on passe sur du calcaire d’eau douce, recouvrant, comme à Vareilles, du grès et du calcaire coquillier. Assez près d’Alignan on rencontre des couches de tufa volcanique à fragmens de calcaire d’eau douce, minéralogiquement assez semblable à celui qui forme à Vareilles le banc inférieur. Ce tufa est placé entre des couches de poudingue, dont la base et les fragmens sont du calcaire d’eau douce, semblable au banc supérieur de Vareilles.

Alignan est bâti sur ce poudingue, qui repose sur les sables tertiaires supérieurs. Entre Alignan et Pézenas, se trouve près de Monplaisir, non loin de Riege, un vallon très évasé, dont le sol est formé par une argile marneuse rouge, à cailloux de quarz. C’est ce dépôt qui recèle des os de mammouth, d’éléphant et de cerf gigantesque, et il paraît avoir la plus grande analogie avec celui du val d’Arno supérieur.

Au-dessous de ces masses, il y a du calcaire d’eau douce qui alterne huit à dix fois avec un agglomérat composé de morceaux de lave basaltique en décomposition, de quarz et de fragtnens feldspathiques ; puis cette dernière roche alterne à son tour avec un aggrégat simplement quarzeux. Des os ont été trouvés dans ces roches aggrégées, et ils ont été reconnus pour être des mêmes espèces que celles de l’argile de Riege.

En allant de ce lieu à Pézenas, on traverse le reste des couches tertiaires, qui sont inférieures aux précédentes, savoir : des alternats d’argile marneuse bleue et de calcaire arénacé coquillier à Huîtres et pétoncles ; enfin on arrive de nouveau au pied de la butte Saint-Siméon et à Estang.

D’après ces observations, on voit que le bassin tertiaire de Pézenas a pour base un dépôt épais d’argile marneuse bleue, où les coquilles sont rares et surtout en mauvais état, tandis que le reste consiste en alternats de sable, de grès, d’argile marneuse et de quelques bancs de calcaire coquillier au milieu desquels il y a deux couches d’un calcaire à Planorbes et hélices, ce qui indique à deux époques un séjour assez long d’eau douce ou fluviatile. Les éruptions volcaniques paraîtraient s’y être faites surtout vers l’époque du dernier dépôt d’eau douce, et après cette période.


Course de Pézenas aux mines de houille de Neffiez.


« En allant de Caux à Neffiez, on trouve des couches d’argile marneuse bleue recouvertes de sables tertiaires et d’autres marnes. À Neffiez les couches, inclinant fortement au sud sud-est ou sud-ouest, offrent la coupe suivante de haut en bas : grès houiller ; argile marneuse ; calcaire, compacte, fétide, gris, à spath calcaire, Peignes et autres bivalves (cette roche est séparée en bancs minces) ; calcaire argileux micacé rouge ou gris ; calcaire gris ; poudingue calcaire à fragmens d’un calcaire ressemblant à celui du premier banc déjà mentionné (couche presque verticale) ; poudingue quarzifère ronge et blanc, calcaire compacte ferrifère ; argile marno-schisteuse rouge ; grès houiller fin, alternant avec de la marne ferrifère brune ; grès grossier ; argile schisteuse à fougères et calamites ; lit de houille, argile schisteuse, grès.

Plus à l’ouest de Neffiez, on exploite quatre couches de cette houille, et l’on y trouve à peu près les mêmes roches. Sur le haut de la montagne on observe un grand dépôt de tuf calcaire, déposé jadis par une source ; il y a encore sous ce rocher une source dans le fond d’une petite caverne, mais elle n’est pas incrustante.

En descendant de ces hauteurs, dans le lit de la Peine, les côtés de la vallée se trouvent formés par des rochers de porphyre gris et violâtre, qui prend ça et là la structure amygdalaire. Cette masse forme une espèce de filou épais qui a redressé, soulevé et endurci les couches de grès charbonneux. Ces faits se voient très bien sur le côté oriental du vallon ; le grès est devenu très siliceux et verdâtre. La sortie de cette vallée vers la plaine offre beaucoup d’intérêt, car c’est une coupe naturelle continue des mêmes couches détaillées près de Neffiez, savoir : des poudingues à cailloux de calcaire foncé, du calcaire compacte fétide, des alternats d’argile schisteuse et de marne, du calcaire ferrifère, du poudingue quarzeux rouge, du calcaire ferrifère, de la marne, du grès rouge, des alternats de marne rouge et de calcaire compacte magnésien, fendillé et gris, du gypse dans la marne grise foncée. Toutes ces couches plongent aussi au sud, de manière que le vallon donne en descente la coupe de bas en haut. Les amas gypseux près de Roujan sont très curieux et m’ont rappelé ceux de Cazouls et de Filou dans le Roussillon. Ce sont des argiles marneuses verdâtres ou grisâtres, qui recèlent des filets et des nids plus ou moins volumineux de gypse fibreux et compacte.

Une couche de calcaire caverneux magnésien ou de corgneule les recouvre, et ils sont un appendice igné de ces roches secondaires, dont j’abandonne le classement à M. Dufrénoy. Il serait bien intéressant de savoir dans quel rapport les houillères de Neffiez sont avec celles de Graissessac près de Camplong et avec les schistes marneux impressionnés de Lodève. Si ces derniers sont placés par M. Dufrénoy dans le Keuper, les houillères de Graissessac ne sont-elles pas plus anciennes que celles de Neffiez ? Ces lambeaux de la bande secondaire séparent, au pied des Cévennes, le sol jurassique des schistes cristallins.

A Saint-Majean, près de Roujan, est une source acidulé et ferrugineuse qui renferme une quantité notable de sulfate de magnésie.


────────


Notes sur la route de la Corniche de Nice à Gênes, et sur la route de Gênes à la Spezia.


