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Chefs-d’œuvre poétiques des dames françaises/Madem. de Saint-André

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MLLE DE SAINT-ANDRÉ.


Tout ce que nous savons de mademoiselle de Saint-André, c’est qu’outre l’Hiver de Versailles, qui est la seule des œuvres de cette muse dont nous ayons pu prendre connaissance, et que nous ne rapportons que pour ce motif, elle a fait une description en vers de la chapelle de Sceaux, peinte par Le Brun. Cet ouvrage paraît d’ailleurs avoir encore moins de mérite que celui-ci :


FRAGMENTS

DU POÈME INTITULÉ l’Hiver de Versailles.


La terre triste et languissante
De voir les plaisirs au cercueil,
Se couvroit d’un manteau de deuil,
Et la nature gémissante,
Sous la plus dure des saisons
Etouffoit en naissant tous les fruits qu’elle enfante,
Parmi la neige et les glaçons ;
Lorsque, pour adoucir la peine
Que cette saison inhumaine
Fait souffrir aux mortels dans ces mois ennuyeux,
J’allai voir ce palais que tout le monde admire,
Ce Versailles délicieux,
Où l’Amour, les Ris et les Jeux

Tiennent si souvent leur empire,
Et qui n’est, au temps des hivers,
Qu’une image des beaux déserts.

. . . . . . . . . . . . . .


Surprise de tant de beautés,
Mes sens se crurent enchantés.
Je trouvois incompréhensible
Que l’on pût en si peu de temps,
Dans un pays inaccessible,
Faire un ouvrage de cent ans.
J’admirois en passant cette grandeur royale,
Qui brille en ces superbes lieux,
Où la magnificence étale
Ce que l’Inde et le Nord ont de plus précieux :
Quand soudain je porte ma vue
Sur ce fameux canal, dont la vaste étendue
A Thétis ne doit point ses eaux ;
Qui n’a pour s’agrandir ni sources ni ruisseaux,
Et ne tient que de l’art le cristal de son onde.

. . . . . . . . . . . . . .


Sur ce fameux canal j’abandonnois ma vue.
Quand d’un mortel effroi mon ame fut émue :
Je vis, du fond des noirs déserts,
D’un pas lent et tremblant, et d’une affreuse mine,
Sous un manteau neigeux, aussi blanc que l’hermine,
Le plus rigoureux des hivers.
En passant il flétrit le bois qui l’environne ;
Partout où vont ses pas la nature frissonne ;
Les vents autour de lui, diversement épars.
D’un effroi menaçant précèdent ses regards.
Il approche de la fontaine
De la mère du Dieu du jour,

Et glace de sa froide haleine
Les herbes qui croissent autour.

. . . . . . . . . . . . . .


À ces mots on entend un son mélodieux ;
L’Amour et les Plaisirs, accourus en ces lieux,
Sont suivis des Beaux-Arts, et leurs divins génies,
Par de charmantes symphonies.
Célèbrent de Louis les exploits glorieux.
Plusieurs couvrent de fleurs un superbe trophée,
Où d’illustres captifs paroissent dans les fers ;
D’autres dansent au son de l’instrument qu’Orphée
Prit jadis pour fléchir le maître des Enfers.
D’une savante main, la divine Peinture,
À tracer ses vertus occupe son repos.
Pour laisser à jamais à la race future,
Entre les mains du Temps ces glorieux dépôts.
Elle dépeint le Rhin sur son flottant empire,
Epouvanté de voir que ses flots orgueilleux
Fléchissent sous les pas d’un Roi victorieux,
Que toute la nature admire.
Jadis ce fleuve audacieux,
Loin de céder à la frayeur commune,
Quand les tyrans de l’univers
Aux Germains apportoient des fers.
Arrêta sur ses bords César et sa fortune.

Mais déjà le père du jour,
Abandonnant ces lieux, s’était caché dans l’onde ;
Ou plutôt ce dieu plein d’amour
Echauffoit de ses feux l’autre moitié du monde.
Déjà de sa charmante sœur
Brilloit la clarté sans chaleur.
Au travers d’une foible nue,

Sans que ma vue
Pût quitter ces lieux enchantés,
Où mon ame étoit retenue
Par tant de charmantes beautés.