Chergé - Guide du voyageur à Poitiers et aux environs, 1872 - Appendice

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APPENDICE

Armoiries de la ville de Poitiers.
(V. page 44.)

Quelles sont les armoiries de la ville de Poitiers ?

Cette question, qui a donné lieu à un véritable tournoi archéologique dont les publications de la Société des Antiquaires de l’Ouest contiennent le récit et le résultat, exige d’autant plus, de notre part, un examen sérieux, que les deux premières éditions de notre Guide du voyageur à Poitiers contiennent sur ce grave sujet quelques erreurs.

Il est donc de notre devoir d’en faire aujourd’hui l’humble aveu, comme il est de notre droit de maintenir énergiquement ce qui nous paraît être encore la vérité.

Tel est le sujet de cette note, qui résumera, en les accentuant selon nos convictions personnelles, les conclusions prises par le consciencieux rapporteur du débat solennel soumis à la docte compagnie, après des recherches qui ne laissent plus rien à dire sur une question désormais épuisée. — (V. les deux remarquables rapports de M. Audinet, ancien Recteur, insérés dans les Bulletins du 2e et du 3e trimestre 1869 de la Société des Antiquaires de l’Ouest.)

C’est à tort que, affectant au corps de ville de Poitiers des armoiries distinctes de celles de la cité elle-même, nous avons attribué jadis à l’un les armoiries dont le meuble principal est un « lion rampant de gueules », à l’autre, les armoiries sur le champ desquelles se dessine une « ville d’argent ».

Ces deux emblèmes héraldiques doivent être regardés, désormais, comme constituant l’un et l’autre le « sceau commun », le sceau de la ville, avec cette différence seulement que le dernier, avant de cesser complétement d’être en usage, était employé comme « grand scel » (titre de 1332), pour certaines affaires graves, « ad ardua » (titre latin de 1335), épithète qu’un titre français de 1339 traduit ainsi littéralement : « le scel dont chacun de nous use en ardueux « négoce ».

La qualification qui attribue le caractère de sceau de la commune au grand comme au petit scel, ressort suffisamment, à notre sens, des deux citations suivantes :

Dans un titre du 14 septembre 1303, on lit, à propos du premier : « Sigillum communitatis nostræ ». Sur le sceau d’un titre du 1er octobre 1406, on lit, à propos du second : « Sigillum communie Pictavis » ; ceci est clair !

Quant à la forme du grand scel, appelé aussi « sceau de grande « chevalerie », les diverses empreintes qu’on en possède et qui ont permis de le reconstituer dans son ensemble lui assignent, au XIVe siècle, d’un côté une ville représentée par trois monuments ainsi posés, dans l’ordre héraldique — de dextre à senestre : — 1o l’église, avec son clocher surmonté de la croix ; 2o la tour crénelée ; 3o la maison commune ; emblèmes peut-être (et nous le croyons) des trois ordres de l’État : le clergé, la noblesse, la bourgeoisie.

L’inscription, fruste, était celle-ci : « † Sigillum civitatis Pictavis ».

Sur le contre-scel, le maire, la tête nue, en costume complètement civil, à cheval, tient en sa main droite une sorte de bâton. Devant ses yeux brille une étoile. Trois fleurs de lis sont posées sur le champ : l’une en avant, l’autre en arrière, la 3e sous le ventre du cheval.

La légende, fruste, était celle-ci : « † S. Majoris communie Pictavis ».

Au XVIe siècle, ce grand scel, avec les mêmes légendes que celui du XIVe, représente d’un côté une ville a trois tours crénelées avec toitures en poivrières, avec girouettes sur les deux tours de dextre et senestre, dirigées en sens inverse, et sans malice assurément, par pur amour de la symétrie.

Les trois fleurs de lis figurant au contre-scel du scel du XIVe siècle se retrouvent sur le sceau du XVIe rangées en fasse en chef, savoir : l’une, comme si elle était le couronnement de la tour médiane, et les deux autres de plus grandes dimensions, aux côtés de la première.

Sur le contre-scel, le maire est à cheval, en costume militaire du temps, l’épée à la main.

Voilà donc pour le sceau dit « à la ville ». Passons maintenant au sceau dit « au lion ».

De 1386 à 1427, ce sceau, appliqué sur des titres de cette époque, était celui-ci :

« De… au Lion rampant de…. à la bordure de…. chargée de neuf besans de…. au chef de France. »


Et disons tout de suite, pour n’y plus revenir, que nous ne saurions hésiter désormais à croire que ce « chef de France » remonte bien réellement à une origine autre et bien plus ancienne que celle que nous lui avions assignée jusqu’à ce jour.

