Chansons populaires du Canada, 1880/p274

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Texte établi par Robert Morgan,  (p. 274-278).


françois marcotte


On a vu, dans les couplets qui précèdent, une mordante satire contre les petits moyens mis en jeu par un homme préoccupé de faire sa fortune rapidement. Voici une autre satire, non moins mordante, dont les garçons qui se vantent de faire tourner la tête à toutes les filles pourront tirer leur profit.

Cette chanson est tout à fait dans le génie canadien. François Marcotte, qui :

 
 … s’en va promptement
Atteler sa jument
Chez son oncle Paul Abelle,


est bien un vrai type de faraud campagnard.

C’est une coutume commune aux poètes rustiques de la France et du Canada de se consacrer à eux-mêmes le dernier ou les derniers couplets de leurs chansons. Presque toutes nos chansons d’élections, de même que les complaintes composées à l’occasion d’un malheur arrivé à une famille ou à une paroisse, finissent par le couplet sacramentel :

Qu’en a composé la chanson, etc.
Qui a composé cette complainte, etc.

On doit d’autant plus volontiers pardonner cette petite faiblesse aux poètes populaires que l’on est accoutumé à voir des poètes d’un ordre plus élevé parler d’eux-mêmes, se décrire, se vanter, se biographier d’un bout à l’autre de leurs œuvres.

L’air de cette chanson n’a rien d’original et n’est pas canadien. C’est, je crois, une ancienne mélodie anglaise.





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 }
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  C’est Fran- çois Mar- cott’ Qui s’ha- bil- le ben 
  prop’ Pour al- ler en pro- me- na- de_; C’est 
  à Des- cham- bault, Chez mon- sieur Bou- drault_: C’est un’
  fil- le qu’il lui faut. —_Bon- jour 
  ma- dam’ Bou- drault, En fai- sant le fa- raud, Fai-
  sant des po- li- tes- ses,_— Des ci- vi- li- 
  tés À la com- pa- gné’_! Mar- cott’ fit un’ belle en-
  trée_!
}

 
C’est François Marcotte
Qui s’habille ben propre
Pour aller en promenade ;
C’est à Deschambault,
Chez monsieur Boudrault :
C’est une fille qu’il lui faut.
— Bonjour madam’ Boudrault,
En faisant le faraud,
Faisant des politesses, —
Des civilités
À la compagnée !
Marcotte fit un’ belle entrée !

Quand il fut entré,
Il s’agit de parler
Des affair’ s de conséquence :
De sa bien aimée
Il s’est approché :
C’était pour la demander.
— Je suis bien pressé,
Je veux me marier,
Je crains de vous surprendre ;
Vous excuserez
La brutalité
D’ l’abord de mon arrivée.

— Vous êt’ s tout excusé,
Vous pouvez continuer ;
Revenez plusieurs voyages :
Pour vous marier,
Il faut espérer (attendre)
Que mon pèr’ soit arrivé.
Marcotte s’est retiré,
Pensant bien qu’il l’aurait
Dans un second voyage ;
Ne s’imaginant pas
Qu’en faisant tout cela,
Ell’ voulait le planter là.

 
L’automne est revenu,
Boudrault ne revient plus,
Marcotte est d’un bord et d’ l’autre
C’est pour s’informer,
De tous les côtés,
Si Boudrault est arrivé.
S’en va à Deschambault,
Rencontr’ monsieur Boudrault
Et fait sa connaissance :
— Veuillez bien m’excuser,
C’est pour vous demander
Votre fille à marier.

— Parlez-moi, mon ami,
Tout vous est permis :
Vous avez tant d’avantages !
Vous avez de l’esprit,
Sans compter l’industrie :
Vous êt’ s homme de génie.
Puis on m’a raconté
Que vous vous vantiez
Que vous auriez bien ma fille ;
Pour vous récompenser,
Nous allons vous donner
Une pell’ bien amanchée.

Revenons à Marcotte.
Il a pris sa capote ;
Il a l’air tout imbécile :
Son casque rabattu,
Il a l’air tout bourru :
Marcott’ ne se r’ connait plus.
Il s’en va promptement
Atteler sa jument
Chez son oncle Paul Abelle,
En disant : Sapre gai !
Je suis effarouché
De la pell’ qu’ils m’ont donnée !

 
L’auteur de la chanson,
C’est un grand garçon
Revenant d’un long voyage ;
Étant arrêté
Se fair’ faire à dîner
Chez des gens qu’il connaissait :
Étant après dîner,
Il entend raconter
L’aventur’ de Marcotte ;
J’ vous dis en vérité,
Qu’il aurait mérité
Un’ chanson mieux composée.

Je vais vous le nommer :
C’est Hyacinth’ Denis,
Qui n’a plus d’avantages.
Il est exposé
Au même danger
Quand il va se promener.
Un jour passant par là,
Pensant à tout cela,
Je chantais, en moi-même :
« Arriv’ ra que pourra !
La pell’ nous servira
Pour enterrer l’ mardi gras. »