Code civil des Français 1804/Livre III, Titre XIV

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Décrété le 24 Pluviôse an XII.
Promulgué le 4 Ventôse suivant.

Titre XIV.
du cautionnement.


Chapitre I.er
de la nature et de l’étendue du cautionnement.

2011.

Celui qui se rend caution d’une obligation, se soumet envers le créancier à satisfaire à cette obligation, si le débiteur n’y satisfait pas lui-même.

2012.

Le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable.

On peut néanmoins cautionner une obligation, encore qu’elle put être annullée par une exception purement personnelle à l’obligé ; par exemple, dans le cas de minorité.

2013.

Le cautionnement ne peut excéder ce qui est dû par le débiteur, ni être contracté sous des conditions plus onéreuses.

Il peut être contracté pour une partie de la dette seulement, et sous des conditions moins onéreuses.

Le cautionnement qui excède la dette, ou qui est contracté sous des conditions plus onéreuses, n’est point nul : il est seulement réductible à la mesure de l’obligation principale.

2014.

On peut se rendre caution sans ordre de celui pour lequel on s’oblige, et même à son insu.

On peut aussi se rendre caution, non-seulement du débiteur principal, mais encore de celui qui l’a cautionné.

2015.

Le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l’étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

2016.

Le cautionnement indéfini d’une obligation principale s’étend à tous les accessoires de la dette, même aux frais de la première demande, et à tous ceux postérieurs à la dénonciation qui en est faite à la caution.

2017.

Les engagemens des cautions passent à leurs héritiers, à l’exception de la contrainte par corps, si l’engagement était tel que la caution y fût obligée.

2018.

Le débiteur obligé à fournir une caution doit en présenter une qui ait la capacité de contracter, qui ait un bien suffisant pour répondre de l’objet de l’obligation, et dont le domicile soit dans le ressort du tribunal d’appel où elle doit être donnée.

2019.

La solvabilité d’une caution ne s’estime qu’eu égard à ses propriétés foncières, excepté en matière de commerce ou lorsque la dette est modique.

On n’a point égard aux immeubles litigieux, ou dont la discussion deviendrait trop difficile par l’éloignement de leur situation.

2020.

Lorsque la caution reçue par le créancier, volontairement ou en justice, est ensuite devenue insolvable, il doit en être donné une autre.

Cette règle reçoit exception dans le cas seulement où la caution n’a été donnée qu’en vertu d’une convention par laquelle le créancier a exigé une telle personne pour caution.

Chapitre II.
de l’effet du cautionnement.


Section I.re
De l’effet du Cautionnement entre le Créancier et la Caution.
2021.

La caution n’est obligée envers le créancier à le payer qu’à défaut du débiteur, qui doit être préalablement discuté dans ses biens, à moins que la caution n’ait renoncé au bénéfice de discussion, ou à moins qu’elle ne se soit obligée solidairement avec le débiteur ; auquel cas l’effet de son engagement se règle par les principes qui ont été établis pour les dettes solidaires.

2022.

Le créancier n’est obligé de discuter le débiteur principal que lorsque la caution le requiert, sur les premières poursuites dirigées contre elle.

2023.

La caution qui requiert la discussion, doit indiquer au créancier les biens du débiteur principal, et avancer les deniers suffisans pour faire la discussion.

Elle ne doit indiquer ni des biens du débiteur principal situés hors de l’arrondissement du tribunal d’appel du lieu où le paiement doit être fait, ni des biens litigieux, ni ceux hypothéqués à la dette qui ne sont plus en la possession du débiteur.

2024.

Toutes les fois que la caution a fait l’indication de biens autorisée par l’article précédent, et qu’elle a fourni les deniers suffisans pour la discussion, le créancier est, jusqu’à concurrence des biens indiqués, responsable, à l’égard de la caution, de l’insolvabilité du débiteur principal survenue par le défaut de poursuites.

2025.

Lorsque plusieurs personnes se sont rendues cautions d’un même débiteur pour une même dette, elles sont obligées chacune à toute la dette.

2026.

Néanmoins chacune d’elles peut, à moins qu’elle n’ait renoncé au bénéfice de division, exiger que le créancier divise préalablement son action, et la réduise à la part et portion de chaque caution.

Lorsque, dans le temps où une des cautions a fait prononcer la division, il y en avait d’insolvables, cette caution est tenue proportionnellement de ces insolvabilités ; mais elle ne peut plus être recherchée à raison des insolvabilités survenues depuis la division.

2027.

