Cœur d’Acier/Partie 3/Chapitre 03

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Le Constitutionnel (feuilleton paru du 12 juillet au 22 septembrep. 469-480).


III

Similia similibus curantur.


Une heure s’était écoulée, et plus d’une fois le docteur Abel Lenoir avait cru entendre des pas furtifs, derrière la porte, dans le corridor qui communiquait avec le centre de l’hôtel.

Mais désormais, le comte du Bréhut de Clare et lui parlaient tout bas.

Pendant cette heure, les derniers préparatifs de la fête s’étaient achevés. On n’entendait plus aucun bruit de marteau. Au contraire, les tâtonnements de l’orchestre, cherchant son unisson, envoyaient des dissonances sauvages le long des corridors, et quelques voitures provinciales avaient déjà roulé sur le pavé de la cour.

La province a cet éternel privilège d’arriver avant minuit et de voir allumer les bougies. Quelques moralistes nous affirment que la vapeur, lien des nations et débouché du charbon de terre, est destinée à supprimer ce travers départemental. Acceptons-en l’augure.

Le docteur était toujours assis au chevet de M. le comte.

M. le comte était très pâle, mais son œil, profondément ombragé, avait des regards fermes et nets.

— Je l’ai reconnu du premier coup d’œil, dit-il. Oh ! vous avez bien raison : cette nuit-là, elle avait mis du poison dans mon sang : un poison qui était du feu. Quand je descendis l’escalier après lui, mes tempes battaient et mes oreilles étaient pleines de grands bruits. Elle et moi nous nous étions disputés dans la soirée ; il y avait eu des coups, des coups à faire peur. On m’appelait la Brute, vous savez. J’étais bien la Brute. Quand il y avait eu des coups entre elle et moi, je l’aimais jusqu’à la folie ! J’étais jaloux du jeune homme ; jamais je ne l’avais vu, mais je savais qu’il venait souvent, et Marguerite disait qu’il était si beau. Ce soir-là, elle me fit croire qu’elle allait aimer : j’entends aimer d’amour pour la première fois de sa vie. Les vingt mille francs n’étaient rien pour moi ; je ne songeais guère aux vingt mille francs… Je vois encore, tenez, la glissade où son pied manqua. Je tombai sur lui comme une masse, et je vis sa pauvre belle figure. Après onze ans, je vous le dis, je l’ai reconnu d’un coup d’œil !

— Moi aussi, murmura le docteur, j’ai été du temps à le retrouver.

— Et n’est-ce pas une providence, pensa tout haut le malade, qu’ils se soient rencontrés tous deux, elle et lui, Roland et Nita, précisément à cet endroit : entre la riche sépulture de Clare et la pauvre tombe où dort celle qui mourut si malheureuse ! Depuis quelque temps, je vois bien souvent ma mère, quand je suis seul, la nuit ; elle vient ; mon père n’est pas encore venu, et je pense qu’il ne m’a point pardonné… Écoutez, Monsieur le docteur, je suis le premier des du Bréhut qui ait manqué à l’honneur, et le père tenait à l’honneur de notre nom, autant que s’il eût été un roi… Avant de mourir, il faudra bien que je fasse quelque chose pour avoir le pardon de mon père !

Sa pensée avait vacillé aussi plus d’une fois depuis le commencement de la longue entrevue, mais elle revenait toujours au sujet qui le remplissait tout entier, et le docteur Abel Lenoir l’écoutait attentivement.

— J’ai eu une étrange idée, dit tout à coup le malade dont les yeux se baissèrent. Je ne suis pas fou, non, mais cette pensée me poursuivait. Depuis qu’il m’a donné sa main, je l’aime comme un fils ou comme un frère. Je l’aime pour lui-même et pour Nita, cette noble enfant qui m’a rendu ma conscience… Regardez ici, sous l’édredon, je vous prie, Monsieur Lenoir.

