Commentaire de la logique d’Aristote/5

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Opuscules de Saint Thomas d’Aquin, tome 5
Librairie Louis Vivès (5p. 174-198).
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TRAITÉ V. Du PRÉDICAMENT AD ALIQUID.

Chapitre I : Ce qu’est ad aliquid, suivant l’intention logique.[modifier]

Après avoir traité des prédicaments absolus, il faut parier des prédicaments relatifs, et d’abord de la relation. Il faut observer que, comme la relation a peu de chose de l’entité, Aristote ne s’en occupe pas, mais seulement des relatifs qui, à raison de leur concrétion, sont susceptibles d’être mieux connus de nous, car il les appelle relatifs à quelque chose et les définit ainsi: Ad aliquid talia dicuntur, quaeumque hoc ipsum quod sunt, aliorum clicuntur, vel quomodolibet aliter ad aliud. Pour comprendre cette définition il faut savoir qu’il y a certaines choses relatives suivant l’attribution, d’autres suivant l’être; d’autres sont relatives réellement, d’autres suivant la raison. On appelle relative suivant l’attribution les choses qui disent de l’objet principal qu’elles signifient ce qui concerne un autre prédicament, et secondairement la relation ou le rapport. Comme la science dit l’habitude de l’âme du principal sujet qu’elle désigne, et elle se trouve ainsi dans la première espèce de la qualité; secondairement, elle dit le rapport à ce qui est susceptible d’être appris, et les sens relative ment au sensible, c’est une certaine puissance dans la seconde espèce de la qualité, tels sont les relatifs suivant la signification. Les relatifs suivant l’être sont ceux qui à l’égard de l’objet principal qu’elles dé signent signifient le rapport à un autre. Les relatifs réels sont ceux qui doivent réellement être rapportés par tout acte circonscrit de l’intelligence, comme le père, le fils. En effet, le père est rapporté au fils et le fils au père par tout acte circonscrit de l’intelligence, parce que le père a réellement engendré le fils, et le fils a réellement été engendré par le père. Il faut observer que, pour que la relation soit réê1le, choses sont requises, deux du côté du sujet, deux du côté du terme, et une du côté des choses qui sont l’objet de la relation. Et d’abord du côté du sujet, il faut que la relation suppose quelque fondement réel en ce qui lui appartient comme sujet. Ainsi le non être ne peut pas avoir de relation réelle. La seconde chose du côté du sujet, c’est qu’il y ait en lui une raison fondamentale, cause et motif de la relation, de sorte que l’objet de la relation renferme quelque chose de réel, comme le moteur dans ce qu’il fait mouvoir renferme une puissance active en vertu de laquelle il peut agir. D’où il suit; qu’à raison du défaut de cette condition la chose comprise n’est pas rapportée réellement à celui qui comprend, parce que la chose comprise en ce qui le concerne est dénommée par l’acte de l’intellection qui ne met réellement rien dans la chose comprise, mais bien dans celui qui comprend. La troisième chose requise, la première du côté du terme, c’est que le terme qui est l’objet de la relation soit une chose quelconque. La quatrième, c’est que le terme soit réellement différent d’un autre corrélatif, car il n’y a pas de relation réelle d’une chose à elle- même. La cinquième, qui regarde les corrélatifs, c’est qu’ils soient du même ordre, c’est-à-dire qu’ils soient tous deux limités au genre et à l’espèce, ou qu’ils soient l’un et l’autre hors du genre, de sorte que la raison du genre et de l’espèce réponde également à tous deux. Quelle que soit celle de ces conditions qui manque dans tout relatif, il n’y aura pas de relatif réel, mais seulement un relatif de raison. C’est pourquoi il n’y a pas de relation réelle de Dieu à la créature, parce que tout ce qui est en Dieu n’est pas dans le genre de relation. D’où il résulte que, bien que Dieu soit réellement le maître de toutes les créatures, et les créatures ses sujettes, néanmoins le maître n’est pas en Dieu un relatif réel, parce que ce domaine n’est pas dans le genre de la relation ex ce quo comme l’espèce opposée correspondante à la servitude de la créature. Il a été traité, fort au long des autres quatre conditions. Il faut remarquer que le domaine du côté de Dieu est quelque chose d’infini, à quoi ne peut pas correspondre d’une manière adéquate la servitude de la créature qui est bornée. Or, l’infini ne correspond pas au fini, parce qu’il est plus étendu. Donc le domaine de Dieu est une relation de raison, tandis que la servitude de la créature est bien une relation réelle; ainsi s’explique ce qui regarde les corrélatifs mentionnés plus haut. En effet, la formule renferme ‘tous les relatifs, tant les relatifs suivant l’attribution, que les relatifs suivant l’être, les relatifs réels comme les relatifs de raison. Car ils sont tous dits ad alia, c’est-à-dire aux corrélatifs, soit dans l’habitude du cas appelé génitif, comme le père est père du fils, soit de toute autre manière, c’est-à-dire dans l’habitude de toute espèce de cas, comme le semblable est semblable au semblable, soit du géni tif, comme une grande montagne relativement à une petite, soit de l’ablatif, comme le supérieur est plus grand que le supérieur. Telle est la première définition.

