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Chansons rouges/Le Mot passé

La bibliothèque libre.
Maurice Boukay (
Ernest Flammarion, éditeur (p. 129-135).


LE MOT PASSÉ


À Raymond Poincaré.
Un bourgeois chante :

<<
  \relative c'' {
  \override Rest #'style = #'classical
  \set fontSize = #-1
  \key bes \major
  \time 2/4
  \tempo "Moderato."
  \set Score.tempoHideNote = ##t
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  \autoBeamOff
  \set Staff.midiInstrument = #"piccolo"
\compressEmptyMeasures
R2*3 \bar "||" 
r8 g g g | g4. g8 \break
g g fis g | a a a a | fis4. a8 \break
fis a fis a | a8. a16 
  << { \tuplet 3/2 { fis8 fis fis } g4. }
  \\
     { \tuplet 3/2 { d8 d d } d4. }
  >>
  fis8 \break
g a a a  | fis8. fis16 \tuplet 3/2 { d8 d d } | g4. fis8 \break
g a bes a
  \time 6/8
  \key g \major
  a4. b8 b b \break
b4.~ b8 d-- d-- | b4. a4 g8 \break
% {page suivante}
b4 b8 r16 a a8 r16 a | a4. r4 a8
a4 a8 g4 fis8 | g4. b8 b b 
b4. d4 d8 | b4. a4 g8 | c4 c8 d, d fis
a4. r4 c8 | c4 b8 b4 a8
  \key bes \major
  g4. r4 r8 \bar "|."
}
  \new Lyrics {
    \lyricmode {
\compressEmptyMeasures
_2*3 _8 Le8 peu -- ple "dit :"4. "« J’e"8 -- xi -- ge du plai -- "sir ;"
Pil -- lons, vo -- "lons !"4. guerre8 à la bour -- geoi -- si8. -- e.16
\tuplet 3/2 {Je8 veux man} ger,4. boire8 à ma fan -- tai -- si8. -- e.16
\tuplet 3/2 {C’est8 le seul} bien,4. con8 -- ten -- ter mon dé -- "sir ! »"4. 
Vous8 a -- vez droit,2 sei8 -- gneur peuple,4. à4 bien8 vi4 -- vre.8
_16 Pil -- lez,8 _16 vo -- lez,4. _4 fai8 -- tes4 de8 bons4 re8 -- "pas !"4.
Voi8 -- ci du luxe4. et4 de8 l’or4. à4 la8 li4 -- vre.8
Voi -- ci le bien.4. _4 Pre8 -- nez,4 n’en8 lais4 -- sez8 "pas !"4.
}
}

>>
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    \Score
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  }
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I

Le peuple dit : « J’exige du plaisir !
Pillons, volons ! guerre à la bourgeoisie !
Je veux manger, boire à ma fantaisie.
C’est le seul Bien : Contenter mon désir ! » —
« Vous avez droit, seigneur peuple, à bien vivre. »
Pillez ! volez ! Faites de bons repas !
Voici du luxe et de l’or à la livre ;
Voici le bien. Pillez ! N’en laissez pas ! »


II

Le peuple dit : « Je veux l’art non banal ;
Brisons le cadre et la photographie !
Fi de l’image où l’art se falsifie !
Je suis le maître et veux l’original ! » —
« Vous avez droit, seigneur, à l’art suprême :
N’est-ce pas vous que Callot dessina ?
Prendre un Callot, c’est vous rendre à vous-même.
Voici le beau. Prenez, fils de Nana ! »

III

Le peuple dit : « Je vais donc m’affranchir
Du joug trompeur d’un dieu, folle chimère.
Moi, fils de Dieu ! Quelle blague, ma mère !
Dieu n’est qu’un nom qu’il faudrait rafraîchir. » —
« Vous avez droit, seigneur, au nom d’athée.
Soyez savant ! C’est là l’essentiel ;
Vous êtes Dieu ! Vous êtes Prométhée.
Voici le vrai ! Captez le feu du ciel ! »

IV

Le peuple dit : « J’aurai donc tous les droits
Le vrai, le beau, la richesse opportune,

Tout m’appartient. N’ai-je, dans ma fortune,
Rien oublié pour être roi des rois ? » —
« Vous avez droit sur tout, seigneur, mon maître.
Vous n’avez rien omis dans votre avoir,
Rien, presque rien, un petit mot peut-être,
Un petit mot de rien : Votre Devoir ! »