Cahier de chansons populaires/Le jaloux et sa femme
Le jaloux et sa femme
— Morbleur et ventrebleur !
Ah ! dis-moi donc, Marion,
Où étais-tu donc allée
Que je t’ai tant appelée ?
Morbleur !
— Mon Dieu, mon doux ami,
Je n’étais point en allée,
J’étais dans mon lit couchée
Mon Dieu !
— Morbleur et ventrebleur !
Ah ! dis-moi donc, Marion,
Qui c’tait ce grand queval[1]
Qui ’tait dans notre étable ?
Morbleur !
— Mon Dieu, mon doux ami
Ce n’était point un grand qu’val
C’était l’ombr’ de notre vache,
Mon Dieu !
— Morbleur et ventrebleur !
Ah ! dis-moi donc, Marion,
Que c’était-y cett’ grand’ botte
Qui ’tait derrière notr’ porte ?
Morbleur !
— Mon Dieu, mon doux ami,
C’n’était point une grand’ botte,
C’était l’ombr’ de not’ porte,
Mon Dieu !
— Morbleur et ventrebleur !
Ah ! dis-moi donc, Marion,
Qui c’était-y c’grande épée
Qu’était dans la ch’minée ?
Morbleur !
— Mon Dieu, mon doux ami,
Ce n’était point une épée,
C’était l’ombr’ de ma qu’nouille
Mon Dieu !
— Morbleur et ventrebleur !
Ah ! dis-moi donc, Marion,
Qui était cette barbe nare[2]
Couchée ô ta hier au sar ?
Morbleur !
— Mon Dieu, mon doux ami
C’n’était point un’ barb’ nare,
C’était ma sœur Victoire.
Mon Dieu !
— Morbleur et ventrebleur !
Ah ! dis-moi donc, Marion,
Qui croirait qu’ta sœur Victoire
Arait eu la barbe si nare ?
Morbleur !
— Mon Dieu, mon doux ami,
C’était ma sœur Hélène
Qu’ô les mûres elle s’est teinte,
Mon Dieu !
— Morbleur et ventrebleur !
Ah ! dis-moi donc, Marion,
Si entre Mars et Féverieu
Ya des mûres au mûrieu ?
Morbleur !
— Mon Dieu, mon doux ami,
Dans l’jardrin de mon père
Y en a été comme hiver,
Mon Dieu !
— Morbleur et ventrebleur !
Ah ! dis-moi donc, Marion,
Un dimanche la matinée
Tu devrais ben m’y m’ner,
Morbleur !
— Mon Dieu, mon doux ami,
Il a passé des grinettes
Qui les ont mangées mur’set vertes.
Il a passé des femm’s enceintes,
Ah ! qui les ont tout’s atteintes.
Cf. : Lambert : Chans. pop. du Languedoc, t. II, p. 301 ; J. Daymard : Chants pop. de Quercy, p. 92.