Le docteur souleva l’édredon et vit dessous un costume de carnaval, le pourpoint tailladé, les chausses, la toque et les brodequins à la poulaine de Buridan. Le comte poursuivit :

— Je ne suis pas fou ; je cachais cette friperie parce qu’elle aurait fait peur à Marguerite, au dernier moment. J’ai écrit à ce jeune homme, M. Cœur, ne pouvant plus l’aller voir, et je l’ai prié de prendre un costume pareil pour cette nuit. Il y avait deux raisons à cela, dont l’une au moins vous semblera bonne. Je commence par celle qui n’était qu’une pauvre fantaisie : je voulais revoir le jeune homme comme il était ce soir-là, et comme j’étais aussi ; je voulais lui demander de m’embrasser et de me dire encore une fois : je vous pardonne… Attendez avant de me juger : l’autre raison était celle-ci. Je ne sais plus rien de ce qu’ils font et de ce qu’ils machinent, ces hommes dont nous parlions tout à l’heure : les Habits-Noirs. J’ai de vagues appréhensions, quoiqu’un lieu comme l’hôtel de Clare ne soit pas assurément de ceux qu’on choisit pour jouer une scène de violence. Il y a, pour conduire ce drame, une main tellement audacieuse que tout est possible. La parité de costume devait me servir non pas seulement à veiller sur le jeune homme, mais encore à me jeter, le cas échéant, entre le danger et lui, peut-être même à donner le change.

Le front du docteur Lenoir se plissa.

— À votre sens, demanda-t-il, de quelle nature pourrait être ici le danger ?

Le malade allait répondre lorsqu’on frappa doucement à la porte qui menait à l’intérieur de l’hôtel.

C’était la femme de chambre de Mme la comtesse. Elle apportait la potion.

Mme la comtesse, dit-elle, prie M. le comte de l’excuser. Elle est à sa toilette et n’a point voulu faire attendre la potion. Aussitôt costumée elle va venir chercher des nouvelles de M. le comte.

M. Lenoir avait pris la potion des mains de la camériste. Dès qu’ils furent seuls de nouveau, le malade étendit la main hors du lit, et dit :

— Montrez !

M. Lenoir lui passa la petite fiole qui avait une honnête tournure de manipulation pharmaceutique et qui puait cette sourde odeur de poison que suintent les portes des apothicaires : odieuse chose que le progrès devrait bien balayer pendant qu’il est en train de faire notre ménage universel.

Joulou regarda la fiole et dit :

— Elle est passée par ses mains.

Puis il ajouta :

— J’aime mieux l’autre remède. Il me semble que je suis déjà mieux.

L’autre remède était dans la poche du docteur Lenoir, et il paraît que, dans le cours de l’entretien, Joulou en avait déjà pris.

Le docteur consulta sa montre et dit :

— Une heure de passée ; il est temps.

Il commença néanmoins par verser quelques gouttes de la potion officielle dans un verre, afin de les jeter au feu. Puis le verre fut posé sur la table de nuit.

Puis encore, le docteur Abel Lenoir atteignit une de ces petites boîtes de maroquin qui sont maintenant si bien connues, adorées par les uns, insultées par les autres, mais illustres, en définitive, autant et plus par la haine des détracteurs que par le culte des fidèles ; une de ces boîtes maudites et bénies qui soignent désormais la moitié de Paris, qui entrent dans le cabinet des ministres, qui passent des seuils plus nobles encore, et qui ont supprimé justement partout où elles ont eu la permission de s’ouvrir les honteuses odeurs de la pharmacopée antique.

Aujourd’hui, elles ont droit de cité, ces petites boîtes, dont le couvercle porte en lettres d’or la formule ressuscitée par cet esprit supérieur qui avait nom Hahnemann : Similia similibus curantur.

Soit dit en passant, Hahnemann, ce conquérant, fut chassé un jour à coups de pierre par les bonnes gens de la cité de Leipzick. Aujourd’hui, les bonnes gens de cette même cité de Leipzick ont fondu sa statue en bronze et l’ont érigée bel et bien au centre de leur forum. Ainsi vont Leipzick et le monde !

En 1843, Hahnemann vivait et ses petites boîtes étaient encore persécutées.

