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Chronique de la quinzaine - 14 mars 1871

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Chronique no 934
14 mars 1871


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 mars 1871.

Le dernier et triste mot de la plus affreuse des aventures est donc prononcé définitivement. Il a été dit à Versailles, il a été dit à Bordeaux par nos députés réunis pour le suprême sacrifice, et certes jamais la destinée d’un pays ne fut agitée au milieu de telles émotions, jamais scène parlementaire ne fut plus dramatique, plus entrecoupée de péripéties, mieux faite pour rester dans la mémoire d’un peuple comme le souvenir d’un grand deuil et comme un éternel enseignement. C’en est donc fait, une assemblée française a été obligée de voter la mutilation de la France, de ratifier cette paix que par une cruelle ironie nous sommes forcés d’appeler une délivrance, puisque ces préliminaires qui sont l’expression de nos désastres ont du moins pour résultat d’arrêter l’invasion étrangère prête à déborder de toutes parts, de nous rendre notre liberté livrée à la soldatesque allemande, d’épargner à un pays déjà dévasté des malheurs plus irréparables encore, une ruine plus complète. Cent sept députés ont refusé de souscrire aux conditions du vainqueur, quelques-uns ont protesté tout haut par des discours retentissans, pas un n’a dit comment on aurait pu se dérober à l’implacable nécessité, quel moyen il y avait de continuer la guerre. Protester, protester, qui donc n’a protesté ? Qui donc ne s’est dit au plus profond de son âme que ces pactes d’iniquités imposés par la force étaient dénués de toute sanction morale, qu’il n’était pas permis d’arracher les membres palpitans d’une nation et de s’en faire un butin de victoire ? Mais il ne suffisait pas de protester contre la paix, de demander à grands cris la continuation de la guerre ; il fallait pouvoir la continuer, cette guerre, et aucun de ceux qui proposaient à la France de reprendre ce gigantesque combat, aucun n’a pu répondre à cette parole désespérée que M. Thiers a jetée plus d’une fois au courant d’une discussion douloureuse : « le moyen, le moyen, indiquez-nous le moyen ! » C’est qu’en effet tout était là.

Le moyen, il n’existait plus ; on sentait bien que ce ne serait désormais qu’une lutte inégale et sans espoir, que la France souffrait d’une désorganisation profonde, d’une désorganisation morale autant que matérielle, que prolonger la guerre dans de telles conditions c’était aller au-devant d’inévitables désastres dont on ne pouvait plus mesurer l’étendue. L’ennemi, cet ennemi que nous connaissons, aurait certainement exécuté jusqu’au bout son programme ; il serait allé partout, comme il le disait ; il n’aurait pas conquis la France sans doute, il l’aurait ravagée, pressurée, épuisée. On l’aurait combattu encore, on n’aurait pas pu l’arrêter dans son œuvre de dévastation méthodique, et le pays tout entier serait resté livré à l’invasion meurtrière, sans pouvoir sauver les malheureuses provinces pour lesquelles il eût bravé ces suprêmes extrémités. M. Thiers a eu le courage de le dire, de montrer que la guerre ne pouvait plus désormais qu’aggraver les malheurs de la France. Il a eu ce courage de prendre pour tous la cruelle responsabilité d’une paix nécessaire, et en le voyant, ému, mais toujours ferme, accepter cette incomparable épreuve, s’efforcer jusqu’au bout de sauver l’avenir de la France au prix du plus douloureux sacrifice, on se souvenait involontairement de cette séance du corps législatif où il prodiguait les avertissemens inutiles, où il était obligé de subir les colères, les outrages d’une majorité qui allait jusqu’à mettre en doute son patriotisme, et où, saisi d’une sorte de pressentiment prophétique devant tant de fureurs, il s’écriait avec une tristesse fière : « Offensez-moi, insultez-moi, je suis prêt à vous subir pour défendre le sang de mes concitoyens que vous êtes prêts à verser si imprudemment… Quant à moi, je suis tranquille pour ma mémoire, je suis sûr de ce qui lui est réservé pour l’acte auquel je me livre en ce moment ; mais pour vous je suis certain qu’il y aura des jours où vous regretterez votre précipitation… » Ces jours sont malheureusement venus. Il y a huit mois, M. Thiers était la clairvoyance patriotique, aujourd’hui il a été l’abnégation et le dévoûment, venant réparer les fautes des autres, autant que ces fautes peuvent être réparées. C’est justement ce qui donnait une émouvante autorité à la parole de M. Thiers, lorsque dans cette terrible séance du 1er mars il suppliait l’assemblée de ne point céder à des illusions nouvelles, d’avoir le courage du bon sens, le courage de regarder en face une situation dont elle n’était pas coupable, mais devant laquelle on n’avait pas le droit de reculer. Il ne manquait plus à cette scène, pour lui donner tout son caractère, qu’une sorte d’apparition du vrai coupable, de l’empire, se montrant tout à coup sous la figure d’un des serviteurs intimes du dernier empereur, et venant presque réclamer ses droits. L’empire a eu peur sans doute d’être oublié, il a voulu, lui aussi, protester ; on lui a répondu en proclamant sa déchéance définitive, en le laissant enseveli sous les ruines accumulées par son imprévoyance ; sa condamnation, c’était cette paix même qu’on subissait, qui était le déplorable fruit de sa politique, qui allait infliger à la France cette poignante séparation des députés de l’Alsace, protestant jusqu’à la dernière minute de leur inviolable attachement à la nationalité française.

