Bulletin dramatique, 3e trim. 1830/03

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THÉÂTRE-FRANÇAIS.Corinne, drame en trois actes et en vers. – Tout le monde connaît le roman de Mme de Staël : aussi n’entrerons-nous dans aucuns détails sur la contexture de la pièce. Nous dirons seulement que l’auteur, qui a exactement suivi le roman dans les deux premiers actes, a jugé à propos de s’en écarter au troisième, dans lequel il a eu l’idée d’envoyer Corinne se retirer dans un couvent, et l’idée n’est pas heureuse.

Du reste, ce drame a été écouté avec intérêt et bienveillance, et nous ne savons ce qui a pu engager l’auteur à garder l’anonyme avec tant d’opiniâtreté. Le second acte, surtout, a été applaudi à diverses reprises. On doit des éloges à Madame Valmonzey, qui nous a bien représenté Corinne.

P. M.

Trois jours d’un grand peuple, drame historique, en trois actes et en prose. – Insignifiante copie du plus bel événement, ce drame froid et ennuyeux a été accueilli, dès le second acte, par de nombreux sifflets. Chute complète.

P. M.

Junius Brutus, tragédie en cinq actes, de M. Andrieux. – Quoique cette tragédie ait paru dans un moment où les ouvrages de ce genre semblaient devoir faire place aux pièces de circonstance, Junius Brutus a attiré l’attention générale, et excité même de vifs débats. L’auteur a suivi, dans sa composition, le plan d’Alfieri ; mais il a agrandi le cadre par quelques personnages et quelques incidens de son invention amenés à propos, et qui n’ont pas peu contribué au succès de la pièce, qui a été complet et mérité : le style tombe quelquefois, mais c’est pour se relever avec plus de nerf et d’éclat. Nous aurons probablement occasion de revenir sur cette tragédie, car elle aura de nombreuses représentations.

P. M.

THÉÂTRE DE L’ODÉON.Nobles et Bourgeois, ou la Justice des Partis, drame en cinq actes. – Ce drame est tiré d’un roman de Vandervelde, intitulé les Patriciens. Il manque souvent de vraisemblance, et néanmoins il intéresse. Il attache par son style, par la conception même de l’ouvrage, et par certaines situations et certains effets vraiment dramatiques. Il n’a obtenu qu’un succès très-contesté. Les auteurs ont désiré garder l’anonyme.

P. M.

Les Hommes du lendemain, comédie en un acte et en vers, de M. d’Épagny. – Considérez d’abord que la promptitude était ici une nécessité, puisque c’est une pièce de circonstance, et puis vous jugerez ensuite. Vous trouverez des détails pleins de finesse et de sagacité, des peintures vraies, et le naturel est bien désirable au théâtre. Les vers sont faciles, mordans, quelquefois satiriques ; l’auteur touche toujours le but : on y reconnaît la touche d’un bon maître.

On pourrait désirer que l’auteur eût fait plus de frais d’imagination, qu’il eût tracé dans son tableau plus de figures originales, car son titre promettait beaucoup ; mais le temps, le temps…

En résumé, la pièce est bonne, car elle est venue à propos : le nom de l’auteur a été accueilli vivement par plusieurs salves d’applaudissemens.

E.

THÉÂTRE DU VAUDEVILLE.La Foire aux places. – Il y a bien long-temps que l’on sait qu’à une révolution nouvelle viennent avec elle des bandes de solliciteurs, qui encombrent les antichambres des nouveaux ministres. C’était donc un sujet bien vieux, bien usé ; aussi ne faut-il pas s’étonner de la froideur du public. Il y a cependant dans ce vaudeville de bonnes caricatures, des scènes vraies, mais il y en a aussi d’ignobles et de mauvais goût. Enfin on peut répéter avec justesse ce mot que l’on a dit à la sortie de la première représentation, que la Foire aux places ne serait pas au Vaudeville.

Le Congréganiste, ou les trois éducations, comédie vaudeville en trois actes. – Encore une comédie tirée d’un roman. En vérité, je ne sais d’où vient cette paresse d’imagination et ce désir de faire des pièces… Sans doute, il est très-avantageux de trouver des caractères tout faits ; mais comment penser aussi qu’on puisse faire entrer, dans un méchant vaudeville, six volumes du roman de M. Victor Ducange.

C’est une intrigue, un imbroglio, un charivari, tout ce que vous voudrez, enfin, dont on ne pouvait venir à bout de se tirer. Heureusement que pour faire prendre patience au public, qui commençait à s’impatienter, les auteurs ont placé une excellente figure de jésuite, c’est la meilleure de la pièce.

Qui eût pu jamais croire que la meilleure figure de personnages fût celle d’un jésuite ?… De nombreux applaudissemens à Lepeintre aîné, à lui seul… C’est le Jésuite.

E. de M.

THÉÂTRE DES NOUVEAUTÉS.Le Marchand de la rue Saint-Denis, comédie-vaudeville en trois actes. – Voici le résumé de la pièce : détails oiseux et insignifians dans le magasin ; un mauvais avocat, séducteur en robe noire et en rabat ; des figures insipides de femmes et une bonne caricature. Ce dernier, joué avec le talent original et grotesque de Bouffé, a seul soutenu la pièce, extraordinairement ennuyeuse du reste.

G.