Bulletin dramatique, 3e trim. 1830/02
THÉÂTRE-FRANÇAIS. — Léonidas, de feu Pichald. – Tous les ouvrages de ce poète se distinguent par la vigueur du style : aussi Guillaume Tell à l’Odéon, et Léonidas aux Français ont-ils excité les transports du public. Ces deux pièces renferment des allusions sublimes, quoiqu’elles aient été faites sans aucune intention, l’auteur n’ayant pas été assez heureux pour assister à notre glorieuse révolution. Il n’y avait pas foule à la première représentation de Léonidas, mais les suivantes ont attiré un grand nombre de spectateurs. Cette pièce influera, nous l’espérons, sur les recettes du Théâtre-Français, qui au reste en a bon besoin.
THÉÂTRE DE L’ODÉON. — Jeanne la Folle, ou la Bretagne au xviiie siècle ; drame en cinq actes et en vers, de M. Fontan. – On sait que lorsque M. Fontan composa ce drame, il se trouvait à Sainte-Pélagie ; on sait aussi qu’après que sa pièce eût été reçue à l’unanimité au comité de lecture de l’Odéon, le ministère Polignac en défendit impitoyablement la représentation. Dès que notre liberté eût été reconquise, Jeanne la Folle parut, et avec elle une foule considérable et curieuse. C’était alors au public à dédommager le poète outragé de l’injustice dont il avait été victime. C’est ce qu’il a fait, et M. Fontan a pu entendre les applaudissemens du parterre, qui vinrent faire une douce diversion à l’oreille du malheureux prisonnier n’entendant naguère encore d’autre bruit que le cri des verroux. Le succès de la première représentation a donc été complet ; mais à la seconde, le public, moins sensible, y a trouvé de nombreuses incorrections. Que M. Fontan profite de certains avertissemens, et il sera sûr d’un succès lucratif.
— Dix jours après, ou le Gentilhomme de la chambre, par MM. Sauvage et Georges. — Des événemens tels que ceux de juillet devaient nécessairement nous amener des pièces de circonstance ; aussi en pleut-il de toutes parts, bonnes ou mauvaises. Le Gentilhomme de la chambre est du nombre de celles qui, sans être parfaites, ont néanmoins excité la gaîté, et obtenu des applaudissemens. En effet, de piquantes allusions, de spirituelles plaisanteries et de jolis couplets s’y rencontrent fréquemment ; et tout cela assaisonné du style de MM. Sauvage et Georges : en voilà plus qu’il n’en fallait pour la réussite de cet à-propos national.
— L’Entrée en vacances, comédie en un acte et en prose par M. Paulin. — Un couplet assez bon sur les fameuses ordonnances a empêché cette pièce de tomber à plat. En effet, quel attrait peut avoir pour le public une comédie où l’on ne rencontre ni intrigue, ni dialogue, ni esquisse de mœurs, en un mot, qui ne renferme rien de ce qui intéresse dans une véritable comédie ? Certes on eût pu tirer un bien meilleur parti d’une entrée en vacances dans une étude d’avoué. On eût pu en faire quelque chose de fort comique, et l’auteur n’en a composé qu’une pièce insignifiante : aussi a-t-elle été entendue généralement avec beaucoup de froideur.
THÉÂTRE DES NOUVEAUTÉS. — André le Chansonnier, par MM. Fontan et Desnoyers. — Il y a dans cette pièce de belles scènes et de jolis couplets. Les auteurs y manifestent de fort bons sentimens et les expriment très-bien ; aussi a-t-elle été écoutée avec intérêt, et couverte d’applaudissemens unanimes.
— La Contre-Lettre. — Beaucoup trop de petits incidens, pas un assez grand. Le public est resté froid. Presque chute.
THÉÂTRE DES VARÉTÉS. – M. de la Jobardière, vaudeville en un acte ; par MM. Dumersan et Dupin. — C’est un à-propos peu intéressant, puisque les événemens dont nous avons été témoins, et que nous avons vus au Vaudeville, n’y sont racontés que faiblement, et à la suite les uns des autres ; aussi n’y a-t-il que peu de monde, tandis que la foule assiège les portes de l’autre théâtre.
Il y a des faits, des émotions profondes qu’on ne peut rendre par des récits ; il faut les copier tout simplement, le plus fidèlement possible et les montrer dans toute leur vérité : alors vous aurez du succès, tandis que les étonnemens de M. de la Jobardière, à chaque nouvelle qu’il apprend, n’intéressent personne.
THÉÂTRE DE LA PORTE-SAINT-MARTIN. — La Première Nuit ; vaudeville de MM. Philippe et Masson. — Succès.
— Les Victimes cloîtrées, par Monvel (Reprise). — Succès. Une mention honorable à Mme Allan-Dorval.
GYMNASE DRAMATIQUE. — Une Faute, drame en deux actes. – En vérité, nous ne savons d’où vient le rude accueil que le public a fait à ce drame. Certes la pièce est plus vraie et plus naturelle que beaucoup d’autres ouvrages qui ont fait fureur au même théâtre. Est-ce que le public de juillet aurait été gâté par l’immense spectacle auquel il a assisté pendant ces dernières semaines, et qu’après avoir étudié de près une nature si hardie et si forte, il ne comprendrait plus les minauderies qui le charmaient avant ? en vérité, on le croirait !…