Un mois sans faire feu ! si son aiguille pouvait se rouiller pendant ce temps-là ?
PARIS
ARNAULD DE VRESSE, ÉDITEUR
55, RUE DE RIVOLI, 55
— Mais, sargent, pourquoi faire des fusils à aiguille ?
— Pourquoi qu’il y aurait pas des aiguilles, du moment qu’il y a des feux de file.
— Ôte-toi donc de là ! je suis en train d’enfoncer le fusil prussien. Il n’a qu’une aiguille et j’en ai mis tout un paquet dans le mien.
À L’ÉTUDE.
Un arrosoir à balles. Que la guerre ce sera comme un vrai bouquet de fleurs.
— Mais, sargent, le fusil à aiguille, ça va devenir une rage !
— Imbécile, ça peut pas devenir une rage, du moment que le fusil n’a pas de chien.
LES POLITIQUEURS.
— Si nous avons la paix, que feront ces fusils avec leurs aiguilles ?
— Mais ils piqueront la curiosité.
Madame Ponce-Pilate.
— Imbécile ! tu arroses aussi le buste du colonel ?
— C’est pour lui rafraîchir la mémoire, il m’a promis de me porter pour la médaille.
— Quelle horreur ! ton fusil dans ma boite à ouvrage !
— Certainement, il est à aiguille.
— Mais ce n’est plus un champ de bataille, c’est un atelier de couture ! des fusils à aiguille et des dés à coudre !
Après le fusil à aiguille, la balle-ciseau et ainsi de suite jusqu’à ce que toute la boîte à ouvrage y ait passé.
Les brodeuses attachées désormais aux écoles de tir comme les meilleurs juges pour les travaux d’aiguille.
— Pourquoi ne pas profiter également du fusil à aiguille pour lui faire donner l’heure ?
— Je viens m’adresser à votre bureau de placement.
— Pas le temps ! Faut que tous ces princes allemands passent avant vous, ils sont sans places aussi.
— La bourse ou la vie !
— Pardon, monsieur, est-il à aiguille ? c’est que mon amour-propre serait sauvé !
— Pourquoi que le colonel nous fait jouer du Wagner pendant la bataille ?
— Afin que les soldats ne supposent pas que les balles sifflent pour eux.
— Pourvu que le portier ne laisse plus monter personne !
— Cher ami, enchanté que les choses se soient arrangées ainsi à l’amiable.
— Bourgeois, vos lits sont durs, vous exposez la ville aux dernières sévérités.
— Comment se fait-il que mes porcelaines de Saxe soient cassées ?
— Madame n’ignore pas qu’on s’est battu de ces côtés-là !
— Votre bière de Bavière ne mousse pas !
— Je crois bien ! après tout ce qui se passe chez elle, si vous vous imaginez qu’elle va faire sa tête !
L’ÉCHÉANCE.
— Allons, il n’y a plus moyen de le renouveler, ce billet, il faut le payer cette fois.
— Moi, vois-tu, avec une épingle comme cela, je me fiche des aiguilles.
— Monsieur Babinet, vous avez eu une discussion avec notre télégraphe transatlantique.
— Nous avons eu des mots ensemble.
— Oui, monsieur. À 25 francs le mot, voici votre note.
RÉFLEXION D’UN BON CŒUR.
— Le fusil à aiguille, c’est encore rien qu’on s’en serve pour la guerre ! Mais ce qui fait frémir, c’est de penser qu’on peut s’en servir un jour pour la chasse.
— Mon ami, que savez-vous sur l’Amérique ?
— Merci, si c’est moi qui doit répondre, c’est pas la peine d’avoir un câble transatlantique.
— Dis donc, mon chéri, tu devrais me négocier cette valeur.
— Ça une valeur ? c’est une vieille dépêche du câble transatlantique.
— Justement, chaque mot a une valeur de 25 francs.
— Que signifie… la dépêche est datée de Chien ?
— Oui, monsieur. Chien pour Terre-Neuve, cela économise un mot de 25 francs.
— J’ai cru que c’était 25 francs le mot ?
— Oui, monsieur, mais vous envoyez des injures ; les gros mots se paient double.
— Que t’es bête ! il n’y a rien d’humiliant, au contraire ; le nouveau monde et l’ancien sont fiers d’avoir pu se mettre dans notre position. C’est notre câble transatlantique.
— Voici la bouteille d’huile de foie de morue que madame m’a dit de lui acheter.
— Elle est de quatre francs ?
— Oui, madame, et j’ai fait télégraphier à Terre-Neuve pour savoir si elle est bien fraîche, ça fait 404 francs.
