Cocardasse et Passepoil/II/07

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Librairie Ollendorff (p. 134-140).


VII

LE COMBAT DE LA PORTE MONTMARTRE


Mme Dunoyer, toute délicate et sentimentale qu’elle fut, n’eût peut-être pas, ce jour-là, donné sa place pour un fauteuil à l’Opéra. Elle pouvait, en effet, aller voir danser le ballet autant de fois que cela lui était agréable, tandis que le spectacle gratuit qui lui fut donné devant chez elle était de ceux dont on ne jouit pas souvent dans le cours d’une existence.

Cela ne lui déplut point, à en juger par ce qui nous reste de sa lettre, c’est-à-dire la première feuille, les autres pages ayant été dévorées par les rats au fond d’une vieille malle qui fut précisément léguée par héritage à un académicien.

Celui-ci eut plus de respect pour la prose de son ancêtre que n’en avaient eu le temps et les rongeurs. Il recueillit précieusement les débris de l’intéressante missive.

Or, voici ce qu’elle contenait :

« Il se passa sous les fenêtres de notre chambre un combat terrible où Blancrochet et Daubri, les deux plus fameux bretteurs de Paris, furent tués après la plus vigoureuse résistance. C’était à quatre heures après-midi. Tout le monde les regardait faire sans se mettre en état de les séparer, ce qui me surprenait beaucoup ; car à Bruxelles, d’où je viens, on est plus charitable que cela, et pour la moindre querelle on verrait tout un quartier en alarme : mais à Paris on est plus tranquille et on laisse les gens se tuer quand ils en ont envie… M. de Lubière d’Orange, M. de Roucoulle et mon oncle Cotton étaient à nos fenêtres lorsque cette scène se passait, et ils admiraient la bravoure de l’un de ces deux bretteurs, qui se défendait lui seul contre quatre de ses ennemis, dont un seul porta enfin un coup qui le fit tomber à quatre pas de là auprès du corps de son camarade. On les porta tous deux chez un chirurgien… »

Dans les pages qui suivaient et qui nous manquent, il était certainement question des prévôts Cocardasse et Passepoil, de Berrichon et de la bande de Gendry, ainsi que du quatrième adversaire simplement signalé plus haut et que nous allons nommer tout à l’heure.

Ces quelques lignes nous démontrent avant tout que la bagarre n’était pas de minime importance et méritait l’attention d’aussi hauts personnages. Toutefois maître Passepoil ne se douta probablement jamais que l’une des plus jolies transfuges de Bruxelles l’avait admiré en ce moment et que, toute frémissante encore de ce qu’elle venait de voir, elle s’était empressée d’en faire le récit.

Peut-être cela avait-il mieux valu pour lui : l’inflammable prévôt eût été trop tenté de s’attacher aux beaux yeux fixés sur lui et sans doute qu’il eût moins bien vu venir les coups qui lui étaient destinés. Il est probable même que la face des choses en eût été changée.

Il nous faut donc attendre que nous lisions par-dessus l’épaule de l’auteur des « Lettres » ce qu’elle acheva de raconter tout au long, sans connaître comme nous les noms de tous les personnages et les raisons qui les faisaient agir.

Vers les trois heures de l’après-midi, quatre hommes étaient adossés à la maçonnerie de la porte Montmartre et s’entretenaient à voix assez basse pour n’être entendus ni des passants ni des flâneurs qui stationnaient autour d’eux. Ce qu’ils se disaient ne regardaient qu’eux-mêmes, disons toutefois qu’il n’y était nullement question d’œuvres pies.

Gendry, prévenu par Blancrochet que les prévôts allaient venir les trouver là, donnaient ses dernières instructions à sa bande et disait en ce moment :

— Je ne sais trop quel est ce blanc-bec qu’ils traînent derrière leurs chausses ; mais celui-là ne compte guère et il sera facile de l’expédier en deux temps. Dès qu’il aura mordu la poussière, j’attirerai Cocardasse avec l’aide de Jugan ; toi, la Baleine, tu as sur Passepoil l’avantage de la taille et de la force. Il te faudra nous en débarrasser proprement.

