Cinna ou la Clémence d’Auguste/CINNA/Acte V
ACTE V.
Scène première.
Prends un siège, Cinna, prends, et sur toute chose
Observe exactement la loi que je t’impose :
Prête, sans me troubler, l’oreille à mes discours ;
D’aucun mot, d’aucun cri, n’en interromps le cours ;
Tiens ta langue captive et si ce grand silence
À ton émotion fait quelque violence,
Tu pourras me répondre après tout à loisir[1] :
Sur ce point seulement contente mon désir.
Je vous obéirai, Seigneur.
De garder ta parole, et je tiendrai la mienne.
Tu vois le jour, Cinna mais ceux dont tu le tiens
Furent les ennemis de mon père, et les miens :
Au milieu de leur camp tu reçus la naissance[2]
Et lorsqu’après leur mort tu vins en ma puissance,
Leur haine enracinée au milieu de ton sein
T’avoit mis contre moi les armes à la main ;
Tu fus mon ennemi même avant que de naître[3],
Et tu le fus encor quand tu me pus connoître,
Et l’inclination jamais n’a démenti[4]
Ce sang qui t’avoit fait du contraire parti :
Autant que tu l’as pu, les effets l’ont suivie.
Je ne m’en suis vengé qu’en te donnant la vie ;
Je te fis prisonnier pour te combler de biens :
Ma cour fut ta prison, mes faveurs tes liens ;
Je te restituai d’abord ton patrimoine[5] ;
Je t’enrichis après des dépouilles d’Antoine,
Et tu sais que depuis, à chaque occasion,
Je suis tombé pour toi dans la profusion.
Toutes les dignités que tu m’as demandées,
Je te les ai sur l’heure et sans peine accordées ;
Je t’ai préféré même à ceux dont les parents
Ont jadis dans mon camp tenu les premiers rangs[6],
À ceux qui de leur sang m’ont acheté l’empire[7],
Et qui m’ont conservé le jour que je respire.
De la façon enfin qu’avec toi j’ai vécu,
Les vainqueurs sont jaloux du bonheur du vaincu[8].
Quand le ciel me voulut, en rappelant Mécène,
Après tant de faveur montrer un peu de haine[9],
Je te donnai sa place en ce triste accident,
Et te fis, après lui, mon plus cher confident.
Aujourd’hui même encor, mon âme irrésolue
Me pressant de quitter ma puissance absolue,
De Maxime et de toi j’ai pris les seuls avis,
Et ce sont, malgré lui, les tiens que j’ai suivis.
Bien plus, ce même jour je te donne Émilie,
Le digne objet des vœux de toute l’Italie,
Et qu’ont mise si haut mon amour et mes soins,
Qu’en te couronnant roi je t’aurois donné moins.
Tu t’en souviens, Cinna, tant d’heur et tant de gloire
Ne peuvent pas sitôt sortir de ta mémoire ;
Mais ce qu’on ne pourroit jamais s’imaginer,
Cinna, tu t’en souviens, et veux m’assassiner[10].
Moi, Seigneur ! moi, que j’eusse une âme si traîtresse ;
Qu’un si lâche dessein…
Sieds-toi, je n’ai pas dit encor ce que je veux ;
Tu te justifieras après, si tu le peux.
Écoute cependant, et tiens mieux ta parole.
Tu veux m’assassiner[11] demain, au Capitole,
Pendant le sacrifice, et ta main pour signal
Me doit, au lieu d’encens, donner le coup fatal ;
La moitié de tes gens doit occuper la porte,
L’autre moitié te suivre et te prêter main-forte.
Ai-je de bons avis, ou de mauvais soupçons[12] ?
De tous ces meurtriers te dirai-je les noms ?
Procule, Glabrion, Virginian, Rutile,
Marcel, Plaute, Lénas, Pompone, Albin, Icile,
Maxime, qu’après toi j’avois le plus aimé[13] :
Le reste ne vaut pas l’honneur d’être nommé :
Un tas d’hommes perdus de dettes et de crimes,
Que pressent de mes lois les ordres légitimes,
Et qui désespérant de les plus éviter,
Si tout n’est renversé, ne sauroient subsister.
Tu te tais maintenant, et gardes le silence,
Plus par confusion que par obéissance.
Quel étoit ton dessein[14], et que prétendois-tu
Après m’avoir au temple à tes pieds abattu ?
