Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Le testament de la chèvre
La petite chèvre disait, quand on l’eut lâchée dehors,
Que, si on l’en empêchait, elle n’irait pas voler.
Or survint avec elle le fripon Pirion,
Qui la traîna hors du champ, en la tirant par les cornes.
La petite chèvre disait, quand elle approchait du banc :
— Donnez-moi un peu de temps, que je fasse mon testament :
Mon lait, je le lègue à l’enfant de Coat-an-Noan,
A qui la mort a pris sa mère, et qui est encore petit (en bas âge)
Ma langue, je la lègue à Jeannette Le Bon,
Pour qu’elle ait du cœur à vous chanter ma chanson.
Ma grande corne, je la lègue au petit boiteux Le Quéré,
Afin qu’il ait une sébile pour boire de l’hydromel ;
L’autre, à Gabriel Lapous, qui a une femme aimante,
Laquelle sait accueillir tout le monde, et ne fait refus à personne.
Mon poil, je le lègue au grand François Le Gall,
Pour en faire une perruque, afin que sa tête ne soit plus à nu.
Ma tête, je la lègue au recteur de Ploumilliau,
Pour en faire une boule à jouer aux quilles ;
Ma ruse, je la lègue à Isidore Le Guyon,
Pour sauter par-dessus les murs, en allant trouver
la nièce du recteur.
Mes boyaux, je les lègue aux filles de Trézéni,
Pour en faire des cordes à mettre à leurs rouets ;
Mon cœur, je le lègue au vicaire du Minihi,
Afin qu’il ait un cœur tendre, (lui qui) maintenant en a un dur.
Mes deux jambes, je les lègue à Yves Gouriou,
Pour en faire des bâtons à mettre à ses claies.
Ma peau, je la lègue à Annette Tili,
Pour en faire un manteau, elle qui n’en a jamais eu ;
Ma queue, je la lègue à Groutic, le buveur de vin,
Qui a usé la sienne avec Françoise Attrape-son-genou.
Mon cul, je le lègue à Margot du Bout-du-Pont,
Qui a éreinté le sien avec monsieur le vicomte.