« On sait que les hauteurs s’étendant de Nice à Menton sont composées de grès vert, d’alternats de calcaire marueux gris et de marne, de calcaire argileux blanchâtre, de calcaire compacte blanchâtre et de calcaire magnésien. A Rochebrune est un petit lambeau de poudingue moderne.

A Menton on a le système du calcaire à Nummulites, inclinant au sud-ouest.

Après Menton, on trouve des calcaires blancs-grisâtres à polypiers et taches semblables à des nummulites. Ces rochers présentent, comme à Nice, des fentes remplies de ce calcaire argileux rougeâtre, que M. Risso a nommé calcaire méditerranéen. L’on remarque aussi dans les escarpemens du rivage plusieurs lignes de petites cavernes qui ressemblent à des trous creusés par les flots ; elles sont cependant bien au-dessus du niveau de la mer.

Plus loin commencent les alternats de calcaire gris à Nummulites et de marne grise, puis ceux de grès marneux micacé et de marne grise ; les couches sont fort inclinées, quelquefois ondulées, et inclinent au sud-ouest. Ce système crétacé inférieur forme les environs de Ventimile.

À l’est de ce bourg, il y a une succession de grès grossier, blanc-grisâtre, de grès marneux fin et de marne, roches qui rappellent tout-à-fait les grès carpathiques de Mislenice dans les Carpathes septentrionales. L’inclinaison de ces roches varie du nord-ouest au sud-est.

Avant l’Espedorete, l’on traverse des alternats de grès carpathique inclinant au sud-est sous 30°, et avant St-Remo, on voit de belles coupes du même grès marneux à fucoïdes avec ses marnes grises ordinaires. L’inclinaison y est au nord-ouest et sud-est.

Le même dépôt incliné au sud-est continue après St-Remo, et plus loin des bancs de calcaire compacte gris s’associent aux marnes foncées.

Avant Arengaire, est un autre lambeau récent de poudingue et de marne.

A Port Maurice des calcaires noirâtres, du même âge secondaire moderne que les roches précédemment indiquées, offrent diverses inclinaisons.

Cette partie du système continue après Oneglia et est composée d’alternats de marne grise et de calcaire argileux avec beaucoup de couches d’un calcaire noir à petits filons spathiques. Ce dernier ressemble à celui de Gènes, et minéralogiquement les caractères du calcaire intermédiaire.

Le promontoire à l’est de Diano présente des alternats presque identiques avec les précédens, si ce n’est que le calcaire noir à lamelles brillantes et a petits filons spathiques y est dominant et alterne avec des marnes-calcaires grises et blanches. L’inclinaison des couches y est au sud-ouest, mais elle passe au nord-est sur le côté oriental du cap delle Melle, pour revenir ensuite au sud-ouest.

Après Langueglia les contournemens des calcaires marneux sont fort évidens. Un petit lambeau de poudingue alluvial et de marne rouge occupe ensuite une partie des escarpemens du rivage, puis reparaît le calcaire foncé à petits filous spathiques qui sont perpendiculaires ou parallèles aux plans des couches.

Entre Alassio et la plaine alluviale d’Albenga, on a une coupe fort intéressante et mise à nu par la nouvelle route. On y voit alterner de la manière la plus claire, des grès quarzeux, avec agglomérats grossiers à fragmens de calcaire gris et noir, de quarz, de jaspe, de schiste talqueux, et d’une espèce de gneiss talqueux.

Outre ces alternatives, il existe une espèce de passade de l’une de ces roches à l’autre, le grès gris-blanc ou bleuâtre prend lout-à-fait la compacité et la ténacité du grès intermédiaire, et il offre des druses de quarz hyalin. Au-dessous, viennent des alternats de schiste rouge et gris, qui approchent aussi du type intermédiaire ; puis, de nouveau, de grandes masses de grès quarzeux à petits filons de quarz, dans lequel il y a quelquefois un peu de mica-talqueux. Enfin sous ces couches inclinant au nord-ouest et quelquefois légèrement ondulées, l’on voit distinctement du schiste marneux alternant avec du calcaire noir dans lequel j’ai cru reconnaître de très longues Bélemnites du genre de celles du lias, et presque méconnaissables comme celles de certaines parties des Alpes.

Cette partie du système secondaire des Apennins rappelle étonnamment celle du système secondaire des Carpathes, qui en Transylvanie a été percé et modifié par les éruptions porphyriques aurifères. Les grès d’Alassio sont absolument ceux de Vorospatak et fondés sur un bon nombre de faits vus ailleurs ; je crois que les couches crétacées ou plutôt supra-jurassiques, entre Alassio et Albenga, ont été fortement modifiées par la voie ignée.

Les hauteurs qui bordent la côte entre Albenga et Borghetto sont composées du même calcaire compact argileux gris et noir.

À La Pietra, l’on ne voit encore autre chose que le calcaire noir à faux aspect intermédiaire et inclinant au nord-ouest.

À Barzi c’est un calcaire compacte gris clair fendillé qui forme le pied occidental de la montagne, à pic du côté de la mer, entre Barzi et Finale. En montant, on trouve sur le calcaire des lambeaux de poudingues, puis des couches de calcaire noir qui paraissent encaissées entre du calcaire compacte esquilleux gris clair.

Plus loin une couche assez épaisse de tuf calcaire a été déposée jadis par des sources sur les rochers calcaires. Cet accident est d’autant plus remarquable que le calcaire offre des fentes à côté desquelles la roche est découpée en sillons profonds comme une carte figurant des vallées et des crêtes, les sillons aboutissant aux fentes. Cet accident n’est pas général et pourrait bien être lié a la sortie ancienne d’eau acidulée, comme M. Brongniart l’a insinué ailleurs.

Le milieu de la montagne présente ensuite un schiste talqueux singulier, en ce qu’il a l’air de se mélanger de calcaire ; puis l’on traverse de nouveau de grandes masses de calcaire compacte gris ou blanchâtre et inclinant au sud-ouest et sud-est.

