Bulletin de la société géologique de France/1re série/Tome IV/Séance du 7 avril 1834
M. Virlet tient la plume comme secrétaire, et donne lecture du procès-verbal de la dernière séance, qui est adopté. M. le président proclame ensuite membres de la Société :
MM.
Jennings, agent général de la compagnie des mines d’Anzin, présenté par MM. Boué et Boubée ;
De Lamothe, capitaine au 9e régiment d’artillerie, présenté par MM. Élie de Beaumont et Virlet ;
Dubois, docteur en médecine, présenté par MM. Delafosse et Clemson ;
Ringo, principal du collège de Mons, présenté par MM. Duchâtel et Deshayes.
La Société reçoit les ouvrages suivans :
1o De la part de M. Élie de Beaumont.
A. Ses Recherches sur quelques unes des révolutions de la surface du globe, présentant différens exemples de coïncidence entre le redressement des couches de certains systèmes des montagnes, et les changemens soudains qui ont produit les lignes de démarcation qu’on observe entre certains étages consécutifs des terrains de sédiment. In-8o, 52 pages. Paris, 1834.
B. Son Mémoire intitulé : Faits pour servir à l’histoire des montagnes de l’Oisans. In-8o, 63 pages, 2 pl. (Extrait des Annales des mines, 3e Série, tome V), Paris, 1834.
2o De la part de M. Underwood, les deux notices suivantes :
A. An account of the minerals at présent known to exist
in the vicinity of Philadelphia. Par Isaac Lea. In-8o, 24 p.
B. Essay on the formation of Rocks, or an inquiry into the probable origin of their présent form and structure. Par William Maclure. In-8°, 71 p.
3° De la part de M. Boubée, son Bulletin d’histoire naturelle de France, pour servir à la statistique et à la géographie naturelle de cette contrée. 6e section (minéralogie). In-8° 20 pages. Paris 1834.
4° De la part de MM. Virlet et Boblaye, les planches suivantes de l’atlas de leur voyage en Morée.
A. Pl. 2 et 3 des coupes géologiques des différens terrains de cette contrée.
B. Pl. 1, 2, 5, 4, 5, 6 et 7 des coquilles fossiles déterminées et décrites par M. Deshayes.
5° De la part de M. Schmerling, la deuxième partie de ses Recherches sur les ossemens fossiles, découverts dans les cavernes de la province de Liège. In-4° de 176 pages, accompagné d’un Atlas in-f° de 22 planches (8 à 34).
6° De la part de M. l’abbé Croizet, Recherches sur les ossemens fossiles du département du Puy-de-Dôme. Par MM. l’abbé Croizet et Jobert aîné, tome 1er. In-4° de 224 pages, avec 45 planches, formant 9 livraisons. Clermont, 1818.
7° Mémoires de l’académie royale de Metz. 4 vol. in-8o, 1829 à 1833.
8° Mémoires de la Société d’agriculture, de sciences et arts de l’arrondissement de Valenciennes. Tome 1er, in-8o contenant :
9° The american journal of science and arts, par M. Benjamin Silliman, vol. XV, n° 1 et 2 ; octobre 1833 à janvier 1834. Ces deux n° contiennent entre autres les Mémoires suivans :
10° Mémoire de l’académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg. Les six premières livraisons du tome 1er de la 6e série. In-4° avec planches. Saint-Pétersbourg, 1830 à 1831.
11° Mémoires présentés à l’académie impériale des sciences
de Saint-Pétersbourg, par divers savans, et lus dans ses
assemblées. Les 6 premières livraisons du tome 1er. In-4°
avec planches, 1830 à 1831.
12o Recueil des actes de la séance publique de l’académie impériale des sciences de Saint-Pétersbourg, tenue le 29 décembre 1829. In-4o 234 pages.
13o Bulletin de la Société industrielle d’Angers et du département de Maine-et-Loire, no 3, 4e année. In-8o de 125 pages. Angers, 1834.
14o Feuilles de correspondance de la Société économique du Wurtemberg (Correspondens blatt der koniglich Wurtembergischen Landwirthschaftlichen vereins). In 8° de 122 pages, 1833.
15o De la part de M. A. Escher de la Linth, le journal intitulé : Observations sur la géographie physique (Mittheilungen ans dem Gebiete der theoretischem Erdkunde). Publié sous la direction de MM. Julius Frœbel et Oswald Heer.
M. le docteur Scott fait hommage à la Société d’un échantillon de filon de spath calcaire avec bitume dans une roche trappéenne du Mont Caltonhil, près d’Édimbourg, en Écosse.
Enfin la Société reçoit de la part de M. Voltz trois échantillons moulés en plâtre, savoir :
1o D’une nouvelle espèce d’Astrea du calcaire corallien, de la Haute-Saône ;
2o De l’Apiacrinites rotundus. Miller (Haut Rhin), individu figuré dans Goldfuss ;
3o D’une bélemnite du calcaire lithographique de Solenhofen (Bavière), où l’on voit la prolongation de la cavité alvéolaire ; l’original appartient à M. Boué.
M. Bertrand-Geslin communique à la Société un grand moule de coquille fossile, qui lui a été adressé de Thèbes en Égypte, et que M. Deshayes pense être un Unio appartenant au genre anodonte, tel que Lamarck l’a établi.
M. Boblaye, secrétaire, écrit qu’étant obligé de partir pour
la Normandie, où il est chargé de travaux géodésiques pour la
carte de France, et son absence devant être longue, il se trouve
dans l’impossibilité de terminer son rapport sur les travaux
de la Société, qu’il prie de vouloir bien agréer ses excuses.
Sa lettre est renvoyée au conseil.
M. Escher écrit de Zurich et demande à échanger le Bulletin de la Société géologique contre le journal périodique qu’il offre à la Société (voyez plus haut no 15), et dans lequel il fera connaître successivement plusieurs observations inédites de son père. En même temps il annonce que la Société helvétique se réunira cette année à Lucerne.
M. Van Breda, écrit de Leyde (18 mars), qu’il vient de découvrir en Hollande, dans la province de Gueldre, près de la ville de Zutphen, un terrain argileux tertiaire, couvert par le diluvium, qui forme la plus grande partie du sol de la Gueldre et des provinces adjacentes. Il est caractérisé par les fossiles suivans : Pleurotoma Colon Sow, P. Levigata ? Sow. ; Dentalium elephantinum Lam. ; Corbula rugosa Lam., C. élégans Sow. ; Venus dysera Lin. ; Venericardïa orbiculaires Sow. ; Isocardia ventricosa Sow. ; Pectunculus auritus de Fs., P. Granulatus Lam. ; Nucula striata Lam. ; Turbinolia ennecta (varietas anceps) Goldf., T. adpendiculata Brongn.
Il en a donné la description dans un mémoire, lu à l’Institut des Pays-Bas, et publié dans un journal scientifique qui paraît à Harlem, intitulé : Konst en Letter Bode, ainsi que dans le journal officiel Staats-Courent du royaume des Pays-Bas.
M. Geoffroy Saint-Hilaire communique à la Société les renseignemens suivans, qui lui ont été adressés par M. l’abbé Croizet. Ce savant possède 40 échantillons d’une famille de ruminans voisins du Moschus, formant trois espèces, dont une de la taille du chevreuil, une autre de celle du lièvre, et la troisième intermédiaire.
