Chants populaires de la Basse-Bretagne/Le Jeune Comte

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LE JEUNE COMTE[1]
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I

Je vois venir un jeune comte,
Ayant aux pieds des chaussures de…[2]

Ayant aux pieds des chaussures de…
Et à son manteau six rangs de passementerie ;

À son manteau six rangs de passementerie,
Trois sont d’or, et trois d’argent.

Le jeune comte souhaitait le bonjour,
En descendant sur le pavé de Linan[3] :

— Bonjour et joie à tous dans cette ville,
La grande prison où est-elle ?
  
La grande prison où est-elle,
Afin que le jeune comte y aille ?

La geôlière répondit,
Au jeune comte, quand elle l’entendit :

— Vous n’avez pas besoin de plaisanter,
Je trouverai prison pour vous mettre ;

Je vous mettrai dans la basse-fosse,
Où vous ne verrez ni jour ni nuit.

— Si je vais dans la basse-fosse,
Il faudra que j’aie un lit-clos ;

Il faudra que j’aie un lit-clos,
Et une jolie fille, pour la nuit.

La geôlière répondit
Au jeune comte, quand elle entendit :

— Je vous chercherai une fille des champs,
Qui vous sautera facilement au cou ;


Qui vous sautera juste au cou,
Et dont le nom est la fille du chanvre !

— Moi, je ne serai pas pendu avec des cordes,
J’ai de l’argent et j’achèterai de la soie blanche ;

J’ai de l’argent et j’achèterai de la soie blanche,
Dût-il m’en coûter cinq écus l’aune ;

À cause de ma sœur aînée,
Qui est grande dame dans cette ville ;

Qui est grande dame dans cette ville.
Cela lui briserait le cœur.

II

Le jeune comte disait,
En se promenant sur la potence :

— Pères et mères, je vous en prie,
Corrigez vos enfants ;

Corrigez vos enfants,
Car moi je ne l’ai pas été, pour mon malheur !

Ce n’est pas pour un vol
Que je fais le déshonneur des miens et de moi-même :

C’est à cause d’une jeune fille de dix-huit ans,
Qui venait chercher du bois dans ma forêt :

Je disposai d’elle à ma volonté,
Puis, je lui plantai mon épée dans la tête ;

Je lui plantai mon épée dans la tête,
Puis je l’enterrai sous le gazon !….

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Chanté par Marguerite Philippe.







  1. Je ne connais pas le mot « ar c’homblad », que m’a donné ma chanteuse ; je le soupçonne d’être quelque altération de « komt » — comte, et je traduis ainsi.
  2. Je ne sais comment traduire l’expression bretonne « bontou lignant, » s’agirait-il de sabots, et « lignant » viendrait-il du mot latin « lignum, » bois ? —
  3. Peut-être Dinan, — car je ne connais pas de ville ni de bourg en Bretagne qui s’appelle Linan.