Catéchisme d’économie politique/1881/06

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Texte établi par Charles Comte, Joseph GarnierGuillaumin (p. 30-33).
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CHAPITRE VI.

Des instruments naturels de l’industrie.


Qu’est-ce que les instruments naturels de l’industrie ?

Ce sont les instruments que la nature a fournis gratuitement à l’homme, et dont il se sert pour créer des produits utiles. On les appelle des instruments naturels, par opposition avec les capitaux qui sont des instruments artificiels, c’est-à-dire des produits créés par l’industrie de l’homme, et qui ne lui sont pas donnés gratuitement.

Désignez quelques instruments naturels.

Le premier et le plus important de tous est la terre cultivable. Elle a été donnée gratuitement à tous les hommes ; mais comme elle ne saurait être cultivée sans que quelqu’un fasse les avances de travail et d’argent nécessaires pour sa culture, on a senti, chez tous les peuples civilisés, la nécessité de reconnaître comme propriétaires exclusifs des fonds de terre ceux qui se trouvent actuellement en avoir la possession non contestée[1].

N’y a-t-il pas d’autres instruments non créés par l’homme, mais devenus la propriété exclusive de certaines personnes, et qui, entre les mains de l’industrie, fournissent des produits ?

On peut ranger dans cette classe les cours d’eau qui sont devenus des propriétés et qui font marcher des usines. On peut y comprendre encore les carrières, les mines, d’où l’on tire des marbres, des métaux, et surtout du charbon de terre. Ce sont des espèces de magasins où la nature a préparé et mis en dépôt des richesses que l’industrie et les capitaux de leurs propriétaires achèvent en les mettant à la portée des consommateurs.

N’y a-t-il pas des instruments naturels qui ne sont pas devenus des propriétés, et qui sont demeurés à l’usage de tout le monde ?

Oui ; si l’on veut faire du sel, la nature fournit gratuitement l’eau de la mer et la chaleur du soleil qui en opère l’évaporation ; si l’on veut transporter des produits commerciaux, la nature fournit encore la mer ou les rivières comme autant de routes liquides ; elle fournit la force des vents pour pousser les navires. Si l’industrie manufacturière veut construire des horloges ou des montres, la nature fournit de même la gravitation qui fait descendre les poids, ou l’élasticité des ressorts qui fait marcher les rouages.

Les instruments naturels qui sont des propriétés ne se trouvent-ils pas confondus quelquefois avec des valeurs capitales ?

Oui ; sur un fonds de terre qui est un instrument fourni par la nature, il se trouve le plus souvent des bâtiments, des bonifications qui sont des produits de l’industrie et, par conséquent, des instruments artificiels et acquis moyennant des avances et du travail. Dans les mines, il y a des puits, des galeries, des machines pour épuiser les eaux, pour monter les produits ; toutes ces bonifications sont des capitaux ajoutés à l’instrument naturel.

Quelle différence caractéristique trouve-t-on entre les fonds de terre et les capitaux ?

Les fonds de terre ne sont pas susceptibles de s’augmenter indéfiniment comme les capitaux ; mais ceux-ci, qui se composent de valeurs créées, peuvent se dissiper et se détruire par la consommation, tandis que les fonds de terre ne peuvent être consommés. Un bien-fonds, quelque négligé qu’il soit, conservera toujours le même nombre d’arpents, mais il peut perdre successivement toutes les valeurs capitales qu’on y avait amassées. Du reste, les fonds de terre ne sont autre chose que des instruments qui servent à l’industrie d’une manière parfaitement analogue à la manière dont les capitaux lui servent.

Qu’est-ce que des services productifs ?

Vous avez dû comprendre que l’industrie, les capitaux et les instruments naturels (tels que les fonds de terre), concourent au même but, qui est de donner tantôt à une chose, tantôt à une autre une valeur au moyen de laquelle cette chose devient un produit. Cela ne peut s’opérer que par une certaine action, un certain travail exécuté par des hommes, par des capitaux, par des fonds de terre. C’est ce travail que l’on appelle un service productif.




  1. Il est vrai que la terre cultivable a été donnée gratuitement à tous les hommes ; mais, pour la mettre en valeur, il a fallu se livrer à d’immenses travaux. L’appropriation des fonds de terre, ainsi que je l’ai fait voir en traitant de la Propriété, non seulement ne fait rien perdre à personne, mais donne des moyens d’existence à ceux qui ne possèdent aucune propriété foncière. Ch. C.