Cahier de chansons populaires/L’amoureuse de quinze ans
(p. 125-126).
L’amoureuse de quinze ans
Je suis lassée d’être fille,
Je ne le suis qu’en regrettant.
Toutes les filles de ce pays,
Oh ! qu’elles badinent !
Elles vont disant à quinze ans :
M’y faut un aimant !
— Taisez-vous, petite sotte,
Vous n’avez pas cor quinze ans,
Ah ! croyez-ma, soyez sage,
À votre âge ;
Et quand vous aurez vingt ans
Sera temps.
— Peut-être que je serai morte,
Avant l’âge de vingt ans ;
Mon bel aimant qui m’attend
M’a dit : Ma Rose,
Je serai ton fidèle aimant,
Assurément.
— Le bel aimant qui vous parle,
On dit qu’i’ se rit de vous.
Et que c’est par badinage,
Qu’il entretient ce langage.
Dans l’amour, y a des détours,
Méfiez-vous[1] !
— Ce n’est point par badinage,
Qu’on entretient ce langage ;
Ah ! il m’a donné un gage,
De mariage.
Je l’ai gravé dans mon cœur
Mais tout à l’heure.
— Taisez-vous, petite sotte,
Je vous f’rai mettre au couvent.
Tu marcheras en diligence
Avec prudence,
Parler ô ces pauvres sœurs,
Mais tout à l’heure !
— Pour aller avec ces nonnes,
Maman, il faut de l’argent,
Maman, donnez-ma la somme,
Avec un homme !
Vous rendrez mon cœur pus content
Qu’d’aller au couvent !
— Maman, voilà donc la route,
Cell’ qui conduit au couvent ;
Mais pour ma voici la mienne,
Chos’ certaine,
Mon aimant m’attend là-bas,
Et ma j’y vas !
- ↑ Var. : Figurez-vous.