Plus loin, sont des espèces d’alternats de calcaire et du même schiste talqueux ; enfin on rentre dans le calcaire noir foncé, dont les couches ondulées, s’inclinant au sud-ouest, forment la pente rapide de la montagne du côté de Finale.

Un petit lambeau de tuf calcaire recouvre un instant cette roche sur la hauteur.

M. Pareto m’a communiqué qu’il existe un lambeau de grès tertiaire, vers le haut de la montagne avant Finale, ce qui est un fait curieux vu son niveau élevé.

Après Finale on continue à être dans un terrain secondaire que j’ose appeler modifié, quoique cela puisse paraître singulier à plusieurs géologues.

Du calcaire siliceux ou semi-grenu, gris-blanchâtre ou rose, et du calcaire gris-noirâtre encaissant des masses de schistes quarzo-talqueux, il y a alternation irrégulière ; après cela, au promontoire de Varigotti, se présentent des rochers de calcaire à structure grenue, fine et de couleur grise, ainsi que des masses calcaires qui offrent des zones blanches et grises-bleuâtres, comme ces marnes du grès bigarré altérées par la basalte à la Blaue-Kuppe en Hesse.

Les mêmes roches continuent entre Noli et Spotorno ; puis l’on revoit des schistes quarzo-talqueux ou grès secondaires modifiés inclinant au sud-ouest, des alternats de ces roches ondulées et luisantes avec du calcaire noirâtre et des calcaires fendillés formant de grands précipices et offrant des fentes et de grandes cavernes.

A Savone, on voit du schiste quarzo-talqueux avec des masses de serpentine et d’euphotide ; ces roches dominent entre Savone et Varaggio, et sont aussi inclinées au sud-ouest.

Au nord de Savone, il y a des argiles bleues à coquilles sub-apennines ; et à l’est de cette ville on revoit les mêmes roches tertiaires ainsi que des poudingues reposant sur des molasses. Avant Arenzano, il y a de belles coupes de schiste talqueux et de schiste ferrifère poreux au milieu desquels a percé un filon peu épais de serpentine qui a une salbande de talc blanc. Ce filon court du nord-nord-est au sud-sud-ouest, et se voit des deux côtes de la montagne qui traverse la route.

En descendant de cette hauteur on voit le long du chemin des tranches de l’argile subapennine, et au bas de la descente il y a des calcaires noirs et du calcaire bréchoïde identique avec celui de Baden, en Autriche, et d’autres lieux des Alpes orientales. Du schiste talqueux se trouve à côté de ces couches.

Après Arenzano il y a des serpentines et des euphotides.

Au cap de St-André, il y a des couches épaisses de calcaire schisteux noirâtre à petits filons spathiques, souvent parallèles au plan des couches. Leur direction est du nord-nord-ouest au sud-sud-est, et leur inclinaison extrêmement forte à l’ouest.

À côté de ce calcaire et au-dessus de cette masse, est une brèche composée de morceaux de feldspath, compacte, brun-noirâtre et rougeâtre, de matière serpentineuse ou talqueuse, et de débris de schiste altéré verdâtre ou grisâtre. Cette brèche est traversée par d’innombrables réseaux de spath calcaire, et l’on y observe un peu d’épidote.

Cette masse paraît liée à l’éruption de serpentine et d’eupbotide, qui a rempli une crevasse de plusieurs lieues de longueur et a formé la crête du Monte-Ramazzo, montagne bien connue par ses nids pyriteux en partie cuivreux et par la fabrication du sulfate de fer et de magnésie.

En remontant le torrent à Cheravagnia près de Panigaro, l’on observe des couches d’un calcaire gris schisteux à grains fins, roche qui se mêle de schiste marno-argileux, incline au sud, et court de l’est à l’ouest.

Plus haut, on voit l’un à côté de l’autre, et dans une position presque verticale, du calcaire sublamellaire, du schiste talco-serpentineux, et un schiste semblable à rognons et petits filons de quarz et de spath calcaire, une brèche à fragmens de serpentine, une brèche calcaire, du calcaire gris schistoïde sub-lamellaire, du schiste talco-serpentineux, du feldspath tenace porphyrique, et ça et là variolitique, avec des masses à particules noirâtres et fer titané, et enfin une épaisse masse de serpentine. L’on voit clairement dans ce lieu que les variolites sont des espèces de salbandes de grands filons serpentineux.

Près du mont Dugazzo, les calcaires schisteux fonces courent de nouveau du nord-nord-est au sud-sud-ouest, et la montagne elle-même est formée d’un calcaire magnésien fendillé et grisâtre, qui, vu sa direction différente, paraît être un rognon dans les schistes ou une masse déplacée par le soulèvement.

Le calcaire compacte noir forme une grande partie de la montagne sur la pente de laquelle est bâtie Gênes. Cette roche, à petits filons spathiques, alterne avec des marnes schistoïdes, et incline au sud-est sous 30 ou 40 degrés. Ce calcaire de la Lanterne est couvert par des alternats ondulés de calcaire avec des grès micacés gris, extérieurement bruns-jaunes. À Albaro, à l’est de Gênes, les marnes calcaires grises-bleuâtres, alternant avec le calcaire foncé, offrent beaucoup de fucoïdes des espèces du F. intricatus Targioni.

M. Pareto, de qui nous avons à attendre la carte de la Ligurie, a eu le bonheur de découvrir dans le calcaire noir de Gènes un fossile alvéolaire, probablement de la classe des zoophytes et une Ammonite persillée ; mais son mauvais état de conservation ne permettra pas de la déterminer. M. Pareto est toujours dans l’idée que ce dépôt est placé dans une cavité du grès secondaire des Apennins, qui forme toute la chaîne entre Gênes et Tortone.