Si le créancier a divisé lui-même et volontairement son action, il ne peut revenir contre cette division, quoiqu’il y eût, même antérieurement au temps où il l’a ainsi consentie, des cautions insolvables.

Section II.
De l’effet du Cautionnement entre le Débiteur et la Caution.
2028.

La caution qui a payé, a son recours contre le débiteur principal, soit que le cautionnement ait été donné au su ou à l’insu du débiteur.

Ce recours a lieu tant pour le principal que pour les intérêts et les frais ; néanmoins la caution n’a de recours que pour les frais par elle faits depuis qu’elle a dénoncé au débiteur principal les poursuites dirigées contre elle.

Elle a aussi recours pour les dommages et intérêts, s’il y a lieu.

2029.

La caution qui a payé la dette, est subrogée à tous les droits qu’avait le créancier contre le débiteur.

2030.

Lorsqu’il y avait plusieurs débiteurs principaux solidaires d’une même dette, la caution qui les a tous cautionnés, a, contre chacun d’eux, le recours pour la répétition du total de ce qu’elle a payé.

2031.

La caution qui a payé une première fois, n’a point de recours contre le débiteur principal qui a payé une seconde fois, lorsqu’elle ne l’a point averti du paiement par elle fait ; sauf son action en répétition contre le créancier.

Lorsque la caution aura payé sans être poursuivie et sans avoir averti le débiteur principal, elle n’aura point de recours contre lui dans le cas où, au moment du paiement, ce débiteur aurait eu des moyens pour faire déclarer la dette éteinte ; sauf son action en répétition contre le créancier.

2032.

La caution, même avant d’avoir payé, peut agir contre le débiteur pour être par lui indemnisée,

1.o Lorsqu’elle est poursuivie en justice pour le paiement ;

2.o Lorsque le débiteur a fait faillite, ou est en déconfiture ;

3.o Lorsque le débiteur s’est obligé de lui rapporter sa décharge dans un certain temps ;

4.o Lorsque la dette est devenue exigible par l’échéance du terme sous lequel elle avait été contractée ;

5.o Au bout de dix années, lorsque l’obligation principale n’a point de terme fixe d’échéance, à moins que l’obligation principale, telle qu’une tutelle, ne soit pas de nature à pouvoir être éteinte avant un temps déterminé.

Section III.
De l’effet du Cautionnement entre les Cofidéjusseurs.
2033.

Lorsque plusieurs personnes ont cautionné un même débiteur pour une même dette, la caution qui a acquitté la dette, a recours contre les autres cautions, chacune pour sa part et portion ;

Mais ce recours n’a lieu que lorsque la caution a payé dans l’un des cas énoncés en l’article précédent.

Chapitre III.
de l’extinction du cautionnement.

2034.

L’obligation qui résulte du cautionnement, s’éteint par les mêmes causes que les autres obligations.

2035.

La confusion qui s’opère dans la personne du débiteur principal et de sa caution, lorsqu’ils deviennent héritiers l’un de l’autre, n’éteint point l’action du créancier contre celui qui s’est rendu caution de la caution.

2036.

La caution peut opposer au créancier toutes les exceptions qui appartiennent au débiteur principal, et qui sont inhérentes à la dette ;

Mais elle ne peut opposer les exceptions qui sont purement personnelles au débiteur.
2037.

La caution est déchargée, lorsque la subrogation aux droits, hypothèques et privilégiés du créancier, ne peut plus, par le fait de ce créancier, s’opérer en faveur de la caution.

2038.

L’acceptation volontaire que le créancier a faite d’un immeuble ou d’un effet quelconque en paiement de la dette principale, décharge la caution, encore que le créancier vienne à en être évincé.

2039.

La simple prorogation de terme, accordée par le créancier au débiteur principal, ne décharge point la caution, qui peut, en ce cas, poursuivre le débiteur pour le forcer au paiement.

Chapitre IV.
de la caution légale et de la caution judiciaire
.

2040.

Toutes les fois qu’une personne est obligée, par la loi ou par une condamnation, à fournir une caution, la caution offerte doit remplir les conditions prescrites par les articles 2018 et 2019.

Lorsqu’il s’agit d’un cautionnement judiciaire, la caution doit, en outre, être susceptible de contrainte par corps.

2041.

Celui qui ne peut pas trouver une caution, est reçu à donner à sa place un gage en nantissement suffisant.

2042.

La caution judiciaire ne peut point demander la discussion du débiteur principal.

2043.

Celui qui a simplement cautionné la caution judiciaire, ne peut demander la discussion du débiteur principal et de la caution.