I
Le peuple dit : « J’exige du plaisir !
Pillons, volons ! guerre à la bourgeoisie !
Je veux manger, boire à ma fantaisie.
C’est le seul Bien : Contenter mon désir ! » —
« Vous avez droit, seigneur peuple, à bien vivre. »
Pillez ! volez ! Faites de bons repas !
Voici du luxe et de l’or à la livre ;
Voici le bien. Pillez ! N’en laissez pas ! »
II
Le peuple dit : « Je veux l’art non banal ;
Brisons le cadre et la photographie !
Fi de l’image où l’art se falsifie !
Je suis le maître et veux l’original ! » —
« Vous avez droit, seigneur, à l’art suprême :
N’est-ce pas vous que Callot dessina ?
Prendre un Callot, c’est vous rendre à vous-même.
Voici le beau. Prenez, fils de Nana ! »
III
Le peuple dit : « Je vais donc m’affranchir
Du joug trompeur d’un dieu, folle chimère.
Moi, fils de Dieu ! Quelle blague, ma mère !
Dieu n’est qu’un nom qu’il faudrait rafraîchir. » —
« Vous avez droit, seigneur, au nom d’athée.
Soyez savant ! C’est là l’essentiel ;
Vous êtes Dieu ! Vous êtes Prométhée.
Voici le vrai ! Captez le feu du ciel ! »
IV
Le peuple dit : « J’aurai donc tous les droits
Le vrai, le beau, la richesse opportune,
Tout m’appartient. N’ai-je, dans ma fortune,
Rien oublié pour être roi des rois ? » —
« Vous avez droit sur tout, seigneur, mon maître.
Vous n’avez rien omis dans votre avoir,
Rien, presque rien, un petit mot peut-être,
Un petit mot de rien : Votre Devoir ! »