M. Pareto compte envoyer incessamment à la Société une note sur le cuivre oxidulé et natif, qui existe dans certains schiste des grès des Apennins à la Bochetta, dans un endroit assez éloigné des masses serpentineuses.

Il m’a aussi indiqué des sources salées sourdant du grès apennin à Bobbio.

D’après mes idées actuelles sur les Apennins, je devrais aussi placer dans le sol secondaire modifié le gypse et la corgneule, et les schistes talqueux à côté de la serpentine d’Isoverde.

Avant de quitter Gènes, je rappellerai qu’il y a dans cette ville des lambeaux de roches tertiaires. D’abord, à la sortie de la porte de la cité de Gènes, le roc calcaire, percé de lithodomes, est couvert d’une petite masse de poudingue calcaire. Puis, près de la nouvelle promenade, des travaux de terrassement ont mis au jour des couches coquillières de marne subapennine, et au nord de Gênes, M. Pareto m’a montré des dépôts du même genre avec des marnes sableuses à débris serpentineux.

Entre Gênes et Sestri dominent les alternats de marne et de calcaire foncés. Avant Pozzo, est un lambeau de poudingue ; près de Pozzo de grandes couches d’un calcaire noir, et avant Sestri de belles coupes de couches un peu irrégulières. L’inclinaison des couches est au sud-est avant Pozzo ; au nord-ouest entre Pozzo et Recco ; au sud-sud-ouest à Rappalo ; et au nord-ouest après ce bourg.

Après Sestri on trouve des hauteurs toutes composées de grès secondaires des Apennins avec ses schistes marneux gris ou verdâtres, et ses calcaires compactes grisâtres. Les couches sont fort contournées, ondulées, diversement redressées, de manière que l’inclinaison varie beaucoup. Des roches calcaires sont souvent la seule cause des petits contournemens.

À Bracco, se voient encore des alternats de schiste et de calcaire noir, inclinant à l’est ; puis viennent des schistes contournés à petits filons et rognons de quarz, inclinant au sud et nord-ouest. Des schistes talqueux contournés séparent ces dernières roches, déjà un peu modifiées, d’avec une grande masse de serpentine et d’euphotide.

Dans cette dernière, l’on voit se succéder de la manière la plus irrégulière de la serpentine et de l’euphotide, en partie a filons purement feldspathiques, et quelquefois à filons de serpentine.

Dans ce lieu, la masse de serpentine paraît être sous celle d’euphotide, et à côté de cette dernière roche, courant du nord-ouest au sud-est, l’on aperçoit de l’autre côté du schiste noirâtre à parties ferrugineuses, à cellules tapissées d’un enduit du même genre, du schiste noir et brun ; ces couches sont presque verticales.

À Matarana, l’on a occasion de remarquer un fait semblable : le schiste incliné au nord-nord-ouest y est au contact avec la serpentine diallagique, et est aussi très ferrugineux.

Ensuite reparaissent des alternats de schiste noir et de calcaire compacte gris clair, puis des roches schisteuses verdâtres et grisâtres, annonçant de nouveau le voisinage de l’euphotide près de Cardani.

La masse ignée y court aussi du nord-ouest au sud-est, et est en contact d’un côté avec des schistes ferrugineux, et de l’autre avec des alternats de schistes et de calcaires gris.

Les relations de la serpentine et de l’euphotide avec le système secondaire des Apennins sont bien mis à nu dans la vallée de Cravignola près de Borghetto.

M. Brongniart n’y a cru voir que la superposition des roches ignées sur les schistes secondaires, et leur séparation par des jaspes, produit d’altération.

Mais je pense que cette localité est un exemple frappant d’un filon de serpentine et d’euphotide remplissant non seulement une fente, mais ayant encore débordé de dessus la crevasse remplie, et ayant pris ainsi la forme d’un champignon.

En effet, à l’entrée de la vallée, les grès apennins avec leur calcaire inclinent à l’ouest sous 45 degrés, et sont couverts d’une terre jaune mêlée de cailloux serpentineux. Cette alluvion se prolonge dans la vallée qui conduit de Borghetto à Sarzane. Sur le côté sud du vallon, les couches courent du nord-nord-est au sud-sud-est, et inclinent à l’est sous 60 à 80 degrés. Dans un point, l’on voit distinctement le schiste gris à rognons de calcaire compacte incliner à l’est sous 45 degrés, et recouvert de jaspe d’abord verdâtre ; puis rouge, incliné de 70 degrés, puis il y a dessus une petite masse de brèche euphotidique calcarifère, et enfin l’euphotide formant des hauteurs pelées. Sur le bord septentrional de la vallée on observe que les roches arénacées et calcaires inclinent à l’ouest sous 45 degrés ; peu à peu, cette inclinaison augmente, les schistes à rognons de calcaire gris noir deviennent ondulés ; à ces couches succèdent de bas en haut un lit de 4 pouces de calcaire mêlé de jaspe, une brèche euphotidique calcarifère, d’une épaisseur de 15 pieds, enfin, l’euphotide et la serpentine.

Au pied du Montenero on trouve l’inclinaison des schistes à l’ouest de 45 degrés. Une grande masse de jaspe rouge, mêlée de parties verdâtres, courant du nord-est au sud-ouest, est placée sans intermédiaire de la brèche euphotidique sous l’euphotide qui enclave une masse de serpentine. Dans cet endroit donc le soulèvement n’avait pas entraîné avec lui les débris nécessaires pour la formation d’une brèche.

Entre Borghetto et la Spezia. le sol secondaire apennin continue à dominer. Pour les environs de la Spezia, je renvoie aux mémoires de MM. Guidoni, Pareto et de la Bèche.


────────


Notes sur le mont Spitz et le val Dei Pace, à Recoaro.