Chapitre II : De la seconde définition des relatifs qui convient aux relatifs suivant l’être, et aux relatifs réels.[modifier]

Voici secondement la définition de ad aliquic. On appelle ad ah quid les choses dont l’être est de se rapporter en quelque manière à une autre chose. Cette définition ne convient qu’aux relatifs suivant l’être, et aux relatifs réels. Car leur être cor à se rapporter à une autre chose. Il faut remarquer que pour constituer une relation deux choses sont requises, l’une comme fondement, l’autre comme terme, sans lesquelles la relation non seulement ne pourrait pas exister, mais ne pourrait pas même être conçue. Par exemple: La similitude demande deux objets blancs réels, dont l’un est fondement et l’autre terme. En effet, la ressemblance de Socrate blanc avec Platon blanc est dans la blancheur de Socrate en fondement, et comme en terme dans la blancheur de Platon. Il en est réciproquement de même de la ressemblance de Platon avec Socrate, car dans deux choses semblables il y a deux ressemblances, l’une comme le fondement de l’autre, et comme terme de l’autre, il en est ainsi réciproquement de la seconde. Or, quand je dis que la ressemblance de Socrate a sa blancheur comme fondement, il ne faut pas entendre que la ressemblance de Socrate soit en lui quelque chose de différent de la blancheur elle-même; ce n’est que la blancheur en tant qu’elle se rapporte à la blancheur de Platon comme au terme. Si, en effet, la similitude ajoutait quelque chose à la blancheur de Socrate, personne ne pourrait ressembler à un autre sans subir un changement dans sa personne; or on peut ressembler à un autre sans subir aucun changement, la chose est évidente, car si un Indien devenait blanc, il deviendrait semblable à moi, et moi à lui, sans éprouver aucun changement. En effet, la similitude n’ajoute en moi à la blancheur rien qui y soit réellement, comme on le voit évidemment.

Chapitre III : Que la relation ne diffère de son fondement que par la réalité extrinsèque.

Il se produit ici un doute. En effet, les dix prédicaments étant dix genres de choses réellement différents entre eux, si la relation n’a joute rien au fondement, il s’ensuivra qu’elle n’est pas différente du fondement, et de cette manière la similitude et la blancheur ne seront pas dans un fondement différent, ce qui est complètement faux. Il faut dire que la division de l’être en dix prédicaments est une division en dix choses différentes réellement, ou quant à ce qu’ils signifient différentes choses intrinsèquement et réellement, comme la substance, la quantité, la qualité qui se comparent entre elles comme choses différentes, ou quant à ce qu’ils signifient diverses choses extrinsèque- ment, parce que l’un importe une chose différente qui est étrangère au reste, et ainsi la relation diffère de son fondement parce qu’elle importe une opposition de relatif. En effet, de même que nous disons que le tout est diffèrent de sa partie, non pas comme une chose d’une autre, mais comme quelque chose qui importe plus que la partie, car l'homme diffère de l’âme, parce qu’il importe la matière, ce que ne fait pas l’âme, ainsi la relation diffère de son fondement, parce qu’elle signifie une chose de fondement, et un terme opposé que n’exprime pas le fondement. Tel est l’exposé de la seconde définition des relatifs. Si, en effet, le véritable être des relatifs consiste en cela qu’ils importent quelque chose comme fondement et quelque chose de plus, à savoir un terme, il s’ensuit que leur être consiste dans des rapports ad aliud.

Chapitre IV : Que l’entité des relatifs se tire des fondements.[modifier]

Et comme l’entité des relatifs vient en quelque sorte toute des fondements, il faut donc examiner en quoi la relation peut se fonder. Il faut observer, ainsi qu’on le dit communément, que les relatifs se fondent sur trois choses, à savoir, l’action et la passion, la mesure et l’objet mesuré, et l’unité; rien néanmoins n’empêche que la relation ne puisse se fonder immédiatement sur la substance, puisque la matière selon son essence et non pas quelque chose qui lui soit ajouté se rapporte à la forme, et de même la créature au Créateur; mais communément la relation est fondée sur les trois choses que nous venons de dire. En effet, le fondement de la paternité est une action, c’est-à-dire la génération par laquelle un homme engendre un fils; et le fondement de la filiation est une passion ou une génération passive, par laquelle un être est engendré. Il en est de même du maître et du serviteur. D’autre partie double, la moitié, le triple, le quadruple, ainsi de suite sont fondés sur la mesure et sur l’objet mesuré. Il eu est de même de la relation qui existe entre le sens et le sensible, la science et son objet, laquelle est fondée sur la mesure et l’objet mesuré. En effet, l’objet de la science se rapporte à la science, ce qui est sensible au sens comme la mesure à l’objet mesuré. Dans la substance c’est sur l’unité qu’est fondée l’identité, de même que l’égalité dans la quantité, et la similitude dans la qualité, ainsi qu’il a été dit, c’est pourquoi on peut établir diverses espèces de relatifs suivant ces divers fondements. On peut aussi assigner différemment leurs espèces, sur la position, par exemple, comme le père et le maître, sur la supposition, comme le fils et le serviteur, sur l’équivalant, comme égal et semblable, etc.

