Chronique de la quinzaine - 31 juillet 1865

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Chronique n° 799
31 juillet 1865


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.



31 juillet 1865.

Les élections municipales ont été l’occasion d’un succès notable pour l’opinion libérale. Les élections, à quelque degré qu’elles s’exercent, sont des manifestations directes de l’opinion publique, des phénomènes représentatifs par excellence. On aura beau dire de l’élection des conseillers municipaux qu’elle n’a point une grande portée politique, qu’il n’est question là après tout que de la gestion d’affaires purement locales, et que le débat s’agite entre des ambitions et des rivalités de clocher. Il serait puéril et maladroit de ne vouloir regarder les élections municipales que par le petit bout de la lorgnette : l’importance du mouvement électoral auquel nous assistons ne tient point à la nature des fonctions municipales ; elle dérive de ce mouvement électoral lui-même, des tendances qui s’y sont révélées, de la direction des esprits qui s’y est fait jour, en un mot de la signification générale des élections. À ce point de vue, les élections qui viennent de s’achever peuvent donner à penser utilement soit au gouvernement, si intéressé à ne point se méprendre sur la marche de l’opinion publique, soit à l’opposition libérale, qui commence à gagner la faveur du pays et qui doit s’efforcer de la mériter chaque jour davantage.

D’abord il ne saurait plus y avoir de contestation sur le succès moral de l’élection. Ce succès appartient à l’opposition libérale. C’est cette opposition qui a remporté les avantages les plus significatifs ; c’est elle qui a été portée, soulevée et avancée par le flot qui monte. Vainement la presse officieuse a-t-elle essayé de donner le change sur ce point décisif par un escamotage de mots aussi ridicule que disgracieux. Obéissant à un bizarre mot d’ordre, la presse officieuse a donné le nom de listes municipales aux listes agréées ou patronnées par l’administration ; mais elle a omis de dire que, dans la plupart des grandes villes, l’administration, prévoyant qu’elle ne pourrait disputer la victoire à certains candidats de l’opposition, les avait inscrits prudemment sur ses propres listes. Il est résulté de cette combinaison que les noms portés à la fois par l’opposition et par l’administration sont sortis triomphans des urnes au premier tour de scrutin. Aussitôt les journaux officieux se sont hâtés d’attribuer sans explication ces succès aux listes administratives ; mais les éclaircissemens sont vite arrivés, et il s’est trouvé que dans des cas semblables, comme à Grenoble par exemple, c’étaient les listes de l’opposition qui avaient passé à peu près entières, ne laissant à un petit nombre de candidats administratifs que la chance désespérée d’un second tour de scrutin. Il se trouve donc en définitive que, dans un grand nombre de municipalités et dans les villes les plus considérables, l’opposition, qui n’était pas représentée dans les conseils, y aura la majorité. C’est là qu’est le profit en quelque sorte matériel obtenu par l’opposition. Le profit moral est plus grand. Les victoires de l’opposition ont été remportées surtout dans les grandes villes, dans les centres intellectuels, dans les foyers où les intérêts locaux et l’exercice du droit de contrôle sur la direction des affaires municipales se rapprochent davantage des intérêts généraux, et réclament un plus large développement d’esprit public. Sans doute un grand nombre de petites communes rurales ont été tenues en dehors de la lutte et sont demeurées dociles au patronage administratif. L’opposition, à propos d’élections de cette nature, ne pouvait aspirer à conquérir la majorité de nos quarante mille communes. Il y a toujours dans de pareils débats une distinction à faire entre la quantité et la qualité : il y a d’un côté les moines, comme disait Pascal, et de l’autre côté les raisons. L’administration a conservé l’empire des moines ; nous avons les villes où l’on raisonne. En somme, au point de vue matériellement arithmétique, l’opinion libérale a beaucoup gagné à ces élections ; elle a gagné plus encore au point de vue moral par l’importance des intelligentes et industrieuses cités qui ont adopté ses candidats.