« J’ai recueilli depuis peu dans les mêmes terrains un autre ruminant qui avait des cornes comme les antilopes, et qui était un peu plus grand que les espèces dont je viens de parler : au reste, ce genre voisin du Moschus en diffère sous plusieurs rapports, et surtout par la forme des molaires, dont les croissans sont bien moins distincts que dans nos autres rumimans vivans et fossiles. »
Ce passage, ajoute M. Geoffroy Saint-Hilaire, doit assurer à M. l’abbé Croizet la priorité d’invention, et je ne manquerai point pour mon compte de le reconnaître, quand je publierai, si jamais je reviens aux fossiles.
M. Geoffroy Saint-Hilaire communique également à la Société la lettre suivante, qui lui a été adressée d’Ornézan, près Auch (Gers), le 13 février dernier, par M. Édouard Lartel, dans laquelle il donne des détails sur plusieurs gisemens d’ossements fossiles, et les différens débris qu’il y a rencontrés.
« Je prends la liberté de vous adresser quelques observations qui seront peut-être sans importance pour vous, et dans ce cas je vous prie d’excuser mon importunité en faveur de mes bonnes intentions. Comme je viens vous entretenir d’un sujet tout-à-fait étranger à mes études premières, et que je serai nécessairement obligé de hasarder, pour me faire comprendre, quelques termes scientifiques, sans en connaître toute la portée, je crois devoir vous mettre en garde contre l’application plus ou moins appropriée que j’en pourrai faire. Cela convenu, j’entre en matière ; il s’agit de débris organiques fossiles. Ces débris sont très communs dans le département du Gers ; on en trouve sur plusieurs points, notamment aux environs de Simorre, et presque toujours dans les mêmes circonstances géologiques, c’est-à-dire encroûtés dans un sable fin recouvert d’un lit de sable assez semblable à celui de rivière. — Il y a quelque temps, monsieur, que le hasard m’a fait découvrir à quatre lieues d’Auch, sur les hauteurs qui dominent le vallon du Gens, un gisement très riche en ossemens, mais très différent de ceux que j’avais observés jusqu’à ce moment. Sur une étendue de cinq à six hectares d’un terrain depuis long-temps en culture, on trouve pêle-mêle à la superficie : 1o des schistes marneux à dendrites ; 2o des éclats d’un calcaire d’eau douce à cassure rose et brillante, renfermant des ossemens, et jamais des coquilles entières ; 3o d’autres éclats d’un calcaire terreux, celui-ci incrustant, outre les ossemens, des lymnées, des planorbes et autres coquilles d’eau douce ; 4o des pierres fétides rendant à la percussion une odeur très prononcée de bitume ou d’hydrogène sulfuré ; 5o enfin de nombreux fragmens de bois de cerf et des ossemens isolés, mais toujours infiltrés de calcaire spathique, et présentant une cassure brillante. — Dans certains endroits, si l’on perce cette couche supérieure, on arrive à une seconde couche de 20 à 25 centimètres d’épaisseur, composée uniquement de débris de coquilles dont le têt est très reconnaissable, mais dont pas une seule ne s’est conservée entière. Cette couche d’un rouge vineux au moment de la découverte, devient blanchâtre après quelques jours d’exposition à l’air ; elle renferme de nombreux ossemens offrant la même coloration, quelquefois passant à une teinte plus foncée, qu’ils conservent. Cette couche coquillière repose sur un lit de marne fortement argileuse, que l’on m’a dit alterner encore deux fois avec la couche coquillière, que je n’ai point vérifiée par moi-même. Les fouilles que j’ai fait faire dans ces deux couches ont produit une immense quantité de débris organiques, mais très peu d’échantillons entiers. J’ai cependant recueilli les dents de plusieurs espèces de mammifères, tant carnassiers que pachydermes et ruminans. Dans les premiers, j’ai remarqué, 1° une carnassière tranchante, que je croirais avoir appartenu à un grand chat d’une taille un peu au-dessous de celle du tigre ; 2° la tête d’un animal de la taille du renard, dont la cavité crânienne était envahie par une concrétion calcaire reproduisant avec fidélité les anfractuosités du cerveau. — Dans les pachydermes, une défense d’éléphant, dont je vous envoie un fragment. — Des dents de mastodonte (M. angustidens), dont deux mamelons incrustés dans le calcaire. La partie osseuse de la dent, et l’émail même sont presque complètement modifiés ; de plus, quelques dents que je crois devoir rapporter au paléothère (magnum), qui se serait ainsi trouvé contemporain du mastodonte de l’éléphant. — Pas une dent de cheval. — Dans les ruminans, force bois de cerfs et dents de diverses grandeurs ; pas une dent du genre bœuf. Enfin, monsieur, il y a huit jours que j’ai découvert, à fleur de terre, dans un ravin creusé par les eaux sur le versant d’une colline directement opposée au gisement que je viens de décrire, et de l’autre côté de la rivière, une molaire que je serais tenté de rapporter au mastodonte géant, ou au mastodonte des Cordilières ; bien que je lise dans le Dictionnaire des sciences naturelles de Levrault, que Cuvier croyait les débris de ces deux espèces exclusivement propres au continent d’Amérique. La couronne de cette molaire est à peu de chose près carrée, d’un grand tiers plus large que la correspondante du mastodons angustidens. Elle présente six mamelons, dont les trois internes sontusés en grande partie, et présentent autant de contours émailleux elliptiques. Dans les trois mamelons externes, les pointes qui devaient être assez tranchantes et en forme de coin, sont à peine entamées. Elles sont quadrangulaires à leur base, ce qui me ferait penser que, dans un état de détrition plus avancée, leur émail aurait figuré un losange ; du reste, les mamelons ne sont point, comme dans le mastodonte à dents étroites, accompagnés de tubercules supplémentaires ; on remarque également du côté interne, une ceinture ou collet à la hauteur de la couronne. »
P. S. « J’avais oublié de vous dire que la grande molaire que je hasarde de rapporter au mastodonte géant a été trouvée dans un terrain foncièrement calcaire, sur le versant occidental de l’une des collines les plus élevées de la commune d’Ornézan, que j’habite, à quelques 20 mètres en dessous du sommet mamelonné de cette colline. — La bibliothèque d’Auch possède une moitié de molaire trouvée dans le sable à Vic-Fezensac, qui présente d’une manière moins équivoque tous les caractères qui distinguent la dent du mastodonte géant ; les mamelons en sont très aigus, d’une forme quadrangulaire bien prononcée. Ils se, trouvent accolés à d’autres petits tubercules supplémentaires. La dent ne paraît pas avoir eu de collet, elle était aussi d’un tiers plus large que celle du mastodons angustidens. »
M. Virlet communique le passage suivant d’une lettre qu’il a reçue de M. Tournal fils :
« Je suis entièrement de votre avis relativement à la formation
de certaines cavernes, et votre théorie se vérifie admirablement
dans nos environs, car les cavernes sont toujours
dans les terrains disloqués qui ont été transformés en
dolomies. Ce phénomène étant très commun dans notre terrain
de craie inférieure, je me propose d’en faire une étude spéciale.
Je crois cependant pouvoir vous assurer à l’avance que plusieurs
échapperont à cette théorie ; telles sont, par exemple, celles, quelquefois
très vastes, et dont quelques unes renferment des ossemens
(presque toujours de l’ours à front bombé), qui existent
dans les calcaires blancs secondaires, pétris de nummulithes, de la
vallée supérieure de la Gère, près Minerve (Hérault), dont je
vous donne ici une coupe transversale ; et les cavernes de Lunel
qui ont été creusées par les eaux dans le calcaire grossier tertiaire,
et qui n’offrent qu’un long passage comblé de limon rouge plus
ou moins sableux. »
1. Lit de la Cère. ─ 2. Quarzites talqueux verdâtre schisteux. ─ 3. Calcaires secondaires à nummilithes. ─ 4 Différens étages de cavernes.
