Ce qui ne meurt pas/II-16

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Alphonse Lemerre (p. 360-370).

XVI

Quel est celui qui ayant vécu de la vie du cœur n’a pas éprouvé que dans les sentiments dont on a le plus souffert il y a quelquefois des interruptions singulières, une espèce de renouveau en bonheur, imprévu et inexplicable ? … Camille l’avait éprouvé le jour où ses soupçons jaloux avaient disparu, à la parole franche et compatissante de sa mère, jusqu’à son mariage. La main qui lui serrait le cœur avait lâché sa prise et il s’était dilaté encore une fois, mais ce fut la dernière. Elle avait atteint le dernier pic de la cime du bonheur de la vie, mais pour en être plus violemment précipitée !

La tristesse du lendemain de son mariage ne la quitta plus, et elle ne se l’expliqua pas davantage. Elle n’avait aucun reproche à faire à son mari. Dans le temps qu’elle était jalouse, elle supposait des motifs à la froideur d’Allan ; maintenant elle ne le pouvait plus. D’ailleurs, quoique Allan lui eût toujours paru un caractère mélancolique, il était plus expansif et moins irritable depuis son mariage. Hélas ! ce qu’elle prenait pour de l’expansion était plus de naturel dans des relations aussi simples entre mari et femme que fausses entre amants obligés de se cacher ; toute la différence du parler au chuchotement ou au silence. Cette vérité de situation aux yeux des autres, empêchait bien des irritations. On en a quelquefois pour vingt-quatre heures de colères concentrées et dévorées parce qu’on a manqué à un rendez-vous de quelques secondes sur un escalier, par peur de l’espionnage d’un valet.

À ne voir le mariage que comme on le voit au dix-neuvième siècle, par les côtés élégants et polis, celui de Camille et d’Allan était bien ce qu’il devait être. Le mari était, comme on dit, parfait pour sa femme. Tous les procédés, toutes les attentions qui viennent autant de la délicatesse du cœur que de celle de l’esprit, il les avait. Disons même qu’il avait davantage quand madame de Scudemor n’était plus là… Mais si elle s’y trouvait, par hasard, il n’osait aucun de ces muets et charmants abandons qui sont, dans la vie domestique, si touchants sous ks yeux de la mère de la femme qu’on aime. Pour la plus simple des tendresses, pour un baiser donné en rentrant du jardin, elle était de trop.

Yseult savait-elle pourquoi le bonheur d’être la femme d’Allan rendait Camille si triste ?… Elle ne le lui demandait pas. Les âmes hors du commun s’entendent même quand elles s’éloignent. Camille aurait appréhendé une pareille question. Elle reconnaissait bien qu’elle n’était pas heureuse comme elle l’avait été, et comme, mariée, elle croyait l’être… Mais Allan, qui n’en avait pas, aurait-il eu des torts vis-à-vis d’elle et eût-elle aimé mieux sa mère qu’elle ne l’aimait, que les torts d’Allan, elle ne les aurait pas confiés. Quand une jeune femme accuse son mari dans des confidences à sa mère, ou elle est une âme sans noblesse, ou elle ne l’aime plus.

Camille aimait toujours le sien. Elle n’avait pas, comme lui, cette grande imagination qui n’est qu’une éternelle inquiétude, peut-être l’impossibilité d’aimer longtemps un être fini. Son sentiment, à elle, était d’autant plus profond qu’il était plus étroit. Elle n’avait pas une idée qui ne se rattachât à ce sentiment. Comme la plupart des femmes qui aiment, tout ce qui ne se rapportait pas à son cœur l’ennuyait. Les livres même où elle aurait trouvé l’expression de sentiments analogues au sien, ne lui paraissaient que des distractions insipides ; et si le sentiment dont elle attendait tout ne la rendait pas heureuse, quelle serait désormais sa ressource ?…

