I
Le cuir rongé de vermine,
Les seins taris de famine,
Les yeux creux comme une mine,
C’est la Cité, la Cité !
La Cité rouge et malsaine,
Qui reçoit le peuple, obscène,
Comme un égout dans la Seine.
C’est la Cité, la Cité !
II
La Cité n’a qu’une chambre,
Fournaise jusqu’à septembre
Et glacière dès novembre.
L’air pur manque à la Cité.
Pour avoir chaud, l’on s’y saoule,
Pour avoir frais, l’on s’y roule
Sur le pavé qui s’écroule.
L’air pur manque à la Cité.
III
Au matin, l’homme travaille
À gagner, vaille que vaille,
De quoi dormir sur la paille :
C’est le lit de la Cité.
Un seul lit pour la famille,
Père, mère, fils et fille,
L’inceste croît et fourmille :
C’est le lit de la Cité.
IV
À dix ans, le gamin trime ;
À quinze ans, c’est pour la frime ;
À vingt ans, c’est pour le crime.
Le sang coule en la Cité.
La Cité c’est la matrice,
À peine génératrice
Qu’elle est déjà corruptrice.
Le sang coule en la Cité.
V
Veuve alors, bête de somme,
La Cité prend un autre homme,
Puis un autre qu’elle assomme.
Un de moins pour la Cité !
Mais la Cité se console ;
Monseigneur le Monopole
Entretient la nécropole
Du peuple : c’est la Cité !
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