Je suis à cet égard, ajoute M. Virlet, parfaitement d’accord avec M. Tournal ; je n’ai jamais prétendu en effet que toutes les cavernes fussent le résultat des dislocations du sol, souvent combinées, comme je l’ai dit, avec des phénomènes d’érosion ou volcaniques, sans cependant conclure que le concours de ceux-ci aient toujours été indispensables à leur production ; et dans mon premier Mémoire sur la caverne de Sillaka (Bull. t. Il, p. 332 ; partie géologique du grand ouvrage de Morée, p. 81), aussi bien que dans la dernière note que j’ai tout récemment communiquée à la Société (voyez p. 317), je n’ai pas émis une opinion exclusive de toute autre explication rationnelle, qu’on pourrait déduire de l’observation des faits, pour se rendre compte de l’origine de certaines cavernes, aussi ai-je bien eu le soin de dire que le mode de formation que je leur supposais devait avoir eu lieu dans le plus grand nombre de cas, mais non dans tous les cas possibles. J’eusse été en effet en contradiction avec moi-même, si j’avais professé une opinion aussi générale, puisque nous avons signalé en Grèce, outre les nombreuses cavernes auxquelles s’applique la théorie, bon nombre de cavernes, à la vérité presque toujours très petites, qui dessinent, à différentes hauteurs, des lignes d’anciens rivages ; mais elles sont évidemment le résultat de l’action des flots sur les différens niveaux que la mer a successivement occupés, et telles qu’on en voit encore se former aujourd’hui le long du ravage actuel. Les cavernes de la vallée de la Cère paraissent, d’après ce qu’en dut M. Tournal, s’être successivement formées ainsi. M. C. Prévost a également observé des lignes de cavernes semblables à différentes hauteurs, sur tout le littoral de la Sicile ; et M. Boué en a aussi signalé sur les côtes des environs de Nice et de Gènes qui ont la même origine.
Je suis si bien aussi dans l’opinion, que souvent de simples dislocations, sans le concours d’autres phénomènes, ont suffi pour donner naissance à certaines cavernes, que, dans la note sur les Katavothrons et les Képhalovrysis de la Grèce, insérée au tome III, page 233 du Bull., j’ai dit positivement que l’existence de ces Katavothrons et Képhalovrysis (qui ne sont que les issues d’autant de cavernes à ossemens, servant de conduit souterrain à une grande partie des eaux de cette contrée) s’y liait à celles des plaines fermées ; que leur origine était due aux diverses dislocations, qui, par leur croisement, avaient donné naissance à ces plaines fermées, et que par conséquent elles devaient remonter à une époque antérieure à celle du dépôt du terrain subapennin, puisque celles-ci étaient déjà pour la plupart formées antérieurement à cette époque géognostique. Enfin, j’ai cité dans ma dernière note la caverne de Jupiter à Naxos, comme existant dans un angle d’inflexions des couches calcaires (voyez la planche xxxix de la 2e série de l’Atlas, des travaux de la section des sciences physiques de l’expédition scientifique de Morée, qui représente une vue de l’entrée de cette caverne). Ce mode de formation sera également facile à concevoir, si l’on réfléchit que, lorsqu’un certain nombre de couches superposées ont été infléchies, pliées ou refoulées sur elles-mêmes, par une force quelconque, il a fallu de toute nécessité, s’il n’y a pas eu rupture, que les couches glissassent les unes sur les autres, de manière, par exemple, à ce que, dans un refoulement ondulatoire, les couches supérieures circonscrivant un angle d’inflexion, présentassent un plus grand développement que les inférieures ; circonstance qui ne leur a pas toujours permis de pouvoir reprendre aussi facilement que les inférieures leur position normale, et qu’elles ont laissé entre elles des vides qui ont formé autant de cavernes. Ce phénomène, pour me servir d’une comparaison vulgaire, est tout-à-fait comparable à ce qui a lieu quand on plie en même temps un certain nombre de feuillets d’un livre, par exemple, puisqu’on les redresse en pressant fortement les extrémités, de manière à les empêcher de glisser les uns sur les autres ; les inférieurs se redressent facilement, tandis que les supérieurs, ne pouvant le faire à cause des points fixes, laissent entre eux des espaces vides, représentant en petit ce qui a quelquefois eu lieu dans la nature pour les couches de la croûte du globe. (Voyez la coupe théorique que je joins ici, et dans laquelle quelle j’ai cherché à indiquer les différens cas où le phénomène a pu se produire.)
Je dois à M. Triger, l’un de nos collègues, la connaissance d’un fait très remarquable, qu’il a observé dans les calcaires anthraxifères de transition de la Sarthe, et qui vient tout-à-fait à l’appui de mon opinion. Lorsqu’on se rend de Sablé à Juigé, points entre lesquels le terrain anthraciteux se présente sous forme de bassin à peu près demi-sphérique, à la manière de certains terrains houillers, on voit très bien que les calcaires à entroques et à amplexus qui terminent la formation ont été refoulés sur eux-mêmes, de manière à former des plis, des ondulations, et quelquefois des fractures remarquables, qui offrent des cavités ou cavernes plus ou moins étendues selon les circonstances.
M. Dufrénoy dépose sur le bureau un mémoire de M. Levallois sur l’identité des formations qui séparent, dans la Lorraine et dans la Souabe, le calcaire à graphites du Muschelkalk, Ce travail est réservé pour les mémoires de la Société,
M. Studer annonce que l’académie de Berne va être transformée en une Université, et que M. Agassiz va publier dans le journal de M. Léonhard un mémoire sur les poissons fossiles de Glaris qui lui paraissent indiquer l’époque des grès verts.
M. Lyell annonce qu’il a lu à la Société géologique une notice sur le Lœss, dépôt limoneux des bords du Rhin. Il croit, comme M. Brown et d’autres géologues, que ce dépôt alluvial s’est fait successivement, et certaines éruptions ponceuses comme celles d’Andernach sont encore plus modernes. Il a comparé les coquilles du Lœss avec celles qu’on trouve vivantes dans le pays.
M. Babbage a lu un mémoire sur le temple de Sérapis, qu’il croit s’être abaissé graduellement, et non par une seule secousse.
M. Franc. de Rosthorn écrit qu’il a achevé sa coupe des alpes Juliennes en Carinthie, savoir celle qui passe par Windisch-Kappel. Ce nivellement a été répété quatre fois ; la puissance des couches a été mesurée, leur direction et inclinaison observées et indiquées avec soin. Cette coupe comprend une étendue de 28,400 toises viennoises du nord au sud, ou de la Drave à la Save. Il annonce à la Société l’envoi de cette coupe accompagnée d’une explication, et compte achever cet été, avec l’archiduc Jean d’Autriche, son relevé géologique du groupe du Glockner en Tyrol, et de la partie supérieure du Salzbourg.
Quant à sa carte de l’Illyrie, il pourrait la livrer déjà au public, s’il n’était retenu par l’état non achevé de la carte, que le gouvernement fait exécuter, et dont il n’a paru encore que 3 feuilles. Malheureusement il n’existe point d’autres cartes d’Illyrie assez bonnes pour y indiquer les détails géologiques nécessaires.