Il n’y en avait pas. Elle était mariée. Sa vie était faite. Elle avait épousé celui qu’elle aimait, — qui l’aimait aussi, ou du moins le croyait-elle encore, — qui lui étendait sous les pieds le manteau de velours de sa tendresse comme à la Reine de sa vie. Elle s’imputait donc à tort ses longues et vagues tristesses. Elle en accusait son caractère. Cette âme passionnée aurait voulu une caresse de tous les instants, et elle avait pudeur de ce désir. Que de fois, défaillante d’ardeur et de honte, elle posait sa tête sur l’épaule d’Allan sans lui rien dire ! II l’y laissait, lui, ne se doutant pas que cette femme était bouleversée, la croyant seulement attendrie, et, s’il lui mettait ses lèvres au front ou dans les cheveux, sous ces lèvres, à peine effleurantes, l’admirable femme n’insistait même pas !

Elle ne demandait plus à Allan pourquoi il était triste. Elle aurait eu peur qu’il lui répondit : « Pourquoi l’es-tu, toi ?… » et elle eût été confondue. Cependant chaque jour prononçait davantage son malaise. Elle finit par s’avouer qu’elle était malheureuse et elle pleura, ce jour-là, comme si elle avait fait une découverte.

Ah ! plaignez Allan davantage encore ! La volupté le trahissait comme l’amour. Jusqu’ici toutes les caresses dans lesquelles il avait trahi la vérité de son âme avaient été de vraies caresses ; maintenant, non. Il s’acculait aux turpitudes du mensonge à froid. Que s’il y pliait sa fierté tant de fois humiliée, c’est qu’après tout, cette femme, il l’avait aimée ; c’est qu’il avait juré devant Dieu de la rendre heureuse ; c’est qu’elle valait mieux que lui ! Mais la générosité ne saurait durer quand il faut feindre. Et, d’ailleurs, à quoi servirait-elle ? Camille était dupe de l’apparence ; mais quand les vies sont rapprochées et qu’on aime, est-il possible de l’être longtemps ?

Maintenant qu’Allan se détachait de plus en plus de Camille, sa pensée se retournait involontairement, comme dans sa nuit de noces, vers les temps où il avait aimé Yseult. Placé entre ces femmes, il sentait le néant l’atteindre à travers toutes les deux. Yseult ne l’interrogeait pas plus que Camille. Ils vivaient donc, tous trois, leur vie à part, sentant que tous ces liens de famille qui les unissaient avaient une rupture imperceptible et secrète.

Il y avait donc moins de mouvement que jamais dans ce marécageux château des Saules. Des paroles douces et amies dites avec des voix froides ou menteuses, un embarras presque visible, la peur de se blesser, voilà ce qu’accusaient les relations de chaque jour. Il fallait voir toutes ces journées se traîner lentement, les unes sur les autres, sans amener le moindre changement avec elles. Il fallait assister à ces interminables soirs dans le salon qu’Allan passait à marcher mélancoliquement de long en large, madame de Scudemor à lisser ses cheveux sur sa tempe maigrie et creusée, et Camille à baisser les yeux sur son ouvrage pour cacher la trace enflammée des pleurs qu’elle avait versés dans la journée, et qu’elle pouvait montrer sans crainte qu’on lui demandât ce qu’elle avait eu.

Un soir, les fenêtres étaient ouvertes aux dernières haleines et aux derniers bruits du jour. Madame de Scudemor, qui approchait du terme de sa grossesse, était plus souffrante et plus affaissée que jamais sur son canapé ; Camille plus malheureuse de la froideur de son mari qui commençait à percer, malgré lui, dans leur intimité d’époux ; et Allan dans un état sans nom de fatigue et de désespoir. Il avait horreur du vide de son âme. Il voulait quelque chose pour le remplir. Il voulait n’importe quoi, fût-ce du crime, fût-ce du remords, et il allait de l’une à l’autre de ces deux femmes, écorces flétries qui lui étaient tombées de la bouche et des mains et qu’il ramasserait encore ! Mais Camille était la plus dévorée malgré la plénitude de sa jeunesse, la plus flétrie malgré toutes les splendeurs de sa beauté, car elle l’avait aimé. Il la savait donc mieux !

