Chronique de la quinzaine - 30 avril 1864

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Chronique n° 769
30 avril 1864


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




30 avril 1864.

La session du corps législatif est prorogée jusqu’au 19 mai. La session cette année aura duré six mois et demi. Si la durée du temps pendant lequel la chambre est réunie peut être prise à un point de vue quelconque comme une mesure de l’importance croissante de notre assemblée repré sentative, nous ne nous plaindrons point de la durée de la session de 1864. Il y a pourtant quelques observations à présenter en passant sur la façon dont a été divisé cette année le travail de la chambre. La session a été par tagée en quatre périodes. Dans la première, on a vérifié les pouvoirs ; dans la seconde, on a discuté l’adresse ; dans la troisième, qui a été la plus longue, qui s’est étendue du mois de janvier au milieu d’avril, le travail extérieur et public de la chambre a été complètement suspendu. La chambre s’est pour ainsi dire repliée sur elle-même, blottie dans ses bureaux, confinée dans ses commissions. La quatrième période, celle dans laquelle nous sommes, durera un peu plus d’un mois. C’est vraiment celle du travail législatif publiquement accompli ; on y aura voté la loi des retraites, la loi des sucres, la loi des coalitions et le budget. Un mois aura suffi à l’œuvre véritablement législative d’une session qui aura duré six mois et demi ! Ce contraste vaut la peine d’être remarqué. L’empereur, en recevant l’adresse du corps législatif, semblait, par une allusion à la durée du débat, regretter que tant de temps eut été perdu pour les affaires. Au terme de la session, en songeant à la période silencieuse de la session, qui a rempli deux mois et demi, n’avons-nous pas le droit d’exprimer, nous aussi, un semblable regret ?

Ces observations sur un côté de notre régime représentatif, sur la façon dont sont expédiées les affaires législatives, ne seront peut-être pas considérées comme oiseuses par ceux qui regardent comme transitoire le système auquel sont actuellement soumis les rapports du gouvernement avec les chambres. Il est évident pour tous qu’au point de vue de la logique et de la prompte expédition des affaires, ce système est loin d’être irréprochable et d’atteindre à la perfection. Il n’est pas naturel que l’assemblée représentative n’ait d’autre occasion que la discussion de l’adresse pour faire parvenir au gouvernement ses appréciations sur la politique générale. Il n’est pas naturel qu’un corps siégeant pendant la moitié de l’année ne puisse aborder que durant un mois les questions générales, et soit ainsi contraint de les discuter toutes à la fois. Cette concentration arbitraire de la discussion n’est d’ailleurs accompagnée d’aucune sanction pratique. La discussion de l’adresse a donc tous les inconvéniens d’une œuvre artificielle; le moindre de ces inconvéniens n’est point de laisser après soi, comme tout effort stérile, au sein de l’assemblée, du public et du gouvernement lui-même, une sorte de lassitude et de langueur. Les procédés suivant lesquels les projets de loi sont présentés au corps législatif et y sont examinés ne sont point faits pour nous guérir de cette morbidezza. Il y a dans tout cela quelque chose de froid, de routinier, de machinal. Les projets arrivent escortés d’un exposé des motifs écrit par un conseiller d’état. Ce n’est pas le ministre qui a eu la conception de la loi, qui en a étudié les motifs, qui en a imaginé les combinaisons, ce n’est pas le créateur, l’inventeur, l’initiateur qui vient expliquer lui-même avec chaleur, avec vivacité, avec force, la nécessité et le mérite d’une mesure à laquelle il attache l’honneur de son nom : c’est un fondé de pouvoir qui, la plume à la main, en style formaliste, d’un esprit stérile et sec, vient rendre compte de l’œuvre d’un autre. Qu’est-ce que l’exposé des motifs rédigé par un conseiller d’état? C’est un rapport. Le projet de loi ne paraît sous la tutelle d’un rapport que pour tomber sous le contrôle d’un nouveau rapport, celui de la commission du corps législatif, autre document non moins formaliste et non moins réfrigérant. On gaspille ainsi le temps, et, ce qui n’est pas moins précieux que le temps, on gaspille aussi les forces vives du gouvernement et des assemblées. Qu’on nous délivre, au nom du ciel, des rouages inutiles, et que l’on mette directement en présence les uns des autres les responsabilités et les talens! Supprimez vos rapports et vos commissions. M. de Morny, nous aimons à le reconnaître, a plusieurs bons instincts parlementaires. Parmi ces instincts, un de ceux qui nous plaisent le mieux est son antipathie pour les discours écrits. Vos rapports ne sont pas autre chose que d’inutiles discours écrits; les meilleurs, résultant d’une rédaction concertée, feraient tout au plus de médiocres articles de revue de la plus ennuyeuse catégorie. Ils ne servent à rien ni à personne. Le ministre à qui sont réservés, dans le système actuel, le privilège et l’honneur de l’éloquence, M. Rouher, a-t-il quelque chose à apprendre dans ces encombrans résumés. Des orateurs tels que M. Thiers, M. Favre, M. Ollivier, ont-ils besoin d’aller puiser des faits ou des inspirations dans ces dissertations redondantes? Abolissons les rouages inutiles, affranchissons-nous des stériles routines, rendons en France le gouvernement représentatif expéditif et pratique. Le gouvernement n’aurait pas moins à gagner que le pays à l’adoption des procédés les plus simples et les plus directs.