Affranchir ton pays d’un pouvoir monarchique ?
Si j’ai bien entendu tantôt ta politique,
Son salut désormais dépend d’un souverain,
Qui pour tout conserver tienne tout en sa main ;
Et si sa liberté te faisoit entreprendre,
Tu ne m’eusses jamais empêché de la rendre ;
Tu l’aurois acceptée au nom de tout l’État,
Sans vouloir l’acquérir par un assassinat.
Quel étoit donc ton but ? D’y régner en ma place ?
D’un étrange malheur son destin le menace,
Si pour monter au trône et lui donner la loi
Tu ne trouves dans Rome autre obstacle que moi[15],
Si jusques à ce point son sort est déplorable,
Que tu sois après moi le plus considérable,
Et que ce grand fardeau de l’empire romain
Ne puisse après ma mort tomber mieux qu’en ta main.
Apprends à te connoître, et descends en toi-même :
On t’honore dans Rome, on te courtise, on t’aime,
Chacun tremble sous toi, chacun t’offre des vœux,
Ta fortune est bien haut, tu peux ce que tu veux ;
Mais tu ferois pitié même à ceux qu’elle irrite[16],
Si je t’abandonnois à ton peu de mérite[17].
Ose me démentir, dis-moi ce que tu vaux,
Conte-moi tes vertus, tes glorieux travaux,
Les rares qualités par où tu m’as dû plaire,
Et tout ce qui t’élève au-dessus du vulgaire.
Ma faveur fait ta gloire, et ton pouvoir en vient :
Elle seule t’élève, et seule te soutient ;
C’est elle qu’on adore, et non pas ta personne :
Tu n’as crédit ni rang, qu’autant qu’elle t’en donne,
Et pour te faire choir je n’aurois aujourd’hui
Qu’à retirer la main qui seule est ton appui.
J’aime mieux toutefois céder à ton envie :
Règne, si tu le peux, aux dépens de ma vie ;
Mais oses-tu penser que les Serviliens,
Les Cosses, les Métels, les Pauls, les Fabiens,
Et tant d’autres enfin de qui les grands courages
Des héros de leur sang sont les vives images,
Quittent le noble orgueil d’un sang si généreux
Jusqu’à pouvoir souffrir que tu règnes sur eux[18] ?
Parle, parle, il est temps.
Non que votre colère ou la mort m’intimide :
Je vois qu’on m’a trahi, vous m’y voyez rêver,
Et j’en cherche l’auteur sans le pouvoir trouver.
Mais c’est trop y tenir toute l’âme occupée[19] :
Seigneur, je suis Romain, et du sang de Pompée ;
Le père et les deux fils, lâchement égorgés,
Par la mort de César étoient trop peu vengés.
C’est là d’un beau dessein l’illustre et seule cause ;
Et puisqu’à vos rigueurs la trahison m’expose,
N’attendez point de moi d’infâmes repentirs,
D’inutiles regrets, ni de honteux soupirs.
Le sort vous est propice autant qu’il m’est contraire ;
Je sais ce que j’ai fait, et ce qu’il vous faut faire :
Vous devez un exemple à la postérité,
Et mon trépas importe à votre sûreté.
Tu me braves, Cinna, tu fais le magnanime,
Et loin de t’excuser, tu couronnes ton crime.
Voyons si ta constance ira jusques au bout.
Tu sais ce qui t’est dû, tu vois que je sais tout :
Fais ton arrêt toi-même, et choisis tes supplices.
Scène II.
Vous ne connoissez pas encor tous les complices
Votre Émilie en est, Seigneur, et la voici.
C’est elle-même, ô Dieux !
Et toi, ma fille, aussi !
Oui, tout ce qu’il a fait, il l’a fait pour me plaire[20],
Et j’en étois, Seigneur, la cause et le salaire.
Quoi ? l’amour qu’en ton cœur j’ai fait naître aujourd’hui
T’emporte-t-il déjà jusqu’à mourir pour lui ?
Ton âme à ces transports un peu trop s’abandonne,
Et c’est trop tôt aimer l’amant que je te donne.