Que Dieu nous garde de pérorer médecine et d’ajouter l’opinion d’un ignorant à tant d’autres ! Nous n’entendons rien à la science, mais nous avons peut-être quelque expérience en fait de succès, ne fût-ce que pour avoir applaudi des deux mains à ceux de nos confrères. Qu’on nous croie : il ne s’agit ici que du succès de ces petites boîtes, qui malgré leur nom grotesque et pédant (car elles s’appellent homœopathie), ont conquis le plus rapide et le plus grand succès que nous ayons jamais salué en notre vie.

Un globule, un de ces globules tant raillés, fut extrait de la boîte et déposé sur la langue du malade : il ne produisit aucun miracle.

Seulement, à l’heure qu’il était, l’idée que cet homme pût mourir du mal qui, présentement, le tenait, soit cette nuit, soit le lendemain, vous eût semblé extravagante.

— J’ai confiance en vous, docteur, dit Joulou après un silence : confiance absolue. Je vous dirai tout. C’est une inconcevable passion qui m’entraîne vers Marguerite, et ce fut toujours ainsi, depuis le premier jour. Je la hais en même temps que je l’aime. Autrefois, quand j’étais la « Brute » et que je prenais sa tête à pleines mains, il me venait des envies de la broyer sous mes pieds. L’instant d’après, je me serais fait tuer mille fois pour elle.

Le docteur ne lui prêtait plus qu’une attention distraite.

— Alors, fit-il, changeant brusquement l’entretien, vous êtes sûr que M. Cœur va venir cette nuit à l’hôtel de Clare !

— J’en suis sûr, répondit Joulou.

M. Lenoir se mit à penser profondément.

Les bruits, cependant, augmentaient au rez-de-chaussée, dans la cour et partout. Il y eut un son de pas dans le corridor et un autre sur le gravier fin de l’allée qui conduisait des appartements de M. le comte au petit hôtel habité par la princesse d’Eppstein.

Le docteur prêta l’oreille.

— Avez-vous ici un autre déguisement ? demanda-t-il en replaçant l’édredon de manière à cacher le costume de Buridan.

— J’ai plusieurs dominos, répondit le comte.

— C’est bien, fit M. Lenoir. Je ne m’éloignerai pas beaucoup de l’hôtel aujourd’hui, et c’est moi-même qui, dans une heure, vous donnerai votre troisième prise de médicament.

Comme il repoussait son siège, les deux portes s’ouvrirent à la fois. Celle de l’intérieur donna passage au « volcan ; » par celle du jardin, le « nuage d’été » entra.

C’étaient deux choses sans nom, après tout, qui ne représentaient rien absolument et qui étaient indescriptibles : deux gracieuses gerbes de gaze, de satin, de dentelles et de pierreries. La comtesse éblouissait ; Nita était un vivant charme.

Elles entrèrent, démasquées toutes les deux.

Marguerite courut à sa pupille et la prit par la main.

Le docteur les salua tour à tour d’un sourire sincèrement admirateur.

— Il y avait longtemps, princesse, dit-il, que je n’avais eu l’honneur de vous offrir mes hommages.

— Vous vous connaissez ! fit Marguerite avec un léger étonnement.

— Le docteur Lenoir, s’écria Nita. Oh ! il y a bien longtemps en effet… J’étais un enfant. Mon pauvre père parlait souvent de vous.

Elle tendit sa main charmante à M. Lenoir qui l’effleura de ses lèvres.

— Mesdames, dit-il en prenant son chapeau pour sortir, je suis heureux de vous annoncer qu’il y a du mieux chez votre cher malade.

— Oh ! ce bon ami ! s’écria joyeusement Nita qui vint tendre son front au baiser du comte. J’étais si triste de cette fête !

Le comte l’embrassa et lui dit tout bas :

— Il faudrait que je le voie… à tout prix !

Marguerite approchait à son tour. Sa joie, car il y avait de la joie sur ses traits, était d’espèce plus recueillie.

Le docteur poursuivit en l’examinant :

— Vous pouvez, sans répugnance, prendre votre part de plaisir, Madame ; je me charge de veiller sur M. le comte, et je réponds de lui.