Neptune profite du câble transatlantique pour faire du trapèze, l’exercice de la voiture lui devenant impossible, depuis qu’il a mangé ses chevaux pour faire comme tout le monde.
— Vingt-cinq francs le mot ! que dépêche monsieur ?
— Je me dépêche de m’en aller.
— Monsieur est allé au télégraphe transatlantique causer avec l’Amérique.
— Ah ! mon dieu, vingt-cinq francs le mot ! et mon mari est bavard, nous sommes ruinés !
— Monsieur, auriez-vous l’obligeance de casser le carreau et tirer la sonnette d’alarme. Vous avez une figure qui ne m’inspire aucune confiance.
LA SONNETTE D’ALARME.
le conducteur, arrêtant — Pourquoi sonnez-vous ?
le voyageur. — Ne faites pas attention, je suis acteur, je répète mon rôle du Sonneur de Saint-Paul que je vais jouer en province.
— Pourquoi avez-vous agité la sonnette ?
— Je rêvais que j’étais maitre-d’hôtel, je sonnais le dîner.
Tout le monde mettant aussitôt la tête à la portière, tirez la sonnette d’alarme afin de savoir si vous avez des figures de connaissance dans le train.
— Pourquoi sonnez-vous ?
— Il va faire de l’orage et chez nous on a l’habitude de sonner les cloches !
— Ah ! mon dieu, voici un accident !
— Je ne crois pas, madame, nous aurions été prévenus par la sonnette d’alarme.
— Avant de le tirer, faut que je relise mon journal pour voir s’il n’est pas compris dans l’armistice.
Pourquoi n’enverrait-on pas au camp de Châlons des jeunes diplomates qui s’exerceraient à s’interposer entre des armées belligérantes ?
(Traduit du lapin) — Pour lui c’est fini ; pour moi ça commence ! et pas de puissance médiatrice pour me tirer de là !
Le camp de Châlons amenant le tambour-major à déplorer ce que la nature a fait pour lui.
— Tu es censé l’ennemi.
— Toi la France alors ? Comme elle est généreuse, tu vas me payer la goutte.
— Vous désirez la croix du 15 août. Mon dieu, monsieur, c’est bien simple, je vais vous donner la recette.
— Vous n’en auriez pas une plus simple que celle-là ?
— J’ai gagné la montre ! ousque sont donc les aiguilles ?
— Que t’es bête ! elles sont en Allemagne, à faire la guerre.
Retour de la fièvre du mois d’août.
— T’as pas la croix ! mais ta femme te reste.
— Justement ! une croix m’aurait consolé de l’autre.
— Présentez-lui donc les armes ! il a la croix.
— Je ne la vois pas.
— Elle est au Moniteur.
— C’est moi que j’ai dégraissé le mat de cocagne ! je pourrais être utile à madame.
— Mais c’est une horreur ! elle n’avait pas ces manières-là avant que son frère le collégien vînt en vacances !
— Le premier lundi d’octobre, si ça pouvait donc tomber un dimanche, ça nous ferait un jour de vacances de plus.
— Monsieur, accordez-lui le prix de piano ; si vous saviez comme il a travaillé à la maison ! quatre locataires en sont devenus fous.
— Mon bon ami, tout est à la paix !
— Oui. merci ! On voit bien que vous n’avez pas des collégiens en vacances chez vous.
— Papa, à mon collège, j’ai l’habitude d’être levé à cinq heures ! Je ne veux plus que tu dormes, vient faire une partie de balle.
— En dehors du grec et du latin que vous lui montreriez pendant ses vacances, comme cet enfant sera seul avec vous à la campagne, je vous demanderai si vous êtes fort aux billes et au cheval fondu.
— Tu as eu le prix de dessin pour cette tête ? Mais elle n’a pas d’yeux !
— La maîtresse de pension ne veut pas que nous fassions l’œil.
— Voyons, mademoiselle, vous n’avez plus à être jalouse de votre frère. Vous avez eu aussi votre distribution de prix !
— Hi hi ! il n’y avait pas de discours latin comme à lui.
— Mais travaille donc, au lieu de lire le journal… Tu n’obtiendras jamais une bourse à la rentrée.
— Si, maman, je serai boursier, je pioche le cours de la Bourse.
NE VOULANT PAS ROUGIR DEVANT LEURS ENFANTS.
— J’ai parfaitement compris le discours latin, madame votre mère aussi. Vous remercierez votre professeur de la charmante matinée qu’il nous a fait passer.