Le salon était plongé dans une ombre épaisse. À peine pouvait-on distinguer madame de Scudemor écrasée sur son canapé, Camille assise plus loin, et Allan qui passait et repassait entre elles, enveloppé de son morne silence. La nappe de lumière qu’épanchait une lune rouge comme une tête coupée qui roulait dans un coin du ciel, sur le marais, n’envoyait rien de son sanglant éclat dans ce salon à travers les jasmins des fenêtres, entre lesquels on la voyait se lever, sinistre, à l’horizon brumeux. On entendait la note plaintive du crapaud répétée à courts intervalles dans le silence du marais, harmonie si résignée, mais si douloureuse ! Depuis quelques jours Camille avait eu la pensée, qui ne viendrait jamais à une femme tendre, qu’elle avait montré trop d’amour à Allan et qu’elle devait exalter le sentiment de son mari en voilant le sien davantage. Pauvre coquette par désespoir elle s’était donc renfermée en elle-même, avec beaucoup de peine, mais Allan n’avait pas pris garde à ce changement dans les manières de sa femme. Tout ce qui l’éloignait d’elle le soulageait trop pour qu’il risquât la moindre observation de nature à faire cesser l’éloignement qui le délivrait de sa présence, et la malheureuse Camille, qui s’était mise à la torture pour que son mari lui adressât un mot plus tendre et qu’il s’occupât d’elle un peu davantage, avait perdu le fruit de ses cruels efforts. « Il ne s’aperçoit de rien, — se dit-elle ; — c’est donc certain qu’il ne m’aime plus ! » et les larmes qu’elle sentait venir lui semblaient le plus pur sang de son cœur. Ce soir, pour la première fois depuis leur mariage, Allan était rentré au salon sans être allé l’embrasser. Cette simple circonstance la jeta dans un véritable désespoir. Il ne faut que le raz du vol d’un insecte pour faire déborder le vase quand il est tout plein.

D’abord ce ne fut qu’une douleur physique vers le cœur, les yeux conservèrent leur sécheresse. Puis il vint deux larmes épaisses et brûlantes, puis, comme elle serait morte si cet état de paroxysme eût duré, les sanglots la prirent, et avec une telle violence qu’elle fut obligée, pour ne pas les trahir, de sortir du salon et de se retirer dans sa chambre. Allan n’en continua pas moins de marcher de son pas monotone. Madame de Scudemor resta dans son attitude. Allan n’avait rien vu, rien entendu. Il avait, en ce moment, l’enfer dans le cœur, l’enfer des passionnés qui n’ont plus de passion et qui en voudraient encore ! Il remarqua, quand elle fut sortie, avec joie la fuite de sa femme. Elle le laissait libre, et une pensée impétueuse et criminelle s’était emparée de ses facultés et subjuguait sa volonté. Après quelques minutes de silence il s’arrêta debout devant madame de Scudemor. On ne le voyait pas, mais sa voix disait tout :

— Yseult ! — fit-il de cette voix qui n’est plus une voix de gorge, mais de poitrine, et de cet accent bas qu’ont le hommes qui ont la terreur de ce qu’ils vont faire. — Yseult !

— Que me voulez-vous, mon enfant ? — lui répondit-elle.

— Pourquoi — fit-il sombrement — m’appelez-vous « votre enfant », puisque je suis le père du vôtre ?

— Parce que, — dit-elle avec son indicible noblesse, — je n’ai jamais eu que ce nom-là à vous donner.

— Vous avez raison, — dit-il, et il tomba comme accablé sur le canapé où elle était assise.

— Souffrez-vous davantage, ce soir ?… — lui demanda-t-il après un nouveau silence, comme s’il avait eu honte de lui-même.

— Oh ! Allan, — répondit-elle avec une intonation qu’elle n’avait jamais en parlant d’elle, — ce n’est pas moi qui souffre le plus !

