Code civil des Français 1804/Livre I, Titre XI

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Décrété le 8 Germinal an XI.
Promulgué le 18 du même mois.

Titre XI.
de la majorité, de l’interdiction, et du conseil judiciaire.


Chapitre I.er
de la majorité.

488.

La majorité est fixée à vingt-un ans accomplis ; à cet âge on est capable de tous les actes de la vie civile, sauf la restriction portée au titre du Mariage.

Chapitre II.
de l’interdiction.

489.

Le majeur qui est dans un état habituel d’imbécillité, de démence ou de fureur, doit être interdit, même lorsque cet état présente des intervalles lucides.

490.

Tout parent est recevable à provoquer l’interdiction de son parent. Il en est de même de l’un des époux à l’égard de l’autre.

491.

Dans le cas de fureur, si l’interdiction n’est provoquée ni par l’époux ni par les parens, elle doit l’être par le commissaire du Gouvernement, qui, dans les cas d’imbécillité ou de démence, peut aussi la provoquer contre un individu qui n’a ni époux, ni épouse, ni parens connus.

492.

Toute demande en interdiction sera portée devant le tribunal de première instance.

493.

Les faits d’imbécillité, de démence, ou de fureur, seront articulés par écrit. Ceux qui poursuivront l’interdiction, présenteront les témoins et les pièces.

494.

Le tribunal ordonnera que le conseil de famille, formé selon le mode déterminé à la section IV du chapitre II du titre de la Minorité, de la Tutelle et de l’Émancipation, donne son avis sur l’état de la personne dont l’interdiction est demandée.

495.

Ceux qui auront provoqué l’interdiction, ne pourront faire partie du conseil de famille : cependant l’époux, ou l’épouse, et les enfans de la personne dont l’interdiction sera provoquée, pourront y être admis sans y avoir voix délibérative.

496.

Après avoir reçu l’avis du conseil de famille, le tribunal interrogera le défendeur à la chambre du conseil : s’il ne peut s’y présenter, il sera interrogé dans sa demeure, par l’un des juges à ce commis, assisté du greffier. Dans tous les cas, le commissaire du Gouvernement sera présent à l’interrogatoire.

497.

Après le premier interrogatoire, le tribunal commettra, s’il y a lieu, un administrateur provisoire, pour prendre soin de la personne et des biens du défendeur.

498.

Le jugement sur une demande en interdiction, ne pourra être rendu qu’à l’audience publique, les parties entendues ou appelées.

499.

En rejetant la demande en interdiction, le tribunal pourra néanmoins, si les circonstances l’exigent, ordonner que le défendeur ne pourra désormais plaider, transiger, emprunter, recevoir un capital mobilier, ni en donner décharge, aliéner, ni grever ses biens d’hypothèques, sans l’assistance d’un conseil qui lui sera nommé par le même jugement.

500.

En cas d’appel du jugement rendu en première instance, le tribunal d’appel pourra, s’il le juge nécessaire, interroger de nouveau, ou faire interroger par un commissaire, la personne dont l’interdiction est demandée.

501.

Tout jugement portant interdiction, ou nomination d’un conseil, sera, à la diligence des demandeurs, levé, signifié à partie, et inscrit, dans les dix jours, sur les tableaux qui doivent être affichés dans la salle de l’auditoire et dans les études des notaires de l’arrondissement.

502.

L’interdiction ou la nomination d’un conseil aura son effet du jour du jugement. Tous actes passés postérieurement par l’interdit, ou sans l’assistance du conseil, seront nuls de droit.

503.

Les actes antérieurs à l’interdiction pourront être annullés, si la cause de l’interdiction existait notoirement à l’époque où ces actes ont été faits.

504.

Après la mort d’un individu, les actes par lui faits ne pourront être attaqués pour cause de démence, qu’autant que son interdiction aurait été prononcée ou provoquée avant son décès ; à moins que la preuve de la démence ne résulte de l’acte même qui est attaqué.

505.

S’il n’y a pas d’appel du jugement d’interdiction rendu en première instance, ou s’il est confirmé sur l’appel, il sera pourvu à la nomination d’un tuteur et d’un subrogé tuteur à l’interdit, suivant les règles prescrites au titre de la Minorité, de la Tutelle et de l’Émancipation. L’administrateur provisoire cessera ses fonctions, et rendra compte au tuteur, s’il ne l’est pas lui-même.

506.

Le mari est, de droit, le tuteur de sa femme interdite.

507.

La femme pourra être nommée tutrice de son mari. En ce cas, le conseil de famille réglera la forme et les conditions de l’administration ; sauf le recours devant les tribunaux de la part de la femme qui se croirait lésée par l’arrêté de la famille.

508.

Nul, à l’exception des époux, des ascendans et descendans, ne sera tenu de conserver la tutelle d’un interdit au-delà de dix ans. À l’expiration de ce délai, le tuteur pourra demander et devra obtenir son remplacement.

509.

L’interdit est assimilé au mineur, pour sa personne et pour ses biens : les lois sur la tutelle des mineurs s’appliqueront à la tutelle des interdits.

510.

Les revenus d’un interdit doivent être essentiellement employés à adoucir son sort et à accélérer sa guérison. Selon les caractères de sa maladie et l’état de sa fortune, le conseil de famille pourra arrêter qu’il sera traité dans son domicile, ou qu’il sera placé dans une maison de santé, et même dans un hospice.

511.

Lorsqu’il sera question du mariage de l’enfant d’un interdit, la dot, ou l’avancement d’hoirie, et les autres conventions matrimoniales, seront réglés par un avis du conseil de famille, homologué par le tribunal, sur les conclusions du commissaire du Gouvernement.

512.

L’interdiction cesse avec les causes qui l’ont déterminée : néanmoins la main-levée ne sera prononcée qu’en observant les formalités prescrites pour parvenir à l’interdiction, et l’interdit ne pourra reprendre l’exercice de ses droits qu’après le jugement de main-levée.

Chapitre III.
du conseil judiciaire.

513.

Il peut être défendu aux prodigues de plaider, de transiger, d’emprunter, de recevoir un capital mobilier et d’en donner décharge, d’aliéner, ni de grever leurs biens d’hypothèques, sans l’assistance d’un conseil qui leur est nommé par le tribunal.

514.

La défense de procéder sans l’assistance d’un conseil, peut être provoquée par ceux qui ont droit de demander l’interdiction ; leur demande doit être instruite et jugée de la même manière.

Cette défense ne peut être levée qu’en observant les mêmes formalités.

515.

Aucun jugement, en matière d’interdiction, ou de nomination de conseil, ne pourra être rendu, soit en première instance, soit en cause d’appel, que sur les conclusions du commissaire du Gouvernement.