Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome IV/Séance du 21 avril 1834
M. Virlet tient la plume comme secrétaire.
Après la lecture et l’adoption de la dernière séance, le président proclame membre de la Société :
M. Gras, ingénieur des mines à Grenoble, présenté par
MM. Dufrénoy et Élie de Beaumont.
La Société reçoit les ouvrages suivans :
1o De la part de M. le colonel Bory de Saint-Vincent, son ouvrage intitulé : Voyage dans les quatre principales iles des mers d’Afrique, fait, par ordre du gouvernement, pendant les années 9 et 10 de la république (1801 et 1802) ; avec l’histoire de la traversée du capitaine Baudin jusqu’au port Louis de l’ile Maurice. 3 vol. in-8o, avec un atlas in 4° de 58 pl. Paris, 1804.
2o De la part de M. Bertrand Geslin : Commentaires de Pierre-André Mathiole, médecin senois, sur les six livres de Ped. Dioscoride, In-fol. de 819 p., avec vignettes, Lyon 1572.
3o De la part de MM. Virlet et Boblaye, la planche II des coquilles fossiles de leur voyage en Morée.
4o De la part de M. Boubée :
A. Son Bulletin d’histoire naturelle de France, 2e section : animaux invertébrés articulés. In-8o, 16 p.
B. Les trois premiers numéros de son nouveau journal ayant pour titre : l’Echo du monde savant.
C. Le portrait lithographié de M. le colonel Dupuy.
5o La Société reçoit aussi en échange du Bulletin, le nouveau journal, de minéralogie, de géognosie, de géologie etc., (neues Iahrbuch fur Mineralogie, etc.) par MM. Leonhard et Bronn. Les six premiers cahiers pour 1834, qui contiennent entre autres les Mémoires suivans :
6o La livraison du tome III de la feuille de correspondance de la Société économique royale de Wurtemberg. (Correspondenz blatt des koniglich Wurtembergischen etc.) 2e cahier, in-8o, 128 p, 1833.
M. Jonathan Wurtelet, secrétaire de la Société historique et littéraire de Quebec (Amérique septentrionale) annonce (26 novembre 1833) que cette Société accepte avec plaisir l’échange de notre Bulletin contre ses Transactions, dont elle vient de nous expédier le 3e volume ; elle saisira la première occasion de nous envoyer les deux premiers. Ce naturaliste communique en même temps la composition du conseil et du bureau de la Société de Quebec.
M. Bory de Saint-Vincent écrit, en adressant à la Société son Voyage dans les îles des mers d’Afrique, que cet ouvrage, tiré à un grand nombre d’exemplaires, est épuisé depuis longtemps, et que c’est avec peine qu’il est parvenu à s’en procurer un pour en faire hommage à la Société : « quoiqu’il soit dans la bibliothèque de beaucoup de personnes qui ont écrit sur les volcans, il a été peu cité. J’ai cependant lu et vu publier plus d’une observation ou fait volcanique, donnés comme des choses très nouvelles, qui s’y trouvent décrites et même figurée. »
M. Clément Mullet communique la note suivante :
L’année dernière, M. Virlet annonça à la Société (Bull. t. III p. 347) que des travaux exécutés pour la confection d’une route avaient mis à découvert un banc de grandes huîtres, sans donner de plus grands détails. Pendant mon dernier voyage dans le département de l’Aube, je pus me procurer une de ces huîtres, que j’ai l’honneur de présenter à la Société ; j’ai reconnu qu’elle appartenait l’espèce qui se trouve dans une marne blanchâtre placée entre le grès vert inférieur et les terrains supra-jurassiques ou épioolithiques, auxquels sans doute cette marne appartient. Cette position est constante dans le département de l’Aube ; car elle existe, comme cet échantillon le prouve, au-delà du grès vert qui se trouve à Ervy. Nous l’avons trouvé, M. Michelin et moi, près de Montieronny. dans cette même marne grise, inférieure au grès vert. Seul ensuite, je l’ai trouvé à peu de distance de Voudeuvre dans la localité des routes, encore au-delà du green sand. Il est remarquable que partout où on trouve cette huître, elle y est en abondance.
