Commentaire sur la grammaire Esperanto 1903/Ch9

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CONJONCTIONS, MODES ET TEMPS

Nous réunissons ces points parce que, en dépit des principes compliqués et souvent contradictoires que nos syntaxes s’efforcent d’établir pour éclairer un peu la marche dans l’emploi des modes et des temps, la vérité est que, très souvent, tout l’édifice croule, tous les principes s’effacent devant la conjonction. C’est elle qui décide en dernier ressort. Or, pour toute autorité, au point de vue de la logique, elle ne peut invoquer que l’usage, c’est-à-dire le caprice, puisque l’usage sur ce point n’est nullement fondé en raison, qu’il varie d’une langue à l’autre, parfois d’un siècle à l’autre.

Au lieu de cette base incertaine et changeante, l’Esperanto en prend une autre aussi sûre et aussi stable que le bon sens humain. Nous le verrons tout à l’heure.

Liste des conjonctions et locutions conjonctives.

Alie, autrement, sinon.

Aliparte, d’autre part, d’ailleurs.

Almenaŭ, au moins, du moins.
Exemple. — Almenaŭ li provis. Au moins il a essayé.

Anstataŭ, au lieu de, au lieu que de, plutôt que de.
Exemple. — Laboru anstataŭ dormi. Travaillez au lieu de dormir.

Antaŭ ol, avant de, avant que.
Exemples. — Antaŭ ol morti, li diris. Avant de mourir, il dit. — Antaŭ ol li foriris. Avant qu’il partît. — Antaŭ ol ni atingos lin, li estos malproksime. Avant que nous l’atteignons, il sera loin.

, ou, ou bien. Aŭ… aŭ, soit… soit (dans le sens de ou… ou).

Ĉar, car, parce que (puisque, comme, vu que, attendu que).

Cetere, au reste, du reste.

Ĉiufoje kiam ou ĉiun fojon kiam, toutes les fois que, chaque fois que.

Ĉu… aŭ, soit que… ou que.

Ĉu… ĉu, soit que. soit que.

De l’ tempo kiam, depuis que.
Exemple. — De l’ tempo kiam li mortis. Depuis le temps qu’il est mort.

De nun, désormais.

Do, donc.
Exemple. — Ni do povas dormi trankvile. Nous pouvons donc dormir en paix.

Dum, tandis que, pendant que.

Dume, cependant, pendant ce temps.

Eĉ se, quand même, alors que.

Escepte se, à moins que.
Exemple. — Mi foriros ; escepte se li venos. Je partirai ; à moins qu’il ne vienne. (Pas de négation ici, en Esperanto, la logique s’y oppose).

Foje kiam, une fois que.
Exemple. — Foje kiam mi promenis. Une fois (un jour) que je me promenais.

Ĝis, jusqu’à ce que.

Ja, à la vérité, de fait.
Exemple. — Li estas ja tre malsana. De fait, il est très malade.

Jen, voilà que ou voici que.

Jen… jen, tantôt… tantôt.

Ĵus, à peine.
Exemple. — Ni ĵus eliris. À peine nous sortions. Nous venions de sortir.

Kaj, et.

K. t. p. ou k. c., et cœtera (Kaj tiel plu, kaj ceteraj).

Ke, que.
Remarque. — Ke ne peut, en aucun cas, remplacer kiu. Par conséquent, quand notre que français est pronom relatif, c’est-à-dire peut se tourner par lequel, laquelle, lesquels, lesquelles, il faut toujours le traduire par kiun, kiujn.
Exemples. — L’homme que je vois… La homo, kiun mi vidas… — Les personnes que vous attendez… La personoj, kiujn vi atendas
Ce qui, se rend toujours par tio, kio et alors on peut sous-entendre tio.
Exemple. — Ce qui me chagrine, c’est que… Tio, kio ĉagrenas min, estas ke…
Ce que, se rend par tio, kion et, dans ce cas, tio ne peut jamais se sous-entendre.
Exemple, — Ce que j’aime lui déplaît. Tio, kion mi amas, malplaĉas al li.
Tel que, se rend par tia, kia ou par tia ke. Les exemples suivants feront distinguer la différence.
Exemples. — Qu’il vienne tel qu’il est. Li venu tia, kia ĝi estas. — Donnez-le moi tel qu’il est. Donu ĝin al mi tian, kia ĝi estas. — Mon épouvante fut telle que je ne pus prononcer un mot. Mia teruro estis tia, ke mi ne povis elparoli unu vorton.
Autant… que, aussi… que, se rendent par tiom… kiom, tiel… kiel.
Exemples. Il en a autant que moi. Li havas tiom, kiom mi. — Il est aussi grand que moi. Li estas tiel granda, kiel mi.
Si… que, tant ou tellement… que, se rendent par tiel… ke, tiom.… ke.
Exemples. — Il est si bon qu’il pardonne tout. Li estas tiel bona, ke li ĉion pardonas. — II l’aime tant, ou tellement (idée de degré) qu’il ne voit pas ses défauts. Li amas lin tiel, ke li ne vidas liajn malbonaĵojn. — Il en a tant (idée de quantité), qu’il ne sait où les mettre. Li havas tiom da ili, ke li ne scias kien ilin meti.
Plus… que, par pli… ol.
Moins… que, par malpli… ol.
Aussitôt que, par tuj kiam.
Exemple. — Aussitôt qu’il fut entré. Tuj kiam li estis enirinta.
Que exclamatif, se rend par kiel ou kiom.
Exemples. — Qu’il est bon ! Kiel bona li estas ! — Que d’hommes ! Kiom da homoj[1] !