— Et moi ? demanda Raphaël Pinto.

— Toi, tu manœuvreras de façon à prendre l’un ou l’autre de flanc, alors qu’ils seront attentifs aux attaques qui leur viendront de face. Cependant, sous aucun prétexte, tu ne le frapperas par derrière ; ce serait nous mettre sur les bras tous les badauds et peut-être quelques amateurs qui nous regarderont travailler.

— S’il y a des mécontents, on les chargera, grogna la Baleine.

— Point du tout, répliqua Gendry. Il faut donner au combat une apparence loyale, malgré que nous soyons supérieurs en nombre. Ils se défendront d’ailleurs assez bien pour que la partie paraisse égale, et ne nous berçons pas de l’illusion que nous en aurons facilement raison. Je connais les coquins, ils ont le diable au corps.

Ils n’avaient pas achevé ces mots que les trois compagnons apparaissaient cent pas plus loin.

— Les voici, murmura Gendry. Vous avez bien compris mes ordres ?…

— Je n’ai pas peur, répondit la Baleine. Leur peau ne vaut plus cher à cette heure.

Si l’on eût pris la peine de le consulter sur ce point nous garantissons que tel n’eût pas été l’avis de maître Cocardasse, qui s’avançait de ce pas dégingandé spécial aux gens d’épée, dont l’habitude est de ployer les jarrets pour se fendre. Les crocs de ses moustaches terriblement relevés effleuraient le bord de son feutre, et sa main droite les tortillait encore, tandis que la gauche, appuyée sur la garde de sa nouvelle rapière, en relevait la pointe par derrière jusqu’au niveau de l’épaule.

À coup sûr, la corporation des traîneurs de rouillardes pouvait s’honorer de compter dans ses rangs maître Cocardasse junior. Depuis qu’il mangeait à bon râtelier et que des vêtements décents avaient remplacé ses loques, bien des œillades féminines passaient par-dessus la tête du pauvre Amable pour aller à son ami. En le voyant marcher, les harengères, poissonnières, regratteuses, ravaudeuses, filles de cabarets, maritornes, servantes de bourgeois et même de gentilshommes, croisaient leurs mains sur les tabliers et s’arrêtaient pour le contempler. Celui qui eût eu l’oreille assez fine pour écouter ce que murmuraient tout bas leurs lèvres, eût sans doute invariablement entendu la même chanson : « Sapristi ! le bel homme ! »

Frère Passepoil, qui sentait et comprenait tout cela, trottinait à ses côtés tout songeur.

— Si l’on nous fondait en un seul, se disait-il à part lui, et que j’aie l’allure de Cocardasse, ou que Cocardasse ait les sentiments et le cœur de Passepoil, les femmes feraient cortège, et pas une ne serait rebelle.

En attendant, il avait beau se hausser pour faire bonne figure, ce n’était pas à lui qu’allait le succès. Il était donc forcé de s’en consoler en songeant qu’il était là pour tout autre chose.

Cocardasse releva le nez et flaira dans le vent. Il venait de sentir et de voir l’ennemi.

— As pas pur, ma caillou ! murmura-t-il de cette voix qui faisait trembler les vitres lorsqu’il y mettait une sourdine, le gibier il est là, tout prêt pour la broche.

Gendry et ses trois acolytes se tenaient dans l’ombre portée par le monument, afin de se garer des rayons du soleil, qui pourtant déclinait déjà à l’horizon. Le dos tourné, ils faisaient mine de ne pas voir venir les prévôts.

Le Gascon, faisant sonner ses éperons et sa rapière, s’avança vers eux en simulant lui aussi de ne les point connaître.

— Té, exclama-t-il tout à coup, chacun a droit à se mettre à l’ombre à son tour… il m’en faut à moi la longueur de mon épée mise au bout de mon bras et sandiéou ! je crois qu’il n’y a pas de place ici pour sept…

— Raison de plus pour t’en aller ailleurs, grommela Gendry.