M. de Bosthorn s’occupe d’un nivellement et d’une coupe géologique depuis Linz à Fiurne, sur l’Adriatique.
M. le docteur Hibbert adresse une notice additionelle relative au calcaire fluviatile du terrain carbonifère aux environs d’Édimbourg, et il envoie les figures de poissons découverts dans ce dépôt. Ces derniers se rapportent plutôt au genre Palœoniscus qu’aux Cyprins. Ils sont accompagnés d’ossemens de divers sauriens, en particulier d’une espèce de ptérodactyle ; mais les restes d’un animal ressemblant au crocodile ou gavial sont les plus fréquens.
Le même dépôt fluviatile a été reconnu par M. Hibbert à East-Calder et au S.-O. de Mid-Calder, ainsi qu’à Kirkton près de Bathgate. Dans ce dernier lieu les roches calcaires offrent, les unes une structure concrétionnaire, les autres des lits minces, siliceux, accidens qui rappellent étonnamment le terrain d’eau douce d’Auvergne. Ces couches subordonnées d’agglomérat trappéen verdâtre viennent encore ajouter à ce rapprochement, et achèvent d’indiquer dans ce voisinage un ancien foyer volcanique, qui a dû donner lieu à d’abondantes sources chaudes et chargées de matière calcaire.
À Kirkton, on a découvert des restes d’un chélonien voisin du Chelys metamata. Les couches fluviatiles sont recouvertes par des alternats de grès et d’argile schisteuse qui passent à un demi-mille de distance sous des calcaires marins coquilliers, et ces derniers sont couverts par des masses feldspathiques prismées.
On vient de trouver aussi des os de sauriens dans le terrain houiller de Glasgow, et M. Hnbbert est occupé à étudier sous ce rapport le Fifeshire ; déjà il y a rencontré des coprolithes.
M. Virlet rappelle à la Société qu’un vaisseau russe a porté dernièrement à Cronstadt les squelettes de trois mammouths, trouvés dans une caverne souterraine dans l’île de Padresse. On dit que l’empereur Nicolas a déclaré à l’ambassadeur de France son intention d’envoyer à Paris un de ces trois squelettes pour être placé dans les galeries du cabinet d’histoire naturelle du Jardin des Plantes (Cabinet de lecture, du 19 mars 1834).
M. Michelin annonce aussi d’après les journaux quotidiens, qu’on vient de découvrir aux environs de Dieppe une forêt sous marine.
M. Dufrénoy rappelle à ce sujet, que les forêts sous-marines décrites pour M. Fleuriau de Bellevue appartiennent évidemment au grès vert, et ajoute qu’il serait intéressant de s’assurer s’il n’en serait pas de même de celle-ci ; que si l’on devait s’en rapporter à l’espèce de succin trouvé par M. de La Fruglaye, celles qu’il a décrites se rapporteraient également à cette formation.
M. de Bonnard rappelle qu’il en a été découvert aussi, il y a environ 30 ou 40 ans, dans les sables des côtes de la Manche, aux environs de Boulogne, et que les habitans de plusieurs villages voisins vont à marée basse les exploiter pour leurs usages habituels. Il pense, d’après la nature du sol du Boulonais, qu’elles pourraient bien appartenir à la formation du grès vert.
M. Dufrénoy annonce ensuite que deux élèves de l’école des mines ayant été envoyés cette année à Bleyberg, en Carinthie, ont rapporté beaucoup d’échantillons des calcaires qui renferment les différens minerais qu’on y exploite, et que l’on avait regardés pendant long-temps comme de transition, tandis qu’il a reconnu, d’après ces échantillons, et les quatre espèces de fossiles, bucardes, hippurites, térébratules et dicérates qu’ils renferment, que c’est un calcaire blanc compacte un peu grenu, appartenant à la formation crayeuse, et tout-à-fait analogue à celui qui constitue les montagnes de la grande Chartreuse aux environs de Grenoble. Il a comparé en même temps tous les échantillons de minerai de plomb de Bleyberg qui se trouvaient à l’école des mines, et a également reconnu qu’ils sont dans le même calcaire blanc compacte.
Ce fait intéressant prouve que désormais il ne faudra plus se borner à chercher les minerais métalliques dans les terrains anciens, puisqu’ils existent aussi, comme à Bleyberg, dans des terrains très modernes.
M. Boué ajoute que depuis quelques années on a reconnu du calcaire à hippurites, non seulement sur le versant méridional, mais encore sur le revers septentrional de la chaîne des Alpes Juliennes entre les calcaires secondaires et la chaîne primaire. M. Boué annonce en même temps qu’il a un mémoire tout prêt dans lequel il prouve que le terrain crétacé à hippurites avec ses grès s’avance depuis Trieste jusqu’à Raibel.
Quant à la localité de Bleyberg, M. Boué ne l’a pas visitée
depuis 1824 ; mais jusqu’ici les géologues du pays ont séparé
le calcaire coquillier métallifère de Bleyberg de celui à
hippurites. Si le soupçon de M. Dufrénoy se vérifiait, cela
donnerait gain de cause à M. Keferstein, qui, depuis plusieurs
années, classe dans la craie le calcaire secondaire des
Alpes.
On lit la lettre suivante de M. Albert de la Marmora.
« Rentré chez moi, depuis peu de jours, de mon voyage dans la Méditerranée, je m’empresse de vous communiquer les principales observations géognostiques que j’ai été à même de faire pendant cette course. J’aurais bien désiré pouvoir vous envoyer une description géologique détaillée des îles Majorque et Minorque, ainsi que les échantillons de roche que j’y ai recueillis ; mais, ayant des motifs de craindre que ces derniers se soient perdus dans le trajet de Mahon à Livourne, où ils devraient être arrivés depuis long-temps, je vous communique, en attendant, un aperçu des observation ; principales de ce petit voyage.
« En me rendant à Barcelone par la France méridionale, j’ai revu les terrains de Béziers et de Narbonne, où j’ai eu le plaisir de voir M. Tournal, qui probablement, d’après les indications que je lui ai données, aura su trouver l’amas de coquilles subfossiles de Nissan à Lespignan, que M. Nebord et lui n’avaient pu reconnaître.
« Entre Figuières et Girone se trouve un calcaire contenant des nummulites et des gryphées ; la montagne de Mont-Jouy, au-dessus de Barcelone est tertiaire ; je vous joins ici une coupe de ce terrain, et si les échantillons de ce terrain se retrouvent, je vous les enverrai, car ils sont assez intéressans.
Les couches inclinent de 20 à 25° au N.-N.-E.
1 Terre végétale. — 2 Grès terreux jaunâtre. — 3 Grès siliceux blanchâtre sans taches rouge. — 4 Marne verdâtre avec des fossiles bivalves (venus, pectoncles, lucines). — 5 Grès siliceux un peu calcaire. — 6 Marne bleue verdâtre avec des coquilles bivalves (peignes, venus pectoncles, lucines, tellines). — 7 Grès siliceux avec des tâches rouges, dont la partie inférieure passe à un gonpholite à galets de quarz, de lydienne et de porphyre rouge. — 8 Banc ocracé, peut-être manganésifère. — 9 Grès marneux jaunâtre représentant le calcaire moellon, avec des turritelles, des venus, des lucines, des balanes et des pectoncles, des peignes (G. Pleuronectes), des huîtres et du fer hydraté. — 10 Marne bleue avec des turritelles, des peignes (Pleuronectes), des vénus, etc., etc. — 11 Grès très siliceux avec des turritelles ; il constitue à sa base un poudingue avec des galets de granite, de porphyre, de la lydienne et du quarz.— 12 Marne bleue en quelques endroits, modifiée en espèce de jaspe ou de tripoli. — 13 Grès très siliceux avec des turritelles, des oursins, et autres fossiles.