Chapitre V : Des communautés et des propriétés des relatifs.[modifier]

Pour ce qui est des relatifs qui reçoivent le plus et le moins et la contrariété, et ceux qui ne reçoivent rien de tout cela, il faut savoir que les relatifs reçoivent le plus et le moins et la contrariété quand leurs fondements et leurs termes le reçoivent, et que ceux dont les fondements et les termes ne reçoivent rien de cela, n’en reçoivent pas non plus. Il faut observer que certains relatifs qui sont fondés sur l’unité reçoivent le plus et le moins, comme plus inégal, ainsi qu’il a été dit, à quelque degré que leurs fondements se refusent à le recevoir, et ils sont ainsi fondés sur l’unité quant à l’espèce, et cela s’a joutant avec la privation de plus grand ou de plus petit, et cette privation ne consistant pas dans le divisible et pouvant recevoir intention ou rémission, il s’ensuit que égal reçoit plus ou moins et ainsi des autres. Tous les relatifs se disent en conversion, comme le père, père du fils, le fils, fils du père, et cela convient à tous les relatifs, et il n’est pas nécessaire que la conversion se fasse toujours dans tous les cas semblables. En effet, la science est dite scibilis scientia, et scibile scientia scibile, et non scientiœ. Peur cette conversion, il faut qu’elle se fasse ad aliud et suivant le nom à raison duquel elle est dite ad aliud, car la tête ne se dit pas par conversion par rapport à l’animal. En effet, si la tête de l’animal est dite tête, l’animal ne peut pas néanmoins être dit l’animal de la tête, parce que la tête ne se rapporte pas à l’animal suivant le nom qui e animal, mais suivant un autre qui est muni de tête. C’est pourquoi on dit pour la conversion, caput capitati caput, et capitatum capite capitatum. Aussi quand on ne trouve pas de terme semblable, il est permis de le forger, comme remus ne se dit pas navis renius, hé bien inventons un mot et nous dirons remus rei remitoe remus, et c’est ainsi que se traitent tous les relatifs pour la conversion. Or tous les relatifs sont vrais de leur nature; en effet, si l’être du relatif est de se rapporter ad aliud, comme il a été dit, en établissant un relatif ou établit immédiatement son corrélatif, et par conséquent posita se ponunt, et perempta se perimunt. Le propre des relatifs est qu’en connaissant définitivement une chose, on sache définitivement le reste. Car si la définition est un discours expliquant ce qu’est l’être de la chose, et il faut nécessairement un corrélatif à l’être d’un relatif, celui qui connaît l’être d’un relatif, doit nécessairement connaître l’être de son corrélatif. Tel est le prédicament ad aliquid.

Chapitre VI : Des six autres prédicaments et de leur prédication en commun.[modifier]

Nous allons nous occuper maintenant des six autres prédicaments qui sont appelés principes. Il est à remarquer que comme les prédicaments sont les ordonnances des prédicables, ainsi qu’il a été dit, ils sont conséquemment connus par la prédication ou dénomination; or, une chose peut se dire d’une autre de deux manières dénominative- ment, ou la dénommer. La première manière, c’est que cette prédication ou dénomination se fasse par quelque chose qui soit intrinsèque à ce qui est l’objet de cette prédication ou dénomination, c’est-à-dire qui le complète soit par identité, soit par inhérence, et cela encore arrive de deux façons. Premièrement, lorsque cette dénomination se fait d’une manière absolue et en elle-même, et c’est ainsi que dénomment les trois prédicaments absolus, à savoir, la substance, la quantité et la qualité. C’est pourquoi nous disons Socrate est une substance par identité, ou il est quantus et qualis par inhérence; secondement, quand cette dénomination est ab intrinseco, en important néanmoins quelque chose d’extrinsèque, comme le terme auquel se rapporte ce qui est dénommé, c’est de cette manière que dénomme la relation; comme lorsque nous disons Socrate est égal ou semblable à Platon. La seconde manière, lorsque la dénomination se fait ab extrinseco, c’est-à-dire par ce qui n’est pas dans le dénommé formel, mais qui est quelque chose d’absolu extrinsèque par quoi la dénomination se fait; comme lorsqu’on dit Socrate est agent, cette dénomination vient de la forme fluente qui est acquise dans l’être passif; car la chaleur produite dans l’être passif a l’effet de dénommer quelque chose de chaud, laquelle dénomination est extrinsèque, ne demande rien autre chose pour en être dénommée que le sujet lui-même en qui elle existe. Mais pour la dénomination de telle chose, comme celui qui se chauffe, une autre chose est requise du sujet de toute nécessité, à savoir la cause effective de la chaleur, parce qu’il faut aussi l’être j en qui se fait l’échauffement. Il en est aussi de même du lieu qui est une superficie, une superficie en effet pour dénommer ce dont elle est la superficie ne demande que le sujet en qui elle existe savoir un corps contenant, mais pour dénommer quelque chose, comme le lieu locatum, elle demande autre chose différent du sujet de la surface. C’est de cette manière que dénomment les six prédicaments dont nous nous occupons, et ces prédicament qui dénoniment d’une dénomination extrinsèque importent une réalité différente de la chose dénommée, que n’importent pas les autres prédicaments qui dénomment extrinsèquement, quoique les choses d’où se tire cette dénomination soient les mêmes, et cette différence suffit pour distinguer les prédicaments; c’est aussi de cette manière que ces six prédicaments sont distingués des quatre premiers, c’est-à-dire par les choses extrinsèques qu’ils dénomment, ce que ne font pas les quatre premiers. Or, il faut!savoir que la dénomination ab extrinseco, demande quelque rapport par soi entre l’extrinsèque dénommant et l’être dénommé par lui, parce qu’il est nécessaire que par soi et par la condition des choses, ce mode de dénomination atteigne les choses, c’est pour cela qu’il faut que ce qui opère cette dénomination soit par soi le fondement de quelque habitude. Et comme l’habitude des choses n’est point par soi le fondement d’une habitude, autrement on irait jusqu’à l’infini, aussi cette dénomination ne se fait point par le rapport. Car avoir quelque chose de produit par soi qui appartient à l’action, signifie un certain rapport, et avoir un lieu, et ainsi de suite. Cependant ces prédicaments ne disent pas ces rapports, parce que ce rapport appartient au genre de la relation. Mais les prédicaments sus dits ne disent que l’absolu, comme ce qui dénomme extrinsèquement. En effet, l’échauffement qui est une action dit la chaleur, qui est la forme absolue et dénomme la cause efficiente, à savoir celui qui se chauffe et ainsi de suite. Il en est qui sont d’un autre avis. Car, suivant eux, le rapport est des transcendants, et tout rapport n’est pas dans le genre de la relation, mais le rapport se dit de sept prédicaments, sa voir de la relation et des six principes. C’est là la différence qui existe entre le rapport qui est dans les relatifs et celui qui est dans les six principes. Car dans les relatifs tout rapport exige en même temps dans le terme ad quem un autre rapport qui lui corresponde, je dis dans les vrais relatifs, tandis que dans les six principes le rapport ne demande pas dans le terme ad quem un rapport quelconque qui lui corresponde. En effet, l’action, comme un des six principes, d le rapport dans le mouvement relativement à l’agent. C’est pourquoi ce qui s’effectue entre l’agent et le patient, c’est-à-dire le mouvement s’appelle raison à l’égard de l’agent, et passion à l’égard du patient; néanmoins ce n’est ni dans l’agent ni dans le patient un rapport au mouvement susdit, quoique ce soit un rapport de l’agent au patient, et réciproquement, ces rapports ne sont pas action et passion, mais bien deux relations, c’est-à-dire deux passifs et actifs. Il en est de même dans le rapport du temps à la chose temporelle, et ainsi de suite.