Il comprit, car il resta muet. Mais ce n’était pas la pitié d’Yseult pour celle qui n’était plus là, ce n’était pas cette pitié divine qui pouvait faire rebrousser le torrent de pensées funestes qui entraînaient Allan et qui le jetaient au Démon.

Il se rapprocha de madame de Scudemor et, la saisissant brusquement à ce corsage qui ne résistait plus comme autrefois mais qui pliait, mol et brisé, il chercha la bouche d’Yseult, avec sa bouche, dans l’obscurité. Yseult avait détourné la tête. Le baiser s’égara dans les cheveux du cou. Allan ne l’y appuya même pas. Avant qu’il eût pu l’y appuyer, il avait appris que ces vains élancements étaient une affreuse ironie, une abominable impuissance, et que des regrets n’étaient pas même des désirs ! Sa dernière tentative pour sortir du vide, même en devenant criminel, avortait, et, redoutant l’indignation d’Yseult qui s’était débattue sur sa poitrine, il se sauva et courut s’enfermer dans la bibliothèque où il ne craignait pas d’être surpris.

Il y resta longtemps en proie à la rage d’un homme qui se révolte contre son impuissance ; il ne sut pas même combien de temps il y resta. La nuit vint. Il n’eut pas conscience de ses ténèbres. Tout à coup, la porte s’ouvrit… C’était Camille, une lampe à la main et en peignoir, gracieuse comme Psyché et triste comme elle, car Psyché c’est l’âme humaine, toute la douleur de la vie !

— Allan, — lui dit-elle en ne le regardant plus, avec ses yeux gonflés et violets, et n’osant plus le tutoyer, — voilà trois heures que je vous attends. Je vous croyais dans le salon avec ma mère ; mais, depuis longtemps, elle est couchée. Tout le monde repose. J’ai couru le château ainsi pour voir ce que vous étiez devenu. Cela ne vous fait donc rien de m’inquiéter ?

Elle était devenue douce, cette violente !

— Pourquoi être inquiète ? — répondit-il durement, quoiqu’il voulût réprimer sa colère. Et elle répliqua, avec une douceur angélique : — Parce que vous ne reveniez pas ! — Mot plein d’un reproche qu’il ne comprit point. Il ne comprit pas qu’elle fût inquiète d’une chose si simple, de ce qu’il ne revenait pas.

— Calmez vos terreurs d’enfant, — lui dit-il maussadement, — et remontez chez vous. Je vais vous y rejoindre dans quelques instants.

— Quand vous voudrez, mon ami, — répondit-elle. — Vous êtes le maître. Pardonnez-moi seulement d’être descendue… — Et elle s’en allait lentement en laissant la lampe sur la table.

Il fut touché de cette résignation : — Camille, — lui dit-il comme elle s’éloignait, — vous vous en allez donc sans me souhaiter le bonsoir ?

Elle lui tendit son front comme une petite fille et répondit, en retenant ses larmes : — C’est que je ne dormirai pas, quand vous viendrez…

Mais ces attendrissements rapides ne changeaient rien à l’état d’âme d’Allan, au contraire. Ils augmentèrent son angoisse. Il se rappela que cette vie, dont il s’était chargé, il n’avait ni la force, ni la volonté de la rendre heureuse. « Toutes ces lâches fourberies me pèsent, — pensa-t-il. — Il faut que j’avoue tout à Yseult. » Et il se mit fiévreusement à lui écrire, cherchant, comme toutes les âmes qui n’en peuvent plus, du soulagement dans des aveux.

Dans cette horrible lettre il lui disait : « Je n’ai pas peur d’être dur vis-à-vis de Camille, elle qui m’aime tant ! Je n’ai pas peur de son désespoir. Je n’ai peur, Yseult, que de ton mépris ! Voilà ce qui m’empêche de me tuer. Toi qui as souffert autant que moi et qui n’es qu’une femme, toi qui aurais pu, en versant quelques gouttes d’opium dans une cuiller à café, t’endormir mollement sur ton oreiller de mousseline un des soirs de tes cruels jours et ne pas te réveiller le lendemain, et qui ne l’as pas fait, tu aurais droit de me mépriser si je me tuais. Tu es toute ma fierté, Yseult. Je n’en ai plus d’autre que toi.

