Chansons rouges/La Cité rouge

La bibliothèque libre.
Maurice Boukay (
Ernest Flammarion, éditeur (p. 41-47).


LA CITÉ ROUGE


À Alexandre Millerand.
Un ouvrier chante :

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r4 r8 r4 a8^\( | a4 a8 a a a\)
b4. b8 r b | b4^\( b8 b b b
cis4.\) cis8 r cis^\( |fis,4 fis8 fis gis a\)
b4. b8 r b | cis^> b^\markup { \italic Rit. } b cis4^\markup { \italic Rit. } b8
<b d>4. r4 d8^\( | cis cis cis4 b8 e,
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% {page suivante}
d4. cis8\) r cis^\( | b4 b8 b a gis
b4. b8\) r e,^\( gis a b cis4^\markup { \italic Rit. } b8 a4. r4 r8 \bar "||"
}
\addlyrics {
Le cuir ron- gé de ver- mi- ne,
Les seins ta- ris de fa- mi- ne,
Les yeux creux comme u- ne mi- ne,
C’est la ci- té, la ci- té,
La ci- té rouge et mal- sai- ne,
Qui re- çoit le peuple, ob-
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scè- ne,
Comme un é- gout dans la Sei- ne.
C’est la ci- té, la ci- "té !"
}
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I

Le cuir rongé de vermine,
Les seins taris de famine,
Les yeux creux comme une mine,
C’est la Cité, la Cité !
La Cité rouge et malsaine,
Qui reçoit le peuple, obscène,
Comme un égout dans la Seine.
C’est la Cité, la Cité !

II

La Cité n’a qu’une chambre,
Fournaise jusqu’à septembre
Et glacière dès novembre.
L’air pur manque à la Cité.

Pour avoir chaud, l’on s’y saoule,
Pour avoir frais, l’on s’y roule
Sur le pavé qui s’écroule.
L’air pur manque à la Cité.

III

Au matin, l’homme travaille
À gagner, vaille que vaille,
De quoi dormir sur la paille :
C’est le lit de la Cité.
Un seul lit pour la famille,
Père, mère, fils et fille,
L’inceste croît et fourmille :
C’est le lit de la Cité.

IV

À dix ans, le gamin trime ;
À quinze ans, c’est pour la frime ;
À vingt ans, c’est pour le crime.
Le sang coule en la Cité.
La Cité c’est la matrice,
À peine génératrice
Qu’elle est déjà corruptrice.
Le sang coule en la Cité.


V

Veuve alors, bête de somme,
La Cité prend un autre homme,
Puis un autre qu’elle assomme.
Un de moins pour la Cité !
Mais la Cité se console ;
Monseigneur le Monopole
Entretient la nécropole
Du peuple : c’est la Cité !