Nous ne voulons rien exagérer, car il n’y avait pas, à proprement parler, dans ce renouvellement des conseils municipaux une lutte d’ascendant politique entre le gouvernement et l’opposition. Nous regardons surtout ce mouvement électoral comme un symptôme et un enseignement qui peuvent être aussi instructifs pour le gouvernement que pour l’opposition libérale. Nous sommes d’autant plus à l’aise pour inviter le gouvernement à bien comprendre le sens de l’acte représentatif accompli par le pays, que l’administration avait pris à l’endroit des dernières élections une attitude prudente et calme. Le gouvernement n’a pas eu l’air de vouloir dominer ces élections et les emporter de haute lutte. Il a semblé être revenu de ces susceptibilités, de ces défiances, de cet orgueil maniaque d’initiative, qui portaient, il y a quelques années, M. Billault à engager les maires à ne pas subordonner leurs fonctions aux chances électorales. Dans la dernière session, M. Rouher avait annoncé déjà que le gouvernement était résolu à choisir les maires parmi les conseillers municipaux. Les instructions de M. de Lavalette aux préfets ont confirmé cette assurance. Si l’on avait à interpréter l’habile circulaire du ministre de l’intérieur, il semblerait que le gouvernement se proposait avant tout, dans cette épreuve des élections municipales, d’étudier le courant de l’opinion, de consulter l’esprit public, de tâter en un mot le pays. On dirait que c’est dans cette pensée qu’on a voulu essayer de laisser aller un peu les choses et de rendre un peu la main au corps électoral. On avait renoncé à heurter de front l’opposition ; on est allé plus loin, on a placé des noms de l’opposition sur certaines listes administratives. N’était-ce pas se montrer prêt à faire les concessions nécessaires ? Telle a été, en apparence du moins, la politique du gouvernement, et cette politique, si en effet nous devinons juste, serait fort raisonnable. Pour un pouvoir qui tiendrait à conserver le mérite et la force de l’initiative, et qui en même temps voudrait gouverner avec l’opinion publique, des élections municipales générales seraient une occasion bien choisie de pressentir les directions futures de l’opinion, afin de les devancer et de s’y conformer sans avoir l’air de les subir. Au surplus, que le gouvernement ait pensé ou non comme nous le supposons, l’intérêt de la situation présente est le même pour lui comme pour nous. Les élections donnent au gouvernement des avertissemens et des enseignemens qui n’ont point pour lui le caractère irritant et blessant d’une leçon infligée par une élection générale du corps législatif, et auxquels par conséquent il peut céder sans humiliation, sans dépit, de bonne grâce.

Déjà, depuis les élections de 1863, le gouvernement a pu s’apercevoir que la réaction qui a produit les événemens de 1851 est arrivée en France à son terme. Les élections municipales de 1865 confirment ce fait et l’élèvent au-dessus de toute contestation. Ce n’est plus la liberté qui excite les défiances du pays ; ce n’est plus aux inspirations et à la conduite exclusive du pouvoir que le pays demande son salut ou sa sécurité. L’ère est close des sauveurs de société et des dictatures aveuglément acceptées. Le pays veut être gouverné dans les conditions des sociétés modernes, c’est-à-dire qu’il veut se gouverner lui-même. Ce qui domine dans les élections municipales qui viennent d’avoir lieu parmi ces populations actives et intelligentes de Marseille, de Toulouse, d’Avignon, de Bordeaux, de Nantes, etc., c’est le sentiment que les actes de l’administration à tous les degrés de la hiérarchie doivent être sérieusement et vivement contrôlés. Paris, Lyon, s’ils possédaient leurs libertés municipales, auraient rendu avec plus d’éclat encore le même verdict. Ce pays commence à être fatigué de n’avoir plus une vie politique suffisante. Il est las de recevoir passivement l’impulsion politique d’en haut ; il veut la trouver en lui-même. La politique dépensière des administrations municipales l’inquiète et le vexe, et il croit que, s’il s’occupait plus attentivement de ses affaires, il ne serait point exposé à subir les conséquences d’aventures comme celle du Mexique. Tel est le mouvement sérieux qui est commencé en France. M. Gladstone, le représentant le plus élevé du libéralisme anglais, a jeté pour cri de ralliement aux électeurs du Lancashire le mot : move on ! en avant ! C’est en tout temps et en tout pays la devise des libéraux. En avant ! chez nous, France, cette devise veut dire aujourd’hui : Prenons tous part aux affaires publiques. Dans les affaires générales comme dans les affaires locales, n’attendons point d’en haut le mot d’ordre impérieux ; Inspirons au contraire et conduisons le pouvoir et l’administration avec les lumières de tous, sous l’influence des idées et des intérêts librement, spontanément et sincèrement représentés, par l’action des corps publics émanés de l’élection. Voilà la politique qui est aujourd’hui en marche parmi nous et qui ne s’arrêtera plus qu’après avoir complètement triomphé. Un pouvoir prévoyant, et qui aurait à cœur de ne point se séparer de l’opinion publique, devrait comprendre cette tendance et en tenir grand compte. Ce mouvement est secondé par une loi irrésistible de la nature humaine. La force et la splendeur de la vie dans les peuples en pleine sève ne consistent point dans l’obéissance mécanique à des directions données par le pouvoir ; l’idéal des hommes en société politique n’est point d’emboîter le pas et de marcher en rangs sur les talons les uns des autres, suivant la pittoresque définition que le général Sherman vient de donner de la guerre : la vie et l’idéal sont dans la féconde variété des talens, des caractères, des intérêts se faisant jour librement à travers les combinaisons sociales. La faute commise par un pouvoir qui voudrait couvrir de son patronage tous les actes de la vie publique d’un peuple, qui aurait la prétention de dicter au pays ses choix et de marquer à chacun sa place, serait de se briser contre une loi naturelle.