Chapitre VII : Ce que c'est que l’action suivant la raison prédicamentale dans le deux opinions.[modifier]

L’action est la forme suivant laquelle nous sommes dits agir dans ce qui nous est Soumis. Pour comprendre cela il faut savoir qu’il y a deux actions. L’une qui est appelée action immanente, comme être chaud. L’autre qui est appelée transitoire, comme échauffer. L’action immanente n’est pas la cause effective d’une chose qui la mette en acte, mais c’est la même chose qu’être en acte. En effet, être chaud c’est la même chose qu’être dans l’acte de la chaleur, et en vertu de cette action il est dit que l’on fait quelque chose qui est formellement tel, comme la chaleur fait ou rend formellement chaud ce en quoi elle se trouve. Car être chaud se compare à la chaleur comme l’acte second au premier. Il est bon de remarquer que l’on peut prendre de trois manières l’acte second et l’acte premier. La première manière c’est que l’acte premier est une forme quelconque et l’acte second l’action transitoire qui en diffère réellement, dans le même rapport que la chaleur du feu et l’échauffement qu’elle produit; et dans ce sens être chaud n’est pas l’acte second de la chaleur. Dans le second sens l’acte premier est dit la forme qui est subordonnée, et acte second l’acte qui lui est inhérent, comme sont la surface et la chaleur; dans ce sens être chaud n’est pas non plus l’acte second de la chaleur. Dans le troisième sens l’acte premier et second sont pris suivant qu’un seul et même acte peut être pris diversement selon qu’il est considéré en lui-même ou dans quelqu’un où il existe actuellement, comme l’on considère la chaleur suivant qu’elle est une certaine forme en elle-même; mais être chaud importe la même forme dans l’habitude relativement à quelque chose qui en est affecté, parce que être chaud c’est avoir la chaleur, ou être dans la chaleur. Pareillement, concevoir et sentir sont des actions immanentes, parce qu’elles ex priment l’acte de la conception ou de la sensation, l’être en acte dans celui qui conçoit ou qui sent. Or cette action immanente n’est pas directement dans le prédicament de l’action, c’est pourquoi nous nous en tiendrons là pour ce qui la concerne. La seconde notion qui est appelée transitoire constitue le prédicament de l’action. Il faut remarquer qu’ainsi qu’il est dit dans le livre III de la Phys., l’action, la passion et le mouvement sont une seule et même chose. C’est pour quoi l’échauffement n’est autre chose que la chaleur en écoulement, c’est-à-dire en tant qu’elle est un acte de ce qui existe en puissance, ce qui est la même chose que le mouvement. Par exemple: supposons de l’eau réchauffée par le feu, il est certain qu’il y a en elle une chaleur produite par la chaleur du feu, laquelle chaleur considérée suivant son être est une forme, qui est la qualité dans la troisième espèce de la qualité. Suivant qu’elle est en écoulement elle est appelée mouvement parce qu’elle entre de plus en plus en participation avec l’eau. Elle est appelée action en tant qu’elle dénomme le feu qui réchauffe. Car le feu à raison de la chaleur est dit réchauffant dans la première opinion, et en tant qu’elle a un rapport avec le feu, comme à la cause efficiente, c’est une action suivant la seconde opinion, et l’échauffe ment est dit action. Mais l’échauffement est dit passion en tant qu’il dénomme ou importe un rapport à quelque chose qui reçoit en comparaison avec ce dont elle reçoit. C’est pourquoi la raison de l’action, comme prédicament, consiste en ce que action dit forme en mouvement, ou un changement, ainsi qu’il y a lieu par la cause efficiente. Aussi la cause efficiente qu’elle dénomme ou à laquelle elle se rap porte est de la nature de l’action. Il s’ensuit de là que l’action, quoi que la même fondamentalement que la chaleur, étant dans le même prédicament avec l’échauffement, comme elle est une passion, ainsi qu’il a été dit plus haut dans le prédicament de la relation, quoique la similitude soit la même chose que la blancheur, néanmoins comme la similitude importe quelque chose que n’importe pas la blancheur, à savoir un terme ad quem, elle se trouve dans un autre prédicament que la blancheur; de même dans le cas proposé, quoique échauffement comme action dise chaleur en mouvement, parce qu’elle se dit action en tant qu’elle dénomme l’agent dans la première opinion, ou exprime le rapport à l’agent, suivant la seconde opinion, auquel n’ont aucun rapport la chaleur ni l’échauffement comme passion, il s’ensuit que l’échauffement action se trouve dans un autre prédicament que la chaleur ou l’échauffement passion. Ainsi s’explique cette description de l’action; l’action est la forme suivant laquelle nous sommes dits faire ce qui est soumis. C’est, en effet, la forme, qui est n mouvement ou en mutation, suivant laquelle nous sommes désignés ou dénommés comme agents dans la première opinion, ou qui a un rapport avec nous qui agissons comme à la cause efficiente, par la raison que nous agissons sur la chose qui nous est soumise, c’est-àdire la chose qui subit la passion suivant la seconde opinion; on voit ainsi ce que c’est que l’action. Il faut savoir que l’auteur des six principes dit quelque chose de l’action corporelle ou incorporelle que je regarde purement et simplement comme faux, ou demandant quel que explication à raison de son ambiguïté. Il dit, en effet, que l’action corporelle se trouve nécessairement avec le mouvement de l’a gent, ce que je ne crois pas vrai dans toutes les actions des corps, car l’aimant, sans avoir aucune espèce de mouvement, attire le fer; on pourrait observer la même chose à l’égard d’une multitude d’autres agents, c’est pourquoi je ne dirai rien des autres raisons de même va leur qui sont alléguées.