« Le Mont Spitz est la coupe naturelle et complète de toutes les masses secondaires du Vicentin. M. Maraschini n’en ayant donné qu’une section générale. j’ai cru intéressant d’en relever les couches plus en détail comme elles se présentent dans le grand ravin appelé Val di Prak.

Le pied de la montagne, ainsi que le lit de l’Egna, est occupé par du talc schiste quarzeux avec des filons trappéens ou feldspathiques, et quelques lits ou amas d’itabirite ou de fer oligiste.

Le talc schiste court du nord-est au sud-ouest, et incline au nord-ouest ; il est généralement verdâtre ; mais au-dessous du grès rouge et du porphyre dont nous allons parler, il prend dans le Val di Prak une couleur rougeâtre très prononcée. Parmi les filon ignés, le plus curieux est un filon-couche du Val di Canale, qui a 1 à 3 pieds d’épaisseur, et a des salbandes irrégulières, composées de fragmens de schiste talqueux empâtés dans une matière feldspathique. Ce filon a de plus un cours ondulé, et coupe les couches aussi bien qu’il s’insinue entre leurs plans de stratification. Sur le talcschiste repose au Val di Prak, d’une manière non conforme, un grès rouge assez grossier ; sur lui est venu se placer une épaisse masse d’un porphyre pyroxénique qui recouvre aussi distinctement du talcschiste, sans l’intermédiaire de ce grès. Ce porphyre est décomposé, brunâtre, et traversé de fentes irrégulières ; il parait occuper une vaste étendue, dans les hauteurs tout autour de Recoaro ; ce qui le rend surtout intéressant, c’est la variété des niveaux qu’il occupe.

À la nouvelle source acidulé ferrugineuse qui sourde au contact du porphyre et du talcschiste, au nord de la partie inférieure du Val di Prak, l’on trouve entre ces deux roches une salbande bréchoïde d’argile et de schiste rouge. Le porphyre recouvre le talcschiste sous un angle très grand, et les couches du schiste sont contournées très fortement, et de telle sorte qu’on pourrait croire qu’elles doivent ces ondulations à une force refoulante exercée par le porphyre. Cette supposition n’est cependant guère probable ; mais le fait est digne d’être relaté.

Les géologues du pays le regardent comme une large coulée qui s’est faite avant le dépôt du grès bigarré ; je n’ose me prononcer à cet égard, quoiqu’il me semble que ce porphyre soit bien analogue à un filon feldspathique, qui traverse le talcschiste du Val di Prak, et y court de l’est à l’ouest.

Sur ce porphyre, on trouve eu couches horizontales les roches suivantes de bas en haut : grès rouge ; grès jaunâtre à parties de lignites, et à traces de calamités ou tigos de plantes terrestres ; grès grossier gris-blanc à cailloux de quarz et de porphyre pyroxénique, accident qui vient à l’appui de l’idée que le porphyre a coulé lors du dépôt du grès secondaire ; grès rouge et jaunâtre, puis grès blanchâtre ; calcaire compacte gris clair, et en partie divisé en petites masses prismées, irrégulières comme le Tuten Mergel des Allemands ou les Septaria des Anglais, marne grise-verdâtre ; grès jaune et gris à nids marneux gris ; grès micacé gris noirâtre ; calcaire compacte gris ; marne grise et noire avec une petite couche de calcaire ; trois alternats de calcaire marneux endurci gris avec de la marne grise ; alternats de grès jaune cellulaire avec de la marne grise ; alternats de marne rouge et grise ; grès grisâtre ; grès rougeâtre, marne rouge, grès, calcaire marneux brun jaune, grès et marne à fer sulfuré décomposé, calcaire compacte gris clair, marne alternant avec du calcaire ; marne schisteuse impressionnée ; une grosse masse de calcaire compacte gris venant former la partie inférieure du muschelkalk ; des alternats de calcaire compacte gris avec des marnes grises à traces de fucoïdes, à Térébratules (T. vulgaris, et une à petites stries) ; Trigonellites vulgaris et curvirostris ; Plagiostomes ; petite univalve turbinée (dans cette masse vient se placer l’accident d’une lumachelle à térébratules avec des petits filets d’une espèce de jayet, le carbonelle d’Arduino) ; calcaire compacte gris à diverses masses de marne schisteuse grise jaunâtre avec certains lits pleins d’impressions végétales, que M. Ad. Brongniart classe dans le genre Voltzia, et dans le voisinage du V. brevifolia ; calcaire compacte brunâtre avec baryte ou un peu siliceux et cellulaire, calcaire marneux brun rouge, alternat de grès marneux, et de marne fine rouge, zonée et tachetée de jaune, et, ça et là, à cellules tapissées de spath calcaire. Enfin, sur celle dernière masse, divisée en un grand nombre de couches minces se place un immense colosse de calcaire jurassique, en partir dolomitique, et en partie compacte blanchâtre, rarement rougeâtre ou brunâtre. Cette dernière roche se présente quelquefois sous la forme d’une brèche blanche ou couleur lie de vin. Avec sa sagacité ordinaire, Arduini regardait ces dernières roches comme des produits volcanisés. En effet, ils sont situés dans le voisinage des grandes masses de porphyre tertiaire avec ou sans pyroxène des environs de Fongara.

Le classement exact du calcaire jurassique paraît jusqu’ici fort difficile, quoique certaines masses supérieures à très longues Turritelles et petites bivalves (M. Passubio) semblent y indiquer des couches jurassiques assez récentes. D’un autre côté, je n’y connais pas de fossiles qui puissent y faire reconnaître les colites inférieures, et même les grandes oolites. J’ai déjà appuyé ailleurs sur l’absence du lias. Le calcaire jurassique m’a offert de grosses Bucardes, dont l’espèce se retrouve dans le même dépôt à Raibel en Carinthie. Le calcaire ammonitifère renferme plusieurs belles espèces non décrites ainsi que des Trigonellites (Parkinson).