Il se rattache, évidemment, à la possession de la comté de Poitou et de sa capitale par les fils de nos rois de France et par ces rois eux-mêmes.

A partir de 1444, ce sceau fut modifié, en ce sens seulement que la bordure de l’écu se continua parallèlement sous le chef, ce qui dut faire ajouter forcément aux neuf besans du scel de 1386 trois autres besans, et éleva leur nombre total de 9 à 12. Quelques gravures du XVIe siècle portent même 14 besans, au lieu de 12.

Enfin, dans la belle médaille frappée en 1786 à la monnaie royale, au compte de la ville de Poitiers, pour être offerte au charitable intendant du Poitou, Boula de Nanteuil, le graveur, prodigue en largesses héraldiques autant que l’éminent administrateur avait pu l’être dans ses actes de bienfaisance, sema sur la bordure de l’écusson poitevin, non plus 9 ni 12, ni 14, mais bien seize besans d’or.




Il eut, du moins, le mérite, dans cette œuvre d’art fort remarquable, de ne point ajouter à cette faute, qui sans doute ne fut pas de son fait, l’erreur commise assez fréquemment par certains fantaisistes qui coiffèrent d’une couronne la tête du Lion poitevin.

Cette couronne, après tout, eût été là mieux à sa place, héraldiquement parlant, que la couronne comtale imposée comme timbre aux armoiries officielles de la ville de Poitiers, à partir de la deuxième moitié du XVIIIe siècle, comme si cette ville eût été une Comté.

Et pourquoi ajouter à ces armoiries le surcroît parfaitement arbitraire de deux lions en supports ?

N’oublions pas, non plus, que, selon les temps, le chef de France vit ses fleurs de lis — sa seule signification « honorable », pour nous servir d’un terme technique — disparaître et lui laisser l’éloquente nudité de son simple champ d’azur.

Et mieux valait cent fois cette mutilation maladroite, que les sottes propositions des vaillants héraldistes du jour, offrant, selon l’heure et le vent politique, de remplacer par des tours, des abeilles ou des étoiles les signes proscrits !!

On en était un peu là, lorsque, sous une administration municipale intelligente, vint enfin la pensée de sortir de l’anarchie héraldique des derniers temps et de faire rechercher avec soin la composition authentique du vieux blason de la cité, afin de le fixer pour son emploi officiel.

Chargé de cet honorable mandat, et après en avoir conféré le plus consciencieusement qu’il fût possible avec nos plus compétents confrères, l’archiviste du département de la Vienne, le bibliothécaire de la ville de Poitiers, et l’un des dignitaires de la Société des Antiquaires de l’Ouest — mais en dehors de la savante compagnie, dont la responsabilité sur ce point ne devait dès lors être aucunement engagée — nous proposâmes d’adopter en

principe, et comme étant plus usuel, le « scel au lion », et de choisir « le type du sceau du XIVe siècle », ce qui fut fait.

Mais, quant au dessin même, il est nôtre, et nous en réclamons d’autant plus hautement la paternité que l’on a plus vivement critiqué ce fils de nos œuvres.

Au risque d’être accusé de plaider « pro domo », nous n’hésitons pas plus aujourd’hui qu’hier à engager la cité poitevine à s’en tenir là (comme elle l’a fait déjà, du reste, dans une circonstance solennelle, à propos de la belle médaille frappée en mémoire de la pose de la première pierre de son palais municipal), et voici nos raisons :

Pour les armoiries d’une ville au XIXe siècle, la couronne murale a sa signification caractéristique désormais connue des moins héraldistes, et acceptée de tous, et c’est à bon droit que ce timbre-là doit remplacer, aujourd’hui, la couronne comtale qui n’était — même au XVIIIe siècle — qu’une parfaite hérésie héraldique, que n’eussent jamais commise les spécialistes officiels de cette époque.

La ville de Poitiers n’ayant jamais été la Comté de Poitou et les couronnes — ès choses héraldiques— « étant bien réellement de leur nature, « incommunicables, comme la souveraineté dont elles sont l’emblème », une couronne comtale, pour timbre de son écu, ne saurait se justifier, héraldiquement parlant, ni par les souvenirs du passé historique de la province dont elle ne fut que la capitale, ni par l’emploi qui en a été fait jadis, sans raison et sans droit.

Les branches de chêne et de laurier qui soutiennent ces armoiries n’ont eu d’autre but, dans notre pensée, que de rappeler, avec les palmes qui figuraient sur les anciens scels, les gloires militaires et civiles de la cité, et elles n’ont rien qui puisse choquer le purisme héraldiste le plus scrupuleux.