« La description de Majorque faite par M. Élie de Beaumont, d’après M. Cambessèdes, insérée dans les Annales des sciences naturelles (tom. X, p. 423, année 1827), concorde en grande partie avec mes observations. La partie montueuse composant la chaîne principale me paraît appartenir à l’étage supérieur du lias, et à la craie ammonitifère ; au pied du versant méridional ce terrain contient de petites couches de lignite que l’on exploite à Beninsalem ; il y est accompagné de planorbes et de lymnées. Cette couche très peu puissante est intercalée dans le calcaire ammonéen ; on en retrouve des indices auprès d’Alcudia, dans un calcaire analogue contenant des ammonites et du silex noirâtre : on trouve de la dolomie dans les montagnes d’Arsa. Je pense que certains calcaires nummulites que j’ai vus à Palma, et qui sont de l’île, proviennent de ces montagnes, ou de celle qui se trouve au sud d’Enca que je n’ai pas pu visiter.
« Le terrain secondaire qui forme la principale chaîne de l’île dans la direction du N.-E. au S.-O., est traversé. du côté de la mer, par des filons d’une amygdaloïde noirâtre, qui se montre au jour, soit sur les plus hautes cimes, soit dans les vallons, et que l’on peut suivre presque sans interruption dans la direction de la chaîne, principalement dans les endroits où les monts présentent les plus grands escarpements ; c’est, je pense, la roche soulevante de cette chaîne ; elle est exactement pareille à celle qui, au pied des Pyrénées françaises et près de Narbonne, joue un rôle dans les terrains de craie ; son intime union avec le gypse (qui n’est fort probablement qu’une simple modification due à l’amygdaloïde) complète le rapprochement de cette roche de Majorque avec celle du Roussillon et de l’Aude. Cette dernière, si je ne me trompe, se montre également dans la direction N.-E., S.-O. ; le soulèvement de la chaîne dont il s’agit aurait eu lieu après l’époque tertiaire, puisque les roches qui se rapportent à cette époque sont soulevées et inclinées vers le S.-E. aussi bien que les secondaires.
Le terrain tertiaire est assez développé au pied méridional de la chaîne principale ; on y voit quelques dépôts de marne bleue, qui passe au calcaire moellon jaunâtre, commun à toute la Méditerranée ; ce calcaire est coquillier à Campos, à Petra, à Algaida et ailleurs ; le mont de la Renda, près de Lluc-Major, est aussi tertiaire, mais beaucoup moins coquillier.
« La colline de Belver, près de Palma, est évidemment composée d’un calcaire tertiaire marin, puisque j’y ai trouvé des bancs d’huîtres avec des peignes et des anomies ; c’est un calcaire marneux arénacé, reposant sur de minces strates de marne bleue ; il pourrait cependant se faire que la partie supérieure de ce calcaire (qui, par suite de la position fortement inclinée de ses couches, se trouve près de la mer, où on l’exploite pour la construction du mole de Palma) fût d’eau douce ; c’est apparemment la couche mince qu’on voit au bord de la mer, qui a fait croire que toute la colline de Belver était un terrain d’eau douce ; là aussi, dans les anfractuosités de la roche, je trouvai des traces de brèche osseuse contenant de petits os de rongeurs.
« Le terrain que je nommerai ici quaternaire (un peu différent de celui de M. Desnoyers), et que j’avais déjà eu occasion d’étudier en Sardaigne, en Sicile et ailleurs, se trouve développé à Majorque sur une plus grande échelle ; comme en ces lieux, il repose en stratification discordante sur le terrain tertiaire ; j’y ai observé les mêmes circonstances de gisement, les mêmes variétés de composition qu’en Sardaigne : non loin de la côte, et sur le bord de la mer, où il atteint jusqu’à 20 mètres d’épaisseur, c’est un grès composé de mica et de grains calcaires aglutinés par un ciment calcaire argileux d’un blanc rougeâtre ou jaunâtre ; ce grès est aussi très pauvre en pétrifications, excepté en quelques endroits, où ce n’est qu’un amas de coquilles subfossiles. Il perd sa structure arénacée, et en prend une plus compacte en s’éloignant de la côte vers l’intérieur, il passe alors insensiblement à un calcaire grossier d’eau douce d’un blanc rougeâtre, contenant des hélices et des cyclostomes. Les échantillons que j’ai recueillis des différentes variétés de ce grès ne sauraient, sans leurs étiquettes, se distinguer de ceux que j’ai pris moi-même en plusieurs localités des îles et des côtes de la Méditerranée ; je l’ai également reconnu sur les côtes de la Toscane, comme je le dirai ci-après.
« La chaîne principale de l’île de Minorque court dans un sens différent de celle de Majorque, aussi paraît-elle avoir pris son relief à une autre époque géologique que celle dont nous avons parlé plus haut, c’est-à-dire avant la disposition des terrains tertiaires, qui, à Minorque, ont en général conservé leur position horizontale.
« Le terrain le plus ancien de l’île de Minorque est composé d’un grès lie de vin alternant à plusieurs reprises avec des macignos à grains de quartz et grauwackes. Des ardoises, et du calcaire noirâtre veiné de blanc, il passe ensuite dans sa partie supérieure à un calcaire d’un blanc grisâtre à fucoïdes ; il se lie à la dolomie, qui se retrouvé soit sur les flancs du grès lie de vin, soit sur le calcaire à fucoïdes : je crois reconnaître dans ce terrain la formation du macigno et du calcaire à fucoïdes de la Toscane et de la Ligurie, avec ses dolomies : l’inclinaison des strates varie selon les localités ; elle paraît avoir été déterminée par un soulèvement qui aurait eu son principal foyer au pied méridional du mont Saint-Agada en se prolongeant du N.-O. au S.-E., et aurait pénétré de manganèse toutes les roches inférieures.
« Le Monte-Foro est aussi formé de calcaires à fucoïdes reposant sur les ardoises et le macigno vineux.
« Le calcaire meollon tertiaire repose presque généralement sur la dolomie en stratification discordante ; à Mahon cependant, et au Capo della Mola, qui se trouve à l’entrée du magnifique port Mahon, le calcaire moellon jaunâtre repose sur l’ardoise et le macigno ; la marne bleue manque tout-à-fait dans sa partie inférieure, elle est remplacée par des couches de naghelflue à cailloux arrondis de grès veineux et de grauwacke ; ces couches sont pauvres en fossiles, et ne contiennent guère que des clypéastres écrasés : le calcaire moellon supérieur est pareil à celui des autres lieux de la Méditerranée. Au Capo della Mola il est rempli de crevasses profondes, qui courent dans le même sens que le port Mahon. On trouve à Minorque des lambeaux de grès quaternaire, spécialement près de Mercadal et du Cinta della, où le terrain tertiaire est principalement développé, et en couches horizontales.
