Chronique de Guillaume de Nangis/Année 1307

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Règne de Philippe IV le Bel (1285-1314)

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[1307]


Vers la Pentecôte, le roi de France Philippe se rendit à Poitiers pour avoir une entrevue avec le pape. Il y fut, dit-on, délibéré et statué par lui et les cardinaux sur plusieurs affaires importantes, et notamment sur l’emprisonnement des Templiers, comme le fera voir l’événement qui suivit. Alors le pape manda expressément aux grands-maîtres de l’Hôpital et du Temple, qui étaient dans le pays d’outre-mer, de laisser tout pour venir à Poitiers, dans un espace de temps fixé comparaître en personne devant lui. Le grand-maître du Temple obéit sans délai à cet ordre ; mais le grand-maître de l’Hôpital, arrêté dans son chemin à Rhodes par les Sarrasins qui s’étaient emparés de cette île, ne put venir à l’époque fixée, et s’excusa légitimement par des envoyés. Enfin, au bout de quelques mois, ayant recouvré et reconquis cette île à main armée, il se hâta de se rendre auprès du pape à Poitiers. Bernard de Saint- Denis, fameux docteur en théologie, évêque d’Orléans, mourut, et eut pour successeur maître Raoul, doyen de l’église de ladite ville, et savant en droit. Louis, roi de Navarre, fils aîné du roi de France, ayant appris qu’un certain chevalier, nommé Fortune, à qui il avait confié la garde et le gouvernement de son royaume, s’efforçait par d’astucieux artifices de s’en emparer, et avait beaucoup de complices et adhérens nobles et puissans, notamment le comte de Boulogne, et Gautier de Châtillon, connétable de France, puissant par le nombre de gens qu’il avait à sa suite, partit au mois de juillet pour la Navarre, et, soumettant à main armée ledit Fortune et ses complices, parcourut et pacifia son royaume, et se fit couronner roi dans la ville de Pampelune.

Pierre de Belleperche, évêque d’Auxerre, mourut et eut pour successeur Pierre de Gressey, chantre de Paris et chancelier du roi de Navarre. Le jeudi après la fête de saint Denis martyr, Catherine, héritière de l’empire de Constantinople, seconde femme de Charles frère du roi, qui était morte le lundi précédent, dans le village de Saint-Ouen, reçut la sépulture ecclésiastique chez les frères Prêcheurs de Paris, en présence du roi, des grands, des prélats de France, et du grand-maître du Temple, venu d’outre-mer, qui porta son corps avec d’autres vers le lieu de la sépulture.

Le vendredi après la fête de saint Denis, le 13 octobre, vers le point du jour, tous les Templiers qu’on trouva dans le royaume de France furent tout-à-coup, et en un seul moment, saisis et renfermés dans différentes prisons, d’après un ordre et décret du roi. Parmi eux fut pris, dans la maison du Temple à Paris, et retenu prisonnier le grand-maître de l’ordre. Depuis long-temps déjà le bruit était parvenu aux oreilles du roi, par le témoignage et le rapport de plusieurs, dont quelques-uns avaient auparavant professé l’ordre des Templiers, que cet ordre et ceux qui le professaient étaient souillés et infectés d’abominables crimes, ce qui pouvait être légitimement prouvé, même quand ils l’eussent nié. D’abord, chose abominable à raconter, dans leur profession, qu’ils faisaient par précaution dans le silence de la nuit, sur l’ordre du maître (chose infâme à nommer), ils le baisaient aux parties postérieures. En outre, ils crachaient sur l’image du crucifix, la foulaient aux pieds, et, comme des idolâtres, adoraient en secret une tête avec la plus grande vénération. Leurs prêtres, lorsqu’ils devaient célébrer la messe, ne proféraient aucunement les paroles de consécration, et quoiqu’ils fissent voeu de s’abstenir de femmes, il leur était permis cependant d’avoir commerce entre eux à la manière des sodomites. Le roi de France, le dimanche suivant, dans…….25 du palais royal, fit proclamer ouvertement et publiquement, en présence du clergé et du peuple, tous ces crimes dont on les soupçonnait violemment. Ces crimes, qui paraissent incroyables, à cause de l’horreur qu’ils impriment dans le coeur des fidèles, cependant le grand-maître de l’ordre, conduit au Temple en présence des docteurs de l’Université, les avoua, dit-on, expressément dans la semaine suivante, si ce n’est qu’il assura ne s’être aucunement souillé de la dépravation sodomique, et n’avait pas, dans sa profession de foi, craché sur l’image du crucifix, mais par terre, à côté. On assure qu’il fit savoir à tous ses frères, par un écrit de sa main, que le repentir l’avait conduit à cette confession, et qu’il les exhortait à en faire autant. Il arriva que quelques-uns avouèrent d’eux-mêmes en pleurant une grande partie ou la totalité de ces crimes. Les uns conduits, à ce qu’il parut, par le repentir, les autres mis a la question par différens supplices, ou effrayés par les menaces ou l’aspect des tourmens, d’autres entraînés ou attirés par des promesses engageantes, d’autres enfin tourmentés et forcés par la disette qui les pressait dans leur prison, ou contraints de beaucoup d’autres manières, avouèrent la vérité des accusations. Mais un grand nombre nièrent se fit couronner roi dans la ville de Pampelune.