Tout se réunissait dans cette discussion haletante, dans ce drame du patriotisme aux prises avec l’impossible, le deuil qui était dans les cœurs, le sentiment d’une nécessité inexorable, la dernière convulsion d’un empire tombé dans la honte, le maire de Strasbourg mourant de douleur, M. Keller quittant l’assemblée avec ses collègues en s’écriant que rien au monde n’empêchera les Alsaciens d’être Français, en faisant appel « à Dieu vengeur des justes causes,… à tous les peuples, qui ne peuvent pas indéfiniment se laisser vendre comme un vil bétail, à l’épée de tous les gens de cœur, qui, le plus tôt possible, déchireront le détestable traité ! » Détestable et inévitable, voilà le mot. Et pendant ce temps, pendant qu’on discutait à Bordeaux cette question de vie ou de mort pour la France, Paris subissait La dernière épreuve ou le dernier outrage. Les Allemands entraient dans la grande cité frémissante et en quelque sorte hérissée dans son deuil. À dire vrai, on ne voit pas bien quel genre de gloire les chefs de l’état-major prussien ont cherché dans cette entrée subreptice, équivoque et limitée, ce qu’ils ont trouvé de flatteur dans cette occupation assez mesquine d’une avenue de la ville. Les soldats du roi Guillaume se sont promenés au nombre de 30,000 dans les Champs-Élysées, et après ? La ville est restée fermée devant eux ; on aurait dit qu’ils se sentaient eux-mêmes étonnés de leur action. Non, décidément, ces conquérans ne sont pas encore accoutumés à leurs triomphes ; ils ne savent être ni audacieux jusqu’au bout, ni généreux pour le vaincu. Ils ont infligé à Paris cette injure d’une occupation sournoise, sans se donner une bien éclatante satisfaction d’orgueil. Ils peuvent aller faire leur entrée triomphale à Berlin, ils n’ont eu assurément rien de semblable à Paris, et pour une démonstration vaine, presque humiliante pour eux-mêmes, ils ont bravé le péril de pousser au désespoir une ville sur laquelle leurs armes n’avaient aucun droit, qu’ils auraient dû se faire honneur de respecter ; ils ont empoisonné d’une dernière et inutile amertume cette paix déjà si amère et si dure, à laquelle le patriotisme français avait bien assez de peine à se soumettre, et que M. Thiers a caractérisée justement en disant que souvent la victoire n’était pas plus sensée que la défaite.

Elle est donc maintenait entrée dans l’histoire comme un fait accompli et subi, cette impitoyable paix qui n’offre à notre fierté qu’une dernière compensation, c’est que la puissance de notre malheureux pays s’y révèle encore à la crainte de l’ennemi, aux efforts qu’il fait pour nous affaiblir, aux précautions qu’il multiplie contre un réveil qu’il redoute visiblement. Les préliminaires signés à Versailles et ratifiés à Bordeaux sont l’ébauche du traité définitif qui va être négocié à Bruxelles, et qui n’est plus qu’une formalité. Ainsi tout est consommé, le sacrifice est accompli, nous subissons comme une fatalité les conditions qui nous sont faites par nos ennemis. Ils ne nous prennent pas seulement Metz et Strasbourg, l’Alsace et ce qu’ils appellent la Lorraine allemande, comme si Metz avait eu jamais rien d’allemand ; ils ne nous demandent pas seulement 5 milliards d’indemnité de guerre que nous avons à payer en trois ans ; ils prennent des gages contre nous, ils resteront en Champagne jusqu’à notre libération complète, ils sont encore sur la rive droite de la Seine, dans les départemens les plus voisins, jusque dans nos forts, et ils ne commenceront leur mouvement de retraite qu’après la ratification du traité définitif et le paiement du premier demi-milliard d’indemnité. Pendant cette occupation, qui ne se repliera que par degrés, notre armée ne pourra dépasser la Loire, Paris seul pourra conserver une garnison de 40,000 hommes. En d’autres termes, pour quelque temps encore, jusqu’à ce que nous ayons pu payer notre rançon, nous restons sous l’œil, sous la menace de l’ennemi. Voilà pour nous le prix de la guerre de 1870, voilà la situation créée à la France par une politique dont l’assemblée de Bordeaux a pu justement décliner la responsabilité en déclarant qu’elle subissait « les conséquences de faits dont elle n’était pas l’auteur. » C’est assurément une douleur immense, et ceux qui se sont résignés au sacrifice savaient bien que, sans être la honte, comme on l’a dit, la paix ainsi, faite était un pesant fardeau. Ils ont vu l’état de la France, son état militaire, son état financier, surtout son état moral, selon la parole aussi juste que courageuse de M. Vacherot, et ils se sont soumis à l’inexorable nécessité. Puisqu’il le fallait, puisque la France ne pouvait être sauvée que par la paix, il faut l’accepter, cette paix, telle qu’elle est, avec la résolution qui a été, il y a soixante-cinq ans, pour la Prusse elle-même le commencement d’une résurrection. C’est par le malheur qu’ont commencé toutes les régénérations nationales. C’est sous le coup du malheur le plus accablant et le plus pressant que la France est condamnée aujourd’hui à chercher en elle-même les causes de son désastre et les élémens de sa propre régénération, sans se perdre sans cesse dans des récriminations stériles.

