Camille Flers (Th. Gautier, 1866)

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Histoire du romantismeG. Charpentier et Cie, libraires-éditeurs (p. 224-225).






CAMILLE FLERS


NÉ EN 1802. — MORT EN 1866




Camille Fiers, paysagiste de beaucoup de talent, fut le maître de Cabat et l’un des premiers alla étudier la nature chez elle ; il précéda dans cette voie Jules Dupré, Théodore Rousseau et la phalange romantique du paysage, et son nom, un peu moins sonore aujourd’hui, eut alors son retentissement. C’était un coloriste tendre et frais, amant des ombrages humides, des étangs bordés de joncs, des petites rivières barrées par des vannes de moulin, des grasses prairies, où les vaches ont de l’herbe jusqu’au poitrail ; des chaumières dardant leurs tire-bouchons de fumée à travers les arbres, des sentiers bordés de haies où brille comme un coquelicot la jupe rouge d’une paysanne ; des ponts rustiques du haut desquels, jambes pendantes, un enfant jette sa ligne, et pour horizon il se contentait d’un humble coteau, mettant son ourlet bleuâtre au bord du ciel. Sur tout cela il faisait flotter des ciels légers, pommelés de fins nuages blancs, dorés de lumière. Quand il cherchait un site pour peindre, il allait à travers les prés et s’arrêtait là où il avait entendu « chanter les grenouilles. » — c’était son expression, — sûr d’y trouver toujours un endroit pittoresque : de l’eau, des roseaux et des arbres. Il a peint beaucoup aux environs d’Aumale, dont la nature lui plaisait, et c’est là qu’il est mort, quoique sa dépouille ait été ramenée à Paris pour être descendue au tombeau de famille. Les tableaux de Camille Flers se recommandent par l’aimable vérité du ton, la finesse du pinceau et un délicat sentiment de la campagne qu’on n’avait pas avant lui. Il est bien important de fixer cette date qui est sa gloire. Dès 1830, il avait quitté le bois sacré du paysage historique et ne voulait plus avoir d’autre modèle que la nature. Une place honorable doit lui être faite parmi les novateurs de cette belle époque, qui, tous, plus ou moins, ont profité de lui.

(Moniteur, 6 juillet 1866.)