Pierre de Belleperche, évêque d’Auxerre, mourut et eut pour successeur Pierre de Gressey, chantre de Paris et chancelier du roi de Navarre. Le jeudi après la fête de saint Denis martyr, Catherine, héritière de l’empire de Constantinople, seconde femme de Charles frère du roi, qui était morte le lundi précédent, dans le village de Saint-Ouen, reçut la sépulture ecclésiastique chez les frères Prêcheurs de Paris, en présence du roi, des grands, des prélats de France, et du grand-maître du Temple, venu d’outre-mer, qui porta son corps avec d’autres vers le lieu de la sépulture.

Le vendredi après la fête de saint Denis, le 13 octobre, vers le point du jour, tous les Templiers qu’on trouva dans le royaume de France furent tout-à-coup, et en un seul moment, saisis et renfermés dans différentes prisons, d’après un ordre et décret du roi. Parmi eux fut pris, dans la maison du Temple à Paris, et retenu prisonnier le grand-maître de l’ordre. Depuis long-temps déjà le bruit était parvenu aux oreilles du roi, par le témoignage et le rapport de plusieurs, dont quelques-uns avaient auparavant professé l’ordre des Templiers, que cet ordre et ceux qui le professaient étaient souillés et infectés d’abominables crimes, ce qui pouvait être légitimement prouvé, même quand ils l’eussent nié. D’abord, chose abominable à raconter, dans leur profession, qu’ils faisaient par précaution dans le silence de la nuit, sur l’ordre du maître (chose infâme à nommer), ils le baisaient aux parties postérieures. En outre, ils crachaient sur l’image du crucifix, la foulaient aux pieds, et, comme des idolâtres, adoraient en secret une tête avec la leur Dieu, priant avec instance que, s’il venait à mourir, on fit de lui comme d’un Juif. C’est pourquoi, par le commun conseil des doctes, il fut jugé qu’il serait aussitôt, sans autre forme de procès, livré au bras séculier.

Vers le même temps un autre homme nommé Jean, converti à la foi catholique, avoua devant le susdit inquisiteur qu’il avait dit ouvertement et publiquement devant le Châtelet, à Paris, qu’il n’était pas chrétien, mais juif, nommé Mulot, et qu’il voulait purger par le feu le péché qu’il avait commis par l’eau en recevant le baptême. Ensuite cependant, comme il montra un vif repentir pour ce qu’il avait fait, et supplia qu’on le traitât à ce sujet avec une miséricordieuse indulgence, disant que c’était une mélancolie et une légèreté de tête qui l’avaient poussé à de telles choses, par le conseil des doctes, on lui imposa une salutaire pénitence.

Au mois de janvier Edouard, roi d’Angleterre, prit en mariage à Boulogne-sur-Mer, en présence du roi de France, de ses fils et des grands de son royaume, la fille unique dudit roi de France Philippe, nommée Isabelle, âgée d’environ douze ans. Accompagnée en Angleterre par les grands du royaume, elle y fut couronnée reine avec tous les honneurs convenables. Edouard, fils du comte de Savoie, prit en mariage la sœur de la reine de Navarre, seconde femme du duc de Bourgogne.

Charles, troisième fils du roi de France, prit en mariage Blanche, seconde fille de feu Othelin, duc de Bourgogne. L’illustre et honorable dame et honnête princesse Marguerite, reine de Sicile, veuve de Charles Ier roi de Sicile et frère de suint Louis, passa, ainsi qu’on le croit, pieusement vers le Christ. Jean de Namur, fils de Gui comte de Flandre, prit en mariage la fille de Robert, comte de Clermont.

25. Il y a ici une lacune.