Chapitre VIII : Quelle est l’action qui reçoit le plus et le moins avec la contrariété, quelle est celle qui ne reçoit rien de cela.[modifier]

L’action reçoit le plus et le moins avec la contrariété, mais il n’en est pas ainsi de toute action. Il faut observer que ou l’action exprime la forme qui est en mouvement, comme l’échauffement, qui ne signifie que la chaleur en mouvement, comme dénommant l’agent ou pré sentant un rapport ad aliud; ou elle exprime la forme qui est en mutation et non en mouvement, comme la génération de la substance, et la création. Et comme, ainsi qu’il a été dit, l’action n’ajoute rien à la forme qu’elle exprime, et ne fait que dénommer, suivant la première opinion, ou exprimer le rapport à l’agent suivant la seconde, si la forme qu’elle exprime est en mouvement, on dit que l’action reçoit plus ou moins, ou l’agent qui est concret, comme on a dit dans le prédicament de la qualité que les choses abstraites ne reçoivent pas le plus et le moins, mais bien les concrètes; on dit de même dans celui-ci que quelque chose, c’est-à-dire la caléfaction reçoit le plus ou le moins, parce qu’elle échauffe plus ou moins. Si, au contraire, la forme qu’exprime l’action n’est pas en mouvement mais seulement en mutation, une telle forme n’étant pas propre à recevoir le pius ou le moins, ni par conséquent la contrariété, en prenant la contrariété dans un sens propre, cette action ne reçoit pas non plus le plus et le moins, ni par conséquent la contrariété, en la prenant dans le sens propre. C’est pourquoi celui qui engendre ou qui crée n’est pas dit engendrant ou créant plus ou moins, ainsi s’explique, etc.

Chapitre IX : Le propre de l’action est de produire la passion par soi.[modifier]

C’est le propre de l’action de produire d’elle-même la passion. Il faut observer que, bien que l’action et la passion et les formes, cause du mouvement d’une chose, soient une seule chose, elles sont néanmoins des prédicaments différents à raison de la dénomination diverse ou à cause du divers rapport importé. Voici l’ordre qui existe entre l’action et la passion, car la passion suit l’action qui se produit au-dehors. En effet, si agir n’est autre chose qu’occasionner dans le sujet passif la forme avec le mouvement, et éprouver la passion rien autre chose que recevoir une telle forme, il en résulte nécessairement que toute action est suivie de la passion et que agir est suivi de sentir la passion. On a donc eu raison de dire que le propre de l’action est de produire la passion dans le sujet passif. Voilà ce qui concerne l’action.

Chapitre X : Ce que c’est que la passion formellement, comme prédicament.[modifier]

La passion est l’effet et le produit de l’action. Il faut remarquer que l’action et la passion sont une seule et même chose, à savoir la forme qui est en flux ou in fieri, c’est pourquoi on ne voit pas que la passion un effet de l’action. En effet, si on les considère comme étant une forme, dans ce cas comme la même chose ne peut être cause et e d’elle-même, la passion ne sera pas l’effet de l’action. Si au contraire on les considère comme deux choses, parce que l’action dé- nomme l’agent et la passion le patient, il ne s’en suit pas encore que la passion soit un effet de l’agent. Donc la passion n’est pas l’effet de l’action même. Il faut savoir qu’une chose peut être dite effet d’une autre de deux manières, la première proprement, en tant qu’elle est ou a été produite par elle, et dans ce sens la passion n’est pas l’effet de l’action. La seconde manière c’est quand ces deux choses se font, elles se produisent simultanément de telle sorte que l’on comprenne par une connexion nécessaire que l’une vient après l’autre. D’où il résulte que la première est dite en quelque façon cause efficiente à l’égard de la seconde, comme dans le traité du propre on a dit du clou et du bois dans lequel il est enfoncé quel est leur rapport avec le mouvement, il en est ainsi dans son espèce de la passion par rapport à l’action. Car l’action et la passion sont constituées par l’agent dans un certain ordre nécessaire. Car on conçoit l’agent agissant avant de concevoir ce qu’il fait subir, et ainsi la passion est dite effet de l’action.

