Cœur d’Acier/Partie 1/Chapitre 02

La bibliothèque libre.
Le Constitutionnel (feuilleton paru du 12 juillet au 22 septembrep. 13-24).


II

Deuxième Buridan.


Vous êtes bien trop jeunes, Mesdames, pour vous souvenir de ces antiquités. 1832, Seigneur, était-ce avant le Déluge ?

Il appert de la tradition, des mémoires du temps et du témoignage plus grave des historiens, qu’il y eut à Paris, au commencement de cette année 1832, un de ces succès prodigieux, convulsifs, épileptiques, qui mettent, de temps à autre, la ville et les faubourgs en démence.

Ce succès, illustre entre tous les succès de boulevard, fut conquis au vaillant théâtre de la Porte-Saint-Martin, par Bocage et Mlle Georges, continué par Frédéric Lemaître et Mme Dorval, exalté, longtemps après, par Mélingue et d’autres dames ou demoiselles. Il avait pour titre : LA TOUR DE NESLE. (La Seine, Messires, charriait bien des cadavres !) C’était un drame, un grand drame auquel, dit-on, beaucoup de gens d’esprit avaient collaboré (et que l’assassin a revu plus d’une fois dans ses rêves !). Les auteurs nommés furent MM. F. Gaillardet et trois étoiles. Les trois étoiles cachaient un nom radieux, le nom du romancier le plus populaire, le nom du dramaturge le mieux aimé : notre ami et maître Alexandre Dumas (car il l’assassina, l’infâme !)

Ce drame était écrit en un style avantageux et solennel qui a un peu vieilli depuis le temps, mais qui n’a pas cessé d’être le plus étonnant de tous les styles. Malgré le style, chaque fois qu’on représente ce drame, la salle est pleine de gens heureux. C’est le roi des drames. On ne fera plus jamais de drame comme celui-là. C’est promis.

Il n’y a pas loin du tout du no 10 de la rue Sainte-Marguerite au no 3 de la rue Cassette. C’est bien le même quartier, et cependant pour aller de l’un à l’autre on traverse trois populations distinctes. Il y a encore des étudiants dans la rue Sainte-Marguerite, qui est l’extrême frontière du quartier latin ; une colonie bourgeoise et commerçante habite la contrée qui sépare Saint-Germain-des-Prés de Saint-Sulpice. À la rue du Vieux-Colombier, commence l’Îlot bénédictin, patrie du labeur religieux et tranquille, un peu déshonoré parfois par l’âpre spéculation des marchands qui se glissent jusque dans le temple. On fait là de beaux livres, d’éloquents et savants traités, des brochures aigres-douces, des commissions et l’usure avec prospectus distribués dans les presbytères de campagne. L’histoire sainte dit ce que Jésus fit des champignons humains qui outrageaient le sanctuaire. De toutes les choses haïssables, la plus répugnante est certes la juiverie déguisée en dévotion catholique et vendant ses bragas un prix fou, sous le manteau de la propagande.

Le centre de la ville bénédictine, pleine de cabinets illustres et de boutiques impures, est la rue Cassette, voie étroite, bordée de maisons studieuses, à l’aspect mélancolique et muet. Il y a telle de ces maisons dont l’arrière-façade regarde tout un horizon de magnifiques jardins. On est bien là pour méditer et pour prier. On n’y est pas mal non plus, paraîtrait-il, pour revendre à la toilette les choses d’église et pour faire de douces fortunes, en pompant à bas bruit les économies des sacristies villageoises.

Mais il s’agit de la Tour de Nesle, marchandise franchement païenne et qui du moins ne portait pas de fausse étiquette. Si courte que fût la distance du no 10 de la rue Sainte-Marguerite, où demeurait sa mère, au no 3 de la rue Cassette, logis de M. Léonard Deban, Roland rencontra la Tour de Nesle plus de cinquante fois en route : aux murailles, sous forme d’immenses affiches ; aux stores des cafés, aux enseignes des marchands de vins, aux vitres des libraires, aux lanternes qui se balancent devant la porte des loueurs de costumes. Tout disait ce mot, tout criait ce titre. Il était sous le bras de la fillette qui passait ; les enfants errants le glapissaient dans le ruisseau ; il tombait de la portière des riches équipages.