Disons le mot, si cruel qu’il soit : ce malheur de la France, que nous n’avons pas vu venir, n’est point l’œuvre du hasard ; cette victoire de nos ennemis, c’est le triomphe de l’ordre, de la discipline, de la suite dans les idées, de la science, de la méthode sur la confusion, la légèreté, l’indiscipline, la suffisance et l’insuffisance. Il s’agit de savoir si nous voulons perpétuer les causes qui nous ont conduits là où nous sommes. Rien n’est plus aisé que d’expliquer toutes les défaites par la trahison, et de parler aussitôt d’une revanche. La trahison, elle n’a été nulle part, et elle a été partout ; elle a été dans l’illusion universelle, dans notre ignorance des conditions d’une lutte où nous entrions sans nous douter ni de nos faiblesses ni des forces de nos adversaires. La revanche, ce n’est guère le moment d’en parler, quand le sang coule encore de toutes les blessures de la France, quand ces richesses dont nous tirions vanité vont passer entre les mains de l’ennemi ; cette revanche, on la prendra lorsqu’on aura su s’y préparer, lorsqu’on l’aura méritée, et M. Thiers lui-même, au moment où il proposait à une assemblée française une paix si douloureuse, M. Thiers traçait le programme de cette œuvre nouvelle qui s’impose désormais à tout le monde dans notre pays. Non certes, la France n’est pas près de périr ; elle retrouvera des destinées meilleures, si elle le veut ; mais c’est « à la condition que nous aurons enfin du bon sens, que nous ne nous paierons plus de mots, que sous les mots nous voudrons mettre des réalités. » Tant que nous nous paierons de mots et de déclamations, nous ne serons pas une nation sérieuse, nous ne mériterons pas d’être pris au sérieux. Être une nation sérieuse, c’est là toute la question telle que M. Thiers l’a résumée d’un trait, et on n’est incontestablement une nation sérieuse que par le travail, le respect de la vérité, le sentiment de tous les devoirs publics, la discipline volontaire dans la liberté. Cette république même qu’on veut fonder, elle n’est possible que si, après avoir épuisé jusqu’au bout la fatalité d’un désastre dont elle n’était pas responsable, elle devient l’instrument des grandes réparations nationales qui sont aujourd’hui l’unique, la souveraine obsession de toutes les âmes.

Il faut s’accoutumer à faire simplement, modestement, des choses utiles pour apprendre à faire virilement de grandes choses, lorsque l’heure reviendra. Il faut bien se dire que nous avons toute une éducation publique à recommencer, notre puissance militaire à reconstituer, nos finances à réorganiser de façon qu’elles puissent porter sans fléchir le fardeau d’une rançon sans exemple, — et la première condition, c’est l’ordre dans les idées comme dans la rue, c’est la paix dans les esprits et dans la cité. Sans l’ordre moral et la paix intérieure, rien n’est possible, et tout ce qui prolonge ou entretient l’agitation ne met pas seulement en péril la sécurité de tous les jours, c’est une véritable déviation, une défection de sentiment national devant l’ennemi. Nous ne sommes sortis que d’hier d’une lutte gigantesque qui a laissé des traces profondes ; le pays avant tout a besoin de reprendre son équilibre, et d’étranges patriotes nous convieraient, s’ils le pouvaient, aux douceurs du chaos. Ils nous offriraient pour nous régénérer la révolution après la guerre. Nous n’avons pas assez souffert des dictatures, à ce qu’il paraît, chacun de ces grands patriotes veut se faire dictateur. Une assemblée élue par le pays, par le suffrage universel, existe à peine, on conteste ses droits et son autorité, on la déclare dissoute, on se fait un jeu d’avilir la souveraineté nationale. Un gouvernement sorti de cette assemblée souveraine est à peine formé, on s’amuse à fabriquer des gouvernemens de fantaisie ; on fait des proclamations, on dicte des lois, on organise des résistances, et par un étrange renversement de tous les rôles on provoque la garde nationale elle-même à former une sorte de pouvoir prétorien ; bref, c’est la confusion universelle, si bien qu’une foule d’esprits simples finissent eux-mêmes par ne plus savoir où ils vont, ni ce qu’ils doivent faire. Eh bien ! est-ce en propageant ou en laissant se propager ce désordre qu’on peut réaliser cette réforme intérieure des institutions qui peut rendre au pays sa force d’action, qui est assurément aujourd’hui un intérêt national de premier ordre ?