Nita revint sur ses pas pour lui serrer la main vivement. La comtesse était pâle d’émotion :

— Merci, fit-elle d’un accent pénétré. Je souhaite, Monsieur Lenoir, que Dieu vous rende la bonne joie que vous nous donnez !

Le docteur salua et sortit.

Les deux femmes se regardèrent. Bien rarement elles échangeaient une caresse ; mais Nita, ce soir, sauta au cou de Marguerite qui la serra contre son cœur.

Puis Marguerite lui dit tout bas :

— Ne nous montrons pas trop ravies, chère enfant. Il n’est pas bon qu’il connaisse tout le danger qu’il a couru… et qu’il court peut-être encore, ajouta-t-elle en donnant à Nita un dernier baiser, car les médecins se trompent quelquefois…

Le comte s’était mis sur son séant.

— Venez donc, venez donc, disait-il, que je vous admire toutes deux. Êtes-vous assez belles !

— Commençons par Nita ! s’écria Marguerite en l’attirant par la main jusqu’à l’estrade. Allons, chère fille, laissez-vous tourner et retourner. Il faut qu’il voie tout !

Elle la tourna, en effet, et la retourna. On eût dit qu’elle passait, d’un œil avide et perçant, la revue complète du costume de sa pupille.

Elle pensait :

— C’est bien cela ! je n’ai rien oublié !

— À votre tour, comtesse, dit le malade d’une voix qui tremblait.

Marguerite se mit en vue, sous les rayons unis des deux lampes, et cambra sa taille hardie. Elle était, en vérité, belle à miracle, plus belle, s’il est possible, que cette fleur de beauté qui s’épanouissait près d’elle, Nita de Clare, princesse d’Eppstein.

C’était l’avis de Nita, qui murmurait :

— Oh ! Madame ! Madame ! je suis comme si je ne vous avais jamais vue !

— Et, pourtant, me voilà bien vieille ! dit Marguerite en riant ; n’est-ce pas, Chrétien ? Voilà onze ans que nous sommes heureux ensemble !

Le comte l’appela d’un geste suppliant et plein de caresses.

Nita, devant la glace, faisait bouffer la gaze qui l’entourait comme un nimbe brillant.

— Je t’en prie, Marguerite, murmura Joulou dans un baiser ; oh ! je t’en prie ! sois bonne une fois ! pour les autres et pour toi ! nous avons fait une fortune inespérée. Je t’en prie, je t’en prie, arrête-toi !

Marguerite lui saisit la tête à deux mains et l’enveloppa d’un regard qui charmait :

— Te voilà bien portant, dit-elle. Tu vas revivre ! je le vois ! j’en suis sûre ! Je donnerais la moitié de mon sang à ce docteur Lenoir. Tu es le seul, le seul, entends-tu, que j’aie bien aimé ! Ma Brute ! mon roi ! Joulou de mes vingt ans ! Je veux que tu sois duc de Clare !

Les yeux du malade étincelèrent. La fièvre le brûlait de nouveau.

Elle reprit :

— Ne te mets pas entre moi et notre avenir. Tu serais obstacle, et tous les obstacles, tu sais, je les brise ! Chrétien, tu ne me connais pas. Je t’aime de toute la passion qui brûle mes veines la nuit et le jour. Je veux que tu sois enfin grand, admiré, envié. Je veux te hausser jusqu’à ne plus te voir que d’en bas. Je veux un maître, entends-tu, et pour maître, je veux toi !

Sa prunelle nageait dans un fluide étrange.

En bas, l’orchestre lança un large et magnétique accord.

— Venez-vous ? Madame, demanda Nita, dont les pieds frémissaient.

Car elle était jeune fille celle-là, et la danse l’appelait.

Tout le corps du comte tremblait. Le regard de Marguerite était comme un creuset magique où sa volonté fondait.

Elle sourit, si follement belle, que les lèvres du malade blêmirent, tandis qu’il murmurait :

— Te faut-il encore un crime ?

Elle lui baisa les yeux.