Ceux qui allaient bras dessus bras dessous le long des trottoirs le radotaient, ceux qui s’accostaient l’échangeaient comme le bon mot en circulation, et deux sergents de ville arrêtés à leur frontière respective en causaient tout bas.

Quand Paris se met à idolâtrer le café ou Racine, ou même quelque chose de moins important, Mme de Sévigné n’y peut rien. C’est une fièvre, un transport ; il faut que fantaisie se passe ; et notez que Mme de Sévigné, comme les autres, jette son cri dans la folle acclamation. L’opposition fait partie de la Chambre : partie nécessaire. Parler pour, parler contre, c’est toujours parler : la joie suprême !

Avant d’avoir tourné le coin de la rue Sainte-Marguerite, Roland, qui avait laissé « son Buridan » chez la voisine, avait déjà heurté deux Landri, un Gaulthier d’Aulnay, trois Orsini et un Enguerrand de Marigny. (Cet homme était peut-être un juste !) La rue Bonaparte n’existait pas encore, sans cela combien y eût-il coudoyé de filles de France, masquées et courant à l’orgie du bord de l’eau !

Dans la ruelle Taranne, il croisa Philippe d’Aulnay, ce jeune incestueux qui mourut à la fleur de l’âge. Au bout du passage du Dragon, Marguerite de Bourgogne (la reine !!!) lui proposa son cœur. À la Croix-Rouge, il culbuta la bohémienne qui aborde les cavaliers dans un but répréhensible. Pauvres vieux siècles qui sont comme le lion de la fable et qui ne peuvent plus se défendre !

— Où vas-tu Guénegoux ? demanda-t-il à un rapin de son atelier qui passait en Savoisy au tournant de la rue du Vieux-Colombier.

— À la Tour de Nesle ! lui répondit Guénegoux d’une voix terrible.

Et il sembla que toutes les rues de la patte-d’oie : la rue de Sèvres, la rue du Cherche-Midi, la rue de Grenelle, la rue du Four-Saint-Germain et la rue du Vieux-Colombier renvoyaient ce nom prestigieux, élevé sur un pavois, fait de tous les grondements joyeux, de tous les cris de trompe, de toutes les clameurs ivres, de tous les rires sonores du carnaval. Ainsi l’entendit Roland.

Comme il entrait rue Cassette, un homme sérieux qui avait bu, lui ouvrit paternellement ses bras en disant : Il est trois heures, la pluie tombe, Parisiens, dormez ! La Tour de Nesle était comme la vérité : dans le vin.

Quelle que fût l’autorité de cet homme sérieux, il mentait effrontément, sous son costume de veilleur de nuit. Quatre heures du soir venaient de sonner aux nombreux couvents de la rue de Sèvres. Le crépuscule luttait encore contre la lueur des réverbères. En outre, il faisait un temps superbe, et dans tout Paris il n’y avait pas un seul Parisien qui songeât à dormir.

Roland passa la porte cochère du no 3 de la rue Cassette : une grande et belle maison. Le concierge traitait ses amis. Sa fille avait un hennin sur la tête, une escarcelle au côté, et aux pieds des souliers à la poulaine. L’Auvergnat du coin, déguisé en escholier, lui parlait « avec son âme ». Roland ayant demandé maître Deban, le concierge se mit à rire.

— Ah ! ah ! dit-il, maître Deban ! un mardi gras ! excusez !

La concierge, plus sobre, répondit :

— Première porte à droite, dans la cour.

— À quel étage ? interrogea Roland.

— À tous les étages, fut-il répliqué.

Et un soldat du guet, barbu comme une chèvre, qui accrochait sa clé à un clou, ajouta :

— Cornes d’Hérode ! je gage cinq sols parisis contre un angelot au soleil que ce brelandier de garde-notes est déjà chez Orsini !

La première porte à droite dans la cour servait d’entrée à un pavillon de quatre étages et de cinq fenêtres de façade. Le double écusson doré qui promet aux passants le bienfait du notariat en ornait le frontispice. Roland frappa ; on ne lui répondit point. Il fit un pas en arrière afin d’examiner la maison. Le rez-de-chaussée et le premier étage étaient noirs. Des lumières brillaient au second, au troisième et au quatrième.