Ce n’est pas seulement notre administration intérieure qui est à refondre ; notre puissance militaire est à recomposer tout entière. Il est malheureusement trop clair aujourd’hui que ces désastres auxquels nos soldats étaient si peu accoutumés sont le triste fruit d’une sorte de décomposition progressive accomplie sous un régime qui avait la prétention d’être le gardien privilégié de l’honneur militaire du pays, et qui n’a réussi qu’à énerver tous les ressorts de notre ancienne puissance. La loi d’exonération faite en 1855 a contribué surtout à cette décomposition. La loi de réorganisation de 1867, loi médiocrement conçue et plus médiocrement exécutée, n’a été qu’un impuissant palliatif. Il y a quatre ans déjà, le général Trochu lisait des revers inévitables dans la constitution de notre armée et dans l’altération de nos mœurs militaires. Notre ancien attaché militaire à Berlin, le colonel Stoffel, dans ces rapports si curieux, si instructifs, qu’il adressait au gouvernement de l’empire et dont ce gouvernement tenait si peu de compte, le colonel Stoffel traçait le plus saisissant parallèle du travail énergique de la Prusse pour organiser ses forces et de la décadence de notre armée. Tout ce qu’il entrevoyait de malheurs possibles s’est réalisé avec une effrayante exactitude. Chose étrange, malgré l’énormité de nos budgets militaires, nous n’avions pas même le nombre ; nous avons eu à peine 200,000 soldats à mettre en ligne contre l’avalanche allemande il y a six mois, et ce phénomène singulier, ce signe de décadence militaire, avait été déjà entrevu par plus d’un observateur dès la guerre d’Italie, pendant cette campagne où le désarroi de nos forces commençait à devenir sensible, où nous aurions pu à peine envoyer des renforts suffisans, si un revers un peu sérieux nous avait frappés. La vérité est que notre armée était atteinte dans son essence ; elle en était venue à ce point où elle n’avait plus ni le nombre, ni l’instruction, ni la forte cohésion de la discipline. La légèreté, le favoritisme, l’ignorance, l’infatuation, avaient tout détruit. L’esprit militaire n’existait plus, selon le mot du colonel Stoffel. Il ne faut certes pas accuser le courage de ces soldats ; beaucoup se sont battus intrépidement, ils auraient mérité de vaincre, si l’héroïsme eût suffi. Malheureusement l’instruction, la confiance, manquaient aux anciens eux-mêmes, l’organisation a manqué aux nouveaux. Aujourd’hui il n’y a plus qu’à licencier cette armée éprouvée et incohérente pour reconstituer une armée nouvelle. Tout est à refaire. Comment résoudra-t-on ce problème ? Il n’est point douteux qu’il faudra plus ou moins s’inspirer du système prussien, organiser une armée identifiée avec la nation ; mais ce qui est moins douteux encore, c’est que cette armée ne deviendra une vraie force que par l’instruction, par le sentiment du devoir, par l’acceptation de toutes les sévérités de la vie militaire, par une énergique discipline. Ce n’est plus seulement ici un intérêt de parti, c’est l’intérêt patriotique le plus élevé. Et cette œuvre, l’accomplira-t-on par la confusion et le désordre, par toutes les fantaisies révolutionnaires ? Il est bien clair qu’on ne fera rien, s’il y a des journaux et des clubs qui se croient permis de prêcher l’insubordination, d’exciter les soldats contre leurs chefs, si on se fait un jeu de la discipline, si tout ce qui porte une arme, fût-ce la garde nationale, se met à délibérer. Les malheurs qui viennent de nous accabler n’auront servi à rien, ou plutôt ils n’auront fait que préparer de nouveaux et plus effroyables désastres au lieu d’être le commencement de cette régénération dont tout le monde parle sans en accepter quelquefois les conditions les plus simples.