Chapitre XI : Que la dénomination de la passion se fait formellement ab extrinseco.[modifier]

Il s’élève un doute au sujet de ce qui a été dit, à savoir que ces six principes dénomment extrinsèquement la substance. Nous avons dit, en effet, que l’action, qui est subjectivement dans le patient, dé nomme l’agent; cela ne semble pas vrai à l’égard de la passion, car elle dénomme le sujet passif en qui elle est formellement et subjectivement. Il faut dire que la forme en flux, qui est le mouvement lui- même, prise en elle-même, est dans le prédicament absolu, la chaleur, par exemple, qui se produit dans l’eau comme étant en flux, se trouve dans le prédicament de la qualité, parce que le mouvement est dans le prédicament de son terme ad quem et il est dit mouvement comme étant en flux. Mais en tant qu’il a telle chaleur, c’est-à-dire que l’eau qui se réchauffe est transmuée par le feu, cette dénomination appartient à la passion comme prédicament. On ne dit pas, en effet, que l’eau devient chaude, parce qu’il y a de la chaleur en elle, mais parce que cette chaleur lui vient de l’agent qui l’échauffe. C’est pourquoi s’il n’y avait pas d’agent échauffant, quelque chaleur qu’il y eût dans l’eau, on ne dirait pas pour cela qu’elle devient chaude, ou subit une passion, mais on dit qu’elle s’échauffe et subit une passion, en tant que cette chaleur est produite par un agent échauffant. Donc cette dénomination ou rapport du sujet passif vient formellement ab extrinseco, par la raison qu’elle importe un agent qu est extrinsèque. Ainsi donc la passion dénomme extrinsèquement le sujet, ou exprime un rapport ab extrinseco. Or la passion reçoit le plus et le moins avec la contrariété de la même manière que nous avons dite de l’action. Ce qu’il faut comprendre suivant ce qui a é exposé plus haut de l’action; tel est le prédicament de la passion, etc.

Chapitre XII : Ce que c’est que le prédicament quando, c’est le temps en tant qu’il dénomme une chose temporelle, ou le rapport du temps aux choses temporelles qu mesure.[modifier]

Quando est ce qui reste de l’adjacence di temps. Or on appelle ici adjacence du temps sa mesure, suivant que le temps est la mesure des choses temporelles. Pour comprendre les termes de cette définition et ce que c’est que quando, il faut observer qu’il est de la nature de la mesure de donner d’une manière certaine la quantité des choses m lorsqu’on l’applique à ces choses par l’opération de l’intellect, et comme il y a deux quantités, à savoir l’extension et la perfection, il y a aussi une mesure pour l’une et l’autre. Nous disons, en effet, que la blancheur est la mesure de toutes les couleurs; car la blancheur contenant plus de perfection et de participation à la lumière que les autres couleurs, en l’appliquant par l’intellect aux autres couleurs, nous acquérons d’une manière certaine la connaissance de la quantité de perfection qui est en eux, mais non de la quantité d’extension. Do même en appliquant au drap une règle de deux coudées, nous connaissons la quantité de son extension. D’un autre côté le temps n’étant autre chose qu’une quantité successive du mouvement, peut être pris à raison de cela en deux sens. Premièrement dans un sens large pour toute quantité successive du mouvement; il y a autant de temps que de mouvements, parce que tout mouvement a une quantité successive qui le constitue formellement en extension de quantité successive, et cette quantité n’est pas un mouvement, mais un accident du mouvement qui le constitue formellement en extension, ou c’est un accident du mobile qui existe en lui par le moyen du mouvement, comme une qualité quelconque, ainsi la couleur se trouve dans la substance par le moyen de la superficie, comme il a été dit plus haut, et c’est à cause de cette succession qu’Aristote, au livre V de la Métaphysique a mis le mouvement dans le genre de la quantité, c’est pourquoi le mouvement n’est dans les autres genres que par la raison du terme du mouvement, suivant ce que nous disons que l’augmentation et la décroissance sont dans la quantité non par la raison qu’elles sont mouvement, mais par la raison du terme auquel elles se rapportent. Mais la succession s’appelle temps dans un sens large, et par ce temps, comme une mesure intrinsèque mesure tous les mouvements, parce que le mouvement est tel que ses successions, elle donne la connaissance certaine de sa quantité, et comme parfois cette suc cession nous est plus connue, nous mesurons par son moyen la succession du premier mobile, comme le dit Aristote, livre IV de la Physique, nous mesurons le temps par nos actions, et notre vie s’écoule par une aussi grande voie, donc il s’est écoulé tant d’heures de temps.