Quant aux accessoires en arabesques qui se déroulent autour de l’écu — et qui seraient une sottise héraldique, s’ils avaient la prétention d’être des lambrequins — laissons-leur aussi leur véritable et innocente fonction de simples ornements destinés à répondre aux légitimes exigences d’un fleuron typographique.

Mais, à l’égard de l’écu lui-même, c’est toute autre chose, et c’est avec intention et après sérieuse et très-sérieuse réflexion que nous en avons proposé l’adoption, et que nous le maintenons comme plus convenable, et voici pourquoi :

A part sa forme en accolade — d’un usage général aujourd’hui — cet écusson reproduit les scels « au Lion » les plus anciens, ceux du XIVe siècle : il a donc en sa faveur son âge qui le rapproche d’autant plus de l’origine même à laquelle il a dû son existence. Or, on sait qu’en fait de blason, les pourtraictures primitives sont les plus exactes et les plus authentiques.

D’ailleurs, il nous paraît tout naturel de voir dans la manière dont le chef de France fut appliqué superposé en la partie de l’ancien écu poitevin qui constituait son propre chef, à l’époque la plus rapprochée de cette concession glorieusement honorable, une signification dont nous avons le droit, je dirais presque le devoir, de respecter la forme matérielle, pour ne pas nous exposer à en altérer le véritable caractère.

Disons donc en concluant :

Les armoiries de la ville de Poitiers sont : « d’argent au lion rampant de « gueules ; à la bordure de sable interrompue par le chef, chargée de neuf « besans d’or ; au chef d’azur chargé de trois fleurs de lys d’or, rangées en « fasce. »



Le nouvel Hôtel de Ville.
(V. page 61.)

La pièce suivante est une pièce historique à l’égard de la ville de Poitiers, et nous sommes heureux de la fixer dans ce livre, consacré surtout à l’histoire des monuments de la cité.

« Procès-verbal de la pose de la première pierre du nouvel hôtel de ville de Poitiers. »

(Cette pierre, placée à l’angle sud-ouest du bâtiment, était fort au-dessus des fondations, commencées depuis plusieurs mois.)

« Le dimanche trente et un octobre mil huit cent soixante-neuf, à deux heures de l’après-midi ;

« Son Excellence M. Bourbeau (Louis-Olivier), ministre de l’instruction publique, ancien maire de Poitiers, membre du Conseil municipal de ladite ville, officier de la Légion d’honneur, Député de la Vienne,

« A posé la première pierre de l’hôtel de ville de Poitiers, dont la construction a été commencée d’après les plans de M. Gaétan Guérinot, architecte.

Son Excellence était assistée de :

« MM. Reneufve (Olivier), préfet du département de la Vienne, chevalier de la Légion d’honneur ; Lepetit (Jacques-François-Alphonse), adjoint, remplissant les fonctions de maire ; Autellet (Charles-Maximin), adjoint, tous les deux membres du Conseil municipal et chevaliers de la Légion d’honneur, et des membres du Conseil municipal dont les noms suivent :

Messieurs Calmeil (Hyacinthe-Charles), chevalier de la Légion d’honneur ; Orillard (Louis-Arsène), chevalier de la Légion d’honneur ; Cesbron (Jean-Marie-Guillaume-Ernest) ; Bruant (François-René) ; Bréchard (Charles-Marcellin) ; Barbedette (Firmin) ; Chemineau (baron Jean-Jacques-Alfred), chevalier de la Légion d’honneur ; Petit-Vée (Antoine) ; Guignard (Pierre-Ernest) ; Pierre (Aimé-Jean) ; Bourdin-Garnier (Jean) ; Bizemont (Louis-Charles-Eugène Comte de), chevalier de l’Ordre de Saint-Grégoire-le-Grand ; Yincent-Molinière (Charles-André), chevalier de la Légion d’honneur ; Servant (Charles), chevalier de la Légion d’honneur ; Durand (Charles) ; Pontois (Alexandré-Charles-Auguste), chevalier de la Légion d’honneur ; Gaillard (Alexandre-Victor-Théodore) ; Ginot (Alexis-Fortuné) ; Vincent dit Lavigne (Louis) ; Maurice (Louis-Ovide).

« Les députés du département, MM. de Soubeyran et Robert de Beauchamp ; les autorités civiles, militaires, religieuses ; des fonctionnaires de tout ordre ; des membres de la magistrature, du barreau, du commerce, de l’industrie, ainsi qu’un grand nombre de notables habitants, invités par l’administration municipale, assistaient à la cérémonie.

« Fait double, à Poitiers, les jour, mois et an que dessus.

« Signé à la minute : O. Bourbeau, Reneufve, A. Lepetit, Autellet, A. Orillard, Bruant, Ch. Bréchard, baron Chemineau, Petit-Vée, Guignard, A. Jean-Pierre Chabrier, Comte de Bizemont, Vincent-Molinière, Ch. Servant, Ch. Durand, Pontois, Ginot, L. Vincent, Ov. Maurice, G. Guérinot.

