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Chansons de la roulotte/L’alliance à Marianne

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L’Alliance à Marianne














L’ALLIANCE À MARIANNE


Musique de JACQUES FERNY



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  Ma- rianne, en- fant du Suf- frage u- ni- ver- sel,
  Est par- fois un peu vo- lon- tai- re.
  Un jour, las- se d’un bel a- mour fra- ter- nel
  de Tzar qu’el- le s’é- tait fait fai- re,
  Ell’ dit, ti- rant par son pal’- tot
  Et son Grand Cor- don le Pré- si- dent gâ- teau
  Qu’elle a pour es- pèc’ de pa- pa:
  «Moi je veux l’Al- lian- ce, moi, na!»
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L’Alliance à Marianne [1]

À émile goussot.


I

Marianne, enfant du Suffrage universel,
Est parfois un peu volontaire.
Un jour, lasse d’un bel amour fraternel
De Tzar qu’elle s’était fait faire,
Ell’ dit, tirant par son pal’tot
Et son Grand Cordon le Président gâteau
Qu’elle a pour espèc’ de papa :
« Moi je veux l’Alliance, moi, na ! »

II

L’espèc’ de papa fut d’abord consterné.
De sa voix la plus paternelle
Il prit habil’ment un chemin détourné…
« Regard’ les beaux Polichinelles…

C’est Tharbou, Tesnard, Hanobaux,
Céline, Marlan[2]… Vois donc comme ils sont beaux !
Cogn’, va ! cass’-les, ça t’est permis.
Mais n’ touch’ pas au grand vieux bien mis !…

III

— L’Alliance ! exigeait Mariann’ d’un air têtu,
Ou j’flanqu’ le grand vieux dans la rue !
— L’Alliance, eh bien, soit, je te l’aurai, mais tu
Prendras ton huil’ de foie d’morue ;
C’est-à-dir’ les derniers impôts
Sur les queues d’billard et sur les vieux chapeaux,
Et la Croix de Chion-Ducollet,
Comm’ du quinquina Dubonnet ![3] »

IV

Marianne promit. Le Président, d’un bond,
Sauta sur trois vaisseaux de ligne,
Le premier ne put démarrer ; le second,
Le lend’main, coulait d’un air digne.
Le troisièm’ devant Elseneur
Égara soudain sa machine à vapeur.
Mais on n’avait rien négligé…
Le Président savait nager.

V

Il tira sa coup’ jusqu’à Saint-Pétersbourg ;
Fut r’çu comme le dieu Neptune.
Puis il dit au Tzar : « Pour fêter ce grand jour,
L’Alliance me semble opportune.
— Oh ! pour ça, répondit l’Emp’reur,
Je l’regrett’ beaucoup, mais je suis un croiseur
De la marin’ de vos États…
Autrement dit, je n’marche pas ! »

VI

Le pauvr’ Président, pensant à son marmot,
Se raidit, et dit : « Voyons, sire,
Sûr’ment ce n’est pas là votre dernier mot ! »
Puis il sortit son grand sourire ;
Ce sourire tant séducteur
Qui, jadis, au Havre, empaumait l’armateur ;
Que nulle ovation ne lassa ;
Le sourir’ du « Et avec ça ? »

VII

Le Tzar succomba. Joyeux, le Président
Rapporta l’Alliance à Marianne.
Marianne, aussitôt, dit : « ’Veux voir c’qu’i’ y a d’dans !…
Ça s’ouvre pas ?… Prêt-moi ta canne !… »[4]

Le pauvre homme alors s’effara :
« Mariann’, c’est un’ bête… un’ gross’ bêt’ qui t’mordra !
C’est un rat… non, un éléphant…
Ah ! mon Dieu ! quel chameau d’enfant ! »

  1. La première édition de l’Alliance à Marianne, parue en octobre 1897, portait, en sous-titre, cette mention
    chanson interdite par la censure


    et, en renvoi, sur la page même du titre, cette note :
    Lecteurs et auditeurs pourront, en effet, constater qu’elle est abominablement licencieuse et qu’elle constitue, en outre, pour la République, un péril effroyable. L’anarchiste qui aura l’audace de s’en rendre acquéreur devra donc veiller soigneusement à ne pas la laisser traîner sur son piano à cause des virginités multiples qu’elle pourrait déflorer. — Monsieur le Ministre des Beaux-Arts recommande, d’ailleurs, tout spécialement, pour l’initiation des jeunes intelligences et l’édification des candeurs, l’audition des vaudevilles-opérettes et des chansons intitulées : Les Morues, le Carnet de ma flûte, le vieux Manche, j’ai un beau petit chat et Je joue du… cor, petits chefs-d’œuvre de saine littérature dont le Gouvernement, soucieux de relever un peu le niveau moral et intellectuel des foules, assure la libre vulgarisation par des estampilles éclairées et des visas bien précieux pour les familles.

  2. Noms déformés des Ministres actuels. — Septembre 1897. (Note pour la postérité oublieuse.)
  3. Chion-Ducollet, maire de la Mure, avait été décoré pour avoir rayé le nom de Dieu de l’enseignement donné par sa commune. Il avait même été assez gentil pour ne pas le remplacer par le sien.
  4. Bougie. — L’opposition avait longtemps crié qu’une « entente » n’était pas un traité d’alliance. Le gouvernement ayant fait répandre le bruit qu’il avait obtenu un traité secret, elle avait insolemment refusé d’y croire. Aussi, quand, lors du voyage du Président, ledit traité eût été proclamé, elle insinua qu’en somme on n’en connaissait pas les termes. Si on avait eu la candeur d’en ordonner l’affichage, elle eut certainement ricané : « La signature du Tzar n’est pas légalisée ! » En pareil cas, il n’y a qu’un mot à répondre, un seul.