Cet amour qui m’expose à vos ressentiments
N’est point le prompt effet de vos commandements ;
Ces flammes dans nos cœurs sans votre ordre étoient nées[21],
Et ce sont des secrets de plus de quatre années ;
Mais, quoique je l’aimasse et qu’il brûlât pour moi,
Une haine plus forte à tous deux fit la loi ;
Je ne voulus jamais lui donner d’espérance,
Qu’il ne m’eût de mon père assuré la vengeance ;
Je la lui fis jurer ; il chercha des amis :
Le ciel rompt le succès que je m’étois promis,
Et je vous viens, Seigneur, offrir une victime,
Non pour sauver sa vie en me chargeant du crime :
Son trépas est trop juste après son attentat,
Et toute excuse est vaine en un crime d’État :
Mourir en sa présence, et rejoindre mon père,
C’est tout ce qui m’amène, et tout ce que j’espère.
Jusques à quand, ô ciel, et par quelle raison
Prendrez-vous contre moi des traits dans ma maison ?
Pour ses débordements j’en ai chassé Julie ;
Mon amour en sa place a fait choix d’Émilie,
Et je la vois comme elle indigne de ce rang.
L’une m’ôtoit l’honneur, l’autre a soif de mon sang ;
Et prenant toutes deux leur passion pour guide,
L’une fut impudique et l’autre est parricide.
Ô ma fille ! est-ce là le prix de mes bienfaits ?
Ceux de mon père en vous firent mêmes effets[22].
Songe avec quel amour j’élevai ta jeunesse.
Il éleva la vôtre avec même tendresse ;
Il fut votre tuteur, et vous son assassin :
Et vous m’avez au crime enseigné le chemin :
Le mien d’avec le vôtre en ce point seul diffère,
Que votre ambition s’est immolé mon père,
Et qu’un juste courroux dont je me sens brûler,
À son sang innocent vouloit vous immoler.
C’en est trop, Émilie arrête, et considère
Qu’il t’a trop bien payé les bienfaits de ton père :
Sa mort, dont la mémoire allume ta fureur,
Fut un crime d’Octave, et non de l’Empereur.
Tous ces crimes d’État qu’on fait pour la couronne,
Le ciel nous en absout alors qu’il nous la donne,
Et dans le sacré rang où sa faveur l’a mis,
Le passé devient juste et l’avenir permis.
Qui peut y parvenir ne peut être coupable ;
Quoi qu’il ait fait ou fasse, il est inviolable :
Nous lui devons nos biens, nos jours sont en sa main,
Et jamais on n’a droit sur ceux du souverain.
Aussi, dans le discours que vous venez d’entendre,
Je parlois pour l’aigrir, et non pour me défendre.
Punissez donc, Seigneur, ces criminels appas
Qui de vos favoris font d’illustres ingrats ;
Tranchez mes tristes jours pour assurer les vôtres.
Si j’ai séduit Cinna, j’en séduirai bien d’autres[23] ;
Et je suis plus à craindre, et vous plus en danger,
Si j’ai l’amour ensemble et le sang à venger[24].
Que vous m’ayez séduit, et que je souffre encore
D’être déshonoré par celle que j’adore !
Seigneur, la vérité doit ici s’exprimer :
J’avois fait ce dessein avant que de l’aimer.
À mes plus saints désirs la trouvant inflexible[25],
Je crus qu’à d’autres soins elle seroit sensible :
Je parlai de son père et de votre rigueur,
Et l’offre de mon bras suivit celle du cœur.
Que la vengeance est douce à l’esprit d’une femme !
Je l’attaquai par là, par là je pris son âme ;
Dans mon peu de mérite elle me négligeoit,
Et ne put négliger le bras qui la vengeoit :
Elle n’a conspiré que par mon artifice ;
J’en suis le seul auteur, elle n’est que complice.
Cinna, qu’oses-tu dire ? est-ce là me chérir,
Que de m’ôter l’honneur quand il me faut mourir ?
Mourez, mais en mourant ne souillez point ma gloire.
La mienne se flétrit, si César te veut croire.
Et la mienne se perd, si vous tirez à vous
Toute celle qui suit de si généreux coups.
Eh bien ! prends-en ta part, et me laisse la mienne ;
Ce seroit l’affoiblir que d’affoiblir la tienne :
La gloire et le plaisir, la honte et les tourments,
Tout doit être commun entre de vrais amants.
Nos deux âmes, Seigneur, sont deux âmes romaines ;
Unissant nos désirs, nous unîmes nos haines ;
De nos parents perdus le vif ressentiment
Nous apprit nos devoirs en un même moment ;
En ce noble dessein nos cœurs se rencontrèrent ;
Nos esprits généreux ensemble le formèrent ;
Ensemble nous cherchons l’honneur d’un beau trépas :
Vous vouliez nous unir, ne nous séparez pas.