« Des îles Baléares je passai à Malte, et au Gozza, où le terrain tertiaire avec ses marnes bleues et son calcaire moellon jaunâtre, est identique avec celui de Mahon et des autres lieux des îles et des côtes de la Méditerranée ; il est recouvert en quelques endroits, spécialement au Gozzo, par un banc de calcaire marin d’un jaune orangé identique avec celui qui, à Caltagirone, à Agrigente, et en d’autres endroits de la Sicile méridionale, recouvre les marnes bleues, et même le calcaire moellon ; j’ai cru le reconnaître au sommet du Monte Mairo de Rome. Ce terrain est pour moi un peu problématique, ne pouvant encore me décider à le grouper dans la formation que je désigne sous le nom de quaternaire. Je n’ai pu profiter à Malte de la collection de fossiles dont a parlé M. Constant Prévost, car elle n’existe plus à la bibliothèque, celle-ci s’en est défaite, et tout fut dispersé et vendu en détail ; au reste, comme M. Prévost avait bien étudié ces deux îles sous le rapport géologique, je n’ai pas trop étendu mes recherches là-dessus ; l’étude des anciens monumens de Malte et de Gozzo ayant été le principal but de mon voyage en ces lieux, mon séjour en Sicile fut de trop courte durée pour que j’aie pu y faire des observations de quelque importance. J’ai visité pendant mon passage à Naples la nouvelle coulée de laves que le volcan rejette en ce moment, elle est pareille aux précédentes ; je me suis spécialement occupé à recueillir les fragmens de pierres calcaires jadis rejetés par le volcan, pour compléter une collection que j’avais commencée dans mes précédents voyages en cette contrée ; j’ai obtenu une série assez remarquable des différentes modifications du calcaire compacte qui se voit au jour à Castelamarre, arrivant par degrés au plus beau marbre saccharoïde blanc de neige.
« J’ai visité les marnes bleues tertiaires du Vatican et les calcaires jaunâtres de Monte Mario de Reine ; partout j’ai trouvé les mêmes rapports et les mêmes fossiles caractéristiques des terrains tertiaires du bassin de la Méditerranée ; j’ai vu les tufas ponceux reposer sur le calcaire tertiaire à Monte Mario ; les pépérinos d’Albano, avec leurs fragmens anguleux de calcaires saccharoïdes, sont précieux pour l’histoire des modifications ; à Corneto, près de Civita Vecchia, le terrain de marne bleue et de calcaire moellon jaunâtre est assez bien développé ; il est recouvert vers la mer par du terrain quaternaire : les fameuses grottes sépulcrales de ce pays (ancienne Tarquinia) sont creusées dans le calcaire moellon jaunâtre ; tandis que celles de Mussignano et de Ponte dell’Abbadia, près de Canino, d’où l’on tire depuis quelques années tant de richesses en antiquités étrusques, sont creusées dans un tufa ponceux ; la montagne de Carnino parait être un ancien volcan ; près du pont que l’on construit actuellement sur le chemin de Corneto à Montalto, avant d’arriver à ce dernier pays, j’ai observé une couche de coquilles marines intercalée dans le tufa ponceux ; ces coquilles me paraissent appartenir plutôt au terrain quaternaire qu’au tertiaire, elles sont pareilles à celles de Saint-Hospice de Nice, et des terrains à subfossiles de Sardaigne et de Sicile : la couche dont il s’agit ne doit pas être confondue avec un autre lambeau tertiaire qu’on voit avant d’arriver au pont de Montalto, caractérisé par le pectunculus pulvinatus, et autres coquilles.
« À Livourne, les constructions que l’on fait actuellement, soit dans la ville même, soit dans le faubourg, mettent continuellement au jour un dépôt de marne bleue, (Mattajone), un peu coquillière, parfaitement identique avec celles de Gènes. Comme cette dernière, la marne bleue de Livourne occupe de petits bassins du littoral, creusés dans le calcaire à fucoïdes ; le calcaire moellon jaunâtre paraît manquer, mais le grès quaternaire se développe sur une assez grande étendue du rivage, et s’y présente même dans une puissance remarquable : la lanterne du port, et les trois lazarets de la ville sont bâtis sur une pareille roche, dont on s’est également servi pour la construction, soit de ces établissemens, soit de la plus grande partie des maisons de Livourne. Targioni soyzetti viaggio in Toscana, vol. II pages 462 et suivantes, nous a donné des détails intéressans sur cette roche, où l’on a trouvé, outre des coquilles marines, des restes d’éléphants et de cerfs gigantesques. Il paraît cependant qu’il l’a confondue quelquefois avec la marne bleue, sur laquelle elle repose en quelques lieux, et dont il faut cependant la séparer géologiquement parlant : ce grès est désigné actuellement sous le nom de piétra di lantignano ; effectivement les carrières de cet endroit sont les plus connues et les plus achalandées ; le grès y atteint 8 mètres de puissance à quelques milliers de mètres de la mer et à une élévation de 30 mètres environ au-dessus de son niveau. En voyant ces carrières, je me suis cru transporté dans celles que j’avais vues quelques jours auparavant à Majorque, près du cap Tudevocat ; la roche, composée de grains calcaires assez minces agglutinés par un ciment calcaire terreux, est parfaitement pareille à celle de Sicile, de Sardaigne et des Baléares, avec les mêmes circonstances de gisement ; elle est également assez pauvre en fossiles, qui, près de la mer, sont marins, et pareils à ceux que les ondes rejettent sur le rivage : le grès de Leutiquano repose sur le calcaire gris clair à fucoïdes que l’on voit bien distinctement au jour et en place dans le lit d’un ruisseau voisin. Leutiquano se trouve au pied du Monte Nerv de Livourne, dont la cime est de serpentine et la base de calcaire à fucoïde.
« Pour compléter mes observations sur ce grès, que je ne balance plus à regarder comme appartenant à une formation bien distincte de la Méditerranée, et dont l’âge est postérieur aux grandes coulées basaltiques de la Sicile et de la Sardaigne, qui ont recouvert le calcaire tertiaire du bassin méditerranéen, j’ajouterai que m’étant procuré des échantillons de la roche qui compose le sol de l’île de la Pianosa près de l’ile d’Elbe, j’ai pleinement vérifié ce que je soupçonnais depuis long-temps, savoir, que ce terrain fait partie de la formation dont il s’agit, et que pour le moment je nommerai quaternaire, la distinguant cependant de celle que M. Desnoyers a nommée ainsi, puisqu’il paraît comprendre dans cette catégorie plusieurs terrains tertiaires de notre bassin méditerranéen. Voilà les principales observations que j’ai cru devoir soumettre à la Société ; la perte probable des échantillons que j’ai recueillis en Catalogne et aux îles Baléares, ne m’a pas permis de m’étendre au long sur la distinction des fossiles que je m’étais proposé d’étudier chez moi ; si ces échantillons se retrouvent, je m’empresserai de les offrir à la Société, à laquelle je les avais destinés en les ramassant.
Les devoirs de ma charge, et le retard que j’ai dû mettre dans mon dernier voyage, ne me permettant plus d’en faire un cette année en Sardaigne, comme je me l’étais proposé, car la saison du mauvais air en ce pays commençant en juin, je n’aurais plus assez de temps pour achever mes recherches en cette île, je renvoie cette course à la fin de cette année ; je tâcherai de mettre à profit mon séjour en Piémont pour achever mes recherches sur les monts du Biellais, que je vous ai annoncées l’année dernière, et auxquelles il me fut impossible de me livrer jusqu’à présent. »
Au sujet de cette lettre, M. C. Prévost donne quelques détails sur la collection des fossiles, que pendant son séjour à Malte, il avait classée avec soin.
Cette collection faite par Dolomieu, quoique peu nombreuse, présentait d’autant plus d’intérêt, que les fossiles sont extrêmement rares dans toute l’île ; il annonce qu’il compte publier très prochainement un mémoire détaillé sur la géologie de l’île de Malte.