M. Voltz annonce de la part de M. Jaeger que la réunion I des naturalistes allemands aura lieu à Stuttgard le 18 setembre prochain ; à ce sujet il donne les renseignemens suivans :
Pour que la Société géologique puisse aller à Stuttgard, il faudrait que ses séances extraordinaires fussent closes le 15 septembre. À la rigueur on pourrait ne partir que le 16 car, partant de Strasbourg pour Stuttgard, le soir à sept heures (heure du départ de la diligence), on arrivera le lendemain à quatre heures. Le 16 sera un mardi, et les jours de départ sont les lundis, jeudis et samedis ; mais, si l’on est en nombre, en demandant un autre jour environ trois semaines à l’avance, on l’accordera avec plaisir.
M. Jaeger me prie d’annoncer également à la Société, au nom des naturalistes Wurtembourgeois qu’ils auront le plus grand plaisir à recevoir ceux d’entre nous qui se décideront à y aller. Il serait bon de me faire connaître les noms et le nombre des personnes qui devront se rendre à Strasbourg et de là à Stuttgard, parce qu’alors j’en ferais part à M. Jaeger, qui aurait le soin de leur faire préparer des logemens, mesure qui devient nécessaire, la réunion paraissant devoir être très nombreuse.
Le roi a donné des ordres pour que les membres de la réunion soient bien reçus partout, et que tout ce que le pays renferme d’intéressant leur soit d’un accès facile.
M. Victor Lanjuinais communique à la Société un échantillon d’un micaschiste jaunâtre des terrains primordiaux des Alpes (près de la partie la plus élevée de la route du Simplon), qui donne l’analyse une quantité considérable de soufre. Ce fait intéressant n’avait été observé jusqu’ici que par M. de Humboldt, qui a signalé le soufre dans les terrains anciens des Cordillères.
M. Des-Génevez dit avoir reconnu le même fait, non dans les micaschistes, mais dans les schistes talqueux des environs de Gap.
M. Foumet rappelle aussi que le soufre natif a été également reconnu par MM. Lecoq et Bouillet, dans un granite altéré près d’Ambert.
M. Virlet annonce qu’il a lu, dans le Moniteur du Commerce du 11 avril, et dans le journal de la Marine et des Colonies, que l’île Julia avait reparu, et qu’elle semblait cette fois devoir rester long-temps émergée.
M. Bertrand Gsslin donne l’analysa d’une note de M. Toulmouche, sur la géologie du département d’Ile-et-Vilaine, accompagnée de la carte géologique de ce département.
« L’existence du mercure natif dans le sol tertiaire immergé sur lequel Montpellier se trouve bâti, est un fait à la fois si remarquable et si singulier, que j’ai long-temps douté de sa réalité. Cependant la présence de ce métal dans ces terrains avait été annoncée dès 1760 avec des caractères de vérité tels, que j’étais désireux de la constater lorsque l’occasion s’en présenterait. Des fouilles ayant été faites en 1830 dans une maison de la grande rue de Montpellier, j’appris qu’on venait de découvrir dans une marne argilo-calcaire inférieure aux sables marins tertiaires, de nombreuses gouttelettes de mercure qui, recueillies avec soin, avaient fourni une quantité assez considérable de ce métal. Je m’empressai d’aller vérifier le fait ; je le trouvai exact, et reconnus de plus des petits cristaux de mercure muriaté (Calomel) au milieu de la marne où le mercure se montrait en gouttelettes aussi fines que nombreuses ; la forme de ces cristaux se rapportait à celle d’un prisme à base carrée modifié sur ses bords.
« Je ne songeais plus à ces observations, lorsque cette année 1834, des fouilles ayant été faites dans cette même rue, on m’annonça que l’on y avait également découvert du mercure natif, et dans les mêmes circonstances qu’en 1830 ; je me convainquis de nouveau de la vérité du fait, et, dès-lors, mes doutes s’évanouirent, et avec d’autant plus de raison, que M. Bonnafoux, de Turin, si connu par ses beaux travaux agricoles, me fit remarquer que l’existence d’une mine de mercure natif dans le sol de Montpellier et des environs se liait avec ce que lui avaient rapporté nos cultivateurs sur l’infertilité de certaines terres de nos environs, produite, suivant eux, par la présence de ce métal dans les terres. Si cette observation est exacte, il faudrait que le mercure natif et muriaté exerçât réellement une action délétère sur la végétation. En effet, d’après le savant agronome que nous venons de citer, ce métal en à une des plus promptes et des plus funestes. M. Bonnafoux se propose de se livrer à une suite de recherches propres à vérifier ce que ses premiers essais lui avaient appris ; mais toujours pense-t-il que ce n’est point un préjugé que celui qui fait considérer certaines terres comme frappées de stérilité par la présence du mercure, et que ce fait est au contraire basé sur l’observation et l’expérience.