Cette prétention serait le danger d’un régime autoritaire comme celui qui est né en 1851. C’est une illusion commune aux hommes qui arrivent au pouvoir par des accidens de force d’oublier les générations qui viennent après eux et derrière eux. Chaque révolution chez nous produit sa fournée d’hommes politiques. Ceux-ci, une fois arrivés, commettent toujours la faute de tirer derrière eux l’échelle, et s’imaginent que la ténacité avec laquelle ils se cramponnent au pouvoir, aux places, aux fonctions élues, doit suffire à la béatitude universelle. Les influences, depuis les sphères les plus élevées du gouvernement jusqu’au cercle étroit des plus modestes communes, se figent pour ainsi dire dans des coteries dont la suprématie, en durant, devient irritante et insupportable. Même pour ceux qui sont détachés des plus légitimes ambitions personnelles, il est souverainement fastidieux de voir toujours représentés la même pièce par la même troupe. La scène s’encombre ainsi de ténors éreintés, de barytons ridicules, qui seraient avantageusement remplacés pour l’agrément du parterre par de jeunes choristes. Il faut l’air de la liberté pour rafraîchir et purifier cette température de serre chaude ; il faut que la liberté produise ses hommes, les pousse, les entraîne, les place et les déplace par ses mouvemens naturels, pour qu’une nation ne se sente point contrariée dans l’expansion de sa vie. On éprouve aujourd’hui chez nous un sentiment de ce genre dans les régions où sont les véritables forces de la vie politique. Ce sentiment s’est montré dans les élections municipales de nos grandes villes. Que des routiniers de l’école autoritaire ne cherchent pas à donner le change sur les moyens par lesquels les succès de l’opposition ont été obtenus dans ces élections, qu’ils ne parlent point de la coalition des vieux partis ; il est absurde de parler des vieux partis sous un gouvernement qui dure depuis quatorze ans. Toutes les anciennes opinions ont dû subir durant cette période des modifications qui les ont renouvelées ; elles ont toutes appris par exemple qu’elles ont un intérêt commun, un centre d’union qui est la liberté, et c’est en effet au nom de l’union libérale qu’elles ont combiné leurs efforts. Mais l’appoint le plus considérable, le plus efficace, le plus vivace, leur a été apporté et leur est fourni chaque jour par les générations qui depuis quatorze ans arrivent à la vie publique. C’est de ces générations qu’il faut maintenant se préoccuper ; soyez sûrs que vous ne les gagnerez point avec des routines rébarbatives, et que vous n’aurez pas leurs suffrages, si vous n’avez à leur offrir que du vieux.