— Bagasse ! lou couquin, il perd le respect !… Sache bien, maroufle, que des gentilshommes comme mon petit prévôt et moi n’aiment pas qu’on leur serre les coudes… L’ombre elle était à vous tout à l’heure, j’entends maintenant qu’elle soit nôtre !… hé donc !…

Il tira son épée et, de la pointe, traça sur le sol un vaste périmètre englobant tout le terrain abrité contre les rayons du soleil.

Frère Passepoil, très calme, le regardait faire et souriait de son sourire finaud de Normand. Berrichon avait la main à la garde de son épée et bouillait d’impatience, Jugan, qui le toisait, était d’avis, malgré les dires de Gendry, qu’il faudrait peut-être compter avec ce drôle.

La Baleine, imposant de force brutale, s’était adossé contre la pierre et semblait s’y incruster comme une statue gigantesque ; il paraissait aussi insensé de renverser ce colosse que de vouloir jeter bas d’un coup de poing la porte Montmartre.

Déjà les badauds commençaient à s’attrouper. Il n’y avait qu’à regarder tous ces hommes d’épée pour se convaincre que cette querelle d’Allemand allait dégénérer en une formidable rixe.

Dès qu’il eût achevé de tracer son sillon, le Gascon goguenard s’appuya sur sa lame ployée comme un jonc et se campa sur les jarrets, la main gauche à la hanche, le torse bombé, dans une superbe pose de défi et d’insulte qui provoqua les bravos de la foule.

— Pécaïré ! s’écria-t-il d’une voix retentissante ; si dans trois minutes vous n’êtes pas tous les quatre hors de ce cercle, Cocardasse il vous y fera passer la tête la première.

Gauthier Gendry haussa les épaules :

— Si tu veux de l’ombre, ricana-t-il, il n’en manque pas, vers minuit, au creux de l’égout de Montmartre.

L’œil du Gascon lança un éclair sanglant.

— Et pas non plus dans l’autre monde, Gauthier Gendry… Toi qui attaques si bien les gens la nuit, tu dois faire mauvaise besogne au grand jour… Vivadiou ! regarde un peu le soleil en face, mon bon ; tu ne le verras plus tout à l’heure.

Il ne fallait plus qu’un mot pour faire sauter les lames hors du fourreau et le Gascon remuait déjà les lèvres pour le dire.

Il réfléchit qu’il y avait mieux encore à faire.

De la pointe de son épée, il alla cueillir le feutre de Gendry sur sa tête et le fit voler par-dessus les spectateurs, en dehors de la limite tracée.

— Sandiéou !… s’écria-t-il, puisque tu t’obstines à vouloir rester à l’ombre tu n’as que faire de ton couvre-chef.

En un quart de seconde, les adversaires furent en ligne, quatre d’un côté, trois de l’autre.

Gendry et les siens n’osèrent pas rester acculés à la porte, de peur d’y être cloués comme des hibous, et ce fut sous le passage même que la lutte commença.

Ainsi il était impossible de s’attaquer de flanc. La foule fermait les deux bouts du couloir et, pour en sortir, les plus forts seraient obligés de passer sur le ventre des plus faibles.

Le combat commença.

Les jurons de Cocardasse résonnaient sous la voûte et quand il détendait le ressort de ses jambes, que son épée s’allongeait au bout de son grand bras, il couvrait à lui seul plus de la moitié de la longueur du champ.

Tout naturellement il avait devant lui l’ex-caporal aux gardes, tandis que Passepoil tenait tête à la Baleine et que Berrichon ferraillait comme un endiablé contre Yves de Jugan et Raphaël Pinto.

Les coups pleuvaient dru, mais ils étaient aussi bien parés que donnés et l’on eût dit un magnifique assaut dans une salle d’armes. Rien ne portait que les injures qu’on se lançait à la face.

Il n’était pas très juste cependant que Jean-Marie, le moins expérimenté des trois, eût deux adversaires contre lui, d’autant plus qu’il n’y mettait aucune prudence, et se laissait emporter avec l’audace des débutants.

Raphaël Pinto s’en aperçut bien vite et résolut aussitôt d’en profiter, en lui allongeant un coup de Jarnac que, certainement, l’autre ne saurait pas parer.

