Chansons populaires de la Basse-Bretagne/La servante du recteur
Le premier métier que je fis,
Fut de porter du papier timbré ;
Fut de porter les lettres,
A Morlaix, par les rues.
Et le second métier que je fis,
Fut de balayer là où ce n’était pas propre ;
De balayer sur le pavé la boue,
Et c’est là l’état d’un Normand.
Je trouvais des deniers, des liards ;
Un habit neuf j’avais eu,
Un habit neuf violet,
Comme en portent les jeunes gens.
Chercher de l’eau, je le faisais aussi,
Il faut bien gagner sa vie.
Près de la fontaine quand j’arrivai,
Une jeune fille, là, je vis.
— Jeune fille, dites-moi.
Si vous seriez contente de vous marier ?
— Sauf votre grâce, dit-elle, je ne le suis pas ;
Je suis servante chez un prêtre.
Je lui avais donné à croire
Que j’étais capitaine, à bord des navires ;
Que j’étais capitaine, à bord des navires,
Moi qui jamais n’en avais vu un.
Le temps de se confesser est arrivé,
Trouver le recteur je suis allé.
— Monsieur le recteur, dites-moi
S’il est bon d’aimer les filles ?
— Il est pas mal bon d’aimer[1] les filles,
Pourvu qu’elles ne soient pas mineures.
Moi, j’en ai élevé une toute petiote,
J’ai bien peur qu’elle ne soit attrapée.
J’ai bien peur qu’elle ne soit attrapée,
Dans le piège de quelque Normand,
Ou dans la chaîne de l’amour,
Faute de lui donner liberté...
— Oh ! quelle fortune j’ai faite !
En ayant une fille de cinq mille écus !
En ayant une fille de cinq mille écus,
Moi qui n’avais pas cinq sous.
le 20 septembre 1888.
- ↑ Var. :
de débaucher.