L’on arrive en effet, avec le système actuel, à d’étranges anomalies. Le droit d’interpellation n’appartenant point à la chambre, la chambre ne pouvant poser des questions au gouvernement qu’une fois par an à propos de l’adresse, un fait bizarre s’est produit cette année. Depuis quatre mois, une affaire extérieure préoccupe gravement et exclusivement les esprits : nous voulons parler de la question danoise. Une guerre a éclaté sur le continent européen. L’intégrité d’un petit état, vieil allié de la France, a été attaquée par les armes. Les agresseurs, la Prusse et l’Autriche, sont des puissances de premier ordre. Le Danemark a été envahi, ses positions fortifiées ont été enlevées par l’ennemi, son armée est déjà décimée. L’Angleterre s’est livrée, à propos de cette affaire, à une agitation diplomatique inouïe : nous connaissons les cent soixante-dix dépêches écrites par lord Russell sur la question danoise; les chambres anglaises se sont occupées à plusieurs reprises de cette question, et ont témoigné l’émotion qu’elles en ressentaient. Une conférence s’est enfin réunie à Londres afin de travailler au rétablissement de la paix. Eh bien! de tous ces faits, qui ont, depuis quatre mois, excité dans toutes les parties de l’Europe la surprise, l’agitation, l’anxiété, pas un mot n’a été dit dans les chambres françaises. Les incidens de la question danoise n’avaient pas encore éclaté au moment de la discussion de l’adresse, et, le temps de cette discussion s’étant écoulé, le gouvernement et le pays n’ont pu, par l’intermédiaire des assemblées, échanger une seule pensée, une seule parole, au sujet de la question danoise. Grâce au système qui régit les rapports du gouvernement avec nos chambres, une crise extérieure d’une extrême importance n’est pour l’opinion française qu’un sous-entendu prodigieux. Voilà pour les affaires du dehors. Dans le cercle des affaires intérieures, les inconvéniens sont peut-être moins apparens, et cependant ils ne sont pas moins réels. Certains tiraillemens ministériels, résultat inévitable d’un système qui sépare l’action de la parole, pour ne point parvenir d’une façon officielle à la connaissance du public, ne demeurent cependant pas tout à fait ignorés de lui. Nous n’avons pas à nous occuper de ces froissemens intérieurs dont le bruit discret nous arrive à peine de temps en temps comme par des bouffées de chuchotemens. Ce qui est visible, c’est que l’action gouvernementale ne gagne point à être éloignée de l’action législative par des rouages trop compliqués. Cet éloignement rend parfois l’action ministérielle moins vigilante, moins avisée qu’on ne devrait le désirer. Une certaine somnolence, entrecoupée de réveils en sursaut, amène des omissions, des contradictions, des boutades tant soit peu étourdies, sur lesquelles on est bientôt obligé de revenir. On a eu de récens exemples de ces curieux oublis. Comment avait-on songé, en ayant l’heureuse inspiration d’abolir le second décime de guerre, à modifier par une simple disposition budgétaire une loi comme celle de l’enregistrement, qui touche à des intérêts si divers et si complexes? Comment s’est-on obstiné à perdre de vue, à propos d’une vente de propriétés domaniales, le principe qui veut qu’aucune aliénation du domaine n’ait lieu sans la sanction d’une loi spéciale? Dans un autre ordre d’idées, comment comprendre que le gouvernement, qui favorisait, il y a deux mois, les lectures publiques, n’ait pas laissé célébrer à Paris le tercentenary festival de Shakspeare?

