Chronique du 31 janvier 1874 (La Nature)

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17 janvier 1874

17 janvier 1874

31 janvier 1874

CHRONIQUE

Éclipse d’un satellite de Jupiter. — Aujourd’hui même où parait notre numéro à 1 h. moins 20 du matin on pourra apercevoir une éclipse du quatrième satellite de Jupiter. Ce phénomène fera d’autant plus intéressant qu’après avoir vu disparaître le corps céleste à l’occident on le verra surgir à l’orient après une éclipse d’à peu près trois heures, temps égal à celui qu’il aura mis à traverser l’ombre. Tout se passera à l’occident de l’astre, puisque l’opposition de Jupiter n’a lieu que le 17 mars. On pourra, à 2 h. 40 observer l’immersion et l’émersion du troisième satellite qui aura lieu dans les mêmes circonstances et qui durera à peu près le même temps, quelques minutes de plus. La durée de ces temps différents dépend de la vitesse du corps céleste et du diamètre de la section de l’ombre qu’il traverse. Malheureusement le voisinage de la lune nuira à ces observations.

Curieuse empreinte de pieds humains sur un bloc erratique. — Deux chasseurs, écrit-on à la Nouvelle Gazette de Zurich, ont trouvé à une lieue d’Eschenbach, dans la montagne, un bloc erratique sous lequel sont empreintes plusieurs marques de pas humains parfaitement nettes. Ce bloc mesure près de deux mètres de longueur sur plus d’un mètre de largeur. Les empreintes sont assez profondes et paraissent provenir de pieds masculins et féminins, chaussés de mocassins semblables à ceux que portent encore les indiens de l’Amérique du Nord. » Le correspondant de la Nouvelle Gazette de Zurich ajoute que cette pierre a dû être évidemment primitivement plus tendre. Cela est certain. Mais peut-être en y regardant de plus près, trouvera-t-on que ces prétendus mocassins sont des empreintes laissées par des palmipèdes antédiluviens. »

Nous ferons observer à notre tour que bien souvent de légères cavités naturelles, imitant tant bien que mal des empreintes de pieds humains, sont dans les campagnes considérées comme telles, sans que mille preuve appuie semblable hypothèse. Dans les Pyrénées notamment il n’y a guère de localité où l’on ne vous montre sur quelque pierre des traces tout à fait légendaires de pas humains.

Nouvelle ascension du Jules-Favre. — M. Eugène Bunelle, depuis les ascensions dont nous avons rendu compte, a exécuté plusieurs voyages aériens à Varsovie. Il devait exécuter également une ascension à Odessa, mais la compagnie du gaz n’ayant point été à même de lui fournir une quantité suffisante, il l’a exécutée à Khorkoff, ville importante de la Russie méridionale, située à peu près a égale distance entre Moscou et Odessa, et station du chemin de fer qui relie les deux villes. L’ascension a eu lieu le 2 novembre à 3 h. 1/2 du soir ; elle s’est prolongée jusqu’à minuit. M. Bunelle avait quatre passagers à son bord, dont une dame venue exprès de Saint-Pétersbourg. Quoique l’aérostat ait toujours dérivé dans la direction du N.-N.-E. , le vent était si faible qu’il n’a fait que 150 kilomètres en 8 h. 1/2, environ 22 kilomètres par heure. La vitesse de la couche aérienne allait en s’accélérant à mesure que l’on s’approchait de terre ; à 300 mètres, l’air faisait 34 kilomètres à l’heure ; à terre, le vent soufflait en tempête. M. Bunelle a été obligé de déchirer son ballon pour effectuer la descente.

Il se trouvait alors dans un steppe désert, commune de Grosnaia, district de Tyne, province de Kourik, à 90 kilomètres de la station de Nicholsky, sur le chemin de fer de Khorkoff à Voronèse. Dans la nuit du 3 au 4, le Jules-Favre arrivait à la station de Nicholsky, et quelques heures après, il faisait son entrée triomphale à Khorkoff.

L’aérostat n’a dépensé que 7 sacs de lest de 16 kilos à faire sa route ; sacs ont été jetés pour franchir une pluie qui est survenue au coucher du soleil. Les nuages étaient à 1 100 mètres. L’aérostat s’est élevé jusqu’à 2 700 mètres. La lune était dans son plein et très-haute. L’ombre du ballon se voyait très-nettetnent à la surface de la terre et a servi à déterminer la vitesse. Il faisait plus chaud en l’air qu’à terre.