Oui, je vous unirai, couple ingrat et perfide,
Et plus mon ennemi qu’Antoine ni Lépide :
Oui, je vous unirai, puisque vous le voulez :
Il faut bien satisfaire aux feux dont vous brûlez,
Et que tout l’univers, sachant ce qui m’anime,
S’étonne du supplice aussi bien que du crime.
Scène III.
Mais enfin le ciel m’aime, et ses bienfaits nouveaux[26]
Ont enlevé[27] Maxime à la fureur des eaux.
Approche, seul ami que j’éprouve fidèle.
Honorez moins, Seigneur, une âme criminelle.
Ne parlons plus de crime après ton repentir,
Après que du péril tu m’as su garantir :
C’est à toi que je dois et le jour et l’empire.
De tous vos ennemis connoissez mieux le pire :
Si vous régnez encor, Seigneur, si vous vivez,
C’est ma jalouse rage à qui vous le devez.
Un vertueux remords n’a point touché mon âme ;
Pour perdre mon rival, j’ai découvert sa trame.
Euphorbe vous a feint que je m’étais noyé,
De crainte qu’après moi vous n’eussiez envoyé :
Je voulois avoir lieu d’abuser Émilie,
Effrayer son esprit, la tirer d’Italie,
Et pensois la résoudre à cet enlèvement
Sous l’espoir du retour pour venger son amant ;
Mais au lieu de goûter ces grossières amorces,
Sa vertu combattue a redoublé ses forces.
Elle a lu dans mon cœur ; vous savez le surplus,
Et je vous en ferois des récits superflus.
Vous voyez le succès de mon lâche artifice.
Si pourtant quelque grâce est due à mon indice,
Faites périr Euphorbe au milieu des tourments[28],
Et souffrez que je meure aux yeux de ces amants.
J’ai trahi mon ami, ma maîtresse, mon maître,
Ma gloire, mon pays, par l’avis de ce traître,
Et croirai toutefois mon bonheur infini,
Si je puis m’en punir après l’avoir puni.
En est-ce assez, ô ciel ! et le sort, pour me nuire,
A-t-il quelqu’un des miens qu’il veuille encor séduire ?
Qu’il joigne à ses efforts le secours des enfers :
Je suis maître de moi comme de l’univers ;
Je le suis, je veux l’être. Ô siècles, ô mémoire,
Conservez à jamais ma dernière victoire !
Je triomphe aujourd’hui du plus juste courroux
De qui le souvenir puisse aller jusqu’à vous.
Soyons amis, Cinna, c’est moi qui t’en convie :
Comme à mon ennemi je t’ai donné la vie,
Et, malgré la fureur de ton lâche destin[29],
Je te la donne encor comme à mon assassin.
Commençons un combat qui montre par l’issue
Qui l’aura mieux de nous ou donnée ou reçue[30].
Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ;
Je t’en avois comblé, je t’en veux accabler :
Avec cette beauté que je t’avois donnée,
Reçois le consulat pour la prochaine année[31].
Aime Cinna, ma fille, en cet illustre rang,
Préfères-en la pourpre à celle de mon sang ;
Apprends sur mon exemple à vaincre ta colère[32] :
Te rendant un époux, je te rends plus qu’un père.
Et je me rends, Seigneur, à ces hautes bontés ;
Je recouvre la vue auprès de leurs clartés :
Je connois mon forfait, qui me sembloit justice ;
Et, ce que n’avoit pu la terreur du supplice,
Je sens naître en mon âme un repentir puissant,
Et mon cœur en secret me dit qu’il y consent.
Le ciel a résolu votre grandeur suprême ;
Et pour preuve, Seigneur, je n’en veux que moi-même[33] :
J’ose avec vanité me donner cet éclat,
Puisqu’il change mon cœur, qu’il veut changer l’État.
Ma haine va mourir, que j’ai crue immortelle ;
Elle est morte, et ce cœur devient sujet fidèle ;
Et prenant désormais cette haine en horreur,
L’ardeur de vous servir succède à sa fureur.
Seigneur, que vous dirai-je après que nos offenses
Au lieu de châtiments trouvent des récompenses ?