Quant au corps législatif, s’il ne lui est point donné encore de distribuer ses travaux de la façon la plus raisonnable et la plus utile, on doit convenir qu’il a fait bonne figure depuis la reprise de ses séances et qu’il gagne en importance aux yeux du pays. Ses discussions viennent à plus d’une reprise d’influer sur les résolutions gouvernementales. C’est ainsi qu’à propos de la loi des sucres le corps législatif a fait prévaloir son sentiment favorable aux colonies. Il s’agissait de la détaxe demandée pour le sucre colonial. Le gouvernement pensait d’abord à limiter à deux ans et demi la faveur de la détaxe de 5 francs; la chambre a voulu prolonger cette faveur jusqu’en 1870. L’opinion dominante dans la chambre avait été combattue par les commissaires du gouvernement; mais l’habile leader du gouvernement vis-à-vis du corps législatif, M. Rouher, a cédé de bonne grâce au vœu de la majorité. Nous croyons pouvoir, sans commettre le délit de compte-rendu illicite, rendre hommage à l’esprit patriotique et au talent déployés par M. Thiers dans la discussion de cette loi. Dans l’intérêt colonial, M. Thiers plaide surtout la cause de l’intérêt politique du recrutement de notre marine. La situation de nos colonies était d’ailleurs bien faite pour exciter les sympathies de la chambre. La légère protection qui vient d’être accordée, pour une certaine période, à leur production sucrière aura principalement sur elles l’influence opportune d’un encouragement moral. La détresse de nos colonies était très grande depuis quelque temps; les colons désespérés subissaient d’énormes dépréciations dans le capital représenté par leurs plantations. Il eût été peu généreux de les abandonner sans transition aux chances exclusives de la liberté coloniale et de leur rendre plus difficile l’accès de la métropole, en les invitant à chercher autour d’elles, comme les colonies anglaises, le débouché naturel de leurs produits; il eût été ironique et barbare, par exemple, de dire à Bourbon d’envoyer ses sucres dans l’Inde, ce qui serait, suivant le mot vulgaire, porter de l’eau à la rivière. Encouragées par le vote du corps législatif, nos colonies tenteront de nouveaux efforts, obtiendront du crédit et se mettront en mesure d’affronter en 1870 la concurrence.

Après la loi des sucres, le corps législatif vient d’aborder la réforme de la loi sur les coalitions d’ouvriers. Ce qui nous plaît dans cette tentative de réforme, ce n’est pas le résultat incomplet que l’on poursuit en ce moment, c’est l’inauguration d’une discussion vigilante et équitable sur la situation du travail en France. On commence enfin à étudier les besoins et les aspirations des classes ouvrières : c’est par là que l’on associera réellement à la vie politique du pays la portion de la population qui fournit à la production nationale le puissant et fécond élément de la main d’œuvre. La plus utile des enquêtes s’ouvre ainsi, celle qui répandra dans tous les rangs de la société les saines idées économiques, et qui doit faire oublier un jour les divisions, les préjugés, les hostilités de classes, qui ont été perpétués chez nous par de fausses doctrines économiques et sociales. Un intérêt politique de premier ordre est aussi engagé dans ces questions. Il serait absurde d’espérer que la liberté pût s’établir en France, si les masses populaires ne comprenaient point que leurs droits et leurs intérêts légitimes n’ont pas de plus efficace garantie que la liberté politique. Leur éducation politique, aussi bien que leur éducation économique et leur amélioration matérielle et morale, est donc en jeu dans les discussions qui s’ouvrent au corps législatif. Au début même, c’est le droit des hommes de travail à la liberté que l’on rencontre et que l’on est forcé de proclamer. Ce que l’on appelle aujourd’hui la liberté de coalition, c’est la reconnaissance légale du droit qu’ont ceux qui représentent le travail à se concerter et à se réunir pour débattre en certaines circonstances le prix de la main-d’œuvre dans le marché de la production. L’exercice de ce droit, tout le monde l’admet, est redoutable pour ceux qui en veulent faire usage. Ce n’est pas gratuitement et impunément que le travail peut entreprendre d’imposer ses conditions ou de se refuser. Dans les tentatives de coalition, les ouvriers sont exposés à commettre des erreurs dont les conséquences les plus cruelles doivent retomber sur eux-mêmes. L’obstacle à leurs réclamations d’élévation de salaire peut se rencontrer bien plus dans l’état du marché des capitaux et dans la loi de la concurrence intérieure et étrangère que dans les calculs intéressés ou le mauvais vouloir des chefs d’industrie. Les masses qui dans la production représentent la main-d’œuvre devront apprendre, peut-être à leurs dépens, que la presque totalité des produits du travail se répartit entre elles, et que le surplus, qui forme la richesse de quelques-uns, est bien peu de chose, comparé à l’ensemble des salaires que les travailleurs se partagent. Il y a là un équilibre délicat dans lequel des coalitions peuvent porter une perturbation funeste, surtout aux ouvriers; toute coalition suivie de chômage équivaut à une destruction de capital, et diminue par conséquent la réserve sur laquelle se prélève la subsistance des travailleurs : toute coalition est donc exposée à aller directement contre la fin qu’elle poursuit, car, pour que le salaire augmente, il faut que la réserve de capitaux où le salaire s’alimente soit accrue par un travail incessant, au lieu d’être diminuée par un chômage aveugle et arbitraire. — Voilà les sévères vérités que les ouvriers devront apprendre dans l’exercice du droit de coalition ; mais la liberté avec ses périls est préférable à une législation restrictive du droit des ouvriers, et que la conscience de notre temps ne pouvait plus supporter. Sait-on quel était le vice de cette législation? Elle pouvait paraître aux hommes de main-d’œuvre inspirée par des intérêts de classes opposés à leurs propres intérêts. Or rien à notre époque n’est plus odieux et plus intolérable qu’une législation de classes qui semble armer certains groupes d’intérêts contre d’autres groupes, qui retire aux uns la liberté légale, lorsqu’elle ne peut enlever aux autres la liberté de fait. De là naissent des inégalités qui révoltent le sentiment moral, des malentendus terribles et d’abominables haines sociales dont on a vu de nos jours encore les conséquences désastreuses.