M. Bertrand-Geslin lit une note sur le gypse de Digne (Basses-Alpes) (voyez pl. II fig. 4 et 5).
Ayant été chargé de revoir les épreuves des coupes de la notice de mon ami M. Pareto sur le département des Basses-Alpes, dont j’ai donné lecture à la Société, dans la séance du 27 janvier 1834, j’ai eu occasion de remarquer que M. Pareto, dans sa coupe no 3, dirigée de Digne à Castellane, avait omis de figurer la singulière disposition du gisement des masses gypseuses, sur lesquelles la ville de Digne se trouve placée.
L’incertitude qui règne encore à l’égard des différentes époques,
et des différens étages géologiques dans lesquels l’introduction
du gypse a pu avoir lieu, doit être pour les géologue une
obligation puissante de ne négliger aucuns détails de gisement
de ces singulières roches, et de chercher à réunir tous les faits capables
de les éclairer sur le véritable âge des dépôts de gypse,
et sur leurs rapports de gisement avec les formations dans lesquelles
ils semblent subordonnés.
C’est donc dans ce but que je crois devoir soumettre à la Société quelques observations que j’ai pu faire dans les environs de Digne, quoiqu’elles datent de plusieurs années. Persuadé que les faits ont l’avantage de ne jamais vieillir, je pense qu’il est encore temps de les publier.
J’ose donc espérer que les deux coupes que je présente à la Société pourront mériter son attention, et ajouter quelques données sur la position des amas gypseux au milieu des lias, que M. Pareto a si bien indiqués dans sa coupe no 3, de Digne à Castellane.
Mais avant d’entrer dans les détails géologiques relatifs à mes coupes, il est bon de relater les principales opinions de M. Pareto sur la formation gypseuse de Digne. « Elle lui a paru inférieure, ou du moins accolée au lias, et avoir quelqu’indice de stratification. Ce gypse inférieur pourrait, dit-il, faire soupçonner qu’il appartient à la formation du Keuper. »
Les carrières de gypse de Saint-Benoist, placées au pied de la montagne de Courbon, sur la rive droite de la Bléonne, en face de Digne, m’ont paru montrer d’une manière claire la superposition du lias sur le gypse ; car la stratification des couches de gypse est concordante avec celle des couches de lias, toutes inclinant vers l’O.-N.-O. d’environ 20 à 25°.
La coupe que j’ai faite de ces carrières (fig. 4) présente les alternatives des calcaires et schistes argileux du lias, et les modifications que subissent ces roches en approchant de la roche gypseuse.
Des calcaires noirs en bancs puissans, avec veines spathiques, occupent surtout la partie supérieure de l’escarpement, et contiennent des ammonites, des gryphées arquées, des peignes, des pentacrines. Les modifications du lias augmentent davantage au fur et à mesure qu’on approche de la masse gypseuse.
D’abord le calcaire noir coquillier alterne avec des couches de marne jaune. Ce calcaire noir passe ensuite à un calcaire grisâtre, se divisant en fragmens anguleux, et alternant avec des marnes argileuses, vertes, talqueuses.
Enfin, plus bas, le calcaire est entièrement vert, marneux, fragmentaire alternant avec des marnes argileuses, vertes ; lesquelles finissent par dominer, et contenir des lamelles de talc.
Ces marnes talqueuses, vertes, reposent sur les marnes rouges et jaunes puissantes de la formation gypseuse. Le gypse est saccharoïde rouge, vert et blanc, divisé en couches assez régulières, concordantes pour leur inclinaison avec celles du système du lias. Ce gypse acquérant plusieurs toises de puissance, contient entre ses couches des feuillets de stéatite. Mais ici le pied des exploitations gypseuses des carrières de Saint-Benoist étant baigné par les eaux de la Bléonne, il est impossible de voir sur quelle roche le gypse vient reposer.
Il faut donc, pour voir la partie inférieure de ce gypse, suivre la direction de cet amas, en remontant le lit de la Bléonne, jusqu’à une petite demi-lieue au nord de Digne, près la Bastide Bassac. Là, on rencontre un monticule de 30 et quelques pieds de hauteur, se détachant de l’escarpement de la droite de la vallée, qu’il vient barrer transversalement.
Ce monticule présente une masse de gypse associée au lias, dont ma coupe n° 5 représente la disposition principale.
L’escarpement de l’Est, qui s’élève au-dessus de ces monticules, et qui n’est que le prolongement de celui que j’ai décrit dans ma coupe n° 4, de la montagne de Courbon, présente, comme ce premier, à partir d’en haut, des calcaires compactes noirs du lias ; puis une grande puissance d’alternances de bancs calcaires, compactes, noirs, et de schistes noirs, plus ou moins calcaires, argileux, et carburés ; les assises les plus inférieures de ces schistes, par conséquent celles qui recouvrent le gypse, m’ont présenté des gryphées arquées. Mais ici ces schistes noirs reposent immédiatement sur un gypse jaune, et n’ont pas éprouvé d’altération semblable à celle qu’on remarque dans les carrières de Saint-Benoist.
Ce gypse jaune, marneux, forme deux couches épaisses de plusieurs pieds, au-dessous desquelles se trouve une série de 3 à 4 toises de puissance, de couches minces, de gypse jaune, blanc, et rouge, très inclinées à l’O.-N.-O., séparées par des lits plus ou moins épais, renflés de marne talqueuse, jaune, verte et rouge ; cette dernière est plus abondante à la partie inférieure de cette masse de gypse.
Les couches gypseuses ci-dessus se relèvent fortement à l’E.-S.-E. contre une série de marne jaune, avec lits de gypse, en strates minces arquées, ayant une inclinaison différente de la précédente série ; car, quoique presque perpendiculaires, on voit cependant très clairement qu’elles plongent vers l’E.-S.-E. Sur la tranche supérieure de ces couches arquées de marne jaune et de calcaire vert, il existe un amas de cargneule ou rauchwacke, qui, au premier aspect, ressemble à un tuf calcaire qui se serait déposé sur ce mamelon. Cette roche à pâte de calcaire jaunâtre, saccharoïde, compacte, est remplie d’argile rosâtre, et contient des fragmens de calcaire marneux verdâtre semblable à celui qui la supporte. Ces marnes jaunes passent à un calcaire marneux vert, alternant avec des marnes vertes très schisteuses, en couches minces, ondulées et relevées comme les précédentes.
Ces roches, semblables à celles qui, dans les carrières de Saint-Benoist, font le passage des lias aux gypses, sont encore ici recouvertes par un calcaire compacte, noir, subgrenu, en couches peu puissantes, contenant un assez grand nombre de coquilles fossiles, telles que le plagiostoma semilunaris, des modioles, des peignes striés, des bivalves qui pourraient être des valves supérieures de gryphées, en outre d’autres coquilles indéterminables.
Ces calcaires coquilliers passent à des calcaires compactes noirs, alternant avec des marnes schisteuses noires, dans lesquelles on trouve quelques bivalves, puis on a des alternances de calcaire compacte noir, et de calcaire siliceux gris.
Ces diverses couches, marnes jaunes, calcaire marneux, vert, et calcaire lias, sont en stratification concordante entre elles, plongeant fortement à l’E.-S.-E., par conséquent complètement opposées à celle du gypse rose et blanc.
Mais à la partie centrale du mamelon, dans le voisinage du gypse, leur redressement est tel, que l’on peut s’assurer qu’elles sont en stratification complètement contrastante avec les roches qui forment les deux flancs de la vallée.