— Repose-toi, dit-elle, repose-toi sur moi. Je t’aime, je t’aime, je t’aime !

Et elle s’enfuit, lui laissant aux lèvres la saveur d’un mortel baiser.

Elle prit Nita sous le bras. Le comte les vit disparaître comme un tourbillon fleuri qu’un souffle de vent d’août emporte sous le soleil.

Il retomba vaincu sur son oreiller. En ce moment, si elle lui avait dit : Frappe ! frappe cet homme qui vient de te sauver !…

Il eût frappé le docteur Abel Lenoir !

Elles glissaient le long du corridor, les deux rêves d’amour enchanté, le flocon de pourpre, le nuage d’azur rosé, Nita et Marguerite.

Les murmures du bal montaient : ce que vous avez entendu, tous et toutes, aux heures ivres de la première jeunesse, cette voix qui charme et qui attire, cette puérile harmonie, forte comme la passion, qui joue avec le cœur, comme le trille tresse les sons sur les cordes fiévreuses.

Ce sourire sonore, ce subtil excitement, cette vague et irrésistible volupté.

Que Dieu bénisse les lymphatiques choses qui jamais n’ont tressailli à cet enfantin délire — et ces autres choses savantes qui ont appris à leurs dépens la philosophie du bal !

Le bal est de la jeunesse. Les poètes, les vrais, font de l’art pour l’art. La jeunesse danse pour danser. Et dans l’univers entier il n’y a rien au-dessus de cette adorable extase !

— Nous le sauverons ! dit Marguerite.

— Comme il est bien, ce soir, pauvre bon ami ! répliqua Nita.

Elles arrivaient au grand escalier.

— Ne descendons-nous point, Madame ? demanda la jeune princesse.

— J’ai quelque chose à prendre chez moi, répondit la comtesse, et je ne veux pas me priver de vous pour faire mon entrée, chère enfant.

Elles continuèrent leur route et gagnèrent la porte de Mme la comtesse.

Elles entrèrent.

Marguerite dit en montrant un siège à Nita dans le boudoir :

— Une minute, chérie, et je suis à vous.

Nita s’assit. Marguerite entra dans sa chambre à coucher, toute seule.

Elle ouvrit une armoire et en retira, à pleines mains, des flots de gaze et de soie dont les nuances étaient exactement les mêmes que celles de ce travestissement idéal qui faisait Nita si jolie.

— Madame a-t-elle besoin de moi ? demanda la camériste dans le cabinet de toilette…

— Non, répliqua Marguerite vivement, fermez la porte !

Elle ajouta, examinant, dépliant, cherchant, parmi ce fouillis de fraîches couleurs :

— Il va venir, Nita… Pardon si je vous retiens, mon ange !

Nita se vit rougir dans la psyché, devant laquelle elle disposait les plis de son « nuage d’été ».

— Oh ! Madame ! fit-elle.

— Il va venir, répéta la comtesse de l’autre côté de la porte. Je l’ai vu, je le connais, je l’ai invité. Dieu veuille, chère fille, que tout aille selon vos désirs qui sont les nôtres. On juge mal souvent ces pauvres martyrs qui ont accepté une tutelle… et nous pourrions bien souffrir un peu, Nita, chère enfant, pour toute la joie que vous nous avez donnée, depuis qu’il nous est permis de vous appeler notre fille…

Elle souriait en parlant et en regardant ces frais chiffons qui l’entouraient comme une marée montante. Elle était évidemment contente de son examen.

Nita, confuse, ne répondit plus. Mais elle aussi souriait.

Marguerite, à pleines mains, repoussa dans l’armoire le flot de gaze et de rubans qu’elle venait d’examiner ainsi à la hâte.

Et comme elle l’avait dit déjà dans la chambre de son mari, elle répéta en se parlant à elle-même :

— C’est bien cela, je n’ai rien oublié !

Puis elle repassa le seuil du boudoir, radieuse.

— Chère enfant, dit-elle, j’ai ce que je cherchais. Prenez mon bras et venez affoler là-bas tout ce monde d’adorateurs qui vous attend.