Chansons populaires de la Basse-Bretagne/Les gars de Lorient
De mon escabeau, au seuil de ma porte,
Je vois ma douce sur la mer ;
Je vois ma douce je vois mon envie,
Je vois (celle qui fait) toute ma satisfaction !...
Les matelots de Lorient
Sont des gars fièrement friands ;
Mais ils n’ont pas beaucoup d’honneur
A voler des filles du seuil de leur porte.
Ils ont volé ma douce jolie,
Pour l’emporter dans leur navire !
Ma jeune douce pleurait,
Ne trouvait personne qui la consolât,
Ne trouvait personne qui la consolât ;
Si ce n’est le capitaine, qui le faisait.
— Taisez-vous, fillette, ne pleurez pas !
Votre vie du moins vous ne perdrez pas ;
Votre vie du moins vous ne perdrez pas,
Votre honneur peut-être, je ne dis pas ;
A la même table nous souperons,
Dans le même lit nous coucherons. »
La jeune fille alors dit
Au capitaine, quand elle l’entendit :
— « J’aime mieux cent fois mourir.
Et au milieu de la mer me précipiter ;
Et me précipiter au milieu de la mer,
Plutôt que de perdre mon honneur !
Plutôt que de perdre mon honneur,
Lequel est assurément le meilleur des trésors !
Car l’honneur, quand il est perdu,
On a beau le chercher, on ne le trouve pas ;
Non, on ne le trouve pas, au marché,
A acheter, sac par sac !
On a beau le chercher, on ne le trouve pas
A acheter, en aucun lieu au monde. »
Le capitaine disait
A ses matelots, ce jour-là :
— « Emmenez cette fillette à la maison,
Car je ne suis pas un pirate ;
Un pirate jamais je n’ai été,
Et ne le serai jamais, je pense ! »
à Morlaix, le 15 février 1879.