Chants populaires de la Basse-Bretagne/Le comte Guillou (Appendice)

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LE COMTE GUILLOU
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I

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Avec lui sont quatre cents cavaliers de concert,
Venant épouser la petite comtesse de Œto (Poitou ?) (bis)

Quand le seigneur comte venait avec son armée,
Il entend une bergère chantant dans la montagne, (bis)

Et la bergère disait si gentiment par sa chanson :
— Le comte Guillou arrive, il arrive dans le pays ! (bis)

La petite comtesse de Œto (Poitou) a eu un fils,
Et elle n’a pas dit qui en est le père, (bis)

Le seigneur comte Guillou, sitôt qu’il a entendu,
Est allé promptement trouver la bergère : (bis)

— Allons donc, bergère, chantez votre chanson,
Celle que vous chantiez tout-à-l’heure à tue-téte. (bis)

— Sauf votre respect, dit-elle, sauf votre respect, je ne le ferai pas,
Par le comte de Œto (Poitou ?) j’en serais punie, (bis)

— Chantez votre chanson, chantez-la, vite,
Ou je vous ferai mourir là sur-le-champ. (bis)

— La petite comtesse de Œto (Poitou) a eu un fils,
Et elle n’a pas dit qui en est le père, (bis)

— Tenez, bergère, voilà cent écus
Pour votre chanson écrite sur le papier, (bis)

II

La vieille disait, dans la chambre de sa fille ainée :
— Seigneur Dieu, ma fille, que faire ici ? (bis)

Ô Dieu, dit-elle, ma fille, que faire,
Le comte vient, il faudra paraître (devant lui), (bis)

— Tenez, ma mère, dit-elle, prenez mes clefs,
Et allez à mon cabinet chercher mes parures ; (bis)

Et apportez-moi ma robe écarlate,
Afin de la revêtir à ma sœur, qui me ressemble ; (bis)


  Et apportez-moi ma plus belle ceinture,
Afin que je sois légère et mince pour paraître devant lui. (bis)

III

  Quand il entra dans la salle, elle le salua :
— Salut à vous, dit-elle, monseigneur le comte mon époux, (bis)

  Salut à vous, dit-elle, monseigneur le comte mon époux,
Voici sept ans passés que je ne vous avais vu. (bis)

  — Et à vous pareillement, dit-il, demoiselle effrontée,
Vous n’êtes pas celle qui m’était fiancée. (bis)

  Vous n’êtes pas celle que j’avais choisie pour épouse,
C’est la fille aînée d’ici que je veux voir, (bis)

  — Je crois, dit-elle, que vous êtes troublé par le vin,
Je suis la fille aînée qui vous est fiancée, (bis)

  — Retire-toi, vite, de devant mes yeux,
Ou je vais tremper mon épée dans ton sang ! (bis)

IV

  La vieille disait, dans la chambre de sa fille aînée :
— Dieu ! dit-elle, ma fille, que ferons-nous, à présent ? (bis)

  Dieu ! dit-elle, ma fille, il faudra paraître devant lui. (bis)
Votre sœur est dans la salle, il menace de la tuer ! (bis)

  — Tenez, ma mère, dit-elle, prenez mes clefs,
Et allez me chercher mon habit noir de deuil ; (bis)

  Et allez me chercher mon habit noir de deuil,
Il sera bon assez pour aller à la mort ! (bis)

  Quand elle entra dans la salle, elle l’a salué :
— Salut à vous, dit-elle, seigneur comte mon époux ; (bis)

  Salut à vous, dit-elle, seigneur comte mon époux,
Voici sept ans passés que je ne vous avais vu. (bis)

  — À vous pareillement, dit-il, princesse, comment vous portez-vous ?
Vous êtes bien timide, puisque vous n’approchez pas. (bis)

  Je vous trouve bien changée depuis que je ne vous ai vue,
Votre joue est bien bleue, et le coin de votre front est rouillé ; (bis)


Votre joue est bien bleue, et le coin de votre front est rouillé ;
Où est le fils que vous avez mis au monde ? (bis)

— Je demande à fondre, comme du beurre roussi,
Si jamais j’ai donné le jour à fille ou à fils. (bis)

— Princesse, avouez-moi la vérité,
Et vous n’aurez pas de mal, à cause des vôtres. (bis)

— Je demande à fondre (ici), comme beurre sur le plat,
Si jamais j’ai donné le jour à fille ou fils, (bis)

Alors, il mit la main sur sa poitrine,
(Si rudement), que le lait en jaillit sur sa robe de satin, (bis)

— Allons mes sonneurs (musiciens), sonnez une gavotte,
Afin que ma princesse et moi nous allions sur la place, (bis)

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Si vous aviez voulu, princesse, ne pas me tromper,
Je vous aurais épousée, (vous) la plus belle fille de ce pays, (bis)

Ce n’est pas de moi que vous deviez vous moquer,
Je ne suis ni un voleur, ni un coquin ! (bis)

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Allons ! mes sonneurs (musiciens), sonnez le deuil,
Le voilà encore veuf, le seigneur comte Guillou !


Recueilli par M. P. Chardin,
Au château de la Roche-Jagu,
commune de Ploezal (Côtes du Nord),
le 22 avril 1871.
Communiqué par M. Anatole De Barthélémy.[1]






  1. Cette pièce, où quelques personnes croient voir un d’Avangour, comte de Goëlo, revenant de la croisade, — et les deux versions qui suivent « le Géant Lesobré », et « le Géant Lizandré », m’ont été communiquées par M. Anatole de Barthélémy, qui s’intéresse vivement à tout ce qui peut éclairer les points obscurs ou controversés de notre histoire, et dont l’érudition est aussi étendue et consciencieuse qu’elle est appuyée sur une bonne méthode critique, dépouillée des chimères de l’imagination, ordinairement si dangereuses en histoire.