Mais il avait compté sans Cocardasse, qui, désireux de voir son ancienne Pétronille racheter sa faute, surveillait en même temps son élève. Quand il devina le projet du petit Italien, d’un violent coup de fouet il détourna l’épée de Gendry qui le menaçait lui-même, et décocha à Pinto une formidable estocade au travers de l’épaule.

— Té ! pitchoun ! lui dit-il en riant, t’en voilà pour un mois au moins avant de pouvoir seulement te gratter l’oreille.

La foule applaudit fort à cette boutade et les chances du combat s’étant égalisées, la lutte entra dans une phase plus vive.

La Baleine avait de furieux élans. Chaque fois qu’il s’élançait en avant, chacun s’attendait à voir son adversaire pulvérisé. Il n’en était rien : Passepoil était souple et rusé. Le colosse, beaucoup plus grand que lui, le menaçait sans cesse dans la ligne haute, le Normand estima qu’il serait naïf de ne pas occuper la place qu’on lui laissait par-dessous aussi se glissa-t-il comme une couleuvre, histoire de plonger la moitié de sa lame dans la cuisse de Gruel, qui poussa un cri de rage et se retira en boitant bas.

La situation commençait à devenir grave pour les deux qui restaient. Deux fois déjà, Berrichon avait fait des accrocs au pourpoint d’Yves de Jugan. Si Passepoil se fût tourné, tout d’abord, contre ce dernier, il n’en eût fait qu’une bouchée.

Une gloriole de maître le retint. Cocardasse n’ayant pas besoin de son aide, calme comme s’il eût donné une leçon, frère Amable voulut voir comment s’en tirait Jean-Marie.

— Bien, petit, murmura-t-il, estimant les coups. Un peu plus haut, pare à droite… dégage et fends-toi… Parfait, mais trop tard… Voilà une séance qui te vaut dix ans de salle…

Cocardasse continuait à jurer, et lançait de temps en temps une gasconnade. Jugan était légèrement pâle et Gendry ne riait plus. À la façon dont le prévôt serrait son fer, il devinait que celui-ci était maître de sa vie, et ne s’amusait si longtemps que pour le tuer de lassitude : aussi, songeait-il avec amertume que l’or de M. de Peyrolles ne serait sans doute pas pour lui, et que Blancrochet en aurait la bonne part.

Mais, au fait, où était Blancrochet ?

Gendry, l’ayant aperçu dans la foule, lui fit signe de venir à son secours. Il n’eût pas été fâché de voir le spadassin le décharger d’une partie de la fureur du Gascon, tandis que Daubri se mesurerait à Passepoil.

Les deux compères comprirent qu’il était plus que temps d’intervenir et Blancrochet s’avança en élevant son épée :

— Halte-là ! cria-t-il, et bas les armes un instant. À voir ferrailler les autres, il m’en vient des démangeaisons dans les bras.

Passepoil le regarda d’un air soupçonneux, convaincu qu’il allait se mettre du côté de Gendry :

— Libre à toi de t’aligner, maugréa-t-il, et tu n’as pas besoin d’aller chercher bien loin à qui parler.

— Je me faisais justement cette réflexion, seigneur Passepoil, répliqua le bretteur. Mais j’aime avant tout l’espace, et vous semblez en manquer dans ce boyau, d’autant plus que les cris de Cocardasse seraient capables de faire crouler la porte. Venez un peu sur la place, mes gentilshommes, nous y aurons nos coudées franches, et tout au moins un peu plus d’air.

Les prévôts, qui se trouvaient fort mal pour se battre à l’endroit qu’ils n’avaient pas choisi eux-mêmes, n’élevèrent aucune objection sur ce point.

— Pécaïré ! s’écria Cocardasse, vous avez envie qu’on vous voie mieux mourir !… Cela va être un plaisir de vous satisfaire…

Les spectateurs, maintenant très nombreux, suivirent le mouvement qui déplaçait le lieu de la scène et formèrent un grand cercle autour des escrimeurs qui s’alignèrent de nouveau au beau milieu de la place.