S’il est enfin un point où l’ordre soit une nécessité absolue, c’est la reconstitution de nos finances. C’est ici surtout que les illusions et les déclamations ne servent à rien, elles ne peuvent changer un seul chiffre. La vérité est que nous restons après la guerre sous le poids d’une charge accablante. Nous avons à payer tout ce que le vainqueur nous arrache par la force, tout ce que nous a imposé pendant vingt ans le régime qui a préparé nos désastres. Notre dette consolidée était à la fin du premier empire de 63 millions de rente ; elle s’élevait en 1830, après toutes les dépenses de l’invasion, après l’indemnité des émigrés, à un peu plus de 160 millions. La monarchie de juillet n’ajoutait en réalité à ce chiffre que peu de chose, 12 millions effectifs. Depuis vingt-trois ans, cette dette s’est singulièrement enflée, d’abord sous la république, puis sous l’empire, surtout sous l’empire. D’après le dernier budget, sans tenir compte des intérêts de la dette flottante, des fonds de cautionnemens ou des dettes viagères, la rente consolidée était arrivée au chiffre annuel de 363 millions. Dans son ensemble, le capital de la dette française dépassait déjà 10 milliards. Maintenant il faut ajouter à ceci d’un seul coup les 5 milliards imposés par la Prusse. Ce n’est pas tout, les recettes publiques ont un déficit de 1 milliard au moins. Les dépenses qui ont été faites, et qui restent à liquider, s’élèvent sans doute à près de 3 milliards. En d’autres termes, d’un seul bond la dette française va monter à près de 20 milliards, avec un intérêt qui absorberait une moitié de nos ressources budgétaires telles qu’elles existaient jusqu’ici. L’Angleterre, il est vrai, on nous l’a dit, et on nous le dit encore, l’Angleterre sortait des guerres de l’empire avec une dette de plus de 20 milliards ; les États-Unis, à la fin de la guerre de la sécession, se sont trouvés en face d’une dette qui prenait tout à coup des proportions immenses, et ces deux grands pays n’ont pas fléchi sous le poids, ils n’ont rien perdu de leur force et de leur prospérité. Malheureusement il y a une différence : les Anglais et les Américains sortaient de ces luttes gigantesques qu’ils venaient de soutenir surchargés de dettes, mais vainqueurs. Pour nous, nous sortons de la guerre vaincus et réduits encore à payer notre défaite. Cette différence est une aggravation cruelle pour nous, on ne peut le méconnaître, La victoire est un énergique cordial, même pour aborder les grandes et difficiles liquidations financières. N’importe, une nation comme la France, avec ses ressources, ses dons, son génie, ne s’abandonne pas pour une affaire d’argent ; vaincue, elle saura bien encore suivre l’exemple de l’Angleterre et des États-Unis victorieux, elle paiera afin de purger le plus tôt possible son sol du dernier envahisseur ; sur ce point, il n’y a aucun doute.

Comment arrivera-t-on à surmonter cette crise ? Il faut évidemment mettre en jeu tous les ressorts ; il faudra tout à la fois recourir au crédit, remanier nos impôts, alléger nos dépenses de tout ce qui ne sera pas strictement nécessaire, refaire un budget plus conforme aux circonstances. Ce budget, c’est l’œuvre du nouveau ministre des finances, de M. Pouyer-Quertier, qui ne manquera pas sans doute de résolution. De toute façon, nous avons à résoudre un problème qui ne laisse pas d’être épineux, celui de trouver une organisation militaire qui puisse servir de cadre à notre armée rajeunie sans coûter aussi cher que par le passé. Nous pouvons dès ce moment biffer de notre livre de finances presque tout un chapitre, celui des dotations, qui approchait de 50 millions ; nous pouvons, par une étude attentive et par des combinaisons nouvelles, diminuer les frais de perception des impôts ; nous avons à réviser les traitemens qui dépassent un certain chiffre, sans parler de ceux qu’on pourra supprimer entièrement. Qu’on ne s’y méprenne pas toutefois ; sur ce dernier point, les économies possibles dépendront beaucoup moins peut-être de réductions partielles que du remaniement, de la simplification de cette immense machine administrative qui depuis si longtemps en France est la pompe aspirante et refoulante de l’activité universelle. Tout se tient, et notre première obligation est désormais de dégager toutes nos ressources, de porter toutes nos forces sur le point douloureux, la délivrance du sol français ; mais pour résoudre ce problème, qui n’est pas seulement un problème financier, la première condition est évidente. Pour avoir du crédit, il faut inspirer de la confiance, et la confiance est la compagne de l’ordre, du travail renaissant, de l’activité industrielle et commerciale reprenant son essor. Croyez-vous que tout cela soit bien facile, si l’on s’amuse à faire des manifestations, à promener sans cesse devant les yeux du pays tous les spectres révolutionnaires, si l’état est obligé longtemps encore de payer des ouvriers gardes nationaux pour aller en faction auprès des canons de la butte-Montmartre ? Que ceux qui passent leur temps à semer ces agitations se demandent un moment ce qu’ils pourraient faire de mieux pour plaire à nos ennemis. Certainement M. de Bismarck ne pourrait que les encourager à continuer. De cette façon, la France ne pourrait se racheter, elle s’épuiserait dans des convulsions stériles, elle aggraverait d’elle-même l’impuissance momentanée où la guerre l’a laissée ; pendant ce temps, 50,000 Allemands resteraient en Champagne, vivant à nos dépens. Tout serait pour le mieux au gré de M. de Bismarck, qui pourrait être fort tranquille. Ah ! ce sont là d’étranges patriotes, d’étranges serviteurs de la France, de singuliers défenseurs de la république elle-même ; d’un seul coup, ils font tout à la fois les affaires de l’ennemi extérieur et de la réaction. Ils ne voient pas que, même s’ils triomphaient un instant, même s’ils parvenaient à s’imposer pour quelques mois, c’est alors que la république serait plus que jamais perdue, car enfin un pays comme la France ne se résigne pas à vivre bien longtemps sous le joug des passions subalternes. On se jette dans la réaction pour échapper à l’anarchie ; c’est l’éternelle histoire. Si les révolutionnaires ne le voient pas, il faut le leur faire voir, il faut le voir pour eux, et dans tous les cas aujourd’hui il faut les contraindre à respecter cette paix intérieure qui seule peut permettre à la France de respirer, de se relever enfin de tant de malheurs.