Roland tourna un bouton et entra. La lanterne du vestibule lui montra le mot Étude écrit en grosses lettres sur une porte ; cette porte était fermée. Des bruits de diverses sortes : aboiements de chiens, plaintes de guitares, sons de casseroles descendaient l’escalier avec une vigoureuse odeur de cuisine. Roland monta la première volée et heurta du doigt un huis fort décent.

— Qui demandez-vous ? cria-t-on de l’intérieur.

C’était une voix de femme, demi-couverte par les jappements de plusieurs chiens.

— Maître Deban, notaire.

— Je sais bien qu’il est notaire, répliqua la voix. La paix, vermine de caniches !… Quelle heure est-il ?

— Quatre heures et demie.

— Merci. Montez. Il y a des clercs, en haut.

Roland monta ; au second étage, une furieuse guitare raclait pardessus une grosse voix qui chantait :

Brune Andalouse, ô jeune fille
De Séville,
Je suis l’hidalgo de Castille
Dont l’œil brille,
Je sais chanter une gentille
Seguedille…

— Holà ! cria Roland après avoir inutilement frappé. Maître Deban !

— Quelle heure est-il ? demanda la voix toujours accompagnée par la guitare.

— Quatre heures et demie.

— Satanas ! Alors, il faut que je m’habille… Est-ce pour affaires que vous demandez maître Deban ?

— Pour affaire pressée.

— Montez ; il y a des clercs en haut.

Roland monta, mais en pestant. Et de fait, c’était là une singulière étude. Mais souvenez-vous que Paris était malade et fou. Il avait la Tour de Nesle, compliquée par un reste de guitare mal guérie qui roucoulait encore entre deux hoquets du XVe siècle : mantille, Castille, charmille…

Au troisième étage, le saindoux grinçait avec fracas dans la poêle à frire. La porte était close, selon l’habitude de cette bizarre maison ; mais, au travers des battants, on entendait des gens qui riaient et qui s’embrassaient.

— Maître Deban, s’il vous plaît !

Un silence se fit parmi les rires étouffés.

— Est-ce M. Deban, le notaire, fut-il demandé.

— Précisément… Et je commence à trouver singulier…

— Quelle heure est-il, mon gentilhomme ?

— De par tous les diables ! s’écria Roland exaspéré : je vais casser quelqu’un ici, ou quelque chose !

Il était taillé pour cela, en vérité.

Un large éclat de rire répondit à sa menace. Derrière cette porte du troisième étage, il y avait nombreuse et joyeuse société.

— Silence, mes Seigneurs, et vous, nobles dames ! ordonna la voix qui avait déjà parlé ; étranger ! le notariat est un sacerdoce. Sur le carré où vous respirez en ce moment, s’ouvrent deux escaliers : l’un qui descend, l’autre qui monte. Négligez le premier, à moins qu’il ne vous plaise de repasser demain. Prenez le second, gravissez-en les degrés, comptez avec soin dix-sept marches, à la dix-septième, vous vous arrêterez : car, Seigneur, il n’y en a pas d’autres. Vous serez alors en face d’une porte semblable à celle-ci ; vous la contemplerez d’un œil impartial et vous lancerez dedans un coup de pied proportionné à vos forces en disant : Hé ! là-bas ! Buridan !

— Buridan ! répéta notre jeune homme radouci tout d’un coup par ce nom magique.

Car la Tour de Nesle répandait autour d’eux la concorde et la paix.

— Aux beignets ! commanda la voix anonyme au lieu de répondre. J’ai assez l’étranger. Reprenons le cours de nos pantagruéliques esbattements !

La poêle à frire chanta de nouveau, le rire retentit et les baisers sonnèrent. Roland pensa qu’au point où il en était arrivé, mieux valait aller jusqu’au bout.

Il monta la dernière volée de l’escalier.

