Chansons en sabots/Pauv’ ’tit gâs !
PAUV’ ’TIT GÂS ! ! !
Nul ne connut jamais son âge ;
Son nom ? ma foi, pas davantage ;
Sa famille ? il n’en avait pas :
On l’avait trouvé sur la plage…
Pauv’ ’tit gâs !
Sans un tendre mot qui cajole,
Sans jamais aller à l’école,
Vêtu de trous du haut en bas,
Il poussa comme une herbe folle :
Pauv’ ’tit gâs !
Lorsque la mer était mauvaise
Il chantait, le cœur plus à l’aise,
Gîté, malgré vents et frimas,
Dans un abri de la falaise :
Pauv’ ’tit gâs !
Dédaignant faucille et charrue,
De bonne heure il fut la recrue
D’un capitaine Terneuvas
Et s’en fut pêcher la morue !
Pauv’ ’tit gâs !
Or, un soir, la vague en furie
Fait au vieux brick une avarie
Suffisant à le couler bas…
L’eau monte dans la « batterie » :
Pauv’ ’tit gâs !
Et l’enfant s’offre en volontaire
Pour porter un filin à terre…
Mais la côte est ben loin, hélas !
Le « va et vient » va-t-il se faire ?
Pauv’ ’tit gâs !
… Malgré les brisants et l’orage
Atteignit la côte à la nage
Et mourut, tant il était las…
Mais il sauva tout l’Équipage !…
Pauv’ ’tit gâs !
Plus que tous nos Héros célèbres
Il fut pleuré, dans les ténèbres
Par les Marins disant tout bas
En guise d’oraisons funèbres :
« Pauv’ ’tit gâs !
« Pauv’ ’tit gâs !