Au Val dei Pace, à une lieue au nord de Recoaro, il y a au milieu du sol secondaire couvert d’alluvions une espèce de gros filon de porphyre décomposé en bandes argileuses de teintes grise, verte et rouge, et au milieu de ces matières argiloïdes on trouve des blocs de porphyre presque intacts au milieu desquels sont de petits nids de gypse compacte empâtant du quarz prisme, quelquefois groupés en rosettes circulaires concentriques. Il y a de plus dans le gypse une matière verdâtre, qui paraît provenir du porphyre décomposé. Ce gypse y serait donc un accident concomitant de la formation de ce porphyre, dépendant de l’éruption des porphyres pyroxéniques ou tertiaires, roches qui varient étonnamment, et dont le pyroxène n’est pas une des substances essentielles. Lorsqu’il y manque, ces porphyres micacés violâtres ou grisâtres rappellent ceux du terrain houiller.

Il est donc bien essentiel de distinguer ces sortes de dépôts gypseux, qui ont les plus grands rapports avec ceux des ophites des Pyrénées d’avec les amas gypseux des grès bigarrés et du keuper, quoique des géologues puissent être enclins à les attribuer tous à une altération ignée.


Course au val Rttassene.


« En descendant la vallée de l’Egna, depuis Recouro, l’on voit d’abord le long de la route trois ou quatre filons de trap feldspathique couper le talcschiste. Plus bas viennent affleurer successivement le long de la route toutes les couches secondaires, y compris le calcaire jurassique et la scaglia, dernier dépôt qui forme une assez large bordure de montagnes nues.

Vis-à-vis de Civillina ou trouve, dans le grès bigarré des bords de la rivière, des filons d’un feldspath compacte amygdalaire et bréchoïde. L’un d’eux a 10 pieds d’épaisseur et incline au sud-est ; un autre a plus de 100 pieds de puissance ; un troisième n’a qu’un demi-pied, un quatrième n’est pas non plus fort épais, et coupe bien distinctement les couches du même grès au-dessous de Casaliné. Un autre filon est rempli par une roche feldspathique décomposée avec une salbande poreuse, à parties vertes et spath calcaire.

Tous ces filons ne modifient pas sensiblement le grès bigarré, qui est recouvert d’une épaisse nappe de poudingue alluvial.

Un peu plus bas, il y a un filon de porphyre pyroxénique dans le calcaire jurassique ; sa puissance est de 200 pieds, et il court du nord-est au sud-ouest.

Dans le Val Retassene l’on a occasion de voir distinctement le porphyre pyroxénique recouvert sous un angle de 50 à 60 degrés par de la scaglia ou craie modifiée, c’est-à-dire un calcaire très compacte devenu une roche fendillée semblable à une brèche, et un peu magnésienne ; et près de là du porphyre passé à l’état de corgneule. Entre le marne calcaire ainsi changé et le porphyre, est une salbande composée d’argile ou de schiste rouge, qui ne paraît qu’un résidu de la trituration produite par la sortie du porphyre.

Le porphyre occupe le fond de la vallée, et paraît se prolonger d’un côté à Fongara, et de l’autre au Val Zuccauti et à Velo.

On se rappelle que j’ai détaille ailleurs (voy. Journal de géologie pour 1830, vol. I, p. 388), la salbande bréchoïde qui sépare, au Val Casarotti, le porphyre de la scaglia qu’il recouvre au contraire dans cette localité.

Dans ce long trajet, le porphyre n’a pas toujours trouvé à se faire jour uniformément, de manière que, cà et là, la roche ignée s’amincit ou disparait même sous le calcaire en se bornant à le modifier plus ou moins. Ainsi, dans le Val de Retassene, il est bordé au sud par de la scaglia, et au nord par une montagne de calcaire jurassique, roche qu’il paraît traverser dans le lit de l’Egna. Au débouché du Val Retassene, il paraît se cacher sous une grande butte de scaglia, qui y est passée tout-à-fait à l’état de ces calcaires bréchoïdes des Alpes, savoir : une masse plus ou moins divisée en fragmens angulaires juxtaposés les uns aux autres, sans ciment visible ou séparés par un détritus calcaire pulvérulent.

Comment de pareilles transformations ont-elles eu lieu ? c’est ce qui paraît très difficile, à expliquer ; il faut vraiment voir de pareils faits pour pouvoir y croire. Néanmoins, il paraît possible que ce soient des calcaires extrêmement fendillés par l’action de la chaleur et des vapeurs souterraines, et réunis de nouveau en une seule masse sans avoir changé de place.


Course au mont Ena, au nord-ouest de Schio.


« Après avoir passé sur les alternats d’argile marneuse bleue et de calcaire à coraux de San Géorgie, l’on commence à gravir la pente méridionale du mont Ena. On y voit successivement le grès rouge, certains calcaires représentant le zechstein, le grès bigarré et le muschelkalk ; des filons de roche basaltique traversent le grès bigarré, et l’un d’eux ayant 1 pied et demi de puissance a l’air d’endurcir la roche arénacée.

Enfin, on arrive à une petite butte d’une composition très singulière, car on y observe des masses de quarzite, de hornfels, de granite en partie porphyrique, d’une roche granitoïde sans quarz, mais à nids et petits filons, de quarz, enfin des blocs de quarz en roche. Toutes ces roches ou grands fragmens de couches paraissent être dans une pâte de porphyre pyroxénique très décomposée.

On peut s’assurer que cet amas repose sur les marnes bigarrées supérieures et sur le muschelkalk, roches qui en ont été tellement modifiées que la marne est devenue cristalline, ainsi que le calcaire.

Plus au nord, le porphyre pyroxénique se présente en affleuremens, et y contient ça et là des fragmens angulaires de marne et de calcaire secondaire plus ou moins changé, tandis qu’ailleurs il est décomposé en une masse violâtre, ou jaune-brune, comme la pâte dont nous avons parlé plus haut.