Après tout, les destinées de la France ne peuvent rester à la merci d’une faction ; les partis violens n’ont que le degré d’influence qu’on leur laisse, et ne nuisent le plus souvent qu’à leur propre cause. L’essentiel est qu’on ne s’attarde pas dans cette confusion, que chacun se hâte de prendre son rôle dans ce travail de réorganisation où nous sommes engagés, et que cette assemblée qui était hier à Bordeaux, qui sera demain à Versailles, sente bien elle-même l’immensité de la tâche qui lui est imposée. C’est par elle et par le gouvernement qu’elle a choisi qu’un certain apaisement peut renaître, et que notre situation peut se raffermir. Que les passions s’agitent encore et profitent de ces frémissemens qu’une longue et douloureuse épreuve laisse dans toute une population, ce n’est pas bien surprenant ; la pire des choses serait de répondre à des passions par des passions, et de faire de la politique avec des préjugés, des ressentimens ou des fantaisies. Assurément elle est très patriotique, cette assemblée, elle a l’instinct du bien public ; elle n’a qu’un malheur qui tient peut-être à son inexpérience, elle ne sait pas toujours où elle va, elle a de l’incohérence, de l’indiscipline, et l’initiative parlementaire y fleurit sous la forme de toute sorte de propositions individuelles qui prouvent plus d’imagination que d’esprit politique. L’un demande qu’on proclame l’indignité de tous les complices de l’empire ; il n’oublie qu’un détail, il ne dit pas en quoi consiste cette complicité, à quel signe on peut la reconnaître, si l’indignité qui frapperait par exemple un député devrait aussi atteindre ceux qui l’ont nommé. Un autre dépose gravement une pétition demandant que la Corse soit exclue de la république française ! Un troisième, et celui-ci sûrement avec les meilleures intentions, veut qu’on provoque une vaste émigration des Alsaciens, qu’on offre à nos malheureux compatriotes des terres en Algérie. Rien de mieux ; la France doit toutes les compensations à ceux de ses enfans dont elle est condamnée à se séparer ; seulement rien ne sourirait mieux sans doute à M. de Bismarck, qui se montrerait tout prêt à encourager cette émigration : ce serait le moyen le plus infaillible pour favoriser la germanisation de l’Alsace. Et si la France, après avoir été impuissante à garder cette vaillante province, avait le droit de parler à ces Français d’hier, qui veulent rester Français, elle ne pourrait que leur dire d’accepter cette épreuve qui leur est infligée, de ne point se séparer de leur sol et de leurs foyers, de raviver sans cesse leurs espérances dans le malheur par le souvenir fidèle de la patrie, qui ne les oublie pas. Ce projet irréfléchi serait évidemment peu politique, et des députés, français devraient être aussi embarrassés pour l’approuver que pour le repousser ; c’est l’inconvénient de toutes ces propositions.

