Claude Paysan/010

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La Cie d’imprimerie et de gravures Bishop (p. 48-49).


X


Mais cette demoiselle Fernande, vous ne la connaissez toujours pas encore.

Oh ! ce n’était pas qu’elle fût belle, non, mais jolie par exemple… très jolie.

On aime mieux les jolies filles que les belles qui trop souvent payent leur beauté physique de leur laideur intellectuelle.

Fernande était jolie, elle, de figure, de taille, d’esprit, de sentiment, de cœur, de tout.

À la campagne, n’est-ce pas, les gens des villes ne s’occupent plus guère de toilette, ils deviennent un peu paysans ; et Fernande était heureuse de se faire tailler, suivant ses caprices, des costumes tout simples et unis, d’indienne, de mousseline légère, afin que son corps fut aussi libre sous l’étoffe flottante que son esprit sous le grand air du Richelieu.

Ainsi habillée, elle n’était que plus gentille et adorable ; toujours noble jusqu’aux ongles.

Ses longs cheveux blonds, elle les laissait flotter par insouciance de jeunesse, pour que rien ne fut gêné chez elle. Même sa tête, quand elle courait dans les bois, sur les grèves voisines, elle ne s’inquiétait guère de la couvrir, excepté sous les grands soleils brûlants : ce qui à la fin de l’été brunissait avantageusement sa figure, atténuait le léger bistre de ses yeux doux et sérieux.

Sa bouche, par exemple, était rieuse comme pour se moquer de la gravité singulière de ses yeux. C’est que son cœur était bon et tendre, encore imprégné de cette rosée du matin de la vie qui est l’innocence et que chez elle la joie de vivre se traduisait par ce sourire constant de ses lèvres.

Et chez ses parents quels soins à son égard ; quelles gâteries indicibles, quelles prévenances inouïes, sans nom, ne lui prodiguaient-ils point ! Ah ! c’est qu’ils avaient eu une autre Fernande déjà, qui riait elle aussi de ses lèvres vermeilles, qui avait aussi de longs cheveux blonds et de grands yeux graves et lustrés et qui s’en était allée un vilain soir gris d’automne… son sourire à jamais éteint, ses yeux à jamais fermés. … Mais non, pourquoi cette crainte inutile ?… Celle-ci était si rose, son teint de pêche si vif, ses fines dents blanches si prêtes à mordre à l’avenir, à l’amour prochain.

Oh ! laissez-là donc rire cette Fernande aux yeux graves.