Plus de législation de classes! telle est la devise au bruit de laquelle il faut, suivant nous, saluer la réforme de la loi sur les coalitions. La réforme qui se discute aujourd’hui, nous ne nous le dissimulons point, est fort incomplète encore. On donne aux ouvriers une liberté dénuée des libertés corrélatives qui pourraient seules la rendre efficace. Dans la discussion du corps législatif, tout le monde, les adversaires comme les partisans du projet de loi, a été frappé de cette inconséquence, de cette contradiction, de cette lacune. Le projet de loi maintient encore une spécialité de délit et de pénalité pour les faits reprochables dont les coalitions peuvent être l’occasion, au lieu d’abandonner la répression de ces faits au droit commun. Quant à nous, jamais nous ne nous associerons à cette manie, pour ainsi dire scolastique, qui porte l’esprit français, en matière de législation, à diviser et subdiviser en classifications arbitraires des faits semblables, qui se rangent naturellement et logiquement sous les prévisions générales de la loi commune. C’est avec cet esprit de classification subtile que l’on embrouille tout, qu’on envenime tout dans notre législation politique, et qu’on en est venu dans la pratique à nous ravir ou à nous chicaner les droits naturels proclamés par la révolution française. Mais, sans nous arrêter à cette inconséquence, la liberté de coalition peut-elle sérieusement exister sans la liberté de réunion et la liberté d’association? Comprend-on que des masses d’ouvriers puissent se coaliser sans se réunir, et puissent donner à leur coalition la sanction du refus de travail, s’ils ne se sont pas mis en mesure, par des associations organisées d’avance, de fournir aux voies et moyens du chômage? On a beaucoup parlé, à propos du présent projet de loi, de la liberté qu’ont les ouvriers anglais de se coaliser. Cette liberté est bien réelle pour les ouvriers anglais, mais c’est parce qu’ils trouvent, comme tous les citoyens, dans les libertés de réunion et d’association le moyen de l’exercer. Il n’y aurait point de strikes en Angleterre sans l’existence préalable des trade-unions. Toute la force des strikes résulte des subsides que les ressources des trade-unions leur permettent de fournir aux ouvriers coalisés. Voilà les libertés et les moyens d’organisation qui feront défaut en France aux ouvriers, et qui rendront pour eux illusoire la loi actuelle. Nous ne sommes cependant point de ceux qui voudraient voir échouer ce projet de loi sous prétexte qu’il est incomplet. Une fois cette loi en vigueur, si les ouvriers n’en peuvent tirer les avantages qu’on leur a fait espérer, ils pourront au moins découvrir directement et vite les lacunes de la nouvelle législation ; ils sentiront en fait que, s’ils ne sont point affranchis d’une législation de classes, c’est que les libertés de réunion et d’association manquent encore à l’organisation politique. Ils seront alors aux prises avec les sycophantes de la démagogie absolutiste. Ils comprendront que la liberté seule, la liberté politique complète, peut leur donner les garanties que d’autres leur ont vainement promises pour leur dignité sociale et pour leur bien-être matériel. Ce sera pour les masses populaires et pour ceux qui obtiennent leur confiance le commencement d’une éducation expérimentale qui devra tourner au profit des idées libérales ; mais, si nous ne sommes pas de ceux qui souhaitent l’avortement de la présente loi, notre enthousiasme ne nous emporte point jusqu’aux hauteurs où l’honorable rapporteur de la commission, M. Émile Ollivier, s’est élevé dans la brillante péroraison de son discours. On peut très consciencieusement, et sans tomber dans le pessimisme décrit par Mallet-Dupan, éprouver un goût médiocre pour un progrès qui, sous des apparences fastueuses, n’apporterait que des résultats insignifians. À ce sujet, parler des fautes prétendues, en tout cas anciennes, du parti libéral, évoquer contre ceux qui ne trouvent point la loi des coalitions suffisante le souvenir des émigrés, déplorer l’aveuglement de ceux qui ont sacrifié le développement successif des institutions à la satisfaction implacable de leurs rancunes personnelles, c’est fort éloquent sans contredit ; mais est-ce bien opportun ? N’est-ce point prendre une attitude trop solennelle pour l’occasion et se draper dans un costume trop large et trop flottant pour la circonstance ? Ceux qui dans l’enceinte de la constitution opposent à une politique restrictive les conseils d’un libéralisme modéré, mais ferme, font tout justement le contraire des émigrés et des pessimistes de Mallet-Dupan : ils sont les plus intelligens amis des institutions existantes, puisqu’ils font d’incessans efforts pour les améliorer. Ce ne sont point ceux-là qui contribuent par une abstention hostile au renversement des Roland et des Martignac. À propos, si nous avions l’honneur d’être le collègue de l’aimable et éloquent rapporteur de la commission, si nous avions le droit de l’interpeller, nous serions curieux de savoir quel est le Roland mystérieux ou le fantastique Martignac qu’il entrevoit à travers les obscurités vaporeuses de la loi des coalitions.