Ce fut à partir de ce moment seulement que Mme Dunoyer put jouir du spectacle qu’elle a décrit et dont le commencement lui avait échappé.

— Cornebiou ! dit paisiblement. Cocardasse en voyant Daubri se mettre en garde contre lui, aux côtés de Gendry, merci de la prévenance, mon mignon ; tu savais donc que le grand air de la rue met en appétit que tu m’offres les bouchées doubles ?… Quoique ça, le compte n’y est plus, et nous allons voir un peu à éclaircir vos rangs, eh donc !

— Éclaircis ta voix d’abord, maître bavard, ricana Daubri, il me semble que tu as peur !

— Ver !… tu parles si bien qu’à toi sera l’honneur de défiler le premier.

— Nous perdons notre temps, opina Passepoil, et ce qui n’est pas galant, nous le faisons perdre à toutes les jolies femmes qui nous font la grâce de nous regarder… Y êtes-vous, messieurs ?

Les épées se croisèrent de nouveau. Ce qu’on avait vu jusque-là n’était qu’un jeu d’enfants auprès de la lutte qui commença. Berrichon et Jugan mis à part, c’étaient de fières lames que celles qui se choquaient à cette heure sur le boulevard Montmartre. Parmi ceux qui assistaient à ce spectacle, il en était de vieux qui n’avaient jamais rien vu de pareil. Les autres devaient en parler longtemps à leurs enfants.

L’acier cliquetait ; les gardes des rapières avaient des vibrations qui sonnaient clair aux oreilles des assistants immobiles et muets. Les cris de combat les hurlements de mort, les appels à la tuerie se croisaient, jaillissaient en imprécations des lèvres écumantes.

Soudain, Daubri tomba, la gorge trouée suivant les règles de la botte adoptée par Cocardasse, qui malgré la leçon à lui donnée par le Petit Parisien à l’auberge de la Pomme d’Adam, ne se sentait pas assez maître du fameux coup droit sur dégagé pour imiter Lagardère.

— Capédédiou ! hurla le Gascon triomphant, je t’avais bien dit que tu ouvrirais la marche… À qui le tour, maintenant ?… À toi, Gauthier Gendry…

Maintenant, celui-ci avait plus souci de se défendre que d’attaquer.

Quant à maître Passepoil, il avait fort à faire avec Blancrochet, qui passait pour l’une des plus fines lames de Paris.

De son côté, il n’y avait pas de cris. Le combat était silencieux et d’autant plus serré ; nul n’était capable de prévoir à qui resterait l’avantage.

L’ex-Pétronille était entre bonnes mains. Le petit Berrichon s’en servait si dextrement que bientôt Yves de Jugan cracha deux dents, rendit le sang par la bouche et s’affala tout de son long. Il est de belles carrières de spadassins ainsi brisées d’un simple coup droit !

En même temps, l’épée de Gendry se brisa tout près de la garde.

Va en chercher une autre, couquin, lui cria le Gascon ; nous allons, en attendant, régler l’affaire de celui-ci.

Blancrochet se trouva avoir devant lui les deux plus redoutables adversaires et ce n’était pas à lui qu’allaient les sympathies de la foule. Jusqu’alors on avait vu les prévôts lutter contre des ennemis supérieurs en nombre, aussi personne ne songea-t-il à protester quand deux épées, au lieu d’une, menacèrent le bretteur. N’était-ce pas lui, d’ailleurs, qui l’avait cherché ?

Blancrochet se vit perdu s’il ne mettait pas en œuvre sa dernière ressource, dont pourtant il n’avait pas pensé avoir besoin.

Il poussa un coup de sifflet strident et six nouveaux spadassins, ses affidés, qui jusque-là étaient mêlés aux badauds, se dressèrent devant les prévôts, l’épée au poing.

Il y eut un long murmure parmi les spectateurs. Mais après tout, que leur importait de voir tomber quelques hommes de plus ? Le combat n’en serait que plus intéressant.

Des applaudissements saluèrent les nouveaux champions.