Puis la courbure des couches de calcaire noir du mamelon diminue graduellement au fur et à mesure qu’on s’éloigne de la masse gypseuse, par conséquent que l’on se rapproche de l’extrémité du mamelon la plus voisine de la rive droite de la Bléonne.
Si les érosions de cette rivière n’avaient pas produit ici un grand vide, on verrait les couches de calcaire noir, et siliceux gris du mamelon, diminuer de plus en plus d’inclinaison, pour en reprendre une concordante à celles des couches de l’escarpement du calcaire lias, de la rive gauche de la Bléonne, au-dessous desquelles elles viendraient s’enfoncer vers l’E.-S.-E.
Malgré la lacune existante, je suis très porté à regarder les couches de calcaire lias coquillier du mamelon, comme inférieure à celles de l’escarpement du lias, de la rive gauche de la Bléonne. Cet escarpement de lias, beaucoup moins élevé que celui de la rive droite, est formé de même de calcaire compacte, noir et schisteux, incliné de 20 à 25° à l’E.-S.-E., tandis que l’autre incline à l’O.-N.-E. ; leur inclinaison est donc tout-à-fait opposée.
Des détails géologiques que je viens d’exposer sur le gypse des environs de Digne, il résulte :
1o Que ce gypse, formant un amas allongé au fond de la vallée de la Bléonne, dans la direction nord et sud, se trouve, sur ses côtés O. et E., c’est-à-dire à sa partie inférieure et supérieure, se trouve, dis-je, associé du lias (et non accolé) par des calcaires et marnes verdâtres modifiés.
2o Que cet amas gypseux est enclavé dans les couches inférieures du calcaire lias à gryphœa arcuata, avec lesquelles il se trouve en stratification concordante.
3o Que de la matière talqueuse est abondamment répandue, tant dans le gypse, que dans les roches modifiées qui le lient au lias.
4o Que ce monticule de gypse et lias, barrant transversalement la vallée de la Bléonne, présente une stratification opposée, et indépendante de celles des roches formant les deux flancs de cette vallée.
Après avoir cherché à présenter le plus clairement et le plus fidèlement qu’il m’a été possible, les caractères et les faits géologiques que j’avais recueillis sur la formation gypseuse de Digne, il me reste maintenant à entrer dans quelques considérations générales sur les coupes de M. Pareto et les miennes.
M. Pareto regardant les couches de lias des environs de Digne comme les plus inférieures de ce grand système, c’est sans doute ce qui le porte à soupçonner que le gypse de Digne appartiendrait à la formation du Keuper. Les faits que je viens d’exposer ne m’engagent pas à regarder cette opinion comme très fondée.
Car, d’après la présence du gryphœa arcuata dans différentes couches du grand escarpement, qui, de la montagne de Courbon, se prolonge au nord de Digne jusqu’au-delà de la Bastide Bassac, et d’après celle du plagiostoma semilunaris dans le calcaire noir du mamelon de la Bastide Bassac, on ne peut hésiter à placer ce calcaire noir coquillier, encavant la formation gypseuse, dans l’étage moyen du lias.
Si ces caractères zoologiques ne suffisaient pas pour établir d’une manière péremptoire l’âge géologique de ce calcaire, nous aurions encore la superposition directe. En effet, en allant de Digne à Barème, les calcaires à gryphées arquées de Digne ne tardent pas à être recouverts par un système très puissant de marnes schisteuses noires, avec bancs de calcaire compacte noir, et contenant une grande quantité de belemnites, d’ammonites, représentant, pour M. Pareto et moi, le système du calcaire à belemnites.
Ayant eu l’été dernier l’occasion d’étudier dans les départemens de l’Ardèche et de la Lozère la formation du lias que notre confrère M. Dufrénoy, a si clairement décrite, et si judicieusement subdivisée en trois groupes, dans ses deux Mémoires, 1° sur l’Existence du gypse dans les lias du S.-O. de la France, 2° sur les Formations secondaires du centre de la France, je suis très disposé à appliquer les subdivisions de M. Dufrénoy au calcaire à gryphées arquées des environs de Digne, par conséquent à le placer dans l’étage moyen du lias, et celui à bélemnites de la Clape, dans l’étage supérieur.
La position du gypse de Digne étant établie, il me teste à examiner, d’après la coupe de M. Pareto et les miennes, si le gypse ne se trouverait pas associé au lias moyen, avec des circonstances de gisement différentes.
1° La coupe n° 3 de M. Pareto, prise de Castellane à Digne. indique deux monticules, ou massifs de gypse, paraissant indépendans au milieu du lias relevé fortement sur leurs flancs ; ils semblent se présenter comme des pitons de roches soulevantes, qui, par leur arrivée au jour, sont venues disloquer, traverser le calcaire laas, et s’arrêter au milieu de ce terrain lorsque la force d’impulsion leur a manqué.
2° Ma coupe n° 4 des carrières de Saint-Benoist, en face de Digne, présente le gypse en couches régulières, concordantes, associées et liées au calcaire lias. Ici le gypse ne serait que le résultat d’une cémentation qu’aurait éprouvée le lias.
3° Dans ma coupe n° 5 du mamelon de la Bastide Bassac, le gypse est encore associé au calcaire lias ; mais, en outre, il présente une disposition de roche soulevante, semblable à celle des monticules gypseux de la coupe n° 3 de M. Pareto.
Cette vallée présente donc ici les traces de deux effets de dislocation différens ; car la discordance de stratification qui existe dans cette coupe n° 5, entre les couches du mamelon de gypse et calcaire lias., et celles des escarpements des deux flancs O. et E. de la vallée, tend à prouver qu’il y a eu dans ce mamelon une cause soulevante, indépendante de celle qui a ouvert la vallée du sud au nord, et en rejetant les couches de lias de 20 à 25° d’un côté vers l’E.-S.-E. et d’un autre côté vers l’O.-N.-O.
Cette probabilité acquiert un degré de certitude assez plausible, quand on examine la disposition des couches de gypse rose et blanc qui viennent contrebouter et s’appuyer contre les couches de marnes jaunes à corgneule, arquées en sens inverse des premières. Il ne faut pas non plus négliger de tenir compte des infiltrations talqueuses dont ces roches gypseuses et calcaires sont pénétrées, fait si constant dans le voisinage des roches d’une origine ignée évidente ; ni de la disposition de la corgneule en recouvrement sur le gypse rose, les marnes jaunes, et le calcaire vert. Cette roche n’a pu être mise dans cette position que par le soulèvement de la masse gypseuse, qui l’a entraînée et poussée devant elle en s’élevant.
Ainsi, la formation et la disposition conique des amas gypseux indiqués par M. Pareto entre Castellane et Senez, et de celui de la Bastide Bassac près Digne, paraissent être le résultat de deux phénomènes successifs.
Lors du premier, le lias aurait éprouvé une grande dislocation dirigée du S. au N., qui a ouvert la vallée de la Bléonne, et ses couches inférieures, plus ou moins soumises à l’action ignée, seraient passées à l’état gypseux.
Lors du second, une nouvelle force soulevante se manifestant sur la ligne de dislocation préexistante, est venue projeter à l’extérieur les gypses produits et les couches de lias qui les environnaient.
M. de Bonnard fait observer à M. Bertrand Geslin, que, dans l’est de la France, il n’a jamais vu le gypse qu’au-dessous du lias, caractérisé par la gryphée arquée.
M. Dufrénoy lui répond, que dans le système des Cevennes il se trouve au-dessus et enclavé dans le lias.
M. Boué achève ensuite la lecture de son compte-rendu des progrès de la géologie.
La séance est levée à 10 heures et demie.