« Je te comprends, maintenant, Yseult ! je comprends le mal de n’aimer plus… Tu ne me paraissais qu’une femme malheureuse, mais je sais à présent combien tu l’étais. L’expérience, et non tes paroles, me l’a appris. Souffrir, quand on aime, c’est doux et bon, car c’est le bonheur du martyre ; mais souffrir de ne plus aimer, voilà le malheur de la vie ! Mal bien grand, car on meurt d’aimer et on ne meurt pas de n’aimer plus !

« As-tu été comme moi, Yseult ? As-tu voulu aimer encore et as-tu senti que tu ne pouvais pas ? Est-ce là un état qui passe ? En guérirai-je ? dis-le moi. Toi, tu es calme comme la mort, mais est-ce ainsi que ton dernier amour t’a faite ?… Avant d’arriver à cette stupidité de la tombe as-tu désiré d’aimer, regretté d’aimer, mais en vain ? Tu ne me l’as jamais dit, Yseult I Être inerte, mais être, c’est encore souffrir ; mais ne pas vouloir être inerte, se débattre, contre le marbre qui vous monte jusqu’à la poitrine et sentir le marbre plus fort que la vie, quoiqu’il ne puisse pas l’étouffer, as-tu souffert aussi de cela ?…

« Si tu en as souffert, Yseult, tu n’avais pas besoin de lutter sur ma poitrine, il y a deux heures. Tu as manqué à ton expérience. La peur t’a prise comme une femme vulgaire, ô grande Yseult ! Je ne sais quel brute et sceptique instinct est revenu tout à coup t’émouvoir. Toi qui ne peux plus être souillée, toi qui sais que l’âme seule peut l’être, que craignais-tu ? Tu ne croyais donc plus en toi ?… Vois, mes bras n’ont pas achevé l’étreite. Ma bouche n’a effleuré que tes cheveux. Tu ne m’es plus rien, pas même une femme. Si tu le savais, pourquoi tremblais-tu ? Ah ! j’espérais, j’espérais que tout n’était pas fini. J’avais tant pensé à toi sur le cœur même de Camille ! Je lui avais tant de fois été infidèle pour toi dans mes souvenirs, que je croyais retrouver une émotion du passé auprès de toi, — l’horrible bonheur d’être coupable. Mais non ! non ! cœur et destin sont inflexibles. Je voulais l’inceste, et ni mon cœur ni mes sens n’ont eu la force de le consommer.

« Yseult, je suis las de ta fille. Toute cette chair me gêne à respirer auprès de moi, la nuit. Toute cette âme me fatigue à torturer le jour. Hélas ! cette lassitude est vaine. Mon métier de bourreau, je ne puis l’abjurer pour elle. Sa beauté ne lui a pas été une garantie. Pourtant, tu t’en souviens, Yseult, j’aimais tout ce qui était beau en toi autrefois. Tu n’as plus rien de pareil aujourd’hui. Tu ne m’as jamais aimé. Tu es vieille. Tu souffres. Tu es sur le point d’accoucher. Je ne t’aime pas plus que ta fille. Pourquoi donc, dans l’horreur de mon néant, suis-je retourné de ta fille à toi ? Ah ! misérables que nous sommes, savons-nous seulement nous tromper ? Il me semblait que mes souvenirs étaient du feu ; il faisait nuit ; je ne te voyais pas, Yseult. Même ces sens imbéciles ne pouvaient pas s’épouvanter… Oh ! s’il avait fait jour, si nous nous étions vus, n’est-ce pas que nous, les savants sur le cœur et ses incompréhensibles bornes, nous nous serions ri à la figure tous les deux ?… »