Là, tout était silencieux et sombre. Les autres, ceux du premier, du second et du troisième, avaient du moins donné signe de vie, mais Buridan appelé ne répondit point. De guerre lasse, Roland, moitié par colère, moitié par manière d’acquit et pour accomplir à la lettre les recommandations du voisin, lança contre la porte muette un coup de pied, proportionné à sa force.

Il était très fort. Le pêne sauta hors de la gâche et la porte s’ouvrit.

— Qui va là ? demanda la voix d’un dormeur évidemment éveillé en sursaut.

Et comme Roland restait tout déconcerté de son exploit, la voix reprit :

— Est-ce toi, Marguerite ?

Quoi de plus simple ? Buridan attendait sa Marguerite. La Tour de Nesle était là comme partout. Roland avait amassé, en montant ce fantastique escalier, tout un trésor de méchante humeur. Il entra, disant d’un ton bourru :

— Non, ce n’est pas Marguerite.

— Alors, qui vive ? cria le dormeur en sautant sur ses pieds.

Il faut bien dire que ce nom de Marguerite était pour un peu dans la méchante humeur de Roland. Il y avait une Marguerite qui l’attendait, — ou qui devait l’attendre au boulevard Montparnasse, près de ce paradis perdu : la Grande-Chaumière, qui était alors dans tout son glorieux lustre.

La Grande-Chaumière ! quel souvenir ! La Grande-Chaumière mourut parce que son enseigne s’obstinait à caresser de vieilles vogues. Ce doux nom évoquait évidemment Ermenonville, les grottes de Bernardin de Saint-Pierre, les peupliers de Jean-Jacques Rousseau, l’être suprême, la paix de l’âme et les cœurs sensibles.

Corbœuf ! Il aurait fallu l’appeler la Taverne, quand vinrent les dagues de Tolède et les rotules cagneuses, quitte à la nommer plus tard le Tapis-Franc. Je sais une respectable compagnie qui s’est intitulée tour à tour : la Royale, la Républicaine et l’Impériale. Voilà du savoir-vivre !

Quand les talons du dormeur touchèrent le carreau, il se fit un grand bruit d’éperons de théâtre. Une allumette plongea au fond d’un briquet phosphorique et s’enflamma.

Déjà Roland se disait, car il était bon comme le bon pain, ce beau garçon-là :

— Il y a mille ou douze cents Marguerite dans Paris… De quoi diable vais-je m’occuper ?

Une bougie brilla, éclairant une mansarde assez vaste, où tout était sens-dessus-dessous. Au milieu de la chambre, Buridan était debout : un charmant Buridan à la taille leste et bien prise, à la tête correcte et intelligente. Il portait à ravir toute sa friperie moyen-âge ; sa joue pâle faisait merveille sous ses énormes cheveux aplatis à la mal-content, et sa fine lèvre avait bien l’ironique sourire qui est de rigueur.

Il était seulement un peu trop jeune, ou trop vieux. Ce n’était ni le Buridan du cachot, frisant la quarantaine et parlant amèrement du passé lointain, ni le Buridan des premières amours, Lyonnet de Bournonville, page du duc de Bourgogne. Il était entre le prologue et la pièce ; il avait vingt-quatre ou vingt-cinq ans. Roland ôta, ma foi, son chapeau. Buridan le regarda et sourit :

— J’aurais mieux aimé Marguerite, dit-il, mais vous feriez un crâne Gauthier d’Aulnay, vous ! Je m’appelle Léon Malevoy. Quelle heure est-il ?

Roland se dressa de son haut, et il était grand, quand il se dressait ainsi. Peut-être pensez-vous que cette question tant de fois et si mal à propos répétée : Quelle heure est-il ? lui échauffait décidément les oreilles, qu’il avait, du reste, singulièrement faciles à échauffer. Vous vous tromperiez. La galante mine du Buridan avait caressé ses instincts de peintre. Il eût, en vérité, pardonné beaucoup à ce fier jeune homme qui portait avec une grâce si cavalière les guenilles à la mode, mais son regard venait de rencontrer le pied du lit, où M. Léon Malevoy sommeillait naguère. Sur le pied du lit, il y avait un madras quadrillé jaune vif et ponceau, chiffonné selon l’art suprême que les grisettes bordelaises prodiguent à la coquetterie de leur coiffure.