Accompagné dans cette course par M. Pasini, je pus m’assurer que ce porphyre pyroxénique n’était qu’une portion de l’immense filon qui se prolonge à l’ouest dans le val Zuccanti, et à l’est dans les montagnes jurassiques et de scaglia. Il me parut que la butte extraordinaire n’était qu’une salbande bizarre et fort épaisse de ce filon porphyrique, qui n’a trouvé que ça et là le moyen de pousser devant lui une masse de débris. Les faits qui confirment cette opinion, c’est la pâte de cette brèche formée sur une échelle de grandeur particulière, et c’est le mélange hétérogène de roches anciennes si diverses, fait dont on ne saurait rendre compte autrement. Enfin, entre cette brèche et les roches secondaires, il y a une salbande étroite d’une nature argileuse, qui n’est composée au fond que des mêmes substances très triturées.

Ainsi, je crois avoir ramené cette curiosité géologique à un fait bien connu, et je suis obligé de rejeter entièrement l’idée de M. Pasini, qui, dans le premier moment d’étonnement, y avait cru reconnaître de l’analogie avec les apparences de Predazzo. Non, il n’y a point là de passage du porphyre pyroxénique au granite, car, dût-on même prendre à la lettre ce qu’on a dit de Predazzo, l’on ne trouverait au milieu du granite ces hornfels, ces quarzites, etc.

D’une autre part, ceci donne bien à penser relativement au passage prétendu du porphyre pyroxénique au granite à Predazzo. Il est évident que le porphyre pyroxénique est sorti dans ce dernier lieu du milieu d’un beau granite schorlifère, puisque ce dernier contient des filons pyroxéniques. Il est aussi certain que les roches porphyriques amygdalaires, et purement pyroxéniques dans le haut de la montagne, prennent dans le bas un aspect granitoïde par la quantité de leur feldspath rouge et blanchâtre, et des taches noires qu’on peut attribuer au mica. Mais il se présente la question de savoir si ces parties granitoïdes sont bien sorties de dessous la croûte du globe avec le reste de la masse, ou si elles ne doivent pas leur nature particulière à ce qu’elles ne sont que du porphyre pyroxénique ayant empâté beaucoup de granite qui, vu le rapport de composition, se seraient fondues avec la matière pyroxénique plus facilement que toute autre roche.

Je reconnais que le porphyre quarzifère passe au granite souvent cellulaire ; les environs du lac Majeur, l’Écosse, l’Erzgebirge sont là pour le prouver. Loin de moi de nier la possibilité du passage du porphyre pyroxénique au granite ; je suis disposé, au contraire, à admettre à priori des passages entre toutes les roches ignées, car on comprend que, composées des mêmes élémens, leur variété ne dépend que du groupement différent de ces dernières, groupement dépendant de beaucoup de circonstances de localité, d’affinité chimique, de température et d’état électrique. S’il fallait des exemples, je citerais le remplacement des euphotides par les sélagites, les passages des diorites à la serpentine et au pyroxène en roche, des éclogites aux amphibolites, etc.

Néanmoins, je ne vois pas qu’on ait encore trouvé quelque part un passage incontestable du porphyre pyroxénique au granite, et j’ose révoquer en doute celui de Predazzo.

Enfin, une autre déduction qu’on peut tirer des apparences du mont Ena, c’est qu’au-dessous du terrain talqueux du Vicentin, il y a des schistes encore plus cristallins ou modifiés, dont la roche ignée concomitante est granitoïde. Ce sont, en un mot, les mêmes roches que celles de Cimadasta, groupe schisteux percé par un granite comme celui de Predazzo, environ dans la période où se déposèrent les grès rouges, appendice du porphyre quarzifère.

D’après M. Pasini, les rognons de silicate de manganèse (la prétendue épidote manganésifère) se trouvent non loin de masses ignées, dans le calcaire jurassique de Civillina, et non pas dans le muschelkalk, comme l’a prétendu M. Maraschini.

De beaux exemples de muschelkalk, changé par un filon porphyrique en marbre fin blanc à veinules noirâtres, se trouve au pied des montagnes à Grumoriondo. Du calcaire jurassique magnésien semblablement modifié a été remarqué par M. Pasini près de Rovegno et d’Arciero. Les grès bigarrés altérés sont plus communs ; il y en a de beaux exemples à Santa Catharina.

──────────

Au sujet des lignes de petites cavernes qui se trouvent beaucoup au-dessous du niveau de la mer, dans les calcaires compacts que M. Boué a reconnus aux environs de Nice et de Menton, M. Boblaye rappelle qu’il a signalé en Morée plusieurs étages de cavernes qu’il a regardés comme autant de rivages successifs, et qu’il a expliqué l’érosion de la plupart des calcaires de cette contrée par l’action de l’aura maritima, action qui s’exerce encore aujourd’hui à une assez grande distance de la mer. Il pense qu’en comparant les surfaces des anciens monumens qui ont été plus ou moins altérés par cette action, il serait peut-être possible de calculer le laps de temps qu’il a fallu dans certains cas pour produire ce phénomène.

M. C. Prévost ajoute qu’il a observé les mêmes faits eu Sicile, et qu’il les regarde aussi comme les traces d’anciens rivages.

À ce sujet, M. Boussingault rappelle que Berthollet a expliqué les érosions du calcaire par l’action du muriate de soude apporté par l’aura maritima sur les calcaires ; il y a formation de chloroxi-carbonate de chaux et de soude, qui est ensuite dissous et entraîné par les eaux pluviales.