Kiam, quand, lorsque (après, si elle suit un passé antérieur).

Kiel ajn malmulte, si peu que.
Exemple. — Kiel ajn malmulte vi volos. Si peu que vous voudrez.

Kiel ankaŭ, aussi bien que.
Exemple. — Mia patro, kiel ankaŭ mi, pensas ke. Mon père aussi bien que moi pensons que.

Kiel eble plej baldaŭ, le plus tôt possible.
Exemple. — Kiel eble plej baldaŭ sendu ĝin al mi. Le plus tôt que vous pourrez, envoyez-le moi.

Kondiĉe ke ou kun la kondiĉo ke, à condition que.

Konsente ke, bien entendu que.

Kontraŭe, au contraire, par contre.

Krom tio, en outre.

Krom tio ke, outre que.

Kvankam, quoique, bien que.

Laŭ tio.… se, selon que.
Exemple. — Laŭ tio, se vi estos bona aŭ malbona, mi vin rekompencos aŭ punos. Selon que vous serez bon ou mauvais, je vous récompenserai ou je vous punirai.

Malgraŭ ke, malgré que.

Malgraŭ ĉio, quand même, après tout.

Nek, ni.

Nek… ankaŭ, ni… non plus.
Exemple. — Mi ankaŭ, moi aussi. Nek mi ankaŭ, ni moi non plus.

Nome, savoir.

Plie, de plus.

Por ke, pour que, afin que.

Same kiel, de même que.
Exemple. — Same kiel la prudento estas donita al la homo, tiel la instinkto estas donita al la besto. De même que la raison a été donnée à l’homme, ainsi l’instinct a été donné à l’animal.

Se, si.

Sed, mais, or.

Se ne, si non, sans quoi.

Se nur, pourvu que.

Se tamen, si toutefois, si pourtant.

Supozite, supposé, pourvu que.

Tamen, pourtant, cependant, toutefois, néanmoins.

Tial, c’est pourquoi, aussi.

Tiam kiam, alors que.
Exemple. — Tiam kiam mi estis riĉa vi… ou kiam mi estis riĉa, tiam vi… Alors que j’étais riche, vous…

Tiamaniere ke, de façon que, de sorte que.

Tiel ke, tellement que.
Exemple. — Li ploris tiel ke… Il pleura tellement que…

Timante ke ou pro la timo ke, de crainte que, de peur que/
Exemple. — Mi tion diris timante ke li venos ou pro la timo ke li venos. Je lui disais cela de peur qu’il ne vint. (Littér. : qu’il viendra. Quelle était ma peur ? Il viendra ; d’où le futur. Pas de négation, car le fait est positif.)

T. e., tio estas, c.-à-d., c’est-à-dire.

Tuj kiam, aussitôt que.

Sekve, par conséquent, partant[2].

  1. Cette longue remarque a pour but de mettre l’adepte bien en garde contre l’emploi irrégulier de la conjonction ke. Nous l’engageons vivement à bien noter toutes les expressions où elle n’est pas admise en Esperanto et à ne pas prendre le français pour guide à cet égard. Cette précaution est d’autant plus nécessaire que le français emploie le même mot (que) comme pronom et comme conjonction, ce qui est passablement illogique, et que, de plus, il s’en sert dans une multitude de cas où il faudrait rationnellement un autre mot. Tenez donc bien compte de cette remarque et relevez en outre, dans la liste des conjonctions, les cas où le que du français est logiquement rendu par un autre mot, car, pas plus en Esperanto que dans une autre langue, le français ne doit être imité dans cet emploi abusif et faux du mot que.
  2. Nos listes d’adverbes, de prépositions et de conjonctions présentent certains mots sous deux rubriques différentes. Le fait est bien intentionnel et vise souvent la commodité pratique. Nous étions d’autant plus fondé à agir ainsi que l’Esperanto regarde ces divers vocables comme des mots simples, destinés à rendre les idées qu’expriment tel adverbe, telle préposition ou telle conjonction de nos langues, mais qu’il ne prétend pas les classer dans une catégorie grammaticale exclusive. Aucune de nos langues n’a d’ailleurs cette prétention, et les grammairiens y enseignent à l’envi que tel mot, rangé dans les adverbes, peut être préposition, et que tel autre, classé dans les conjonctions, peut très bien être adverbe. En réalité, ces mots prennent la nature grammaticale que leur donne leur rôle dans la proposition. Quant à la nature essentielle de certains d’entre eux, qui peut le dire ? Langue de simplicité et de pratique, l’Esperanto n’a pas à nous l’apprendre et à trancher cette question oiseuse qui exerce depuis des siècles — sans résultat d’ailleurs — la sagacité des grammairiens.