Chants populaires de la Basse-Bretagne/Marivonnic

La bibliothèque libre.

MARIVONNIC.
________


  Le premier jour du mois noir (novembre),
Descendirent les Anglais dans le Dourduff[1].

  Dans le Dourduff quand ils sont descendus,
Ils ont enlevé une jeune fille :

  Ils ont enlevé une jolie jeune fille,
Pour l’emmener sur leur bâtiment.

  Marivonnic est son nom,
Elle est native de Plougasnou.

  Marivonnic disait,
En passant devant la cour de son père :

  — Adieu, ma mère, adieu, mon père,
Jamais ne vous reverront mes yeux !

  Adieu, mon frère, adieu, ma sœur,
Jamais je ne vous reverrai sur la terre !

  Adieu, parents et amis,
Jamais je ne vous reverrai dans ce monde !…. —

  La petite Marie-Yvonne pleurait,
Et ne trouvait personne qui la consolât ;

  Et ne trouvait personne oui la consolât,
Si ce n’est le grand Anglais (le capitaine), celui-là le faisait :

  — Petite Marie-Yvonne, ne pleurez pas,
Pour ce qui est de votre vie, vous ne la perdrez pas :

  Pour ce qui est de votre vie, vous ne la perdrez pas,
Mais votre honneur, je ne dis pas ! —

  — Je préfère mon honneur
À tous les navires qui sont sur la mer.

  Seigneur Anglais, dites-moi,
Ne serai-je obligée qu’à vous ? —

  — À moi-même, à mon valet de chambre,
Et à mes matelots, quand ils voudront :

  À mes matelots, quand ils voudront,
Il y en a cent-et-un ! —

  — Seigneur Anglais, dites-moi,
Me laisserez-vous me promener sur le pont ? —


  — Oui, promenez-vous sur le pont du navire,
Mais prenez garde de vous noyer. —

  La petite Marie-Yvonne disait,
En se promenant sur le pont du navire :

  — Vierge Marie, dites-moi,
Me noierai-je ou ne le ferai-je ?

  A cause de vous, Vierge Marie,
Je ne veux pas vous offenser.

  Si je vais dans la mer, je serai noyée,
Et si je reste, je serai tuée ! —

  Elle a obéi à la Vierge
Et s’est jetée sur la tête dans la mer.

  Un petit poisson du fond de la mer
Porte Marivonnic à la surface de l’eau.

  Le seigneur Anglais disait
A ses matelots, en ce moment :

  — Matelots, matelots, dépêchez-vous,
Je vous donnerai cinq cents écus ! —

  Le seigneur Anglais disait
A Marivonnic, ce jour-là :

  — Petite Marivonne, vous avez eu tort,
Si vous aviez voulu, vous seriez ma femme ! —


Chanté par Jeanne Le Gall. — Keramborgne, 1849.



VARIANTE.


Une autre version donne ainsi la fin de cette chanson, dont l’air est charmant :

  Un petit poisson du fond de la mer
Amène Marivonne à la surface de l’eau.

  Un coup de vent s’est élevé
Qui l’a poussée au seuil de la cour de son père.

  — Père chéri, ouvrez votre porte,
C’est la petite Marivonne qui demande ouverture —

  — Est-il donc possible, mon Dieu,
Que la petite Marivonne soit là ? —

  Elle a fait trois fois le tour de la maison,
Puis elle est morte aussitôt !



  1. Le Dourduff (eau noire) est le nom d’une petite anse à l’embouchure de la rivière de Morlaix.