Il y a deux dangers pour cette assemblée, le danger de toutes ces motions inutiles qui vont se perdre dans le tourbillon parlementaire, et le danger des excitations violentes, de ces irritations qui sont le stérile triomphe de l’esprit de parti. Cela n’est pas douteux, l’assemblée nationale se ressent des conditions où elle a été élue. Elle est pleine de malentendus orageux ; elle porte en elle-même des idées, des tendances, des préjugés, qui se sont déjà heurtés bruyamment, et qui sont destinés à se heurter plus d’une fois encore. Les instincts de réaction s’entrechoquent avec les instincts révolutionnaires, et les uns ne sont peut-être pas plus raisonnables que les autres. On dirait au contraire que les événemens qui ont un instant interrompu la vie commune de la France ont rendu ces luttes d’opinions plus irréconciliables en les compliquant d’élémens nouveaux, de passions plus ardentes. Chose plus grave, ces luttes d’opinions, toujours périlleuses par elles-mêmes, se précisent et se concentrent aujourd’hui dans cet antagonisme entre l’esprit provincial et Paris qui vient de se manifester en pleine assemblée. Oui, à toutes les questions qui nous divisaient déjà est venue se joindre une question plus délicate et certainement plus dangereuse que toutes les autres, celle de la capitale et du siège du gouvernement de la France. La province s’insurge contre la domination de Paris ; elle répugne visiblement à revenir siéger parmi nous, et M. Thiers a eu en vérité quelque peine à convaincre cet honnête provincialisme qu’on ne gouverne pas la France de Bordeaux ou de Tours. Il a été obligé de faire des concessions pour en obtenir, et tout a fini par une transaction. L’assemblée ne restera pas à Bordeaux, ou n’ira pas à Fontainebleau, comme on le proposait ; elle ne viendra pas non plus à Paris, elle ira à Versailles ; tout est sauvé ! Voilà où nous en sommes, et c’est là peut-être le résultat le plus clair de ces agitations révolutionnaires qu’on se plaît à entretenir depuis quelques jours, qui sont venues bien à propos pour donner un prétexte de plus aux susceptibilités provinciales.

Que l’assemblée ne veuille pas être à la merci d’une émeute, soit ; mais c’est aussi véritablement oublier trop vite que depuis cinq mois, par le siège qu’il a soutenu, par les souffrances auxquelles il s’est résigné, par l’énergie de son attitude devant l’ennemi, Paris a fait l’honneur de la France, et méritait bien sans doute quelques égards. On méconnaît de plus deux faits également graves : le premier, c’est qu’on ne change pas à volonté une capitale qui est en quelque sorte l’œuvre de l’histoire d’un peuple, qui est devenu le centre de la vie publique, de l’activité intellectuelle, de la science, des arts, de l’industrie. Un autre fait qu’on semble méconnaître, c’est que ces révolutions faites par Paris et si étrangement redoutées, elles ne sont pas l’œuvre de Paris seul, elles ont été le plus souvent préparées par la province. Que prétend-on faire expier à Paris aujourd’hui ? Est-ce la révolution du 4 septembre ? Ce serait assez singulier de la part d’une assemblée qui prononçait, il y a quelques jours à peine, la déchéance de l’empire. Est-ce la guerre ? Les députés parisiens ont voté contre la guerre, et ce sont les députés de la province qui l’ont sanctionnée de leurs acclamations. — La situation de Paris est troublée et périlleuse, dit-on. Le motif serait réellement étrange, et si cela était vrai, ce serait au contraire une raison pour que l’assemblée accourût là où est le danger, comme l’ont fait remarquer justement des esprits politiques tels que M. Vitet. On comprend bien sans doute que la France veuille disposer d’elle-même, qu’elle tienne à ne point subir la domination d’une ville, si grande qu’elle soit, et à ne point recevoir périodiquement des révolutions par le télégraphe ; mais ce n’est point en attaquant Paris ou en cherchant à le découronner qu’on changera cette situation : le jour où assemblée et gouvernement seront à Orléans ou à Tours, le même phénomène se reproduira bientôt, les passions et les partis se donneront rendez-vous sur ce nouveau théâtre. Il n’y a qu’un moyen de trancher ce problème, bien grave en effet, c’est de décentraliser la vie politique et administrative, d’assurer aux provinces une participation plus directe et plus efficace aux affaires communes, sans prétendre enlever à Paris sa grandeur et ses droits de capitale intellectuelle de la France.

Ce qui apparaît le plus clairement à travers toutes ces discussions d’une douteuse opportunité ; c’est qu’il y a incontestablement dans l’assemblée, à droite et à gauche, deux opinions extrêmes toujours prêtes à se livrer bataille sur cette question de la capitale comme sur bien d’autres, sur la question de la république ou de la monarchie notamment, et ce qui est vrai aussi, c’est qu’entre ces deux camps extrêmes il se forme de plus en plus une masse sensée, modérée, libérale, honnêtement patriotique, qui ne demande pas mieux que de suivre sans parti-pris cette politique définie l’autre jour par M. Thiers dans un des plus éloquens et des plus merveilleux discours de sa longue carrière. Quelle est cette politique ? C’est tout simplement d’éviter ce qui pourrait diviser, d’ajourner les questions constitutionnelles qui mettraient subitement aux prises toutes les passions, et de s’en tenir franchement, résolûment à ce qui doit être l’objet de toutes les pensées et de toutes les volontés. Il s’agit de réorganiser le pays, de ramener nos prisonniers d’Allemagne, de reconstituer une force militaire, de remettre l’administration tout entière en mouvement en restituant aux départemens, aux communes, leurs conseils électifs, remplacés par des commissions dictatoriales, de rendre des bras à l’agriculture et à l’industrie, de préparer les combinaisons financières qui doivent nous délivrer, de refaire en un mot de cette France qui saigne par toutes ses blessures une France se reprenant à la vie. L’œuvre est certes assez laborieuse, assez belle, et elle a bien de quoi tenter tous les dévoûmens. M. Thiers s’y est mis avec une généreuse passion, et il ne pouvait choisir des hommes mieux faits pour le seconder dans sa politique que le général d’Aurelle de Paladines, qui est aujourd’hui à la tête de la garde nationale de Paris, M. Roger du Nord, qui devient le chef d’état-major de cette garde, et M. Calmon, le nouveau sous-secrétaire d’état du ministère de l’intérieur.