La discussion du budget va s’ouvrir enfin, et nous espérons que cette année la controverse sur la situation financière sera plus étendue, plus approfondie et plus instructive qu’elle ne l’était autrefois. Au surplus, le débat s’engagera sous de favorables auspices, grâce à la lettre écrite par l’empereur au ministre des finances. Nous avions toujours pensé que l’acceptation du trône du Mexique par l’archiduc Maximilien serait pour nos finances un joyeux événement. L’aubaine a été plus belle encore qu’on ne s’y attendait. Nous n’avons pas seulement l’espoir de recouvrer les dépenses de l’entreprise du Mexique grâce à un règlement de comptes parfaitement dressé et approuvé par le nouvel empereur. Nous savions qu’une portion des sommes qui nous sont dues par le Mexique nous serait immédiatement payée en un titre de 6 millions de rente : c’était quelque chose sans doute ; mais ce n’était pas de l’argent comptant, et quand pouvions-nous espérer que le crédit mexicain serait assez bien fondé pour qu’il nous fût possible de négocier avantageusement cette rente ? Une fée a tout arrangé. Tandis que le nouvel empereur du Mexique, partant pour sa glorieuse aventure, jetait un dernier et mélancolique regard sur son château de Trieste qui s’effaçait à l’horizon, notre trésorerie entrait en liesse : elle voyait tomber tout à coup 60 millions dans ses caisses. L’opération de l’emprunt mexicain prenait soudainement des proportions plus larges : la maison Glyn, après un premier refus, obtenait enfin le patronage du Crédit mobilier pour la souscription de cet emprunt. Nous ne savons si ce patronage rendra le fonds mexicain plus populaire en France ; mais peu importe : de la conjonction de la maison Glyn et du Crédit mobilier est résultée la réalisation immédiate des 6 millions de rentes attribuées au trésor français. Ces 6 millions ont été compris dans l’emprunt, et doivent avoir été l’objet d’une souscription à forfait, puisque la somme de 60 millions qui en est le produit en capital a été immédiatement portée parmi les ressources du trésor. L’empereur a eu l’heureuse idée d’appliquer tout de suite ce premier recouvrement des frais de guerre au dégrèvement des droits d’enregistrement en supprimant le second décime. Évidemment cette réalisation soudaine des premières ressources de l’indemnité mexicaine, qui permet de faire une gracieuseté aux intérêts de la propriété foncière, apporte au trésor un notable allégement. Il y a là un succès actuel, imprévu, qui détend la situation financière, et qui doit rendre plus facile dans ses applications présentes la discussion du budget.

La lettre impériale touchait un autre point qui n’avait pas moins d’importance pour la prospérité publique. L’empereur parlait « des espérances de paix qui deviennent de jour en jour plus certaines. » Ceux qui, comme nous, n’ont aucune influence sur les événemens ne pourraient se permettre une alliance de mots aussi heureuse et n’auraient pas le droit d’attribuer à leurs espérances le caractère de la certitude ; mais le chef de la France est de l’aveu de tous autorisé à considérer comme certaine la paix qu’il espère. Après une pareille parole, nous devrions tenir notre sécurité pour parfaite. Cependant, puisque la discussion du budget en fournit l’occasion naturelle, M. Rouher voudra bien sans doute illustrer de quelques détails la déclaration impériale. La prise de Düppel, la réunion de la conférence, la proposition d’armistice et l’attitude prise par l’Autriche et la Prusse devant cette proposition sont des incidens nouveaux qui appellent quelques éclaircissemens. Pour notre compte, quelque douloureuse que soit la situation du Danemark, quelque pénible que soit pour l’amour-propre de l’Angleterre et de la France la situation créée par l’agression de la Prusse et de l’Autriche, nous nous refusons à croire que la paix générale puisse être compromise. Nous prévoyons que les membres de la conférence passeront beaucoup de temps et discuteront beaucoup avant de se mettre d’accord; mais nous avons aussi des motifs sérieux d’espérer qu’on arrivera à une entente finale.