Le temps se prend dans un autre sens plus strict et plus propre pour la quantité successive du premier mouvement, ou pour le mouvement du premier mobile, et cette succession est la plus uniforme et la plus simple, et par conséquent elle est apte à nous faire connaître ce qui concerne les autres quantités successives en la leur appliquant, suivant ce que nous avons dit qu’une chose a duré une heure, un jour; et comme cette succession est une numériquement, il n’y a par conséquent, pour toutes les choses temporelles numériquement, qu’un temps par lequel sont mesurés les autres mouvements en tant que successifs, comme par une mesure extrinsèque. Il faut savoir que tous les autres mouvements sont mesurés par cette succession du premier mouvement comme par une mesure extrinsèque, aussi bien que les parties du mouvement du premier mobile, de sorte qu’une partie de ce mouvement est mesurée par une partie du temps, par une me sure intrinsèque, comme nous disons, cette évolution céleste s’est opérée tel jour, celle-là tel autre, et ainsi des autres mouvements qui sont mesurés dans leurs successions par une mesure intrinsèque. Il faut savoir que la mesure de chaque chose peut se considérer de deux manières. Premièrement dans un sens absolu, c’est-à-dire selon qu’elle est applicable, secondement en tant qu’elle est appliquée à la chose susceptible d’être mesurée. Or, le temps étant une certaine mesure, pourra être considéré de deux manières, absolument, et dans ce sens il s’appelle temps, et dans le second sens, appliqué aux mouvements successifs, soit qu’ils soient des parties du mouvement du premier mobile, soit qu’ils soient d’autres mouvements, ou aux choses mobiles en tant que mobiles. Et comme ces choses ainsi mesurées par le temps sont appelées mesurées, comme nous disons une promenade d’aujourd’hui, c’est en conséquence de cet absolu, c’est-à-dire le temps ainsi dénommant, que se tire le prédicament quando, suivant la première opinion; dans la seconde opinion, c’est lorsqu’il est le rapport du temps comme mesure à la chose temporelle, c’est pour cela que l’on dit que quando est ce qui reste de l’adjacence ou de la mesure du temps. Car le temps, en tant que mesurant une chose temporelle, la dénomme d’une dénomination extrinsèque, et c’est cela qu’il laisse, cela qui est appelé quando dans la première opinion. Pans la seconde, au contraire, quando reste de l’adjacence du temps, car il reste de la mensuration qui s’opère par le temps le rapport du temps qui mesure à la chose mesurée, lequel est appelé quando, et de même que le temps a des parties comme le présent, le passé et le futur, de même aussi quando a des parties, parce que les choses temporelles sont dénommées par toutes ces parties. Nous disons en effet, voilà ce que nous avons fait aujourd’hui, hier, ce que nous ferons demain. On voit ainsi ce que c’est que quando, ce n’est autre chose qu’une forme absolue, qui est le temps dénommant une chose temporelle. Ou bien, suivant la seconde opinion, quando n’est autre chose que le rapport absolu de la forme susdite aux choses temporelles qu’il mesure.

Chapitre XIII : Que quando n’est pas le rapport de la chose mesurée au temps, mais tout le contraire.

Il faut savoir qu’il y en a qui disent que quando n’est pas le rapport du temps qui mesure à la chose temporelle, mais, au contraire, le rapport de la chose mesurée au temps lui-même. Je ne regarde pas cela comme vrai, parce que, suivant ces philosophes, quando rie serait pas une dénomination extrinsèque, mais intrinsèque, et de cette manière il ne serait pas un des six principes qui dénomment extrinsèquement, comme nous l’avons dit plus haut, et il s’ensuivroit, suivant la seconde opinion, que quando serait une relation, parce qu’il serait un rapport ab extrinseco, ce qui est faux. Il faut savoir que la succession du premier mouvement, qui est appelé temps, peut être la mesure des parties du mouvement du premier mobile, de cette manière elle est une mesure intrinsèque, et c’est d’après une telle mesure que se fait la dénomination qui appartient au prédicament quando, comme quand nous disons que telle évolution s’est faite hier ou se fait aujourd’hui. De cette manière, quando se trouve en ce en quoi est le temps; parce que le temps est subjectivement dans le mouvement du premier mobile, et, par conséquent, cette dénomination est dans ses parties qui sont dénommées par les parties du mouvement, comme il a été dit, ou suivant la première opinion, le temps est dans le premier mouvement, quant au fondement du rapport qui est quando. Il y a aussi là le terme du rapport lui-même, c’est-à-dire les parties mesurées du mouvement qui sont le ter de ce rapport, et c’est là ce que veut dire l’auteur des six principes, quand il dit que quando se trouve dans ce en quoi est le temps. Dans un autre sens, le temps peut être la mesure extrinsèque des autres mouvements, et alors c’est d’après lui que se fait la dénomination qui appartient au prédicament quando; c’est ainsi que nous disons, cette promenade s’est faite hier, et de cette manière quando ne se trouve pas dans ce en quoi est le temps, parce que le temps est subjectivement dans le mouvement du premier mobile, et la dénomination qui provient de lui se trouve dans la promenade. Ou bien, suivant la seconde opinion, quando est le rapport fondé dans le temps, dont néanmoins le terme est dans la promenade, et ainsi, en quelque façon, il rie se trouve pas dans ce en quoi est le temps, etc.