Qu’arrivera-t-il plus tard ? Ce sera au pays libre, apaisé et ranimé, de se prononcer définitivement Pour le moment, cette œuvre de réparation s’accomplit sous la république ; si elle réussit, elle sera accomplie au profit de la république, et le chef du pouvoir exécutif n’a point hésité à dire aux républicains éclairés et sincères de l’assemblée que la république était entre leurs mains, qu’elle serait le prix de leur sagesse, comme aussi ils lui porteraient sans doute le coup le plus funeste en soulevant sans cesse des questions irritantes ou inopportunes, en acceptant des apparences de complicité avec tout désordre, avec toute violence. M. Thiers n’a pas été seulement habile, il ne s’est pas montré seulement un tacticien consommé ; il a parlé avec un accent de sincérité, une puissance de raison, une décision lumineuse de jugement, qui ont entraîné tous ces esprits indécis et embarrassés de trouver leur chemin à travers les obscurités de l’heure présente. L’assemblée s’agite, M. Thiers la conduit, c’est certainement ce qu’il y a de plus rassurant, et c’est la bonne fortune de la France, après tant de déceptions et d’angoisses, de sentir ses affaires entre les mains d’un homme qui réunit dans une si juste et si merveilleuse combinaison la fierté patriotique et la prudence, l’expérience profonde et la raison persuasive, à qui il était réservé d’illustrer le soir de sa vie par de nouveaux et plus éclatans services, en prouvant que le pouvoir de faire le bien appartient à celui qui sait avoir des idées nettes dans le trouble de toutes les idées, une volonté ferme dans l’incohérence de toutes les volontés.

La France est une grande convalescente qui exige bien des soins, et l’Europe elle-même en vérité ne semble pas des mieux portante. C’est à se demander si, après avoir assisté à ce terrible drame, « auquel elle n’a apporté qu’une main trop réservée, » selon le mot de M. Thiers, elle n’est pas aussi vaincue que nous sans avoir combattu. L’Angleterre du moins se consolait en se persuadant à elle-même que c’était elle qui par sa politique avait contribué à limiter la lutte. Pas du tout : cette dernière consolation ou cette illusion ne lui est plus permise. Le roi Guillaume renvoyait tout récemment l’honneur à qui de droit, il remerciait l’empereur Alexandre de Russie d’avoir empêché la guerre de prendre des proportions extrêmes, » et tout indique aujourd’hui qu’il y avait dès la première heure un traité entre Saint-Pétersbourg et Berlin. La Prusse a pu faire ce qu’elle a voulu, la Russie de son côté y a gagné de biffer ce qui restait de la guerre d’Orient en reprenant sa liberté dans la Mer-Noire. L’Angleterre sait à quoi s’en tenir, et l’Autriche, elle aussi, ne peut plus ignorer maintenant qu’elle avait, pour nous servir d’une expression vulgaire, la main sur le collet. C’est un étrange rôle pour des puissances qui ont quelque sentiment d’elles-mêmes. L’Europe recueille aujourd’hui le fruit de son indifférence pour nous et de ses faiblesses. Elle a vu sans rien dire passer triomphant le droit de la force, et sait-on ce qu’elle y gagne ?

Certes la paix était toujours précaire avant la dernière guerre, elle l’est bien plus encore désormais. On s’épuisait de toutes parts en armemens ruineux ; mais cela ne suffit plus, à ce qu’il semble, dans la situation nouvelle créée par le système prussien. L’Angleterre s’est hâtée de proposer au parlement des mesures pour la reconstitution et l’augmentation de ses forces. La Russie s’occupe de réorganiser son armée dans des proportions formidables. Le ministre de la guerre, le général Milutine, soumettait récemment à l’empereur deux mémoires, l’un sur le développement des forces militaires, l’autre sur l’obligation personnelle au service. L’Italie elle-même en est à s’imposer des dépenses de 350 millions pour reconstituer ses défenses militaires. Allons, l’Europe peut se réjouir de la situation qu’elle s’est faite : la paix est en sûreté, puisqu’elle est sous la garde de M. de Bismarck !

ch. de mazade.