La première garantie du succès de la conférence et du maintien de la paix est l’union de la France et de l’Angleterre. Que cette union existe enfin aujourd’hui, il semble que l’on doit le supposer depuis l’excursion de lord Clarendon à Paris. On était généralement d’avis de l’autre côté de la Manche que le gouvernement anglais devait au gouvernement français quelques avances et était tenu de prendre l’initiative d’une démarche conciliatrice. Lord Clarendon entrant dans le cabinet, l’homme et le moment ne pouvaient être mieux choisis. Lord Clarendon avait été le ministre des affaires étrangères du temps de l’alliance intime des deux cours et de la guerre de Crimée. Il avait été le plénipotentiaire anglais du congrès de Paris, et y avait aidé le ministre français et M. de Cavour à poser les bases de la future question italienne. Il avait porté le petit chapeau, la veste et le ceinturon des chasses de Compiègne. Aucun visiteur anglais ne pouvait être plus agréable, et il faut noter que c’est après avoir causé avec lui que l’empereur nous a parlé des espérances de paix devenant de jour en jour plus certaines. Si, dans la conférence, la France et l’Angleterre sont réellement unies, bien que l’accord soit tardif, nous ne doutons point qu’il ne parvienne à dominer dans ce qu’elles auraient d’excessif les prétentions de la Prusse et de l’Autriche. Nous reconnaissons que les puissances allemandes et la confédération ont fait leur entrée dans la conférence d’une façon fort peu gracieuse. L’habile représentant de la diète germanique, M. de Beust, qui joue enfin un grand rôle, et qui mérite de le jouer, n’a point été exact au rendez-vous du 20 avril, et n’est arrivé que trois jours après. Les envoyés de Prusse et d’Autriche ont voulu faire à leur compatriote allemand la politesse de l’attendre, et pendant ce temps-là les Prussiens prenaient Düppel. On s’est enfin réuni, on a parlé d’armistice, et les trois Allemands, agissant comme un seul homme, ont allégué des instructions insuffisantes. La conférence est ajournée jusqu’aux réponses des cabinets germaniques. Nous ne savons pourquoi le spirituel caricaturiste du Punch a figuré la conférence sous la forme d’une porte fermée sur laquelle est écrit : « Ici l’on parle français, » et au bas de laquelle s’endort dans sa collerette le chien accroupi de Polichinelle. Jusqu’à présent, ce nous semble, ce n’est pas le français qu’on a parlé dans la conférence, mais bien l’allemand. On prétend que le formalisme tudesque, avec ses lenteurs préméditées, commence à impatienter lord Russell. Quoi qu’il en puisse être, nous ne pensons point que ces simagrées aboutissent à un éclat. Au fond, l’accord des Allemands n’est pas sérieux, et ne peut durer. Les états secondaires claires se défient toujours de la Prusse, et craignent que M. de Bismark, excité par l’accueil que le roi Guillaume a reçu dans les duchés, ne songe à reprendre ses idées d’annexion. Si les craintes des états secondaires étaient fondées, l’Autriche ne tarderait point à se séparer de la Prusse. A travers ces divisions, la politique de la France et de l’Angleterre doit trouver une issue. Quoique l’Angleterre, qui n’a pas l’habitude de modérer son langage, ait fort durement traité les Allemands à propos de l’affaire du Danemark, le gouvernement anglais, on en peut être sûr, n’a aucun goût à pousser les choses à l’extrême vis-à-vis de l’Allemagne. L’Angleterre a une grande sympathie pour le Danemark, mais elle a une répugnance non moins grande à se brouiller avec l’Allemagne. Quant à la France, elle ne soutiendrait pas sa réputation d’habileté et de vigueur, si elle ne savait pas profiter de ces défiances, de ces velléités, de ces divisions, de ces antipathies, qui s’entre-croisent et se neutralisent, pour conduire cet imbroglio à une conclusion pacifique. Nous sommes arrivés à la période ennuyeuse de la question danoise; mais c’est pour cela même que nous nous confirmons davantage dans la certitude de nos espérances de paix.