« Pour copie certifiée conforme par nous, adjoint remplissant les fonctions de maire :

« Autellet. »

Nous reproduisons ici — et il sera bien à sa place — le dessin de la belle médaille frappée à l’occasion de cette cérémonie.

Nous l’avons fait graver, pour notre livre, d’après l’exemplaire que notre reconnaissance doit aux humbles services que nous avons été trop heureux de pouvoir rendre à notre ville natale, dans les modestes fonctions qui nous étaient confiées, il y a 34 ans, par l’administration des monuments historiques.

Le revers de cette médaille porte, au-dessous des armes de la ville de Poitiers (v. p. 44 et 393), l’inscription suivante :

sous le règne de napoléon iii
empereur des français
m. bourbeau ministre de l’instruction publique
ancien maire de poitiers
assisté de mm.
reneufve préfet du département de la vienne
lepetit et autellet adjoints
et des membres du conseil municipal
a posé la première pierre
de l'hotel de ville de poitiers
le 31 octobre 1869
g. guérinot architecte


Église de Saint-Hilaire-le-Grand.
(V. page 331.)

Au moment même où cet appendice de notre livre s’imprime (mai 1872), les travaux de restauration de l’église de Saint-Hilaire-le-Grand ont mis à nu la plaque de cuivre sur laquelle fut gravée l’inscription commémorative de la pose de la première pierre des travaux de la réparation de 1805.

Nous reproduisons exactement cette inscription, et nous sommes heureux de rappeler par elle la mémoire des hommes de bien qui eurent l’insigne honneur d’attacher leur nom à la première restauration de l’église Saint-Hilaire et de conserver à la génération actuelle un monument qui, sans leur pieux dévouement et leurs généreux sacrifices, n’existerait plus aujourd’hui.

Antisquisimi Monumenti Sacri
Convulsionibus RevoLutionis
Eversi Pars Conservata ;
Reparata Que Donis Plurium Civium
Præcipue d. d. d. d. vilbois ve d’auzances,
Delisle, Rouhet, Jahan De La Ronde,
Duval Dechassenon,
Curis d. d. d. Dechassenon, De Bleau,
De Vaucelle, Jousserand, Brissonnet,
Bonnefont Collinet, Henri, Galland,
Jahan, Bernard, Doret, Millon, Boismorand,
Ad Hæc Votis Parochialium Electorum ;
Faventibus D. D. Cochon Praefecto
Bourgeois Urbis Majore
Anno Dni 1805 Regni Napoleonis
Magni, Francorum Imperatoris Cultus
Catholici Restitutoris i° Sedem
Episcop Picatv. Occupante D. D. Depradt
Hanc Primam Lapidem Solemniter Posu-
Erunt D. D. D. De Bruneval, De Moussac,
Dargence, De Lafaire De Beauregard Diaec-
esis Vicarii Generales D Episcopo Absente
Presente, D. Guillemot Rectore Eccle-
siæ Sancti Hilarii..
Duce Meunier
Bourbon scpt.

Traduction de ce document :

« Cette partie d’un très-antique monument religieux, que la tourmente révolutionnaire avait renversé, a été conservée et réparée par les dons d’un grand nombre de citoyens, particulièrement de MM. de Vilbois, Vte d’Auzances, Delisle, Rouhet, Jahan de la Ronde, Duval de Chassenon :

« Et par les soins de MM. de Chassenon, de Bleau, de Vaucelle, Jousserand, Brissonnet, Bonnefont, Collinet, Henri, Galland, Jahan, Bernard, Doret, Millon, Boismorand, choisis dans ce but conformément aux vœux des paroissiens. Cette restauration a été favorisée par MM. Cochon, préfet, et Bourgeois, maire de la ville.

« L’an du Seigneur 1805, première année du règne de Napoléon le Grand, empereur des Français et restaurateur du culte catholique, le siège épiscopal de Poitiers étant occupé par Mgr de Pradt, cette première pierre a été posée solennellement, en l’absence de Mgr l’évêque, par MM. de Bruneval, de Moussac, d’Argence, de Lafaire de Beauregard, vicaires généraux ; en présence de M. Guillemot, curé de l’église de Saint-Hilaire.

« Meunier, chef des travaux.


« Gravé par BOURBON. »

Cette plaque, où nous avons respecté les fautes de ponctuation et de latin, qui sont assurément du fait seul du graveur, sera placée sur le pilier le plus proche de l’endroit où elle a été trouvée et où commencent les travaux de la nouvelle restauration.