M. Boubée ne paraît pas admettre que l’action chimique doive être invoquée toute seule pour expliquer les érosions que l’action de la mer opère à la surface des roches. Il signale à ce propos les phyllades quarzifères passant au micaschiste de Collioure et de Port-Vendre près Perpignan, qui sont toutes caverneuses comme les falaises des contrées calcaires, et dont la surface est érodée et sillonnée de mille manières. M. Boubée indique encore à Port-en-Bessin, dans le Calvados, des grès dépourvus de calcaire qui sont profondément sillonnés sur toutes les surfaces qui regardent la mer. Enfin, il rappelle le fait que M. Virlet a signalé il y a quelque temps à la Société, d’une caverne entièrement creusée dans les micaschistes et les schistes argileux, comme ne pouvant avoir été formée que par le concours des deux actions.

M. Virlet fait observer qu’il n’attribue pas la formation de la caverne de Sillaka, située dans l’île de Thermia, et dont il a donné la description, aux actions des eaux de la mer, comme les cavités que M. Boubée vient de signaler dans le micaschiste près de Perpignan, mais qu’il la regarde, ainsi que la plupart des autres cavernes, comme le résultat d’actions volcaniques qui ont préparé les voies par où les gaz, en s’échappant ensuite, ont exercé leur action chimique sur les roches qu’ils traversaient successivement ; telle est, selon lui, la seule explication probable qu’il ait pu donner de l’existence de la caverne de Sillaka., au milieu des roches schisteuses anciennes.

M. Virlet communique à la Société les deux notes suivantes.

Phénomènes observés en creusant un puits artésien.

« Dans la séance du 12 juin de la Société d’encouragement, M. Héricart de Thury a donné communication d’une lettre de M. le comte de Porcia, qui rapporte les circonstances d’un phénomène singulier qu’on a remarqué en creusant un puits artésien à Gajarine, district de Conegliano près Trieste. Après avoir creusé environ à 20 mètres de profondeur, on a rencontré un banc argileux ; plus bas, des bancs de cailloux et de marne. Les tubes qu’on enfonça en terre ne pénétrèrent que jusqu’au lit de galets, et on continua de creuser dans l’argile jusqu’à 38 mètres. En retirant la sonde, on vit un jet de gaz et de boue liquide qui, remplissant bientôt le canal, força de le désobstruer. Le même jet se reproduisait chaque fois qu’on arrivait à la profondeur de 22 à 23 mètres, d’où partait le torrent de gaz. On y mit le feu à diverses reprises, et il en résultait une flamme qui s’élevait jusqu’à 5 mètres. de hauteur. Cette source de gaz protocarboné, légèrement sulfuré, est un phénomène digne de remarque. En divers lieux on a eu occasion d’en rencontrer de semblables, quoique peut-être moins considérables que celui dont parle M. Porcia. (Temps du 17 juin 1833.)

« On lit dans l’Écho de l’Yonne du 10 juin, l’article suivant, répété par le Courrier français du 16 :

« On vient de découvrir, en cherchant des pierres pour ferrer la nouvelle route de Germilly, département de l’Yonne, à Ervy, département de l’Aube, un banc considérable d’huîtres pétrifiés[2], toutes d’un volume plus grand que celui des huitres ordinaires de Dieppe. Ce banc n’est placé qu’à environ 33 centimètres (1 pied) au-dessous du sol, et à environ 50 centimètres d’épaisseur. Déjà plus de 1,000 mètres cubes de ces huîtres ont été employés à garnir la route. Un grand nombre de coquilles de la même nature se trouvent à la surface du sol sur les hauteurs de la Brosse, à une lieue d’Auxerre, où passe le chemin de Châblis. »

Au sujet de cette communication, M. Virlet demande que la Société géologique ouvre un journal sur lequel on consignerait successivement toutes les relations de tremblemens de terre et d’autres phénomènes volcaniques, dont les journaux quotidiens publient chaque jour les détails. Quoique l’on ne connaisse point encore. dit-il, la véritable cause des tremblemens de terre, et que l’on ne puisse bien entrevoir l’utilité que pourra avoir par la suite la mesure qu’il propose, il serait possible qu’un jour, quelque découverte imprévue donnât la clef de ces phénomènes, et qu’alors un catalogue circonstancié de tous les tremblemens de terre pût devenir d’une très haute importance. Il appartient à la Société géologique de France de se charger du soin de réunir ainsi en un catalogue raisonné tout ce qui concerne les phénomènes volcaniques en général.

La Société approuve cette proposition. Les membres sont en conséquence invités à vouloir bien tenir une note exacte de tous les détails qu’ils verront rapportés à ce sujet dans les journaux, pour les faire consigner dans le registre qui sera ouvert à cette effet dans les bureaux de la Société. On y pourra ajouter les autres faits géologiques épars dans des recueils où ils sont le plus souvent perdus pour la science. »

M. C. Prévost donne quelques renseignemens sur le dernier puits artésien entrepris à Saint-Denis par M. Mulot. Ce mécanicien, ayant rencontré une nappe d’eau qui ne faisait point ascension, a aspiré cette eau par le moyen d’une pompe ; en peu d’instants l’eau est montée chargée d’abord d’une grande quantité de sable, et bientôt tout-à-fait pure : le jet s’est élevé à 18 pieds.

M. Texier fait connaître un passage d’un écrivain latin, Julius obsequens (de Prodigiis), qui paraît indiquer des phénomènes volcaniques dans la campagne de Rome depuis les temps historiques.

M. d’Archiac lit une proposition relative au mode de rédaction des séances extraordinaires en Auvergne. Cette proposition est renvoyée au conseil.



  1. Les montagnes montrent rarement la disposition régulière du cas limité que l’on examine ici, surtout dans les soulèvemens récens qui présentent fort souvent des pentes très inégales et de véritables failles d’immenses dimensions ; ce qui doit résulter de la disposition actuelle de l’écorce terrestre en pièces séparées d’inégales dimensions, et d’inégales adhérences.
  2. Ces huîtres paraissent être une, des grandes espèces de gryphées de l’un des dépôts argileux de la formation oolithique.