Les Anglais sont mieux préparés que nous à braver l’ennui de cet épisode diplomatique, car la politique leur apporte de piquantes surprises et des fêtes véritablement amusantes. Ce n’est pas dans leurs scènes parlementaires qu’ils trouvent pour le moment des distractions. M. Disraeli a bien essayé d’appeler l’attention sur la chambre des communes par un bizarre intermède. De vieilles lois qui datent du temps de la reine Anne ou de Burke ont décidé qu’il ne pourrait siéger à la chambre des communes un nombre de sous-secrétaires d’état supérieur à quatre. Or depuis quelque temps cinq sous-secrétaires d’état faisaient partie de la chambre des communes sans qu’on eût pris garde à cette violation flagrante de la légalité littérale. Ni le ministère ni l’opposition n’avaient soupçonné jusqu’à ces derniers jours l’infraction qui mettait ainsi la constitution en danger. Occuper sans droit une place à la chambre des communes, quel crime abominable frappé des peines les plus sévères! Des votes ne passent parfois qu’à une voix de majorité; quel vice introduit à la naissance d’une loi qui n’aura obtenu la majorité que par un vote inconstitutionnel! Comment faire pour réparer ce désordre? Le sous-secrétaire qui doit sortir de la chambre est le dernier nommé, pensent certains légistes; tous les sous-secrétaires d’état qui ont concouru à former le nombre fatal et coupable de cinq, suivant des jurisconsultes plus sévères, ont entaché leur mandat et leur titre de député! M. Disraeli a entamé ce curieux débat avec une solennité archaïque, avec la bonne foi jouée d’un scrupuleux antiquaire, avec des airs superstitieux et des façons d’ancien régime qui ne sont de mise qu’en Angleterre et sont un des traits de ce bizarre pays. Le discours du chef tory, portant dans la politique le raffinement d’un amateur de curiosités, formait sur le fond de la politique contemporaine une à la fois aussi respectable et aussi comique que la perruque du chancelier auprès de la mode du jour. Et au moment où la chambre des communes, se rejetant un siècle et demi en arrière, jouait cette pièce du temps de la reine Anne, Garibaldi recevait ses prodigieuses ovations, et l’on se préparait au jubilé de Shakspeare. Y a-t-il rien en vérité de plus intéressant que ce capricieux séjour que Garibaldi vient de faire en Angleterre? Le succès de l’héroïque condottiere a été complet, absolu. Jamais un homme, un étranger, n’a reçu d’une nation entière un pareil accueil. Depuis cette prodigieuse entrée de Garibaldi dans Londres au milieu d’un peuple en délire jusqu’à la visite du prince de Galles, rien n’a manqué à la manifestation garibaldienne. C’est bien là la nation anglaise, n’ayant qu’une pensée, qu’une préoccupation à la fois, se précipitant tout entière, peuple, aristocratie, royauté, d’un seul côté, entraînant tout et s’entraînant elle-même comme un torrent. Et l’on ne peut dire quelle est la classe qui la première a donné le branle à cet enthousiasme. L’empressement de l’aristocratie auprès de l’illustre Italien n’a fait que suivre, dit-on, l’empressement de la foule des rues : mais avant même son arrivée à Londres Garibaldi n’était-il point l’invité du duc de Sutherland, et le curieux hôte de Stafford-House n’était-il pas désigné d’avance à la sympathique curiosité de l’aristocratie? Au surplus, c’est, si l’on veut, l’habileté de la noblesse et du gouvernement anglais de suivre, le courant de l’opinion en s’efforçant de le dominer. Cette habileté ne leur a point fait défaut en cette circonstance; elle a contribué peut-être à donner au triomphe garibaldien une mesure qui l’a empêché de se compromettre en un dénoûment vulgaire. Il serait injuste de ne pas faire honneur à Garibaldi du tact qu’il a lui-même montré dans cette circonstance. La brusque fin de son voyage n’en est pas l’incident le moins adroitement amené. Que pouvait obtenir de plus Garibaldi en prolongeant son séjour en Angleterre et en visitant les villes de province? De la part des populations, c’eût été la répétition des mêmes hommages, et pour lui un surcroît d’inutiles fatigues. Il faut croire que la santé de Garibaldi n’eût pu supporter la durée de ces agitations, puisque des hommes tels que le duc de Sutherland, lord Shaftesbury et M. Gladstone en ont donné leur parole. Mais lors même que l’on eût conseillé à Garibaldi, dans l’intérêt de l’influence politique que doit avoir la grande démonstration dont il a été l’objet, de ne point se prêter plus longtemps à la représentation du même spectacle, le conseil eût été sage, et Garibaldi, en le suivant, aurait fait preuve de bon sens. L’avis personnel de Garibaldi est que les conseils de ceux qui ont hâté son départ n’ont point été peut-être tout à fait désintéressés, mais que, quant à lui, il emporte dans toute sa fleur un succès auquel rien ne se peut comparer.

Il y a de curieuses rencontres de sentimens s’exhalant des cœurs qui paraissent les moins faits pour obéir aux mêmes émotions. Garibaldi profitait, il y a quelques jours, de sa popularité auprès des Anglais pour leur la Pologne, envers laquelle ils ont été bien froids. Voici qu’aujourd’hui de Rome même, de la bouche du pape part, sous le coup d’une indignation qui ne peut plus se contenir, un saint anathème contre les cruautés que le gouvernement russe commet en Pologne, Le gouvernement russe ferait bien d’y prendre garde : quand, venant d’extrémités si opposées, deux voix, celle de Garibaldi et celle du pape, s’unissent pour maudire les mêmes persécutions, c’est un grand cri de la conscience humaine qui se fait entendre, et ce cri, le gouvernement russe ne pourra pas le braver toujours impunément.