L’honorable M. Duruy a, quant à lui, une façon singulière de s’occuper de l’éducation politique de notre jeunesse. M. Duruy a quelquefois manifesté des intentions libérales auxquelles on s’est empressé de rendre justice ; mais quelquefois aussi il a eu des excès et des bizarreries de zèle devant lesquelles on n’a pu toujours s’empêcher de sourire. C’est dans les sujets des compositions du grand concours que M. Duruy s’est fait remarquer cette fois. Plusieurs de ces sujets sont fort extraordinaires, mais nous les passerions encore à la fantaisie de l’ingénieux ministre. M. Duruy donne par exemple pour thème de la composition d’histoire la question d’Orient. Temps heureux que celui où l’on apprend la question d’Orient au collège ! À coup sûr, pour juger du mérite des compositions, M. Duruy ne se fiera point aux lumières de simples officiers de l’université, et formera un jury ad hoc composé tout au moins de MM. de Bourqueney, Thouvenel et Drouyn de Lhuis. Le lauréat ne manquera point de fournir une utile recrue au personnel du ministère des affaires étrangères, et, s’il ne devient ministre, fournira sans doute au département, qui n’est peut-être pas trop riche sous ce rapport, un écrivain de dépêches élégant et correct. Les professeurs feront bien, pour exciter l’émulation des jeunes élèves, de leur apprendre que le présent ministre des affaires étrangères est un ancien prix d’honneur. Passe pour la question d’Orient, passe aussi pour la question d’Alger. M. Duruy veut en effet, avec ce délicat esprit d’à-propos qui convient aux solennités académiques, que le prix d’honneur soit disputé cette année sous la forme d’un discours qu’Auguste aurait adressé au sénat touchant l’organisation du gouvernement de l’Afrique, sage harangue où l’orateur impérial recommanderait de traiter avec une égale sollicitude les colons romains d’une part, les indigènes maures et numides de l’autre. Espérons que ces compositions seront traduites et publiées dans le prochain livre jaune pour l’instruction et l’édification, du sénat et du corps législatif, quand il s’agira de discuter les affaires africaines. Heureux, parmi les jeunes concurrens celui qui aurait pu lire le mémoire confidentiel de l’empereur dont il a été récemment question ! Celui qui serait assez fort en thème pour mettre ce mémoire en latin aurait certainement le prix. Tout cela est curieux, singulier, mais innocent. Ce que nous ne pouvons voir avec la même indulgence, c’est la thèse sur l’éloquence par laquelle il faut prouver que l’art oratoire sous l’empire des césars, ne pouvant plus servir d’instrument aux passions anarchiques, a encore devant lui une vaste et noble carrière. C’est à des Quintiliens de dix-huit ans que M. Duruy impose le développement de ce paradoxe. Le ministre étant dans la voie des allusions historiques, nous nous inscrivons contre l’assimilation qui est enveloppée dans le sommaire de la dissertation proposée. N’est-ce pas faire injure à la France et calomnier notre temps que de s’attarder dans cette fâcheuse comparaison de la France contemporaine avec l’ère des césars ? N’est-ce pas manquer de bonté envers la jeunesse française que de ternir son imagination et d’éteindre ses espérances en lui montrant l’avenir sous la forme d’un pareil passé ? Abandonnez ces rêveries aux excogitations excentriques de quelque politique érudit énamouré de latin de décadence. M. Sainte-Beuve, en parlant un jour de cette thèse à propos d’un livre de M. Troplong, appelait cela d’un gros mot : « c’est, disait-il, de la littérature d’état ; » mais le gros mot était évidemment tout gonflé de raillerie. Littérature d’état, soit. M. Duruy semble croire que le pouvoir a une grande influence sur la littérature ; il est en cela du même avis que Napoléon. Un jour que l’empereur était vexé de l’ineptie d’un dithyrambe qui avait été débité en son honneur sur un théâtre de Paris, il écrivait avec une naïve colère au personnage que l’histoire appelle le sage prince Cambacérès : « On se plaint que nous n’avons pas de littérature ; c’est la faute du ministre de l’intérieur ! » Si le ministre de l’intérieur de ce temps-là avait eu l’esprit de celui d’aujourd’hui, il eût bien ri de l’apostrophe ; mais, puisque M. Duruy a entrepris sérieusement d’initier la jeunesse à la littérature politique, qu’il évite du moins de faire chercher à nos jeunes gens leur horoscope politique et littéraire dans l’histoire de la décadence d’un vieux peuple païen. Que dirait M. Duruy, si sur les bancs de nos classes de rhétorique une jeune âme, un jeune esprit, ému de cette générosité que les premières révélations de la culture littéraire encouragent et ennoblissent, répondait au défi du sujet de composition en défendant la thèse contraire, qui est la vraie, si le jeune élève soutenait que le testament d’Auguste n’est point un programme dont se puisse inspirer l’éloquence qui se respecte et se fait respecter, s’il montrait que les discours prononcés au sénat n’ont plus intéressé l’humanité et n’ont point été conservés à la postérité depuis que le sénat eut cessé d’être libre, s’il rappelait que ce qu’il y a eu encore de grands écrivains ou de grands orateurs sous l’empire, un Tacite par exemple, n’ont dû leur talent qu’à l’amour, à l’admiration, aux regrets qu’ils nourrissaient pour l’ancienne constitution romaine et au mépris altier qu’ils ressentaient pour le régime des césars ? Alors commence l’ère des grammatici déclamateurs et vides, des causidici cupides et parasites. L’éloquence, avec la liberté, a perdu sa substance et sa moelle ; frivole et fausse, elle s’amuse, dans d’insipides panégyriques, au pailletage des mots, et s’éteint dans l’ennui précurseur de la barbarie. Controversiam vibrantibus sententiolis pictam… mellitos verborum globulos, et omnia dicta façtaque quasi papavere et sesamo sparsa, comme dit Pétrone en son joli latin dans une œuvre qui est le monument infâme de la corruption produite par la servitude et l’oisiveté politiques. L’agonie de l’éloquence politique commence avec l’ère des césars, mais alors, avec la foi et la prédication de saint Paul, s’ouvre une autre propagande et se prépare une autre éloquence, l’éloquence religieuse.