Ô vertu sans exemple ! ô clémence, qui rend
Votre pouvoir plus juste, et mon crime plus grand !
Cesse d’en retarder un oubli magnanime ;
Et tous deux avec moi faites grâce à Maxime :
Il nous a trahis tous ; mais ce qu’il a commis
Vous conserve innocents, et me rend mes amis.
Rentre dans ton crédit et dans ta renommée ;
Qu’Euphorbe de tous trois ait sa grâce à son tour ;
Et que demain l’hymen couronne leur amour.
Si tu l’aimes encor, ce sera ton supplice.
Je n’en murmure point, il a trop de justice ;
Et je suis plus confus, Seigneur, de vos bontés
Que je ne suis jaloux du bien que vous m’ôtez.
Souffrez que ma vertu dans mon cœur rappelée
Vous consacre une foi lâchement violée,
Mais si ferme à présent, si loin de chanceler,
Que la chute du ciel ne pourroit l’ébranler.
Puisse le grand moteur des belles destinées,
Pour prolonger vos jours, retrancher nos années ;
Et moi, par un bonheur dont chacun soit jaloux,
Perdre pour vous cent fois ce que je tiens de vous !
Ce n’est pas tout, Seigneur : une céleste flamme
D’un rayon prophétique illumine mon âme.
Oyez ce que les dieux vous font savoir par moi ;
De votre heureux destin c’est l’immuable loi.
Après cette action vous n’avez rien à craindre :
On portera le joug désormais sans se plaindre ;
Et les plus indomptés, renversant leurs projets,
Mettront toute leur gloire à mourir vos sujets ;
Aucun lâche dessein, aucune ingrate envie
N’attaquera le cours d’une si belle vie ;
Jamais plus d’assassins, ni de conspirateurs[35] :
Vous avez trouvé l’art d’être maître des cœurs.
Rome, avec une joie et sensible et profonde,
Se démet en vos mains de l’empire du monde ;
Vos royales vertus lui vont trop[36] enseigner
Que son bonheur consiste à vous faire régner :
D’une si longue erreur pleinement affranchie,
Elle n’a plus de vœux que pour la monarchie,
Vous prépare déjà des temples, des autels,
Et le ciel une place entre les immortels ;
Et la postérité, dans toutes les provinces,
Donnera votre exemple aux plus généreux princes.
J’en accepte l’augure, et j’ose l’espérer :
Ainsi toujours les dieux vous daignent inspirer !
Qu’on redouble demain les heureux sacrifices
Que nous leur offrirons sous de meilleurs auspices ;
Et que vos conjurés entendent publier
Qu’Auguste a tout appris, et veut tout oublier.
- ↑ Voyez ci-dessus, p. 374 : Quum alteram poni Cinnæ cathedram jussisset : « Hoc, inquit, primum a te peto, ne me loquentem interpelles, ne medio sermone meo proclames ; dabitur tibi loquendi liberum tempus. »
- ↑ Var. Ce fut dedans leur camp que tu pris la naissance ;
Et quand après leur mort tu vins en ma puissance,
Leur haine héréditaire, ayant passé dans toi,
T’avoit mis à la main les armes contre moi. (1643-56) - ↑ Ego te, Cinna, quum in hostium castris invenissem, non factum tantum mihi inimicum, sed natum, servavi. (P. 374.)
- ↑ Var. Et le sang t’ayant fait d’un contraire parti,
Ton inclination ne l’a point démenti :
Comme elle l’a suivi, les effets l’ont suivie. (1643-56) - ↑ Patrimonium tibi omne concessi. (P. 374.)
- ↑ Sacerdotium tibi petenti, præteritis compluribus quorum parentes mecum militaverant, dedi. (Ibidem.)
- ↑ Var. M’ont conservé le jour qu’à présent je respire,
Et m’ont de tout leur sang acheté cet empire. - ↑ Hodie tam felix es et tam dives, ut victo victores invideant. (P. 374.)
- ↑ Var. Après tant de travaux montrer un peu de haine. (1643 in-4o)
Var. Après tant de faveurs montrer un peu de haine. (1643 in-12 et 48-56) - ↑ Quum sic de te meruerim, occidere me constituisti. (P. 374.)
- ↑ Quum ad hanc vocem exclamasset Cinna, procul hanc ab se abesse dementiam : « Non prætas, inquit, fidem, Cinna ; convenerat ne interloquereris. Occidere, inquam, me paras. (P. 374. et 375.)
