Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade XII

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XII

[1]



Qui trop se fie es grans biens de Fortune,
En verité, il en est deceü ;
Car inconstant elle est plus que la lune.[2]
4Maint des plus grans s’en sont aperceü,
De ceulz meismes qu’elle a hault acreü,[3]
Trebusche tost, et ce voit on souvent
7Que ses joyes ne sont fors que droit vent.

Qui vit, il voit que c’est chose commune[4]
Que nul, tant soit perfait ne esleü,
N’est espargné quant Fortune repugne
11Contre son bien, c’est son droit et deü
De retoulir le bien qu’on a eü,[5]
Vent chierement, ce scet fol et sçavent
14Que ses joyes ne sont fors que droit vent.[6]

De sa guise qui n’est pas a touz une
Bien puis parler ; car je l’ay bien sceü,
Las moy dolens ! car la fausse et enfrune
18M’a a ce cop trop durement neü,
Car tollu m’a ce dont Dieu pourveü
M’avoit, helas ! bien vois apercevent[7]
21Que ses joyes ne sont fors que droit vent.[8],[9]

  1. Rubrique placée entre la b. XI et la b. XII, B2 : Balades de personnages.
  2. B Car variable
  3. A1 que elle
  4. A1 Qui vid
  5. A que on
  6. B ne s. mais que
  7. B1 voy appertement
  8. B ne s. mais que
  9. Note Wikisource : voir un erratum en p. 319.