Nous ne redoutons point que cette doctrine historique qui ose montrer à la France moderne les voies de la Rome impériale s’accrédite chez nous quand nous voyons paraître un aussi excellent livre que celui de M. Gaston Boissier sur Cicéron et ses amis. Ce livre reproduit les travaux de M. Boissier sur l’époque de Cicéron et de César qui ont été publiés et très remarqués dans la Revue. Nous ne connaissons guère en ce temps-ci de lecture aussi attrayante, aussi instructive et aussi saine. Voilà de l’érudition vraie, désintéressée, élégante, où l’histoire n’est point corrompue par l’adulation, où le goût des choses de l’antiquité est éclairé, guidé, relevé par l’intelligence des choses contemporaines. Montesquieu mis à part, on comprend mieux en France, depuis la révolution, l’histoire en général et surtout l’histoire romaine. Nous ne sommes plus dépaysés maintenant au spectacle de ces luttes politiques, de ces combinaisons d’influences, de ces manœuvres de partis, de cette éloquence publique mobile et passionnée qui s’agitaient sur le fond de la démocratie romaine aux derniers jours de la république. Notre histoire dans ses données fondamentales ne ressemble point à l’histoire romaine. Nos démocraties sont formées d’intérêts et inspirées d’idées qu’on ne peut confondre avec les justes griefs ou les grossiers appétits de la plèbe antique ; mais les hommes avec leur intelligence et leur caractère, les événemens avec leurs tours soudains, conservent dans l’intervalle des siècles des analogies qu’il y a plaisir et profit à étudier. Il ne s’agit pas de copier l’histoire romaine, comme on le voulait au temps où l’école de David semblait être passée de la peinture dans la politique ; mais devant le drame romain les plus hautes sympathies de l’intelligence et de l’âme sont émues. C’est à ce drame que M. Boissier nous intéresse, tant il lui est devenu familier, tant il en connaît les complications et les acteurs. Les amis que Cicéron est destiné à avoir dans tous les temps lui seront toujours reconnaissans de leur avoir rendu sous une forme si claire, si aisée et en même temps si solide, les impressions qu’ils ont eux-mêmes ressenties dans l’intimité du grand orateur et du grand épistolaire. Chose étrange ! la vie et la renommée de Cicéron sont encore un sujet de controverse parmi les hommes politiques. Cicéron rencontre toujours de disgracieux contempteurs et de chaleureux amis. Nous nous défions, quant à nous, de ceux qui disent du mal de Cicéron. Les politiques à vues étroites et grossières lui en veulent parce qu’il n’a point été du parti du succès. La belle raison ! Il fallait donc que Cicéron fût César, car il ne pouvait être son lieutenant : c’était bon pour son frère Quintus. Mais si Cicéron a été du nombre des vaincus, il ne s’était point fait illusion sur l’avenir de sa cause. Il est le plus grand peut-être parmi les natures d’élite qui deviennent hésitantes au moment d’agir, parce que leur intelligence voit à la fois trop de choses et d’aspects divers, et parce que leur conscience est sensible à d’honorables scrupules. Doué comme il l’était, il ne pouvait pas chercher sa gloire dans l’action, et le succès ne pouvait être pour lui la condition déterminante de la convenance et de l’honnêteté. Quel lustre il a d’ailleurs jeté sur la fin du parti constitutionnel à Rome ! Comme ses œuvres, sa destinée, son nom, font corps avec la grandeur romaine ! César, le seul grand homme de notre connaissance qui ait eu du goût, écrivait que Cicéron avait bien mérité de la dignité du peuple romain en introduisant le nombre dans la langue. Cicéron était trop homme de lettres pour n’être point sensible à ce compliment ; mais il a fait heureusement plus que cela pour Rome : il a été le plus humain des Romains dans le sens moderne du mot ; sans lui, et il faut ajouter aussi sans Virgile, nous n’aurions peut-être rien à aimer dans l’antiquité latine. Nous faisons donc des vœux pour qu’il y ait toujours non-seulement au sens littéraire, mais au sens politique, des cicéroniens dans le monde, dussent-ils se tromper quelquefois et dépenser leur courage à combattre la brutalité d’Antoine quand il s’agirait au contraire de se défier de la froide astuce d’Octave. Le meilleur éloge que nous puissions faire du livre de M. Boissier, c’est de dire qu’il augmentera infailliblement le nombre des amis de Cicéron.