Roland était très pâle et ses lèvres tremblaient :

— Il est l’heure de savoir, prononça-t-il entre ses dents serrées, comment s’appelle la Marguerite que vous attendiez, Monsieur Léon de Malevoy ?

— Marguerite de Bourgogne, parbleu !

— Est-ce à elle ce fichu qui est là ?

Il montrait le pied du lit avec son doigt étendu convulsivement.

Buridan regarda tour à tour le fichu de madras, puis le visage de son interlocuteur.

La ligne nette et délicate de ses sourcils se brisa. Il mit le poing sur la hanche et demanda d’un ton provocant :

— Qu’est-ce que cela vous fait ?

Roland avait ce calme des terribles colères.

— Dans Paris, reprit-il lentement, il y a encore plus de madras que de Marguerites. Je connais une Marguerite, et un madras tout pareil à celui-là, qui appartient à cette Marguerite. C’est justement pour cela que je vous demandais son nom.

Buridan réfléchit et répondit en posant son bougeoir sur la table de nuit, pour avoir les mains libres à tout événement :

— Elle se nomme Marguerite Sadoulas.

La pâleur de Roland devint plus mate.

— Je vous remercie, Monsieur Léon Malevoy, dit-il, je ne voudrais pas vous insulter, car vous êtes un jeune homme poli…

Mais, s’interrompit-il avec une violence soudaine, vous avez volé ce madras à Marguerite ; c’est mon idée !

Il y eut de la pitié dans le sourire de Buridan.

— Ne vous battez pas pour cette belle fille-là, mon garçon, croyez-moi, murmura-t-il. Tirez-vous bien l’épée ?

— Assez bien. Et j’y pense, ce sera drôle ! J’ai, moi aussi, un costume de Buridan… un beau ! Dansez-vous cette nuit ?

— Je danse et je soupe.

— Il y a temps pour tout. Voulez-vous que nous fassions un tour, demain matin, derrière le cimetière Montparnasse ?

— Quel âge avez-vous ? demanda Buridan avec hésitation.

— Vingt-deux ans, répondit Roland qui se vieillissait à dessein.

— Vraiment ? Vous n’avez pas l’air. Comment vous appelez-vous ?

— Roland.

— Roland, qui ?

— Roland tout court.

— Va pour le cimetière Montparnasse, dit le Buridan, qui reprit son bougeoir. Je vais vous éclairer, Monsieur Roland tout court.

— C’est bien convenu ?

— Bien convenu. Mais le diable m’emporte si Marguerite…

Roland descendait déjà l’escalier.

Buridan, au lieu d’achever sa phrase, qui probablement n’était pas un cantique de louanges en l’honneur de Mlle ou Mme Sadoulas, se demanda :

— Au fait, pourquoi n’est-elle pas venue ?

— Hé ! cria dans l’escalier la voix de Roland, Monsieur Léon Malevoy !

— Qu’y a-t-il encore, Monsieur Roland tout court ?

— Il est cinq heures moins le quart.

— Bien obligé… bonsoir !

— Monsieur Léon Malevoy !

— Après ?

— Savez-vous pourquoi on m’a demandé l’heure qu’il est à tous les étages de votre maison ?

— Parce que les montres de tous les étages sont au Mont-de-Piété. Bonne nuit !

— Dites donc ! un dernier mot. Vous êtes clerc chez M. Deban, n’est-ce pas, Monsieur Léon Malevoy ?

— Mais oui, Monsieur Roland tout court. Quatrième clerc.

— J’étais venu pour parler à votre patron… une affaire très pressée… Il n’est pas à la maison ?

— Non.

— Savez-vous où je pourrais le rencontrer ?

— Oui… Palais-Royal, galerie de Valois, no 113.

— À la maison de jeu ?

— Il est le notaire de l’établissement.

— Je vais aller l’y trouver.

— Inutile, si c’est pour lui demander de l’argent.

— Au contraire, c’est pour lui en remettre.

— Dangereux ! Attendez à demain, Monsieur Roland tout court… Nous reviendrons peut-être ensemble du cimetière Montparnasse.