Chants populaires de la Basse-Bretagne/Le Capitaine Rozanfaou

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LE CAPITAINE ROZANFAOU
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I

  Le capitaine Rozanfaou disait,
Sur le pont de planches, à Corlai :
— La nuit est sombre et la pluie tombe,
Personne ne voudrait aller courir les filles ;

  Les hommes sont en sentinelle,
Et les jeunes filles sont dans leurs lits ;
Nous choisirons à la chandelle,
Pour moi, j’aurai Mathurine Rochelan.

  Mathurine Rochelan est jolie,
Mon désir est de la débaucher.
Le capitaine Rozanfaou disait,
En arrivant dans la maison du vieux Rochelan :

  — Bonjour et joie à tous dans cette maison !
Votre fille Mathurine où est-elle ?
— Elle est allée apprendre le Français,
Trois lieues au-delà de Saint-Brieuc.

  — Si Mathurine est où vous dites,
La petite servante, où est-elle allée ?
La petite servante, du coin du feu,
A répondu aussitôt :

  — Mathurine est dans la plus haute chambre,
À fabriquer des boulets, pour tirer ;
À fabriquer des boulets ramés,
Prenez garde à votre vie, si vous voulez.

  Quand le capitaine Rozanfaou entendit (cela),
Il monta l’escalier tournant :
— Ouvrez votre porte, Mathurine,
Afin que j’aille deviser avec vous.

  — Vous ne viendrez pas deviser avec moi,
Ni vous, ni aucun autre capitaine soldat.
Le capitaine Rozanfaou disait
À ses soldats, là, en ce moment :

— Si elle ne nous ouvre pas la porte,
Jetons un feu d’artifice pour la brûler.
Quand Mathurine entendit (cela),
Elle descendit l’escalier :

Elle descendit l’escalier,
Et dit au capitaine :
— Capitaine Rozanfaou vous n’avez pas bien fait
En mettant le feu à la maison de mon père.

— Taisez-vous, Mathurine, ne pleurez pas,
Une maison neuve vous sera élevée ;
Je vous ferai élever (bâtir) une maison neuve,
Avec le beau bois de Coatanhaie,

Je vous élèverai une maison toute neuve,
Avec de beau bois de la forêt d’Espagne ?…
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II

Mathurine Rochelan disait
Au capitaine Rozanfaou, un jour :
— Capitaine Rozanfaou, si vous m’aimez,
À combien d’entre vous serai-je obligée ?

— À moi-même, à mon valet de chambre,
À mes soldats, quand ils le voudront ;
À mes soldats, quand ils le voudront,
Il y en a cent dix-huit.

— Capitaine Rozanfaou, si vous m’aimez,
Prêtez-moi votre mousquet ;
Prêtez-moi votre mousquet,
Pour tirer sur les paysans.

Quand elle tint le mousquet,
Elle le déchargea au milieu de son cœur :
— Capitaine Rozanfaou, je savais bien
Que j’aurais tiré vengeance de la mort de mon père !

III

Le vieux Rochelan disait
À sa fille, quand elle arriva à la maison :
— Ma fille Mathurine, si vous m’aimez,
Vous n’irez pas à l’aire neuve ;

Votre frère de Koadinizan sera là,
Il vous en voudra et vous tuera.
— Le trouve bon ou mauvais qui voudra,
À l’aire neuve j’irai ;

Si le sonneur sonne, je danserai,
Avec les plus beaux gentilshommes qui seront là ;
Avec les plus beaux gentilshommes qui seront là ;
S’il ne sonne pas je chanterai.

Quand elle arriva à l’aire-neuve,
Elle rencontra son frère Koadinizan ;
Elle rencontra son frère Koadinizan,
Qui l’avait vendue aux soldats.

Et elle s’écarta de lui
Et le tua d’un coup de mousquet.
Elle sait tirer du mousquet,
Et jouer de l’épée comme elle veut….

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Chanté par Marguerite Philippe