Le vieil orateur romain vient de porter bonheur à un confrère de M. Boissier en littérature cicéronienne. Notre collaborateur cite dans son livre un écrivain anglais, M. Forsyth, qui a publié récemment une vie de Cicéron. M. Forsyth vient d’être envoyé au parlement par Cambridge. La grande épreuve des élections anglaises est terminée. L’incident le plus dramatique de la lutte électorale a été sans contredit l’échec de M. Gladstone à l’université d’Oxford et sa nomination dans le Lancashire. La défaite de M. Gladstone à Oxford a été un événement. On n’a pas vu sans regret la vieille université se séparer de l’homme d’état éminent qui l’avait représentée depuis dix-huit ans. M. Gladstone est, parmi les contemporains, le plus glorieux des élèves d’Oxford, et il semblait que sa renommée fût inséparable de la gothique et vénérable université. On prévoyait cette rupture, et pourtant on voulait espérer jusqu’à la fin qu’elle n’aurait pas lieu. C’est l’esprit de conservation religieuse et politique qui a, dans cette circonstance, frappé un homme que sa conscience, sa raison, le sentiment du devoir patriotique, ont irrévocablement attaché à la cause du développement progressif des institutions de son pays. Cependant un célèbre professeur d’Oxford, le docteur Pusey, quoique représentant des idées de high church, auxquelles M. Gladstone s’était rallié au début de sa carrière, n’avait pas craint d’intervenir avant l’élection en faveur du ministre libéral, et avait rappelé aux membres de l’université qu’ils devaient, en choisissant leur député, s’inquiéter bien plus des intérêts spirituels de l’église que de ses intérêts matériels engagés dans le conflit des partis. M. Gladstone a pu être péniblement affecté de son échec ; mais il a dû en être étonné moins que personne : c’est aux hommes d’état les plus vaillans que sont réservés les accidens de cette nature. Quand M. Gladstone est entré dans la vie politique, il était l’espérance de la haute église et du torysme : aujourd’hui, après avoir fait pour le progrès économique de l’Angleterre plus qu’aucun homme d’état vivant, il est devenu l’espérance de ceux qui veulent effacer des institutions anglaises les derniers restes de l’esprit d’intolérance et d’exclusion, qui veulent élargir la constitution pour y faire entrer graduellement la démocratie. M. Gladstone a été l’homme pratique le plus progressif de son temps. On comprend qu’une évolution aussi vaste que celle qu’il a accomplie soulève des rancunes et des ressentimens que la bonne foi et le talent ne peuvent désarmer tout de suite ; mais il est impossible de répondre avec plus de noblesse et de modestie en même temps que ne le fait M. Gladstone à ceux qui lui reprochent son action politique actuelle en lui rappelant son origine. Ce qui rend la parole de M. Gladstone plus attachante encore peut-être que l’éloquence dont elle déborde, c’est l’accent de sincérité et d’honnêteté qui la domine. On en a eu un magnifique exemple à Liverpool. Une demi-heure après que le télégraphe avait annoncé son échec à Oxford, M. Gladstone prenait la parole devant une assemblée populaire pour poser sa candidature dans le Lancashire. Il était sous l’émotion d’une des crises les plus importantes de sa vie politique. Au moment où s’accomplissait son divorce avec l’université d’Oxford, il avait, pour justifier sa carrière, à retracer les grandes lignes des principes qui ont présidé à ses actes comme ministre, et qui doivent inspirer sa conduite future. Ses adieux à Oxford furent son exorde ; ils furent touchans : point d’amertume, point d’aigreur ; on y sentait comme une tendresse endolorie pour l’alma mater, pour cette vieille mère des études à laquelle M. Gladstone est inséparablement lié par les meilleurs souvenirs de sa jeunesse. Une harangue très élaborée, prononcée quelques jours avant par M. Disraeli, fournit à M. Gladstone une opportune et large pâture pour le corps de son discours. Mis en demeure par un adversaire politique, M. Gladstone était en quelque sorte forcé de faire aux électeurs le triomphant récit de sa politique financière. Cet exposé, que l’orateur a rendu dramatique en prenant corps à corps les assertions de l’opposition conservatrice et en les renversant sous des réfutations vives, spirituelles, véhémentes, se résume en des chiffres merveilleux. En 1860, le budget anglais s’élevait à 73 millions sterling ; en 1865, il est descendu à 66 ou 67 millions : il est inférieur d’au moins 6 millions au chiffre d’il y a six ans ; mais dans cet intervalle M. Gladstone a eu l’adresse et le bonheur de faire remise aux contribuables de taxes dont le total représente annuellement 16 millions sterling. Ainsi, tandis que le revenu n’a décru que de 150 millions de francs, la nation anglaise jouit, par l’effet des mesures de M. Gladstone, d’une réduction de taxes de 400 millions par an, si l’on compare l’année financière de 1860 à l’année courante. On ne saurait trop insister sur un pareil fait, qui ne peut pas être seulement un sujet de satisfaction pour l’Angleterre, mais qui devrait être pour la France un exemple et un enseignement. Voilà la politique financière qui correspond à la véritable politique du libre échange. Vous soumettez les producteurs nationaux à la libre concurrence étrangère, vous devez aux producteurs nationaux le dégrèvement de la taxation, vous devez, avec les réductions obtenues sur les dépenses, procurer au pays le moyen d’augmenter ses épargnes productives et d’accroître avec vigueur chaque année le capital national. Nous croyons avoir imité la politique commerciale de l’Angleterre ; nous n’y aurons pas réussi avant de nous être instruits à l’école de M. Gladstone, avant d’avoir compris qu’il vaut mieux, pour enrichir le pays, réduire la taxation que de faire, par l’état et les administrations publiques, des travaux coûteux, stériles, qui troublent l’équilibre industriel et altèrent les conditions naturelles des prix de la main-d’œuvre. M. Gladstone a répété cette démonstration dans son discours de Liverpool de la façon la plus décisive. Agir de la sorte, c’est faire véritablement ce qui s’appelle le bien public. Quand on a réalisé de semblables mesures, dont l’expérience a prouvé l’efficacité pour le bien-être d’un peuple, on peut se consoler d’avoir sacrifié à un si grand objet de simples liaisons de parti ; mais est-ce là une affaire de parti ? « Ce sont des objets, s’est écrié M. Gladstone avec une sincérité pénétrante, qui appartiennent au pays tout entier, à cette Angleterre où nous vivons tous. Quelle folie qu’il se soit trouvé un parti dans l’état pour abandonner à ses rivaux le monopole et la gloire de la réalisation d’une telle œuvre ! Qu’ils sont heureux au contraire ceux à qui il a été donné d’y mettre la maint Quant à moi, je ne saurais trop me féliciter d’avoir été appelé à reconnaître, non par une délibération de mon esprit, mais par les circonstances où j’étais placé, que mon devoir absolu était d’entreprendre cette œuvre bienfaisante, dont l’accomplissement est la principale étude et l’objet de ma vie. » Il est inutile de dire qu’à cette œuvre d’économie philanthropique M. Gladstone ajoute, dans son programme d’avenir, toutes les mesures qui pourront faire monter le peuple en intelligence, en moralité, en influence politique. Dégagé des liens d’Oxford, M. Gladstone s’est posé devant les électeurs du comté de Lancastre comme planant au-dessus des combinaisons et des conventions de parti, et ne voulant plus être désormais que l’ouvrier du bien public, l’homme du pays.