« Le mercure a été également reconnu dans la rue de l’Université, dans celle de la Carbonerie, dans la halle au poisson et dans plusieurs autres rues de Montpellier ; il a également été aperçu dans les marnes argilo-calcaires tertiaires d’un champ dit l’Olivette, qui est peu distant du ruisseau de Dagarelles. Or, comme tous ces lieux sont assez éloignés les uns des autres, on ne peut supposer que le mercure s’y trouve accidentellement, et la présence du mercure muriaté prouve assez que c’est son véritable gisement.
« Sans doute, il est singulier de voir un métal, qui n’avait été indiqué jusqu’alors que dans les terrains primitifs et secondaires, dans une formation aussi récente que les marnes dont il est question, et qui appartiennent aux couches les plus supérieures des terrains tertiaires immergés.
« L’abbé de Sauvage avant signalé avec assez d’exactitude la manière dont ces minéraux sont disposés entre les masses des marnes tertiaires ; aussi la note qu’il a publiée à cet égard dans l’histoire de l’Académie des sciences pour 1760, a-t-elle été successivement reproduite, à la vérité avec quelques additions, dans les écrits d’Amoreux, de Gouan, de Gensonne et de Poitevin[1].
De nos jours même, cette note a été encore insérée en partie
dans la statistique de l’Hérault, page 33, mais l’on n’y a point
indiqué la source où elle avait été puisée ; cependant, les divers
savans dont nous venons de parler ont tous admis l’existence du
mercure natif dans le sol de Montpellier, et la seule difficulté
qu’ils paraissent s’être faite, tient à la question de savoir comment
et pourquoi il s’y trouve. On sent que c’est là une question que.
nous ne chercherons pas à résoudre, et qu’il nous suffira de décrire
avec précision. La couche la plus supérieure ou la plus récente
de nos terrains tertiaires marins, se compose de sables pulvérulents
dont la couleur la plus générale est jaunâtre ou d’un
blanc tendant vers cette première nuance. Ces sables renferment
une grande quantité de débris organiques, soit terrestres soit marins.
« Au dessous de ces sables, se montrent des marnes argilo-calcaires, dans lesquelles on découvre également des corps organisés, mais, en général, ils sont moins nombreux que dans les sables qui les surmontent. C’est dans ces corps organisés terrestres ou d’eau douce et marins que se trouve le mercure natif et le mercure muriaté. Le premier de ces minerais est disséminé en gouttelettes éparses dans la masse de la marne calcaire, à peu près comme les globules de mercure natif le sont au milieu des roches solides qui le contiennent ordinairement. Le mercure muriaté à une tout autre disposition, laquelle n’avait pas échappé à l’abbé de Sauvages. Il s’y présente sous forme de veines cylindriques, très fines et déliées, dont les ramifications s’étendent en différens sens et dans diverses directions. »
M. Dufrénoy donne l’analyse d’un Mémoire de M. Levallois, intitulé : Sur l’identité des formations qui séparent, dans la Lorraine et dans la Souabe, le calcaire à graphites du muschelkalk. Ce travail est destiné à paraître dans les Mémoires de la Société.
M. Fournet fit ensuite un Mémoire sur la décomposition des minerais d’origine ignée, et leur conversion en hydrosilicates ou en kaolins. Mémoire qui est destiné à paraître dans les Annales de chimie et de physique.
A dix heures et demie la séance est levée.
- ↑ Mémoires de la Société d’agriculture de Paris, 1787, trim. d’été, pag. 20. — Herborisation aux environs de Montpellier, Introduction, page 4. — Histoire du Languedoc, tome I, pag. 251. — Essai sur le climat de Montpellier, pag. 6.