Chapitre XIV : Que quando ne reçoit ni le plus ni le moins, et n’a pas de contraire, qu’il se trouve dans tout ce qui commence d’être.[modifier]

Quando ne reçoit ni le plus ni le moins, ‘ et n’a pas de contraire. Car ce prédicament se tire de la forme absolue dénominative, ou il est le rapport de cette forme, et comme le temps d’où se tire quando ne reçoit pas le plus ou le moins, et n’a pas de contraire, il en sera par conséquent de même de quando. Mais c’est le propre de quando de se trouver dans tout ce qui commence d’être. Il faut remarquer qu’une chose commence d’être de quatre manières. 11 y en a qui commencent par le mouvement seul, comme la chaleur dans l’eau qui se réchauffe commence d’être par le mouvement de la caléfaction, bien plus le mouvement est placé dans le genre de ces choses. En effet, l’altération se trouve dans le genre de la qualité dans laquelle se rencontre l’altération. D’autres commencent d’être par le changement qui suit nécessairement le mouvement, comme la forme substantielle est introduite dans la matière par la génération qui suit l’altération dont elle est le terme au moins extrinsèque. D’autres, au contraire, commencent d’être par la mutation ‘qui suit le mouvement, mais non pas de nécessité, comme le matin l’illumination de notre hémisphère qui est précédée du mouvement local du soleil par le moyen duquel elle s’offre à nous, mais ce changement n’est pas nécessaire ment précédé du mouvement, car dès le premier instant de la création du soleil, l’air fut illuminé par le soleil sans aucun mouvement précédent de cet astre. II y en a qui commencent d’être par une simple émanation et non par mouvement ou par mutation, comme les choses qui sont créées. Or, il faut savoir que le temps, soit continu, soit partagé, ou l’oevum (durée intérieure) , constitue certaines mesures par lesquelles certains actes sont destinés à être mesurés, parce qu’ils doivent avoir telle ou telle durée. Or il est des actes dans lesquels, existant numériquement dans l’unité, se trouve une succession, et leur durée consiste à prendre une partie après l’autre; tels sont ceux dont j’ai dit qu’ils commencent d’être par le mouvement seul, et ces actes, lorsqu’ils se font ou lorsqu’ils ont été faits, c’est-à-dire lorsqu’ils sont en repos, sont mesurés par le temps continu. Car, par rapport à eux, le fieri est le mouvement, et le factuni esse est le repos. Or le mouvement et le repos se mesurent par le temps continu, et quando se trouve dans tout acte semblable, comme dans le temps, ainsi qu’il a été dit. Et c’est le propre de quando de se trouver dans tout acte semblable qui commence ainsi d’être. Car cet acte étant proprement mesuré par le temps, il en résulte que la dénomination est aussi proprement prise du temps, de sorte qu’on dit de la promenade qu’elle s’est faite hier ou aujourd’hui, et c’est là quando, comme nous l’avons dit. Ou, suivant la seconde opinion, le temps, comme mesure propre, a un rapport à ces actes, et ce rapport est quando. Donc le propre de quando est de se trouver dans tout acte semblable qui commence d’être ainsi comme dans un terme. Il est d’autres actes dont la durée ne consiste pas à prendre successivement une partie après l’autre, mais en ce que le même indivisible reste permanent, et cet acte est double En effet, il y a certains actes indivisibles dans lesquels il ne se trouve aucune succession, il y a néanmoins d’autres actes destinés à leur succéder, et ces actes eux-mêmes sont destiné à succéder à d’autres, comme les formes substantielles corruptibles, les pensées et les volitions successives des anges. Chacun de ces actes est indivisible, et l’un succède à l’autre. Car une forme succède à l’autre dans la matière première, et néanmoins l’être de cette forme est dans l’in- divisible, et il en est ainsi des pensées et des volitions des anges dont nous venons de parler. D’où il résulte que ces actes sont mesurés par le temps discret. Car chacun de ces actes est mesuré par le moment présent du temps discret, et la succession qui existe entre ces actes est mesurée par le temps discret; or le temps discret se trouve dans le genre de la quantité discrète où l’on place le discours. Car le dis cours n’est pas pris ici pour le son, puisque le son est une qualité, ni pour le nombre des syllabes, parce qu’ainsi il ne serait pas une espèce différente du nombre, ni pour plusieurs temps continus de syllabes, parce que, de cette manière, il ne serait pas une espèce différente du temps continu. En effet, plusieurs parties de temps ne font pas une espèce différente du temps, comme il a été dit; mais il se prend pour la mesure de la prolation de ce son. Car ici il ne s’agit pas seulement de donner plusieurs choses, mais de produire une plus longue durée, suivant que plusieurs choses indivisibles durent plus qu’une seule; c’est pourquoi il faut établir si un nombre appartenant à la mesure de durée quelconque; or, c’est une chose discrète dans ce qui commence d’être ainsi. Et ce qui a ainsi l’être, ce n’est pas quando en tant qu’il est pris ici comme testant de, l'adjacence du temps continu, et si on y trouvait quando de l’adjacence du présent du temps discret, il serait d’une autre nature que quando dont il s’agit ici. Il y a d’autres actes indivisibles qui ne sont pas propres à succéder à d’autres, ni réciproquement, comme l’acte d’être des anges, de l’âme raisonnable et des corps célestes, et l’intellection de l’ange par laquelle il se comprend, laquelle n’est pas successive, la vision béatifique des anges et des âmes. Ces actes sont mesurés par l'œvum, qui est tout à la fois. D’où il suit qùe, bien que ces actes aient commencé d’être par une simple émanation, quando n’est pas cependant en eux, car ils ne se mesurent pas par le temps. Or, nous pouvons dire que quando se trouve dans tous ces actes par une certaine coexistence du temps continu avec leur durée. Nous disons, en effet, quand fut l’ange, hier ou aujourd’hui, non pas néanmoins que l’auge, quant à son être, soit mesuré par le jour d’hier ou le jour d’aujourd’hui, mais parce que le jour d’hier ou le jour d’aujourd’hui a existé en même temps que la durée de l’ange, c’est-à-dire avec son oevum (durée intérieure) , ou parce que son oevum a coexisté avec le temps d’hier ou d’aujourd’hui, et ainsi de suite. Tel est le prédicament quando.