Le résultat des élections anglaises est à coup sûr favorable au progrès des idées libérales. La majorité un peu confuse, il est vrai, que couvre la dénomination flottante de libérale, a gagné environ 26 voix à ces élections. Cependant il serait difficile de préjuger d’après ce chiffre quel pourra être le classement des partis sur certaines questions essentielles, et surtout dans les circonstances où les combinaisons de cabinets seraient en jeu. Parmi les questions politiques que devra débattre le prochain parlement, celle de la réforme électorale viendra inévitablement en première ligne. Lord Palmerston ne s’est jamais soucié de cette réforme, et croit sans doute avoir rendu un grand service à son pays en usant de sa rare popularité pour l’ajourner depuis six ans ; mais d’autres ministres, lord Russell, M. Gladstone, sont engagés sur la réforme, et ne semblent pas pouvoir se prêter longtemps à une politique de temporisation. Le malheur, c’est que sur la question de réforme l’unité du parti libéral ne pourra se maintenir. C’est dans une section du parti libéral qui compte parmi ses membres des hommes très éclairés, très éloquens, qui ne sauraient être considérés commodes traînards opiniâtres de l’opinion conservatrice, des orateurs par exemple tels que M. Lowe et M. Horsman, que l’idée de réforme électorale rencontre l’opposition la plus vive. Lord Palmerston d’ailleurs restera-t-il longtemps ministre ? Des journaux tories prétendent qu’il veut se retirer ; on ne l’eût point dit aux discours alertes qu’il a prononcés à Tiverton. Si lord Palmerston prenait sa retraite, M. Gladstone pourrait-il céder le premiership à lord Russell ? Ne prendrait-il point la conduite de la chambre des communes ? N’y aurait-il pas une scission au sein du parti libéral en présence d’un ministère décidément réformiste ? Sans essayer de pousser à fond ces conjectures, on peut prédire que la vie de la prochaine chambre des communes sera plus accidentée que la longue existence de la chambre précédente.

Le nœud de la question des duchés serait-il près enfin de se serrer ? On le dirait au mouvement des cours allemandes. Les cours secondaires posent enfin au sein de la diète des questions précises à la Prusse. Pour devenir plus pressantes, ces cours ont attendu que l’Autriche eût terminé sa crise ministérielle, La cour de Vienne est maintenant plus libre dans ses allures ; M. de Mensdorf-Pouilly, aujourd’hui président officiel du cabinet, va presser sans doute M. de Bismark de s’expliquer sur ses intentions et d’accorder enfin aux duchés une existence régulière. Il parait que la cour de Vienne est décidée à faire quelques concessions au cabinet de Berlin ; mais du jour où elle aura marqué explicitement la limite de ces concessions, elle aura opposé une borne à l’ambition de M. de Bismark, qui aime à rester dans le vague, et elle aura fixé une échéance à la politique prussienne, dont la tactique est de gagner indéfiniment du temps. Une rencontre se prépare donc au sein de la confédération entre la politique de Vienne et celle de Berlin. Quand le choc aura-t-il lieu ? Les affaires d’Allemagne nous ont trop accoutumés à la patience pour que nous ayons la présomption de fixer une date et une durée à la phase nouvelle où la question des duchés semble être entrée. Il est singulier que ce soit au moment où il va peut-être rencontrer des embarras dans sa politique allemande que M. de Bismark se soit amusé à vexer les libéraux prussiens et à traquer une opposition qui ne cherche à se manifester que par des banquets ; mais voici une autre complication. Les tribunaux prennent parti pour les députés pourchassés ; ils proclament la légalité des banquets et condamnent comme contraires à la loi les brutalités de la police. Cette attitude des tribunaux prussiens est intéressante ; elle nous donne le mot de la patiente résistance légale soutenue par la majorité de la seconde chambre contre le ministère de M. de Bismark. On peut toujours dire en Prusse : Il y a des juges à Berlin ; mais entre la justice du pays et la police qui sera juge du conflit ?