E. FORCADE.


SILVES, par M. Auguste BARBIER[1].


La renommée de l’auteur des Iambes comme poète satirique était faite, et glorieusement faite, depuis 1830; mais M. Auguste Barbier, reconnaissons-le aujourd’hui, n’avait pas mis son âme tout entière dans la satire : d’autres cordes vibraient en lui. M. Barbier, dans quelques pièces des Silves, nous montre le côté rêveur de son imagination. Les morceaux de pure fantaisie qu’il nous apporte aujourd’hui sont, dit-il, de simples essais, œuvres de sa jeunesse. Ils n’en méritent pas moins une lecture attentive, car on peut y saisir, grâce à l’ordre des dates, la série des évolutions accomplies discrètement et comme à l’écart par cette seconde vertu poétique, nourrie en lui de caprice et de rêverie.

En dehors de certaines poésies à fleur d’âme, intimes et de circonstance, rangées au nombre des Silves, il y a dans ce recueil un fond solide de méditation sur lequel il faut s’arrêter; c’est ce que l’on pourrait appeler la troisième manière de M. Barbier. M. Barbier est vraiment un poète penseur; les regards qu’il jette mélancoliquement à droite et à gauche sur l’arbre et l’insecte, la fleur et l’onde, découvrent des choses vivaces et intéressantes. Ne craignez pas de vous égarer avec lui aux régions de brumes et de fumée; n’ayez pas peur de sentir jamais se dérober sous vos pieds le terrain de la vérité et du sens commun ; s’il module une méditation sur les êtres divers de la création, son recueillement demeure tout viril. L’âme domine et plane sur le tout, et le mensonge prestigieux de la cadence n’essaie pas de vous donner le change traîtreusement sur une creuse apparence d’idée ou de sentiment. Certes, pour qui revient, tout meurtri et tout effaré, de ces régions indécises où vous entraînent de nos jours tant de prétendus poètes fantaisistes, il est doux de pouvoir cheminer à l’aise, en face d’horizons réels, sur une chaussée résistante et bien cimentée. En somme, M. Barbier n’est point de ceux à qui le respect et l’attention des contemporains manqueront jamais. S’il abandonne le fouet de Juvénal pour se retirer dans le sanctuaire le plus intime de son être et devenir un penseur robuste et mélodieux, nous ne savons où l’on prendrait lieu d’être inquiet et comment le public s’effraierait des métamorphoses du poète.

Nous ne voudrions point quitter les Silves sans constater la variété charmante que ce volume offre au lecteur; on s’avance à travers le livre comme dans une région pittoresque où chaque pas change le paysage. C’est là un genre d’attrait qu’on demanderait vainement aux recueils des poètes du jour; presque tous ont ce caractère de monotonie, d’uniformité, qui est encore une marque certaine d’impuissance. Une seule pièce lue vous donne le compte des idées contenues dans le volume; continuez-vous à tourner les pages, vous vous heurtez aux répétitions. C’est le même thème invariable, habillé de rimes plus ou moins sonores :

Et ce n’est que du bruit que tout ce qu’on écoute.

La recherche des atours trahit à la vérité une peine infinie; hélas! cela ne veut pas être creusé; le moindre attouchement dérangerait peut-être cette mise coquette et raffinée.

« Tout poète véritable, écrivait en 1840 M. Victor Hugo, indépendamment des pensées qui lui viennent de son organisation propre et des pensées qui lui viennent de la vérité éternelle, doit contenir la somme des idées de son temps.» Ce mot peut être appliqué à bon droit aux époques qui, selon l’expression de Térence, sont pleines de rimes, et où la poésie coule de source; mais ce courant général d’idées et d’impressions dans lequel flotte le monde présent n’entre guère, il faut bien l’avouer, dans la poésie que ce monde produit. Peut-être, après tout, l’élan lyrique, tel que le passé nous apprend à le concevoir, ne résumerait-il pas avec une netteté parfaite notre mouvement intellectuel si pratique et si positif. Ce qui est certain aujourd’hui, c’est que la fantaisie individuelle refoule peu à peu la haute inspiration et tend à se substituer à ce fond général d’idées et d’impressions qui féconde seul les œuvres intellectuelles. C’est là une tendance que nous signalons, tout en reconnaissant qu’en d’autres domaines la pensée gagne au contraire en largeur et en fermeté. Espérons que l’équilibre ne sera point détruit, que les facultés Imaginatives et poétiques maintiendront leur autorité, et que les Silves de M. Barbier sont comme l’annonce d’une conciliation heureuse que de nouvelles tentatives littéraires ne tarderont pas à mieux accuser.


JULES GOURDAULT.


V. DE MARS.

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  1. 1 vol. in-18, chez Dentu.