Cent Ballades (Christine de Pisan)/Ballade XXXIV
XXXIV
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r est venu le trés gracieux moys
De May le gay, ou tant a de doulçours,
Que ces vergiers, ces buissons et ces bois,
Sont tout chargiez de verdure et de flours,
Et toute riens se resjoye.
Parmi ces champs tout flourist et verdoye,
Ne il n’est riens qui n’entroublie esmay
Pour la doulçour du jolis moys de May.
Ces oisillons vont chantant par degois,
Tout s’esjouïst partout de commun cours,
Fors moy, helas ! qui sueffre trop d’anois,
Pour ce que loings je suis de mes amours ;
Ne je ne pourroye avoir joye,
Et plus est gay le temps et plus m’anoye.
Mais mieulx cognois adès s’oncques amay,
Pour la doulçour du jolis moys de May.
Dont regreter en plourant maintes fois
Me fault cellui, dont je n’ay nul secours ;
Et les griefs maulx d’amours plus fort cognois,
Les pointures, les assaulx et les tours,
En ce doulz temps, que je n’avoye
Oncques mais fait ; car toute me desvoye
Le grant desir qu’adès trop plus ferme ay,
Pour la doulçour du jolis moys de May.
- ↑ XXXIV. — 3 B prés et b — 4 A Reverdissant partout de communs cours — 5 A1 Et t. r. si s'ejoye, corr. si se resjoye — 13 B Et — 17 A D. regraittant — 18 A1 Me fait