On ne peut qu’approuver le ministère O’Donnell de la promptitude avec laquelle il exécute le dessein annoncé dès son inauguration et reconnaît le royaume d’Italie. La reconnaissance de l’Italie par l’Espagne est un fait très important. Voilà le pays catholique par excellence qui prend son parti du sort territorial qui est fait à la cour de Rome ; voilà une reine qui oublie que la maison de Naples dépossédée était une branche de sa famille ; voilà le peuple qui a été l’un des derniers envahisseurs de la péninsule, et dont les acquisitions primitives étaient devenues l’héritage de l’Autriche, qui reconnaît la pleine indépendance du peuple italien. En attachant son nom à cet acte diplomatique, le maréchal O’Donnell a mérité les applaudissemens des libéraux européens, et leur donne des espérances qu’il tiendra sans doute à honneur de justifier. Quant à l’Italie, la voilà reconnue par toute l’Europe, sauf par l’Autriche et par quelques principicules allemands. Ce concours de l’Europe autour de l’Italie isole l’Autriche. La cour de Vienne croit-elle qu’il soit bien raisonnable et bien habile de persister dans cet isolement en rêvant platoniquement au traité mort-né de Zurich ? En Amérique, M. Johnson vient d’achever l’organisation provisoire du gouvernement civil dans les anciens états séparés en donnant un gouverneur à la Floride. Il ne s’agit là que d’un régime provisoire qui laisse le temps aux populations du sud de se reconnaître, de se recueillir et de se conformer aux conditions nouvelles de leur existence. Cette situation provisoire ne préjuge rien quant à l’organisation définitive des anciens états esclavagistes. De quelle façon les droits des noirs seront-ils réglés dans les futures constitutions de ces états ? C’est un point sur lequel le congrès aura à se prononcer dans la prochaine session. Pourquoi faut-il que, quand. nous songeons aux États-Unis, nous ayons une autre préoccupation que la curiosité de voir comment ce pays réparera les maux de la guerre civile d’où il sort ? Il y a malheureusement aujourd’hui entre les États-Unis et nous l’affaire du Mexique. Nous le répétons, nous ne craignons point que les États-Unis dirigent contre nous à propos du Mexique une agression délibérée ; cependant la pierre d’achoppement est là, il serait imprudent de l’oublier. La patience politique de M. Seward n’est pas du goût de tous les hommes d’état américains. Deux personnages importans, le secrétaire de l’intérieur, M. Harlan, et l’ancien ami de M. Lincoln, M. Montgomerry Blair, ont fait entendre en de récentes occasions des paroles de mauvais augure sur l’établissement d’un empire au Mexique, sur la doctrine de Monroë, et M. Blair est allé jusqu’à insinuer que dans cette affaire un dissentiment existerait entre M. Seward et le président. Nous ne voulons point prendre ces boutades au tragique, nous ne rions cependant que d’un œil en répétant le cri de Géronte : Qu’allions-nous faire dans cette galère ?

E. FORCADE.


UN DICTIONNAIRE INTERNATIONAL FRANÇAIS ET ANGLAIS[1].


Il n’est pas de livres qui rendent plus de services que les dictionnaires, et à qui l’on en sache moins de gré. Pourtant, avec le peu de goût que nous avons pour l’étude des langues étrangères, il nous siérait de ne pas ménager notre reconnaissance à ceux qui nous facilitent et nous abrègent un travail auquel nous ne nous livrons qu’à la dernière extrémité. À ce titre nous devrions une singulière gratitude aux auteurs du nouveau dictionnaire français et anglais dont la seconde partie, achevée, comme la première, sous la direction de M. Hingray, vient d’être livrée au public. On ne saurait nier que ce double lexique ne soit à plusieurs égards supérieur à ceux qui l’ont précédé. Il arrive souvent dans cette sorte d’ouvrages, quand ils sont dus à une seule personne, que l’une des deux langues qui y figurent est sacrifiée à l’autre. Ici, la collaboration d’hommes compétens des deux pays établit entre les deux langues un équilibre qu’il est difficile d’atteindre à ce degré. Ainsi de part et d’autre la nomenclature a été puisée aux sources les plus pures. Pour qui veut apprendre à fond une langue littéraire comme le français ou l’anglais, il faut, soit qu’on lise les classiques, soit que l’on s’essaie à écrire soi-même, pouvoir suivre les mots dans leur passage du sens propre au sens figuré, du sens particulier au sens général, dans ces acceptions variées que prend chaque vocable un peu important dans tout idiome qui a servi d’instrument à un riche développement intellectuel. Une des parties les plus soignées et qui méritent le plus d’attirer l’attention dans le nouveau dictionnaire, c’est la liste des sens différens de chaque mot ; ces sens, groupés méthodiquement, sont éclaircis dans les deux langues par des exemples tirés des meilleurs auteurs, et surtout des contemporains.

G. PERROT.

V. DE MARS.
  1. Dictionnaire international français et anglais, par MM. H. Hamilton et E. Legros, Ch. Fouraut, 1865, gr. In-8°, 903 pag. à trois colonnes.