- ↑ Var. Assurée au besoin du secours des premiers.
Te dirai-je les noms de tous ces meurtriers ? (1643-56) - ↑ Monvel comptait ici les conjurés sur ses doigts ; après le nom de Maxime, il laissait retomber sa main en disant la fin du vers, puis il semblait s’apprêter à reprendre son compte, qu’il abandonnait définitivement en disant : Le reste ne vaut pas l’honneur d’être nommé.Talma admirait fort ce jeu de scène très-familier, mais d’un effet saisissant, et il fut longtemps avant d’oser le pratiquer.
- ↑ Et quum defixum videret, nec ex conventione jam, sed ex conscientia tacentem : « Quo, inquit, hoc animo facis ? » (P. 375.)
- ↑ Ut ipse princeps ? Male, mehercule, cum republica agitur, si tibi ad imperandum nihil præter me obstat. (Ibidem.)
- ↑ Var. Mais en un triste état on la verroit réduite. (1643-56)
- ↑ « Ces vers et les suivants occasionnèrent un jour une saillie singulière. Le dernier maréchal de la Feuillade, étant sur le théâtre, dit tout haut à Auguste : « Ah ! tu me gâtes le soyons amis, Cinna » Le vieux comédien qui jouait Auguste se déconcerta et crut avoir mal joué. Le maréchal, après la pièce, lui dit : « Ce n’est pas vous qui m’avez déplu, c’est Auguste, qui dit à Cinna qu’il n’a aucun mérite, qu’il n’est propre à rien, qu’il fait pitié, et qui ensuite lui dit : « Soyons amis. » Si le Roi m’en disait autant, je le remercierais de son « amitié ». » (Voltaire.)
- ↑ Cedo, si spes tuas solus impedio, Paulusne te et Fabius Maximus et Cossi et Servilii ferent, tantumque agmen nobilium, non inania nomina præferentium, sed eorum qui imaginibus suis decori sunt ? (P. 375.)
- ↑ Var. Cette stupidité s’est enfin dissipée. (1643-56)
- ↑ Var. Oui, Seigneur, du dessein je suis la seule cause :
C’est pour moi qu’il conspire, et c’est pour moi qu’il ose. (1643-56) - ↑ Var. Ces flammes dans nos cœurs dès longtemps étoient nées. (1643-56)
- ↑ Var. Mon père l’eut pareil de ceux qu’il vous a faits. (1643-56)
- ↑ Voyez acte III, scène iv, vers 1035 et 1036.
- ↑ Var. Ayant avec un père un amant à venger. (1643-56)
- ↑ Var. À mes chastes désirs la trouvant inflexible. (1643-56)
- ↑ Var. Mais enfin le ciel m’aime, et parmi tant de maux
Il m’a rendu Maxime, et l’a sauvé des eaux. (1643-56) - ↑ Voltaire, dans l’édition de 1786, a remplacé enlevé par arraché. Il fait commencer la scène au vers 1665.
- ↑ Var. À vos bontés, Seigneur, j’en demanderai deux,
Le supplice d’Euphorbe, et ma mort à leur yeux. (1643-56) - ↑ Il y a destin dans toutes les éditions de Corneille, et même encore dans celle de 1692. Le mot paraît être pris dans un sens conforme à celui de se proposer, résoudre, qu’avait autrefois le verbe destiner (voyez le Lexique). Voltaire a substitué dessein à destin.
- ↑ Voyez ci-dessus, p. 375 : Vitam tibi, inquit, Cinna, iterum do, prius hosti, nunc insidiatori ac parricidæ. Ex hodierno die inter nos amicitia incipiat. Contendamus utrum ego meliore fide vitam tibi dederim, an tu debeas.
- ↑ Post hæc detulit ultro consulatum. (P. 375.) — Cinna fut consul l’an 5 avant Jésus-Christ.
- ↑ Var. Apprends, à mon exemple, à vaincre ta colère. (1643-56)
- ↑ Var. Et pour preuve, Seigneur, je ne veux que moi-même. (1643-56)
- ↑ Ce jeu de scène manque dans les édition de 1643-60.
- ↑ Nullis amplius insidiis ab ullo petitus est. (P. 375.)
- ↑ L’édition de 1682 porte, par erreur, tout, pour trop.